3) Le vaisseau des étoiles
Les préparatifs du départ furent rapidement expédiés. Le prince Rodney fit maintes recommandations et ordonnances à Radek et se présenta au bout de la jetée.
Le navire était prêt à appareiller.
C'était un bâtiment magnifique. Le prince l'avait inauguré en personne un an auparavant et lui avait donné le nom de « Vaisseau des étoiles ».
Certaines voix s'étaient élevées pour proposer un nom extravagant comme « Puddle Jumper ». Quelle étrange idée ! D'ailleurs cela ne voulait rien dire. Le prince n'avait pas cédé et avait eu le dernier mot. Et puis la souveraine l'avait soutenu.
De toute façon le nom de « vaisseau des étoiles » lui convenait à ravir. Quand le bâtiment filait sous le vent,toutes voiles gonflées, il avait tant de grâce qu'on aurait dit qu'il allait s'élever dans l'azur.
Le prince admira le bateau et se félicita une fois de plus pour son bon goût.
Le chevalier qui était également le capitaine du navire l'attendait afin de le conduire à ses appartements. Le prince le gratifia d'un grand sourire.
-Merci chevalier, j'espère que vous saurez nous mener sans encombres à destination et que je n'aurai pas le mal de mer.
Le chevalier retint les paroles désobligeantes qui lui montaient aux lèvres.
Il était épris du prince, certes, mais ce dernier n'allait tout de même pas lui apprendre son métier. Est-ce que lui se mêlait des expériences qu'il menait dans ses catacombes ?
Il se remémora l'entretien privé qu'il avait eu avec la reine juste avant son départ. Celle-ci l'avait expressément mandaté. Elle tenait à lui prodiguer quelques recommandations et l'avait dûment chapitré.
-Chevalier Sheppard, je n'oublie pas votre rang et la place que vous tenez à la cour mais néanmoins, ou bien justement à cause de cela, je vous confie la responsabilité du prince Rodney. Que cela reste entre nous. S'il apprenait que nous avons eu cet entretien, nous aurions à essuyer son courroux. Vous connaissez son naturel emporté. J'exige qu'il bénéficie d'une protection rapprochée de votre part ( Là, le chevalier était bien d'accord avec la reine).
D'autre part, et que cela reste encore plus confidentiel, bien que je sois assurée de votre loyauté,je vous demande de prendre mon cousin un peu en main (Là aussi le chevalier n'y voyait aucune objection, bien au contraire).
Le prince quitte rarement ses catacombes. Il manque d'expérience sur le terrain et a besoin de s'aguerrir. Vous êtes du même rang et vous pouvez donc vous permettre quelques libertés à son égard (Le chevalier était de plus en plus d'accord avec sa souveraine). Alors, ne le ménagez pas trop. Profitez de ce voyage pour lui inculquer quelques notions de euh comment dirais-je ? Des notions de bravoure par exemple. Bon, à vous de voir. Je me fie à votre bon sens.
Après tout il y a des chances pour qu'il devienne un jour mon successeur. Comme vous ne l'ignorez pas, je n'ai aucun héritier direct et le prince est mon plus proche parent.
Lors, en écoutant le prince exprimer des doléances avant même d'avoir embarqué, le chevalier Sheppard se dit que la reine ne manquait pas de sagesse. Après tout le prince Rodney n'avait pas à le prendre de haut. Lui-même était de sang royal. Ses ancêtres avaient fondés le royaume et si, depuis, le pouvoir avait changé de mains, il n'en demeurait pas moins que sa lignée était aussi ancienne que celle du prince, sinon plus. Il était peut-être temps de rafraîchir la mémoire de ce dernier sur leurs arbres généalogiques.
-Dites, prince Rodney, avec tout le respect que je vous dois, je vous rappelle quel rang j'occupe à la cour.
D'autre part, sachez que je suis le seul maître à bord de ce vaisseau. Ici, tous me font allégeance et les décisions m'appartiennent. Il s'agit de mon navire et j'en ai le commandement. Même si vous l'avez baptisé avec toute la grâce et l'imagination dont vous êtes si coutumier, ajouta le chevalier avec élégance et dans le but d'atténuer la sévérité de ses propos.
-Hum hum, bien sur, chevalier Sheppard, vous avez mille fois raison. Ce que je voulais dire c'est que je suis sujet à divers maux : Les piqûres d'insectes m'étourdissent, je dois dîner avec régularité pour ne pas tomber en faiblesse et mon teint blanc et délicat est sujet aux brûlures du soleil.
Le chevalier sourit. Bien sûr la reine avait raison : Même s'il trouvait le prince très à son goût celui-ci avait besoin de s'endurcir un peu.
-Nous ferons de notre mieux pour vous satisfaire, soyez en sûr. Je prendrais personnellement soin de vous, prince.
Ce dernier rougit légèrement et le chevalier le trouva une fois de plus charmant et irrésistible.
-Merci, je n'en attend pas moins de vous tous. Vous savez à quel point je suis important pour le royaume. Il ne faudrait pas qu'il m'arrive quelque malheur !
Charmant, irrésistible et...divers épithètes, pas des plus élogieux passèrent par la tête du chevalier. Cela allait « d'égoïste présomptueux » à « goujat à qui ça ne ferait pas de mal de passer quelques heures au pilori, histoire d'apprendre un peu de courtoisie ».
Il se contint et donna le bras au prince afin de le conduire à ses appartements.
Sur ces entrefaites, se présenta le conseiller Aidenn. Celui-ci salua le prince et se tourna vers le capitaine :
-Capitaine Sheppard, la reine a souhaité que nous fassions une escale au château du duc de Lupus. Nous nous y pourvoirons en eau et vivres. Nous y passerons une nuitée. Le duc est un fidèle allié de notre royaume, un ami indéfectible de notre peuple. Nous pouvons lui faire confiance, nous serons très bien accueillis.
Cher Duc de Lupus
Comme vous en avez certainement été prévenu par un précédent message de la reine Elisabeth, le prince Rodney et le chevalier Sheppard qui sont des hauts dignitaires du royaume d'Atlantis, en chemin pour rendre visite à la cour du roi Kolya feront bientôt escale chez vous. Sans vous rappeler discourtoisement les vingt-cinq mille sequins d'or dont vous êtes mon débiteur et les renseignements concernant certaines disparitions mystérieuses dont je dispose à votre égard, je vous serais gré de retarder autant que possible leur départ de votre château.
Soyez sûr que je saurais vous en témoigner ma reconnaissance.
Bien à vous
C.Cavanaugh, pair à la cour royale d'Atlantis.
P.S : Messire, je sais quelles idées saugrenues vous traversent actuellement la tête mais oubliez. Cette missive s'étiolera et ne sera plus que lambeaux dans les vingt secondes. ( Justement une invention du prince en question).
P.S bis : S'il leur arrivait quelque malheur, si par exemple, nous aurions à déplorer leur décès accidentel, j'oublierai certaine dette que vous avez contacté à mon égard.
A suivre…
