- Ton frère a des hommes armés à ses trousses. Si tu n'essaies pas d'aider Glenn et Michale, les flics choisiront la facilité et ils le tueront.
- Qu'ils le buttent ! Il est déjà mort pour moi.
Atterrée, Alissa lui prit le visage mais le vit pleurer.
- Paul ! Ne dis pas une chose pareille alors que tu ne le penses pas, ton visage le montre bien. C'est toi que j'essaie d'aider là. Il faut savoir étudier les choses avant d'en parler. Je sais que tu m'aimes, mais tu ne peux pas dire ça après tout ce que tu m'as raconté sur Jerry. J'ai bien vu les têtes que Glenn et Michale ont faites en me voyant. Eux aussi ils sont en colère, mais ils sont quand même allés sauver ton frère avant que les flics ne fassent du tir au pigeon. Quitte à ce que tu lui fasses la gueule après ou que tu ne le cognes, tu dois lui parler d'abord. Il a besoin de voir son frère et de s'expliquer auprès de lui parce que c'est comme ça que ça doit être. Ce n'est pas comme si je n'avais pas mon mot à dire en plus ! C'est moi qui me suis faite violer dans le garage et crois-moi, il y a été si fort la première fois que j'ai encore l'impression de sentir sa bite en moi. Je sais que c'est écœurant d'entendre ça sur ton frère, mais ça l'est encore plus pour moi de devoir te le dire. Alors si je décide de lui laisser une chance, c'est parce que j'analyse tout comme le ferait un flic. Il faisait nuit et Jerry était drogué, il te cherchait, tu dis qu'il est amoureux de moi... rien n'est cohérent là-dedans. Mais il s'est lancé uniquement parce que sur le moment, j'ai trop cherché à attirer son attention pour lui dire que tu n'étais pas là. La preuve, il m'a seulement embrassée au début, comme s'il avait décidé sur un coup de tête de me dire ce qu'il ressentait. Je suis sûre qu'il aurait été bien plus gentil si je m'étais laissée faire sans le mordre ou le gifler. Son but n'était pas de me faire du mal, c'est la drogue qui a agi sur ses nerfs. Parce que je voyais bien qu'il essayait de m'ignorer, mais je croyais qu'il n'en avait juste rien à faire de ma présence. Je ne pense pas lui pardonner un jour, l'avenir le dira, mais je ne veux pas que tu recherches sa perte à cause de ce que j'ai subi. L'ignorance des gens peut infliger bien pire que la rancune, mais je ne veux voir ni l'un ni l'autre venant de toi.
Pendant sa litanie, les larmes de Paul avaient crû et cela prouva à Alissa qu'elle l'avait suffisamment sensibilisé pour le faire changer d'avis. Et en effet, Paul l'embrassa promptement et profondément sans plus s'occuper de sa lèvre. Se redressant pour lui prendre le cou des deux mains, Alissa se serra contre lui pour sentir entièrement sa présence. Lorsqu'il relâcha ses lèvres, Paul murmura :
- Ça montre quand même qu'il avait encore une petite partie de sa tête s'il t'a évitée, ne le nie pas. J'ai l'impression que tu as pitié de lui.
Après un court silence, Alissa refusa de quitter son homme du regard.
- Disons que ça m'est déjà arrivée d'être malheureuse à cause de sentiments non partagés, comme beaucoup de monde. Je préfère penser que son ignorance était sa façon de combattre la drogue.
Mal à l'aise, Paul lui caressa la main.
- C'est pour ça que tu n'as pas dit aux flics que la caméra du garage était restée allumée ?
- Oui ! Je ne voulais pas qu'ils voient les images. En plus, ça m'aurait forcée à y repenser alors que j'ai l'impression que ça vient juste d'arriver. Mais même s'il m'a fait du mal, tu l'aimes et il n'était pas dans son état normal, alors il n'est pas question que je sois celle qui enverra ton frère en taule. Et s'il n'est pas arrêté, il en paiera bien assez le prix de toute façon.
Malgré ses larmes, Paul afficha un rire gêné :
- Tu sais... si je le pouvais, je te ferais l'amour ici et maintenant.
Ils partagèrent un regard tendre avant que Paul ne sorte de la chambre après un "je t'aime". Elle voulait que Paul aille bien et pour ça, il se devait d'avoir la conscience tranquille en ne souhaitant aucun mal à son frère. Il devait laisser éclater sa rage autrement car s'il le perdait, il ne s'en remettrait jamais.
Sur l'immense toit, Jerry n'avait nulle part où se cacher et les premiers policiers n'ayant pas tardé à se faire entendre, il était donc encerclé. Alors qu'il sentait encore circuler en lui les restes de son ancienne addiction, il dut faire face à l'activité oppressante de la ville autour de lui. Les sirènes de la police, les klaxons, les cris, un hélicoptère... Rien ne put faire baisser son adrénaline et le tout commença à le faire paniquer. Comme prédit par Graves dans la chambre, la police fit très mal son travail. Leur pression liée à la pensée de perdre un suspect en fuite se transmit à celui-ci, qu'ils avaient pour ordre d'arrêter et non de tuer. Mais au lieu de parler, ils criaient et au lieu de tenter de le raisonner, ils pointaient leurs armes sur lui. Et en s'approchant de lui tels des fauves, ils activèrent son instinct de survie. Alors que Jerry serra les poings, prêt à se faire charger par un groupe de personnes contre qui il avait toujours eu une dent féroce, il entendit deux voix qu'il reconnut immédiatement. Cependant, la drogue l'obligea tout à coup à se demander s'il avait ou non bien entendu. Que feraient-ils ici ? Entendait-il des voix ? Après ce que lui avait fait à la femme qu'il désirait, il était seul au monde et plus personne ne l'aiderait jamais.
Sur ses gardes, Jerry s'en prit verbalement au premier homme qui l'approcha.
- Tu veux jouer de la gâchette ?
D'un regard mauvais, ce dernier répondit :
- Donne-moi l'occasion de le faire et je vais te faire voir.
Il reçut un avertissement d'un collègue pour sa provocation, qui ne semblait pas être la première de sa carrière.
- Allen !
Voulant tirer son ami de ce mauvais pas, Glenn approcha le policier le plus proche.
- Ne lui faites pas de mal. Il n'est pas lui-même, il est encore drogué. Les armes à feu lui font peur depuis toujours, c'est pour ça qu'il réagit violemment.
Ce sergent s'avéra plus raisonnable que ses collègues et tenta d'éviter une bavure collective en abaissant son arme.
Pourtant, les autres brandissaient encore leurs armes comme moyen de dissuasion alors que Jerry était désarmé. Pire encore, lorsqu'ils virent Renée passer la porte du toit, la panique s'installa. Elle n'avait écouté aucune personne lui interdisant de retrouver celui qu'elle aimait.
- Renée ? Non mais... reste avec nous ! essaya Michael.
- Rendez-vous, vous n'avez pas d'issue.
Dès que l'appel de l'agent avait retenti contre le musicien, elle l'appela :
- JERRY !
- Mais qu'est-ce qu'elle fait là ? Madame, reculez s'il vous plaît ! ordonna un policier.
- JERRY !
Danzig l'isola pour sa sécurité et Graves put enfin s'approcher de leur ami, faisant fi des manières brutes de la police.
- Jerry, tu vas bien ? Tu me reconnais, non ? Michale ! Tu es encore drogué ou tu te sens mieux ?
Son ami lia leurs regards et réalisa qu'il n'avait pas halluciné.
- Je... elle... Alissa ! dit-il tristement.
Ce qu'il avait fait le rongeait de plus en plus avec la diminution des effets de la drogue.
- Oui ! approuva doucement le chanteur.
Par la croissante émotivité qui se manifesta chez l'aîné à cet instant, il le jugea en état de comprendre. Jerry commença à pleurer alors par sécurité, Michael demanda aux policiers derrière lui de se tenir à distance le temps qu'il ne le maîtrise. Par orgueil, le dénommé Allen refusa de lui laisser cette chance et vint attraper brusquement le bras de Caiafa. Le concerné se tourna et le frappa violemment au visage, avant de se jeter sur lui pour le projeter au sol. Alors qu'il allait se défouler, il sentit Graves le ramener en arrière.
- CANALISEZ-LE ! MAINTENEZ-LE !
Ces conseils, peut-être que Graves aurait pu les appliquer à la lettre s'ils n'avaient pas été "crachés" ainsi. Mais le monde autour commença à tourner et Gerald prit le dessus sur son ami alors qu'il avait baissé la garde. Il se dégagea brutalement, reculant jusqu'à buter contre le bord du toit.
- NON ! hurla Graves.
Tout le monde avait sursauté alors que le bassiste avait manqué de passer par-dessus, retenu de justesse par les bras d'un homme que personne n'avait vu arriver. Tout le monde se précipita rapidement, à la fois pour le maîtriser mais surtout pour l'éloigner du bord. Police, amis, petite amie... tous agirent. De même que Paul qui était venu et qui en un seul mouvement, avait pu gérer cette délicate situation. Car bien qu'il était aussi musclé que son frère, il en avait plus fait usage dans la vie. Les fanatiques impolis qui s'étaient de trop nombreuses fois invités sur la scène pendant les concerts pouvaient en témoigner. Paul avait un uppercut à la hauteur de sa façon de gratter sa guitare. Son frère aîné était sportif mais trop gentil pour user ses muscles par la violence, cela était extrêmement rare.
Pleurant sans retenue, Jerry se laissa faire lorsque des bras vinrent faire passer les siens derrière son dos avant de le mettre à genoux.
- Alissa ! Alissa ! murmura t-il.
Apeurés de l'entendre prononcer ce prénom alors que Paul se trouvait derrière lui - bien qu'il l'ignorait -, Glenn et Michael veillèrent à ce que les officiers n'abusent pas de la force sur lui, mais s'étonnèrent que Renée ne soit aussi peu "touchée" de l'entendre citer cette femme qu'il avait violée. Paul se contrôla en repensant à tout ce que lui avait dit sa compagne, et montra enfin à son frère qu'il était à ses côtés.
- Jerry !
L'aîné prit peur et sans grande surprise, il détourna le regard avant de fermer les yeux.
- Bloquez-lui les bras et plaquez-le sur le ventre. Il est incroyablement fort ce type ! grogna Allen.
Alors que Jerry tenta de se dégager lorsque le policier zélé voulut le mettre à terre, Renée vint s'abaisser devant lui et lui prit le visage.
- Tu dois faire ce qu'ils disent, Jerry. Je serai avec toi.
- Pardon de ne pas être digne de toi !
- Tu l'es, crois-moi.
Puis ils s'embrassèrent longuement avant qu'il ne taise d'autres larmes dans son cou, pendant qu'elle regardait Paul avec compassion. Ils entendirent à cet instant deux policiers parler entre eux.
- Pourquoi il n'est pas en chemise d'hôpital au fait ?
- Ils ont eu trop de mal à le maintenir en vie. Il n'arrêtait pas de s'agiter et les calmants ne suffisaient pas, difficile de penser à le changer dans un moment comme ça. Il a même failli tuer un médecin.
- C'était dû à la drogue ! intervint Glenn.
- Qu'est-ce qu'on en sait ? C'est votre pote alors vous pourriez nous mentir pour le couvrir !
Danzig s'approcha de lui avec mépris.
- Parce que vous ne mentiriez pas pour un des vôtres ? On connaît les flics comme vous. Vous êtes solidaires juste pour votre uniforme, mais la véritable amitié vous ne savez pas tous ce que c'est. Je le connais depuis très longtemps et Jerry n'a rien d'un meurtrier.
Alors qu'ils poursuivaient cette discussion stérile, Renée regarda l'officier le plus proche et demanda à accompagner et habiller elle-même son petit ami pour être sûre que toute procédure médicale et légale envers Jerry soit respectée. Acceptant, ce dernier releva l'homme avec son aide et alors qu'ils entamèrent la marche, elle s'arrêta devant le cadet.
- Je suis vraiment désolée pour Alissa. Je savais qu'il en aimait une autre mais j'ignorais de qui il s'agissait. C'est vraiment elle alors ?
Le guitariste hocha la tête, surpris de réaliser qu'elle était au courant, mais cela ne fit qu'augmenter les pleurs de son amant que les policiers forcèrent à avancer. Hésitant par peur d'être la conjointe du coupable, Renée demanda :
- Tu me permets d'aller la voir après ?
Paul ne réfléchit pas une seconde et accepta sa demande puisqu'il savait qu'elle n'avait rien à voir dans ce qui était arrivé à sa copine. De plus, sans être des amies proches, Alissa et Renée s'étaient déjà vues de nombreuses fois lors de rassemblements familiaux. À l'inverse de son frère, Paul pouvait se permettre de côtoyer Renée puisqu'il n'avait pas de sentiments interdits sur la conscience. Pourtant, aucun des trois n'avait jamais réalisé que Gerald mettait un point d'honneur à être absent lorsqu'eux étaient tous réunis pour faire la fête. Ainsi, personne ne pouvait désigner la présence d'Alissa comme en étant la cause. Pour eux avant, Jerry avait toujours "des empêchements".
Des cris leur firent tourner la tête vers les policiers qui s'était réunis autour de Jerry. Ce dernier avait recommencé à se débattre et venait de se faire plaquer violemment sur le béton.
- Qu'est-ce que vous foutez ? demanda Glenn.
Alors que Michael les écarta pour relever son ami, un policier essoufflé montra Renée du doigt.
- Vous deviez nous suivre, mais vous êtes restée en arrière. Il a juste fallu qu'il remarque votre absence et il a recommencé à s'agiter alors maintenant, vous restez avec nous.
Connelly s'excusa à la fois auprès d'eux, puis enfin auprès de son homme. Mais alors qu'elle le retourna pour le serrer contre elle, elle remarqua que le choc contre le sol l'avait blessé à l'arcade et ce fut elle qui s'emporta contre les uniformes. Voyant la situation dégénérer davantage alors qu'elle ne parvenait déjà pas à s'améliorer, Paul s'en mêla. Il força Renée à avancer et prit également son frère par les épaules en murmurant :
- Allez mon frère, du calme ! Retourne gentiment à ta chambre, fais-moi plaisir. Renée sera avec toi et je vous rejoins après.
Regardant son frère être emmené cette fois sans opposer de résistance grâce à Renée, Paul se repassa les dernières minutes.
- Comment ça se fait ?
Se tournant vers lui après sa question, Glenn attendit qu'il précise.
- Comment il peut encore prononcer son prénom après lui avoir fait une telle chose ?
L'incompréhension plus que la rage sonnant dans sa bouche, Michael s'avança vers lui.
- Ça s'appelle du remord. Je te rappelle qu'il est amoureux d'Alissa, et pas qu'un peu. Je suis sûr que si tu l'autorisais maintenant à coucher avec Alissa - et si bien sûr elle était d'accord -, il foncerait sans hésiter.
Le guitariste fronça les sourcils afin de montrer le dégoût que ces mots lui avaient provoqué.
- Ne le prends pas mal mais quand on aime vraiment une femme, on ne la partage pas. Si tu le fais avec la tienne, garde-le pour toi.
- Certains crient à la révolte, mais d'autres ne voient pas forcément les choses comme ça. Regarde, il y a des relations polyamoureuses qui fonctionnent parfaitement même si tout le monde n'est pas amoureux de tout le monde. Après, il y en a qui tirent des coups partout juste parce qu'ils ne savent pas se retenir.
- Tu n'es quand même pas en train de me conseiller d'entamer une relation à trois avec Alissa et mon propre frère ?
Effaré, Graves rigola tout de même.
- Mais non !
De son côté, Danzig afficha une mine légèrement perdue mais amusée en voyant où allait la discussion.
- En plus, ça aurait été à quatre puisqu'il y a Renée ! souligna t-il.
- Ben oui bien sûr, autant équilibrer les sexes ! ironisa Paul.
- Tu sais, tu ne serais pas le premier homme à faire ça avec son frère ! poursuivit Glenn.
Croisant les bras, le guitariste fondit dans ses yeux.
- J'espère que tu parles du partage de copines et pas de baiser directement avec Jerry ?
Glenn se tut en détournant le regard et Paul sut qu'il avait pensé de travers. Ils décidèrent donc de garder le silence quelques secondes mais finirent par partir dans un fou rire. Cependant, le troisième ne parvint pas à trouver à plaisanter dans cette conversation. Encore sérieux, Michael fixait les immeubles tout autour de l'hôpital et soupira.
- Tout ça pour dire que même s'il a tout fichu en l'air, les sentiments de ton frère sont sincères. Bon et puis ils attendent quoi pour finir leurs putains d'analyses ?
Son humeur étant contagieuse, Paul soupira et rétorqua à ce propos que selon lui, son frère n'avait pas assez approché Alissa pour pouvoir ressentir quoi que ce soit de pur pour elle. Tout pour lui n'était qu'observation et surtout perversion. Ses amis n'en dirent rien, mais pour eux Paul ne parlait ainsi que par ressentiment envers Jerry. Glenn savait par expérience qu'il était possible de tomber amoureux sans pour autant approcher la personne concernée. L'observer, l'écouter parler aux autres ou même plaisanter avec eux... tout jouait et c'était par tout cela que Jerry avait du passer. Son seul problème avait été de contenir le poids de ses sentiments jusqu'à s'en comprimer le cœur, afin de ne pas faire de mal à l'homme qui comptait le plus pour lui : Paul.
- Au fait... pour Renée, c'est quoi son problème pour s'accrocher autant ?
Ses amis se tournèrent dans la direction pointée par Paul alors qu'il avait étrangement changé de ton. Il regardait la concernée disparaissant avec son amant et la police dans le bâtiment. Apparemment agacé par le sujet qui s'éternisait, Graves se posta à côté de lui et lui tapota la tempe de son index.
- Toc toc ! Son problème c'est le même que celui de Jerry avec Alissa. Je l'ai dit, elle est accro et ce n'est pas de sa faute si c'est à la mauvaise personne.
Pestant, le guitariste hocha la tête en pensant à son frère.
- Oui mais elle n'a aucune fierté, elle ne remarque pas qu'il n'en a rien à foutre d'elle.
- Ho !
Michael venait de hausser le ton sur lui pour la première fois depuis leur rencontre et le musicien n'apprécia pas du tout. Mais ce ne fut pas sa taille ou sa musculature qui impressionnèrent le plus jeune même lorsqu'il effectua deux pas lourds vers lui. Par prudence, Glenn soupira en se plaçant au milieu et Michael s'exprima.
- Si vraiment elle le pensait, elle serait déjà à des kilomètres de ton frère parce qu'elle n'est pas stupide. Jerry est loin d'en avoir "rien à foutre" comme tu dis. Il l'aime et c'est vrai. Il a des sentiments pour elle mais ils ne sont juste pas aussi forts que ceux qu'il a pour Alissa, c'est malheureux mais tu dois l'accepter. Renée a appris à vivre avec, c'est elle qui me l'a dit. Jerry a été honnête avec elle dès le départ. Il lui a dit qu'il aimait une autre femme qu'il n'avait pas le droit d'aimer, mais qu'il n'arrivait pas à l'oublier non plus. Ce qu'elle ne savait pas jusqu'à hier, c'était qu'il s'agissait de la petite amie de son frère. Peut-être qu'au fond de lui, il voulait l'empêcher de s'accrocher en lui disant ça mais il n'aurait pas joué avec elle.
Caiafa ne trouva plus rien à dire, il en avait juste marre que tout le monde lui fasse la morale. Il avait tout de même le droit d'en vouloir à son frère ! Et lui, que tout le monde voyait comme une victime ! Il avait tout de même violé une femme, et pas n'importe laquelle. Bien que Paul commençait à peine à peser le pour et le contre, il avait le droit de se montrer tel qu'il se sentait à l'intérieur. Un esprit enragé et vindicatif. Après tout, même si son frère s'était drogué avant de faire du mal à Alissa et que cela n'avait pas été prémédité, c'était inexcusable et les autres n'avaient pas leur mot à dire. "Elle ne pourra peut-être plus me regarder sans voir Jerry. Il l'a peut-être traumatisée aussi et elle sera dégoûtée quand on fera l'amour" pensa t-il. Puis sans un mot, il repartit en direction de la porte et laissa ses deux amis derrière. Il s'arrêta juste quelques mètres plus loin le temps de leur dire :
- Vous pouvez allez voir Alissa au fait, ça lui fera plaisir !
Il entendit leur joie mais poursuivit son chemin. Bien que le numéro de la chambre ne lui avait pas été communiqué, un seul patient se trouvait au sixième étage et la présence de la police devant la porte à surveiller lui indiquerait la bonne.
ooOOoo
- Pas question que je me foute à poil !
Dans la chambre où Gerald aspirait à un semblant d'intimité, Paul constata que personne ne daignait la lui laisser par manque de confiance. Pas question pour les officiers de le laisser à nouveau attaquer un médecin ou tenter de s'enfuir, avec ou sans drogue dans le sang. Exténué d'en être arrivé à tant de péripéties un matin, Paul poussa son frère par les épaules jusque dans un recoin, loin des regards de tout le monde. Bien que son frère fut choqué de le sentir poser les mains sur lui malgré ce qu'il ressentait encore, Jerry sentait encore l'adrénaline qui le torturait. Acculé dans le coin, il allait enlever son haut lorsque deux regards insistants chez les représentants de la loi l'irritèrent. Paul se tourna vers eux et soupira, puis insista avec son frère.
- Jerry ! Ils se changent tous dans un vestiaire alors des bites, ils en ont déjà vues.
Renée ferma les yeux en soufflant alors que le bassiste ôtait son débardeur suintant.
- Tu m'es d'un grand secours, Paul.
- Je m'en fiche. D'ailleurs, tu vas me dire qui t'as fourni la merde que tu t'es enfilée. Jerry, hé !
Voyant que l'un de ses geôliers le fixait par pure provocation, Jerry cracha :
- Tu te régales ?
- Si tu savais, ma mignonne... Fais tomber le bas, je n'en peux plus d'attendre.
Jerry serra le poing et voulut dépasser son frère mais ce dernier le plaqua au mur alors que deux autres policiers intervinrent pour demander au provocateur de laisser Jerry tranquille. À cet instant, l'inspecteur Watters fit son retour et Renée partit leur chercher des cafés ainsi que de l'eau pour Jerry. Son regard balaya la pièce mais se posa principalement sur ses équipiers, qu'il ne tarda pas à mettre dehors après avoir remarqué l'attitude du perturbateur. Lorsque l'un d'eux s'y opposa dans l'intérêt des médecins qui arrivaient également, Watters les assura du prochain bon déroulement des choses par la présence du frère mais en garda tout de même deux, dont Allen. Bien que dubitatifs, ses hommes obéirent tout en recommandant aux médecins de ne pas hésiter à les appeler en cas de besoin.
Le personnel fut moins réticent à l'idée de laisser son intimité à Jerry, ne voulant en aucun cas aggraver la situation. Ce dernier enfila donc sa chemise d'hôpital avant d'ôter son pantalon pour être installé sur le lit par son frère. Il n'osait ni regarder Paul, ni lui adresser la parole. Il préférait juste le laisser faire de peur de l'énerver plus qu'il ne l'était, déjà que Paul le fixait alors qu'il détestait ça... La lèvre de Jerry était rougie à cause de la morsure d'Alissa, une marque profonde indiquant qu'il avait saigné.
- T'es fier de toi ? Dire que t'as recommencé, putain de camé ! soupira Paul.
Son aîné le regarda enfin mais lorsqu'il leva la tête vers lui, un médecin s'avança rapidement, suivi d'un autre que son élan avait interpellé. À ce moment-là, une personne frappa et Watters lui ouvrit. C'était une infirmière et celle-ci lui tendit des papiers tout en discutant avec lui. De son côté, Jerry eut un mouvement de recul lorsque les médecins se penchèrent sur lui.
- Qu'est-ce que c'est que...
- Je regarde cette marque dans votre cou ! s'expliqua droitement le médecin.
- M'approchez pas, bande de...
- Hé ! intervint Paul en le maintenant assis sur le lit.
Les médecins préférant régler cela en douceur, ils demandèrent aux deux frères de rester aussi calmes que possible afin qu'ils puissent examiner Jerry.
- Monsieur Caiafa, je veux examiner cet hématome dans votre cou et rien d'autre.
- Je n'ai rien ! nia Jerry, peu convaincant.
- Peut-être la victime quand elle s'est défendue !
Paul en avait marre de voir tout le monde évoquer "la victime" devant lui comme s'il n'était pas là, ou comme s'ils ignoraient tous qu'elle était sa petite amie. Irrité qu'on lui fasse repenser à l'agression à chaque mot prononcé, il baissa les yeux mais vit son frère hocher inconsciemment la tête en se posant une main dans le cou. Soudain il repensa aux mots répétés par Alissa. "C'est pas de ma faute"... ces mots se répétèrent autant dans sa tête que son frère avait du les répéter dans le garage et Paul lui ôta la main pour que les professionnels fassent leur travail. Alors que les officiers de police revenaient dans la chambre, Caiafa inspecta le bleu à son tour. Les médecins en débattirent mais pour eux, ce n'était pas un coup reçu.
- Ce sont sans doute les policiers quand ils l'ont arrêté, ils ont du avoir du mal avec une force pareille. C'était vous monsieur ?
S'approchant afin d'inspecter ledit bleu, Allen fronça les sourcils avant de hocher négativement la tête. Il précisa avec honnêteté que les seuls endroits où le patient avait été quelque peu malmené, c'étaient aux bras et aux épaules. Supposant fortuitement que les convulsions de Jerry auraient pu en être à l'origine, l'homme en blouse regarda de plus près avec de la lumière et se releva vite pour laisser son collègue observer.
- Tu vois ce que je vois ?
- Oui, ça change tout là.
Agacé d'être touché et approché autant, Jerry recula en pestant et Paul dut stopper ses mouvements brutaux. Renée revint à cet instant, intriguée devant l'attroupement formé autour de son homme. Les voyant se concerter plus sérieusement, Allen leur demanda de s'expliquer car lui ne comprenait pas.
- Nous avons trouvé par où la drogue a pénétré, c'est la source de l'hématome. Mais c'est bizarre...
Renée avança près d'Allen alors que ses collègues gardèrent leurs distances sans pour autant en perdre une miette.
- Aucune personne ne se piquerait elle-même à un tel endroit ! devina l'agent.
- Exact ! Cet homme est un paquet de nerfs et en plus il est sportif, alors ce n'est pas difficile de trouver une veine pour se piquer. Mais la seringue est entrée dans son cou et brutalement pour laisser une marque pareille, alors il a été piqué par quelqu'un d'autre et probablement contre son gré. Il ne s'y attendait même pas.
Lorsque Paul écarquilla les yeux en regardant lui aussi, le policier lui désigna l'impact quasi-invisible sur la surface la plus foncée avant de les éloigner pour murmurer loin des oreilles de Jerry :
- Vous êtes en train de dire que cet homme qui a frappé et violé une femme l'a fait sans le vouloir ?
- On ne peut en être qu'à moitié sûrs, mais il ne s'est pas piqué tout seul. Cette drogue a juste déchaîné ses instincts primaires, pour le reste...
Se tournant, Paul vit son frère et Renée s'enlacer et s'embrasser avec tendresse, puis en profita pour avouer la vérité aux médecins et policiers :
- Il est amoureux de ma copine.
Contrairement à ce à quoi il s'attendit, les médecins et policiers restèrent très professionnels.
- Dans ce cas, le viol était peut-être le reflet des sentiments qu'il a pour elle. La drogue l'aurait fait passer à l'acte ! Il faut à tout prix savoir qui il a fréquenté ces deux derniers jours. Le véritable coupable est parmi eux. C'est étrange à admettre, mais votre frère est innocent dans cette histoire.
Allen commença à voir son suspect différemment après ça. Alors que ses lèvres tremblèrent sous le choc un seconde fois depuis la veille, Paul se retrouva réduit au silence et ils retournèrent vers lui. Ayant écouté avec l'infirmière, Watters se rapprocha alors que Jerry se renfermait en demandant à tous de le laisser tranquille.
- Je viens d'être informé à propos des composants de cette drogue. D'après mademoiselle Lawrence, il y a des traces d'à peu près tout ce qui compose les merdes qu'on peut trouver dans nos rues, c'est à ne rien y comprendre. Personnellement, je suis une bille en chimie alors soit c'est expérimental, soit juste un très mauvais mélange de quelqu'un qui a voulu vous tuer. En tout cas, c'est un miracle que vous soyez encore en vie. Monsieur Caiafa ?
Ronchonnant de sentir tout le monde le dévisager, l'aîné des frères commença à s'énerver et à bouger dans tous les sens, devenant incontrôlable. Sachant que leurs présences à cette distance en étaient la cause, tout le monde recula hormis Watters. De façon incompréhensible, Allen sortit à toute allure de la pièce en prétextant devoir "prendre l'air". Mettant sa rage de côté, Paul décida de chercher l'origine de la piqûre avec Renée. Ils étaient les seuls capables d'obtenir des réponses, mais à condition de modérer le ton et le langage.
- Frérot, c'est arrivé où ?
L'aîné baissa la tête et ferma les yeux.
- Plus aucune importance !
- Jerry, je t'en prie.
Paul s'assit face à lui et même s'il savait qu'il n'aimait pas cela, il lui souleva doucement le visage.
- Ça en a pour moi, j'ai cru que tu avais recommencé à te droguer.
- Qui t'a piqué ? Tu le connais ? insista Renée.
Décidant d'utiliser son savoir-faire en matière de communication, l'inspecteur s'avança et mania les mots de façon adéquate vis-à-vis des circonstances.
- Gerald ! En cas de plainte de mademoiselle White-Gluz, il y aura des poursuites alors le fait que vous ayez été drogué à votre insu peut changer la donne. Vos sentiments pour elle comptent également, tout peut faire pencher la balance et la peine sera minimisée. Vous n'êtes pas le vrai coupable. Donnez-nous juste un nom, un seul. Il pourrait y avoir d'autres victimes dans les jours qui viennent.
Paul fut impressionné de voir son frère relever un visage empli d'émotions vers Watters, puis il percuta que ce dernier venait de citer les sentiments de son frère alors qu'il n'avait pas encore saisi l'occasion de lui en parler lui-même. Il s'inquiéta de sa réaction mais après tout, il valait mieux pour tous que le sujet soit abordé de façon impartiale. Watters semblait avoir tout le tact du monde pour aborder les sujets délicats, y compris avec un homme au sang chaud tel que Gerald. Comme preuve, alors qu'il haïssait la police depuis toujours, le punk regarda cet inspecteur différemment.
- M... Marco !
- Quoi ?
Paul réagit mal à cette annonce mais trop de souvenirs lui remontèrent en cet instant, et pas des bons. Watters répéta pour être certain d'avoir bien entendu :
- Marco ?
Satisfaite du peu, Renée lui posa une main sur la joue. De son côté bouleversé, Paul digéra la nouvelle avant de compléter en voyant que son frère n'irait pas plus loin.
- Marco Kendrick, il se fait appeler "Thunder". C'est le dealer le plus cher mais sa came a toujours été la meilleure du marché. Il avait dit plus jamais quand on a arrêté la drogue, il était content pour nous et il avait promis de ne pas nous encourager à replonger. C'est lui qui t'a fait ça ? Pourquoi tu as mis les pieds chez lui alors qu'on s'était interdits d'y retourner. Tu retouches à cette merde alors, c'est bien ce que je pensais.
Alors qu'il vit son aîné ouvrir la bouche pour se justifier inutilement, Paul le gifla. Bien que Gerald resta impassible, ce ne fut ni le cas de Renée ni celui des policiers. Calmé, Paul tourna en rond en grognant méchamment :
- Putain ! Crois-moi que quand tu seras entièrement rétabli, je vais te renvoyer dans cet endroit tellement je vais te défoncer.
- Regarde-moi dans les yeux quand tu me menaces.
Paul s'exécuta de façon posée malgré son envie de lui abattre à nouveau la main dessus.
- J'irai en taule et tu ne me reverras plus, alors pourquoi ne pas plutôt m'achever puisque je suis à ta portée ?
- Parce que je ne frappe pas une personne à terre. Quand des abrutis s'incrustent sur scène oui, mais sinon non.
- Tu me rendrais service. Ah ben oui, mais non ! Autant qu'on me rende la pareille comme il se doit.
Paul décela parfaitement le sous-entendu dans sa phrase et même s'il n'avait pas du tout envie qu'il arrive la même chose à son frère en prison, il évita le sujet "viol" pour parler d'une chose encore gardée sous silence.
- Au fait, depuis quand t'es amoureux de ma belle ?
Ce regard que tourna son frère vers lui, Paul ne l'avait que rarement vu dans sa vie et il n'avait jamais été bon signe. Les personnes à qui il avait été adressé avaient toutes mal fini.
- C'est Michale qui te l'a balancé, hein ?
- Laisse-le en dehors de ça et dis-moi la vérité. Depuis quand ?
Cette fois, Jerry se terra dans sa carapace en fixant le vide devant lui. Il garda les lèvres scellées et même Renée ne put rien y faire. "J'ai assez vu de flics pour aujourd'hui" pensa Paul. Soupirant bruyamment, il fit craquer ses doigts et sortit de la chambre afin d'aller tout dire aux autres. Mais surtout, il avait un coup de fil à passer à un vieil ami. En dépit du silence de son compagnon, Renée ne put se résoudre à le laisser seul entouré d'hommes armés. Voyant à quel point la tension dans la pièce empêchait toute communication entre les deux amants, Watters décida de faire sortir tous les officiers de la chambre d'hôpital mais en voyant leur méfiance, il défendit que le fait de rester tous dans le couloir dissuaderait n'importe qui de prendre la fuite.
Il resta quelques minutes dans le couloir pour veiller à ce que ses hommes s'occupent l'esprit afin de ne pas retourner ennuyer le couple. Une fois assuré de cela, il redescendit jusqu'à l'étage où se trouvait la chambre d'Alissa, là où il serait sûr de trouver Paul ainsi que les autres. Dans un premier temps, il tenait à éviter que Paul ne déforme les faits entourant l'éventuelle reprise de drogue de Jerry au risque de contaminer les autres avec sa haine. Ensuite, il avait des questions à lui poser à propos du dénommé Marco.
Lorsqu'il sortit de l'ascenseur, il aperçut Caiafa seul au bout du couloir en train de s'énerver sur son téléphone portable. Alors qu'il s'approchait, il vit l'homme se faire réprimander par une infirmière qui passait près de lui, probablement pour lui dire que les téléphones étaient interdits dans les couloirs. Paul souffla en la regardant puis vit arriver l'inspecteur.
- Vos amis sont au courant ?
- Je leur ai dit le principal. Que Jerry a rechuté et en allant voir Marco, c'est lui qui a osé lui planter une seringue dans le cou sans qu'il ne s'y attende. Que c'est à cause de ça et de ses sentiments pour Alissa qu'il lui a sauté dessus. J'ai beau avoir la rage contre mon frère mais je reconnais que ce n'est pas de sa faute, c'est jute trop tôt pour que je lui montre. Alissa va mal et je dois l'aider à se rétablir, en espérant que Jerry ne morfle pas à la place de celui qui règne un peu trop du haut de son piédestal... allô ?
- Ouai, c'est qui ?
- Salut Thunder, c'est Doyle.
Satisfait que Paul eut réussi à joindre le dealer en plus d'avoir accepté la réalité concernant son frère et sa petite amie, Watters se mit en retrait pour écouter sans faire de bruit.
- Oh, salut mec ! Ça va ?
- Oui, ça va. J'avais juste un truc à te demander.
Il y eut un léger silence avant que l'interlocuteur ne prenne les devants.
- C'est à propos de Jerry ?
Jouant le surpris, Paul demanda :
- Non, pourquoi ?
- Rien, je demande.
Sans prendre le temps de réfléchir, Paul enchaîna pour noyer le doute.
- On est légèrement en froid en ce moment alors si tu veux bien, je ne veux pas entendre parler de ce con.
- Pas de souci !
Première grosse erreur du dealer.
- En fait, c'est à propos de tes petites tendances du moment.
- Qu'est-ce que t'entends par "tendances" ?
- Ta marchandise la plus cotée, c'est quoi ?
- Mon plus gros succès reste la coke, la plus populaire même chez les bourges du coin. Je suis toujours loin des radars de la police, si c'est ce que tu veux savoir.
Paul n'avait écouté que d'une oreille, remarquant que le dealer avait immédiatement parlé de Jerry. Mais non seulement il avait tu le fait qu'il l'avait soutenu dans sa rechute, mais en plus il crachait sur sa santé avec ce qu'il lui avait injecté pour le laisser maintenant dans le pétrin. Gerald ayant été un accro difficile à maîtriser dans sa jeunesse, il s'était parfois isolé dans ses états de manque ou de délires et ce genre de choses pouvaient facilement mener une personne à la mort.
- C'est ça l'important. Et tu as des nouveautés ?
Cette fois, un silence s'installa pendant cinq secondes mais Paul perdit patience.
- Marco !
- Ben... j'en ai une mais je ne sais pas vraiment si elle est au point. C'est un mélange liquide à base d'amphétamines et d'héroïne, mais je ne suis pas sûr d'avoir correctement dosé.
Après avoir froncé les sourcils en regardant l'inspecteur, le guitariste insista sur le ton de la blague comme il le faisait autrefois.
- Tu n'as plus de testeurs ?
- Non ! Je devais en avoir un ces derniers jours mais il m'a lâché au dernier moment. Pourquoi ? Tu connais quelqu'un qui a besoin de changement ?
Cette question, Caiafa ne l'avait pas envisagée alors il improvisa comme il savait le faire.
- Si on veut... Deux amis de mon neveu se sont foutus à l'eau il y a quelques jours et comme ils sont têtes brûlées, ils ont sniffé la première poudre venue pour finir par un bad trip. Ça m'a rappelé que c'était la connerie qu'on a failli faire à leur âge. Je leur ai parlé, je préfère éviter qu'ils ne s'enfilent de la merde qu'ils ont eue juste par le bouche à oreille. Tu vois ce que je veux dire ?
- Carrément oui !
- Alors je leur ai parlé de toi et ils sont d'accord pour mettre le prix sur un produit qui vaut le coup. C'est pour ça, si tu as du nouveau ou alors quelque chose d'adapté pour des débutants, je suis preneur.
- Ça oui, ça peut s'arranger. Il faudra que je les rencontre dès qu'ils auront le temps.
- Cool mec ! Il faudrait qu'on se voit pour que je te donne leurs coordonnées, je ne veux pas donner leurs noms par téléphone.
- Je suis d'accord. T'as pas perdu le sens du secret, c'est bien.
Watters fut admiratif de voir de quelle façon Paul savait maintenir la conversation avec tant de naturel. Il mêlait mensonges et vérités tout en gardant son frère en dehors de la discussion afin de garder son "ami" en confiance. Le laissant conclure, il décida de rentrer dans la chambre afin de veiller à ce qu'aucun des autres ne sorte et ne trahisse involontairement l'envie de vengeance collective à l'égard de Marco.
ooOOoo
Une fois à l'intérieur après avoir légèrement frappé, Watters mit Glenn, Michael et Alissa au courant de la future rencontre entre Paul et leur ancien fournisseur, qui serait également l'occasion de le mettre aux arrêts. Michael refusait de croire que son ami ait pu rechuter, Alissa ne pouvait en juger sans le connaître et Glenn hésitait tant le caractère de son ami avait changé dernièrement.
- Alors que faisait-il chez ce dealer s'il ne se droguait plus, d'après vous ? lui demanda Watters.
- Marco est un ami de toujours, c'est vrai. Qu'il se soit remis ou non à la came, rien ne l'empêchait d'aller le voir.
Étonné, Watters pencha la tête.
- Pourtant, les dealers nouent rarement des amitiés solides avec leurs clients.
S'asseyant sur la chaise à côté d'Alissa, Glenn repensa à leur jeunesse.
- On a grandi ensemble, c'est comme ça. C'était son activité et Marco a fini par être notre fournisseur.
- Forcément, il aurait loupé de sacrés clients !
La pensée du policier était sortie sans qu'il ne tourne sa langue dans sa bouche, mais personne ne le lui reprocha.
- Ne croyez pas ça, c'était un mec bien. S'il a accepté à la fin, c'est uniquement par instinct de protection. D'ailleurs, il a été le premier à qui on a demandé de nous faire essayer tout ce qu'il avait, on était complètement barjes. Il a essayé de nous dissuader de toucher à ça à l'époque parce qu'il a connu pas mal de camés. Il a essayé par tous les moyens de nous dire non mais quand il a vu qu'on irait voir ailleurs, il a cédé.
- Ce n'est pas plutôt par appât du gain ? soupçonna Watters.
Ce dernier s'obstinait à y voir l'argent comme mobile, mais Glenn resta calme. Il connaissait la nature humaine, c'était son métier de se méfier. Quant à Graves, il resta attentif aux détails de cette période qu'il n'avait pas connue.
- Il voulait qu'on évite de toucher à tout et n'importe quoi. Il était sûr de la qualité de sa came alors il préférait savoir ce qu'on s'injectait. Il y avait des morts par overdoses partout autour de nous et les autres dealers avaient une mauvaise réputation. Ils se faisaient serrer les uns après les autres. Alors en cas de problème, Marco avait un œil sur nous. Il surveillait tout ce qu'on achetait, tout ce qu'on s'injectait ou qu'on sniffait, les plus petits changements d'humeurs et les moindres signes d'addiction. Il ne voulait pas qu'on soit comme tous les autres. Il croyait en la modération.
- Ça a bien changé.
Après les avoir interrompus, Paul alla s'asseoir sur le lit contre Alissa.
- J'ai rendez-vous avec Marco dans une heure à l'ancienne gare désaffectée.
à suivre...
