Stiles était un idiot, le pire qui puisse exister. Il claqua la porte de sa chambre sans se soucier du bruit qui résonna dans toute la maison. Son père n'était pas là, alors il faisait ce qu'il voulait. Les yeux rougis par les larmes qu'il avait retenues tout le long du trajet depuis le loft de Derek se mirent enfin à couler, comme s'il avait attendu d'être seul dans son antre qu'était sa chambre pour se libérer. C'était un énorme idiot mais il n'en avait rien à faire. Laissant tomber son sac, il se jeta sur son lit et fourra sa tête dans son oreiller. Quelle journée de merde.

Lorsqu'il avait crié, furieux, Derek n'avait rien dit. En fait, Stiles ne lui avait pas laissé le temps d'en placer une qu'il avait d'autorité pris son sac de cours qui traînait par là et qu'il s'en était allé, sans autre forme de procès, par peur que le loup le retienne et lui crie dessus à son tour. Stiles aurait été incapable de tenir, face à lui. Mais Derek ne l'avait pas retenu, l'avait laissé s'en aller sans un mot. Stiles ne savait pas ce qu'il pensait de lui mais actuellement, il n'en avait rien à faire. Bordel, pourquoi avait-il tout gâché ? C'était toujours comme ça de toute manière. Stiles était cet adolescent maladroit et hyperactif qui ne savait rien faire à part foutre la merde. C'était dans sa nature, il n'y pouvait rien : en voulant se protéger, il avait dit n'importe quoi. Il avait perdu le contrôle de sa bouche, cette bouche dont les mots avaient dépassé les pensées. Ces mots qu'il regrettait maintenant amèrement alors qu'il pleurait à chaudes larmes et se fustigeait à n'en plus finir.

Durant la semaine qui suivit, Derek ne lui envoya aucun message, ne l'appela pas, ne chercha d'aucune manière à le contacter. Stiles songea alors au fait qu'il avait dû rompre leur pacte et il avait raison. Il avait bien mieux à se mettre sous la dent et Stiles… Stiles n'était pas suffisant. C'était un adolescent blessé qui ne savait rien faire d'autre que provoquer le malheur et qui n'arrivait pas à s'en sortir. Alors, c'était mieux comme ça. Mieux, mais atrocement douloureux. Parce que maintenant, il n'avait plus rien pour s'empêcher de penser. Et ce n'était pas joyeux.

Parce qu'entre temps, il eut beaucoup de contrôles et d'évaluations en tous genres. Deux semaines plus tard, ses notes avaient déjà commencé à chuter, il avait maigri et avait des cernes si noirs qu'il était obligé de se mettre de l'anticerne pour paraître moins fatigué. Ses nuits étaient sans cesse perturbées par ses cauchemars et sa culpabilité. Derek, enfin son absence, n'y était pour rien. Il s'agissait simplement des démons de Stiles, ceux dont il ne parlait jamais. Et ce cauchemar qui se répétait chaque nuit… Il était réaliste, diablement réaliste et Stiles avait toujours l'impression que la lame qui frôlait son cou était véridique. En fait, la nuit, il était trop terrorisé pour dormir correctement.

Pour autant, son mal-être n'était pas encore totalement visible et ce qui commença à inquiéter ses amis, ce furent ses notes.

- T'as jamais eu d'aussi mauvais résultats, lui dit alors Scott en l'arrêtant alors qu'ils allaient vers la salle suivante. Qu'est-ce qui t'arrive, Stiles ?

- J'dors pas très bien, répondit celui-ci sans sourire.

Il n'avait pas envie de faire trop d'efforts. Ceux qu'il déployait au quotidien pour tromper ses amis lui pompaient déjà assez d'énergie. Pour lui, il était inutile qu'ils s'inquiètent, ce n'était pas la peine.

Il n'en valait pas la peine.

A chaque fois qu'il avait ce genre de pensées, il songeait à Derek et la manière horrible dont il s'était comporté avec lui. Ces mots qu'il lui avait crachés… Ce n'était pas lui. Ça ne lui ressemblait pas. Il ne parlait jamais comme ça et pourtant, lorsqu'il était en sa compagnie… Ca venait tout seul, comme s'il relâchait certains de ses efforts en sa présence. Et bordel, dire qu'il s'en voulait était carrément un euphémisme. Il ne comptait plus le nombre de fois où il avait voulu s'excuser non seulement pour sa réaction, mais aussi pour ses mots horribles. Il avait crié sur Derek ! Alors oui, ce qu'il lui avait dit ne lui avait pas plu et Stiles avait eu la brillante idée d'être agressif, mais… Cela ne justifiait pas son accès de colère.

Alors lorsque Scott lui annonça qu'il y avait une réunion de meute après les cours, Stiles sut qu'il n'irait pas. Il n'en avait pas la force. Il parlait un peu moins mais pensait tellement qu'il carburait aux antalgiques tant ses pensées lui faisaient mal au crâne. Et puis, qui dit réunion de meute, dit… Derek. Puisque son loft était le seul endroit capable de contenir toute la meute sans que celle-ci soit comprimée par manque de place, les réunions y avaient toujours lieu.

- Oh merde ! Fit-il, en bon comédien. Mon père ne veut pas que je sorte cette semaine, je dois rentrer directement après les cours. Comme mes notes ont baissé, il faut que je travaille.

- Stiles, c'est une réunion de meute, lui dit Scott, comme si ça justifiait tout.

Tête en l'air, il n'avait pas entendu le raté dans le rythme cardiaque de son meilleur ami.

- Monsieur le shérif s'est montré catégorique, mon petit Scotty, lâcha Stiles d'un air qu'il voulut désolé.

Scott soupira. Même s'il était l'alpha et qu'il devait se montrer sérieux mais il fallait avouer que sans Stiles, les réunions de meute étaient beaucoup moins funs.

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Stiles s'affala sur sa chaise de bureau, exténué. Mentalement, il n'était déjà pas en forme et physiquement… Ce n'étaient pas ses morceaux de nuits qui allaient l'aider à assumer non seulement ses cours, mais également le reste de sa vie en général. Pour autant, il essaya tout de même de travailler, un peu. Parce qu'il était vrai que son père était mécontent de ses notes qui avaient drastiquement chuté. Pour être honnête, Stiles n'avait pas vraiment d'explication. Il ne pouvait pas dire que c'était à cause de Derek, ce serait mentir.

Non, la réalité, c'était qu'en fait, tout était uniquement de sa faute. Il réfléchissait trop, pensait trop et ça l'empoisonnait… Trop. Un peu de poison dans son cerveau, ça allait. A un certain point, ça le faisait dérailler.

Stiles n'était pas en train de sombrer, non, pas vraiment. C'était une passade, un moment de sa vie durant lequel il n'avait plus aucune motivation. Il laissait la vie lui filer entre les doigts mais ça ne lui faisait pas grand-chose. Ça irait mieux, plus tard certainement, quand il penserait moins.

Une bonne heure après sa tentative de travail, il reçut un message de Scott, lui disant qu'il avait bien transmis l'information de son absence à la meute, ajoutant l'air de rien que Derek était exécrable. Suivit alors un deuxième message, étayant le premier :

« Il t'aurait sans doute plaqué contre un mur. En fait, je crois que frapper n'importe qui aurait pu le détendre, haha. » - 18h48.

Stiles ne sourit pas. S'il avait été un peu plus en forme, sans doute aurait-il soufflé du nez. C'était du Derek tout craché. Il se fit la réflexion que son côté exécrable ressortait à cause de lui, du manque de respect qu'il avait eu envers lui. Sans doute ne supportait-il pas qu'on le contredise, ni qu'on lui crie dessus – et sur ce point-là, c'était tout à fait normal. La culpabilité se rappela à lui. Devrait-il lui envoyer un message, quelque chose ? Ça faisait quand même une semaine…

Bien naturellement, ses pensées dérivèrent, prirent une tournure étrange mais qu'il ne pouvait pas contrôler. Satané cerveau d'hyperactif. Ses pensées étaient comme sa bouche : très difficiles à museler. Alors, il imagina Derek nu, profitant de sa semaine. L'absence du pacte avait dû le soulager. Il n'avait plus à s'encombrer du petit hyperactif à l'odeur nauséabonde et c'était mieux ainsi. Parce qu'au fond, il n'était pas méchant, simplement un peu brut de pomme, maladroit. Et Stiles en était conscient. Derek n'était pas un mauvais bougre et s'il avait trouvé quelqu'un d'autre pour le soulager par rapport à son problème lupin... C'était tant mieux.

Concernant Stiles, et bien… C'était de pire en pire mais il tenait le coup. Sa haine de lui-même ne cessait d'augmenter et il se fit la réflexion, dans un instant de lucidité, que toutes ses mauvaises décisions découlaient de son mal-être toujours grandissant. Mais comment faire pour aller mieux lorsque sa seule solution était… Bancale et éphémère ? On ne pouvait même plus appeler cela une solution. Juste… Un moyen de se contenir, de garder le contrôle. Et maintenant qu'il n'avait plus cette bride de pensées, ça devenait vraiment compliqué. Stiles était à un moment dans sa vie où il avait besoin de moins penser. D'autre fois, ce n'était pas grave, il arrivait à diminuer le rythme mais parfois… C'était compliqué et il avait besoin de quelque chose pour se limiter.

Son mal de crâne commençant à revenir, Stiles posa son téléphone sans répondre à Scott. Il saisit sa boîte d'antalgique déjà bien entamée et en avala deux d'un coup, en plus de son cachet d'Adderall quotidien. Cela ne ferait pas très bon mélange, mais il s'en foutait. Quelques minutes plus tard, il se sentait déjà somnolent, le cocktail le fatigant plus que de raison. Sans doute arriverait-il à mieux dormir cette nuit.

Belle erreur.

Lorsque Stiles se leva le lendemain, il était épuisé. Deux heures. Il avait dormi deux pauvres heures.

Sa journée fut longue, fade, insipide. Il faisait bonne figure devant les autres de manière à ne pas les inquiéter, mais personne n'était aveugle. Sa fatigue commençait réellement à se voir et Lydia lui demanda entre deux cours s'il arrivait à dormir, la nuit. Il lui répondit vaguement que oui et se débrouilla pour changer de sujet. Le midi, il toucha à peine à son assiette et lorsqu'il rentra chez lui à la fin des cours, il se doucha à vitesse grand V et s'écroula sur son bureau. Il devait travailler, il le savait. Il n'avait que ça à faire, de toute façon. Il fallait que ses notes remontent. Autrement, son dossier scolaire serait entaché de médiocrité. Enfin, surtout, son père serait mécontent. Mais ses yeux papillonnaient, ne demandaient qu'à se fermer. Il était épuisé par tant de nuits écourtées et son corps lui faisait payer le peu de soin avec lequel il se nourrissait. Soit Stiles oubliait de manger, soit il se gavait jusqu'à presque vomir.

Alors qu'il posait mollement son cahier de littérature sur son bureau et qu'il ouvrait sa trousse, Stiles fut dérangé par une vibration provenant de son téléphone. Il le sortit de sa poche avant de constater qu'il avait reçu un message, et pas des moindres : l'auteur n'était autre que Derek. Une vague d'angoisse traversa Stiles, encore plus lorsqu'il en lut le contenu.

« Il faut qu'on parle. » - 16h55.

Stiles, dans un élan d'anxiété, rédigea un rapide SMS qui, il l'espérait, lui permettrait d'éviter toute discussion. Il n'avait pas la force de parler en général, alors à lui… Et puis sa culpabilité ne le quittait pas. Chaque jour, il pensait à la manière dont il avait parlé à Derek la fois dernière et ça le rongeait un peu, lui rappelait qu'il était vraiment nul, morcelait toujours un peu plus sa faible confiance en lui.

« Je suis désolé. J'aurais jamais dû te dire ce que je t'ai dit, encore moins te crier dessus. Désolé pour m'être excusé aussi tard. On se voit à la prochaine réunion. Porte-toi bien. » - 17h56.

Puis, pour empêcher ce satané cellulaire de continuer de le distraire, Stiles le balança à l'aveugle en arrière, sachant pertinemment qu'il tomberait sur son lit. Il avait tellement l'habitude qu'il n'avait pas peur pour son téléphone. Pour preuve, il entendit le bruit à la fois sec et sourd du tissu affaissé sous le poids de son portable.

Enfin, et malgré toutes les pensées qui l'assaillaient tel un essaim d'abeilles, Stiles tenta de se concentrer sur le travail qu'il avait à faire tout en luttant contre son propre corps qui ne demandait qu'une chose, dormir.

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Derek avait longuement pesé le pour et le contre. Faire le premier pas, ou attendre que Stiles le fasse ? Au final, il avait fini par envoyer un message et, comme la réponse de l'hyperactif ne lui avait pas convenu – il avait froncé excessivement les sourcils, et avait décidé d'aller le voir. Puisqu'il ne faisait pas l'effort d'accepter le dialogue, Derek allait le lui imposer parce que, l'air de rien, être en mauvais termes avec lui ne lui plaisait pas du tout, surtout pour une raison aussi futile. Oui parce qu'en fait, Stiles l'avait… Mal compris. Et son incompréhension l'avait fait réagir au quart de tour. Par ses mots maladroits, Derek avait voulu lui faire comprendre qu'il avait parfaitement cerné son petit manège et qu'il voulait simplement le faire parler, pour qu'il aille mieux. Il ne trouvait pas normal qu'à son âge, Stiles ait une odeur aussi saturée d'émotions négatives. Il était jeune, mignon, avait un père aimant, des amis en or… Pourquoi diable mentait-il aux autres ? Il fallait l'avouer, Derek l'aimait bien et il avait essayé de l'aider, à sa manière. Sauf qu'il était extrêmement maladroit lorsqu'il s'aventurait sur ce terrain glissant qu'était… Le social. Alors oui, il avait merdé et son erreur lui avait coûté leur entente toute relative.

Parce que, il fallait le dire, cette situation rendait Derek… Particulièrement chafouin. Depuis sa dispute avec Stiles, il était… Détestable. Particulièrement irritable. Son loup griffait avec force les portes de son esprit car il était… En manque. Manque qui se faisait chaque jour plus grand. Son côté exécrable croissait de jour en jour et il en était arrivé au point où son oncle n'avait même plus envie de passer le voir.

Derek était en manque de sexe et le pire, c'est qu'il n'y pouvait rien. En cette saison, son loup était particulièrement sensible et demandeur. C'était un besoin. Ses congénères de la meute n'avaient pas les mêmes difficultés que lui, pour la simple et bonne raison que la plupart était en couple et qu'ils étaient des garous par morsure, et non de naissance, comme lui. Peter, lui, avait Isaac, alors de son côté, c'était facile de gérer ça. Dans son malheur, Derek donnerait tout pour ne plus avoir cette envie obsédante de sexe, parce que ça commençait sérieusement à le bouffer au quotidien. Et puis… Il commençait à ne plus se reconnaître. Coucher, il aimait bien ça et c'était normal. Mais jamais à ce point. Là, c'était trop, il ne pouvait plus gérer, pas seul en tout cas.

Sur la route pour aller chez Stiles, Derek trépignait. Incapable de conduire dans son état, il avait préféré courir, quitte à passer pour un idiot, peu importe. Il fallait qu'il voie Stiles, qu'ils s'expliquent. Pour son problème d'envie, ça viendrait plus tard. Ce qui était le plus important pour Derek actuellement, c'était régler leur litige et il espérait que Stiles arrête de penser qu'il le considérait simplement comme un trou parce que pour être honnête, ça commençait à l'énerver.

Si Derek avait accepté de conclure ce pacte avec Stiles, ce n'était pas juste parce qu'une paire de fesse s'offrait à lui. S'il avait été d'accord pour faire ça avec lui, c'était aussi parce qu'il le connaissait et l'aimait bien. Il lui faisait confiance et était loyal. En outre, c'était le partenaire idéal et en son absence, Derek n'avait rien fait, à part se masturber quand ça n'allait vraiment pas. L'idée d'aller voir quelqu'un d'autre ne lui avait pas traversé l'esprit et ce, pour deux raisons. La première était que, tant que ce pacte existait, il ne coucherait qu'avec Stiles. La seconde, et bien… C'était son inquiétude. Il fallait l'avouer, le petit hyperactif le préoccupait un peu. En fait, il ne cessait de se demander ce qui lui arrivait et pourquoi il avait réagi aussi violemment la fois dernière. Et puis aussi, pourquoi accomplissaient-ils toujours l'acte charnel dans le noir ? Cela avait beau n'être qu'un détail, il le chiffonnait.

Lorsqu'enfin, il arriva, Derek escalada la façade avec une agilité folle et put aisément ouvrir la fenêtre de Stiles, que celui-ci oubliait toujours de verrouiller. Et ce n'est qu'en atterrissant sans aucune grâce sur le plancher de la chambre de Stiles qu'il remarqua la silhouette face à lui. A moitié affalé sur son bureau, il était là, inerte, la tête reposant sur son bras qui lui servait de coussin. Dépassant de sous sa personne, Derek distingua des feuilles, des cahiers, des notes.

Stiles s'était endormi en travaillant. Derek ne sut pas si c'était parce qu'il dormait ou s'il allait mieux, mais son odeur paraissait épurée, vide de ces choses qui la polluaient. Sans oublier qu'ils devaient discuter et que l'hyperactif l'avait éconduit par message avec une bonne semaine d'une ignorance totale, Derek se dit toutefois que le laisser dormir de cette façon n'était pas bon. A son réveil, nul doute qu'il souffrirait de courbature. Dans un élan de sympathie, Derek décida de le porter jusqu'à son lit, sans se douter un seul instant de la légèreté du sommeil de l'hyperactif, qui ouvrit les yeux alors qu'il se trouvait dans ses bras. Paniquant légèrement, il se débattit et Derek le laissa tomber sans douceur sur le lit. L'hyperactif couina lamentablement et se frotta les yeux.

- Bordel, mais qu'est-ce que tu fous ? Râla-t-il d'une voix rauque, encore endormi.

- Je t'installais mieux pour dormir mais il semblerait que ça ne soit plus la peine, ironisa le loup, cachant sa surprise par rapport au réveil soudain de l'adolescent.

- Je voulais dire : qu'est-ce que tu fous ici, chez moi ?

Le ton toujours sec et presque agressif de l'adolescent réveilla à la fois l'excitation et le besoin de Derek d'arranger cette situation. Muselant son loup comme il le pouvait pour ne pas sauter sur cet adolescent qui lui faisait tant envie, le lycanthrope lui répondit simplement qu'ils devaient parler, comme il l'avait stipulé dans son message. Stiles eut une sensation de déjà-vu et baissa aussitôt son regard sur son corps. Il vit alors ses bras nus et tourna la tête, semblant chercher quelque chose. Son regard était soudainement vif, alerte et Derek constata un changement drastique dans son odeur. Elle se teintait déjà de stress. L'hyperactif attrapa rapidement une veste qui se trouvait au bout de son lit et l'enfila à grande vitesse, sous le regard surpris de Derek à qui ce tableau rappelait quelque chose. Il avait déjà vu Stiles faire ça en sa présence : mettre un gilet avec empressement, comme s'il avait peur de quelque chose. Enfin, Stiles reporta son attention sur lui.

- Je t'ai déjà tout dit par message, lâcha l'adolescent, sur la défensive.

Et même s'il ne le regarda pas dans les yeux, Derek vit son regard, ses yeux fuyants et c'est alors qu'il remarqua les immenses cernes qui les assombrissaient. Il se rappela alors de la manière dont il l'avait trouvé, quelques minutes plus tôt, endormi sur son bureau. Il était éreinté. Et pourtant, alors qu'il triturait ses doigts dépassant à peine des manches de sa veste, il paraissait parfaitement réveillé.

- Moi non, rétorqua-t-il d'une voix profonde. J'aimerais qu'on s'explique.

- Y a rien à expliquer.

Derek faillit soupirer de désespoir, tant la voix de Stiles l'électrisait alors qu'il… Qu'il ne faisait que parler, articuler des mots et en plus avec un ton un tantinet agressif. En fait, il ressemblait à un animal effrayé défendant son territoire.

- Stiles, dit-il en tentant de se contrôler, on s'est mal compris, la semaine dernière.

Il fit une petite pause et ferma les yeux un instant avant de les rouvrir. Il forçait pour museler son loup, pour l'empêcher de prendre le contrôle. Et c'était dur parce que son animal intérieur, c'était une partie de lui. Et brider une partie de soi-même n'était jamais quelque chose d'agréable. En fait, ça lui faisait mal, c'était carrément physique. Ses muscles se tendaient à un point inimaginable, une tension désagréable le parcourait et sa tête le lançait de temps à autre. Il était en manque sévère. C'était ça de s'abstenir en pleine période de chaleur.

- Tu m'as dit que je puais, résuma l'hyperactif, étrangement coopératif malgré son attitude.

Il était assis en tailleur sur son lit et s'efforçait d'essayer de le regarder dans les yeux de temps en temps, sans réel succès. Mais au moins, il tentait et c'était déjà beaucoup. Son agressivité de façade diminuait également. Elle était toujours là, mais c'était ténu. En fait, Stiles n'était pas aussi en colère qu'il l'avait imaginé et sans doute sa fatigue jouait-elle là-dessus. Toutefois, Derek se doutait qu'il n'y avait pas que ça. Et puisque l'hyperactif faisait des efforts pour communiquer, le loup prit sur lui et se força à s'aventurer en terrain miné, à sortir de sa zone de confort. Intérieurement, il apposa un nouveau verrou sur la cage imaginaire qui retenait son loup.

- C'était pas ce que je voulais dire, je me suis mal exprimé, maugréa-t-il. Je voulais te dire que je sentais que tu allais mal, c'est pas quelque chose que tu peux me cacher.

- Et alors ? Lâcha Stiles, l'air indifférent, ne comprenant pas l'intérêt de cette discussion. Tu sais, j'ai bien vu que ça te dérangeait et je comprends. J'espère que tu t'es bien amusé cette semaine. Ça doit être agréable, quand t'es un loup, de… Baiser avec des gens qui vont bien. C'est sûr que les odeurs, c'est… Un facteur important.

- J'ai rien fait, cette semaine, avoua Derek d'un ton dur.

Stiles haussa un sourcil et le regarda enfin dans les yeux. La surprise s'y lisait, mais il les détourna bien vite.

- Ah, vraiment ? Quoique, je ne sais même pas pourquoi je te dis ça, ça ne me regarde pas, dit-il en triturant nerveusement ses doigts.

- J'ai pas rompu notre pacte, lâcha Derek.

A nouveau, la surprise. Elle était si forte qu'il n'eut même pas besoin de regarder Stiles pour le savoir : son odeur en était teintée et peu à peu, le stress en disparaissait. Le loup, sur cette lancée, ne put s'empêcher de continuer, de préciser sa pensée pour que Stiles comprenne bien :

- J'ai vu personne.

Derek s'était senti obligé de lui dire cela. Mentir ne servirait à rien et puis… Il voulait être honnête.

- Et pourquoi ? Demanda innocemment Stiles.

- Parce que c'est avec toi que j'ai fait ce pacte, pas avec quelqu'un d'autre.

Derek entendit clairement l'embardée que fit le cœur de Stiles, mais garda cette observation pour lui. Il voulait lui faire comprendre que son avis comptait pour lui, son état aussi. Soudain, une douleur à la tête l'obligea à fermer les yeux. Son visage se crispa. Pour autant, il se retint et essaya de ne pas montrer sa souffrance, mais c'était trop tard, Stiles l'avait vu. Bordel, depuis quand s'abstenir était-il si douloureux ? Cohabiter dans le même corps qu'un animal en chaleur se révélait parfois être infernal.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Demanda Stiles, l'air inquiet.

La main que le jeune homme posa sur son avant-bras fut comme une brûlure : Derek se dégagea rapidement. Aussitôt, l'odeur de l'adolescent fut teintée par une nouvelle émotion négative.

- Désolé, ça va, répondit le loup d'une voix rauque en rouvrant difficilement les yeux. C'est mon loup.

- Tu es en manque, comprit Stiles.

Derek se mordit la lèvre inférieure. Il était grillé, il le savait, mais il n'en avait pas honte. La seule chose qui le dérangeait, c'était que l'adolescent puisse penser qu'il venait faire la paix uniquement pour le sauter. Parce que ce n'était pas la vérité. Si Derek avait voulu arranger la situation, c'était avant tout parce que ne pas s'entendre avec lui, ça ne lui allait pas. Malgré ses excentricités, Stiles était quelqu'un qu'il appréciait. Et le lycan ne voulait pas qu'ils arrêtent de se parler à cause d'une histoire de sexe. La preuve en était qu'ils ne s'étaient pas adressé la parole durant une bonne semaine… Et que Stiles l'avait délibérément ignoré en ratant la réunion. Derek n'était pas bête : il savait que l'ordre de son père n'était qu'une excuse.

- C'est gérable, rétorqua-t-il toutefois, son visage un peu plus crispé. Je me suis dégagé… Parce que ton contact aurait pu me faire dépasser les bornes.

- Tu m'aurais sauté dessus, énonça Stiles.

- … Ouais, finit par avouer Derek, le regard toujours ailleurs.

Et je ne veux pas te faire quelque chose que tu ne désires pas. Telle était la pensée de Derek à cet instant. Son sexe gonflé, camouflé par le pantalon large qu'il portait, n'attendait qu'une chose : la libération de cette prison de tissu. Il fallait le dire, Derek était en sacré état de manque et se contrôler était difficile. Mais il le lui devait. Parce que Stiles était quelqu'un de bien, presque un ami. Et Derek n'était pas un monstre sans cœur prêt à tout pour satisfaire ses désirs.

- Tu as mal ? Lui demanda Stiles.

Gardant la tête basse, Derek serra les poings et lui répondit que ça allait alors que, bordel, pas vraiment, non. Oui, il souffrait, parce que chaque fois qu'il entendait sa voix depuis tout à l'heure, la tension dans son corps augmentait, devenait intenable, insupportable. Stiles avait ce truc qui faisait que sa voix l'électrisait, même si elle ne disait rien de spécial. Le manque n'arrangeait rien : il décuplait ce simple fait. Jamais Derek n'aurait pu imaginer que discuter pour arranger les choses s'avèrerait aussi difficile à supporter physiquement. C'était pire que tout. Il savait que Stiles n'allait pas très bien, il savait qu'il était très fatigué, il savait que quelque chose clochait avec lui. Tout ça, il en était conscient. Et c'était ce qui le retenait de le supplier d'accepter d'être sien, ce soir.

- J'ai beau ne pas être un loup, je sais que tu mens… Entendit-il.

- C'est supportable, continua Derek les yeux fermés, en se massant le front dans une vaine tentative de diminuer un peu sa douleur.

Un petit massage ne pouvait pas grand-chose contre des coups de griffes répétés en son for intérieur.

- Tu es toujours fâché ? Demanda Derek d'une voix qu'il essaya de garder stable malgré cette douleur qu'il voulait exprimer.

- Non…

Et c'était sincère : malgré sa souffrance intérieure, Derek arrivait à se concentrer assez pour capter les battements de son cœur et ceux-ci n'avaient eu aucun raté.

- Alors tout va bien.

Sur ces paroles difficilement prononcées, il rouvrit les yeux et se leva lentement, chacun de ses muscles le tiraillant de part en part.

- Tu vas où ? Entendit-il derrière lui alors qu'il se rapprochait de la fenêtre.

- Je rentre chez moi, articula-t-il sans se retourner.

Et Derek savait qu'à peine arrivé chez lui, il s'astiquerait jusqu'à ne plus ressentir cette douleur. Il fallait qu'il se masturbe, au moins ça. Sinon, il allait devenir fou tant l'envie de son loup le consumait. Voilà ce que lui coûtait son abstinence en cette période de chaleur.

- Dans cet état ?

Derek ne répondit pas et ouvrit la fenêtre. Une poigne chaude, brûlante, entoura soudainement son poignet. Elle l'électrisa au point de le forcer à se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas gémir ce mélange entre douleur et plaisir. Parce qu'à ce moment-là, le moindre contact avec Stiles pouvait le faire chavirer.

- Tu rentres pas dans cet état.

Derek se retourna lentement et vit l'air déterminé chassant un peu de la fatigue qui lui fardait le visage. Puis, il baissa les yeux sur cette main, ces longs doigts tentateurs qui retenaient son poignet. Il vit le regard de Stiles descendre et il sut ce qu'il fixait : cette bosse qui commençait à ne plus vraiment être discrète. Son pantalon était large mais son érection, plutôt énorme. Et Derek se retourna à moitié, gêné d'étaler sa faiblesse devant cet adolescent à qui il s'était pourtant uni quelques fois. Les yeux whisky de Stiles se fixèrent fébrilement dans les siens.

- D'abord, on va s'occuper de ça, dit-il lentement.

- Non, s'opposa le loup. Tu es fatigué, on verra ça plus tard.

Encore une fois, il essayait comme il pouvait de lui montrer qu'il tenait à ne pas le forcer et à respecter sa forme vacillante, pour lui prouver qu'il pensait à son bien-être.

- Je vais mal dormir, lui avoua Stiles sans cesser de le fixer malgré sa difficulté à cela. Tu as besoin de te soulager et moi, de me vider la tête. Puisque le pacte est toujours d'actualité, autant en profiter.

L'aplomb avec lequel il disait cela était étonnant mais Derek savait qu'il ne mentait pas. Cependant, ses cernes le narguaient. Sa main autour de son poignet, aussi. Elle le brûlait et une nouvelle décharge douloureuse parcourut son corps alors que le loup en lui s'acharnait à détruire ses barrières mentales.

- Stiles, tu es sûr que c'est ce que tu veux ? Demanda-t-il douloureusement, la mâchoire crispée.

Et alors qu'il s'attendait à son habituel « qu'est-ce que ça peut te faire ? », Stiles le surprit en lui donnant la meilleure des réponses. Il le lâcha et éteignit la lumière.