9) La fronde et première nuit

Des armes de démolition…

Le chevalier Sheppard, chef des armées et de la sécurité du royaume réagit aussitôt :

-Des armes de démolition ? Bien sûr, au royaume d'Atlantis comme ailleurs, la rumeur court, colportée à grands frais par nos pigeons voyageurs qui sont toujours à l'affût des dernières nouvelles. On murmure qu'il y aurait des armes de démolition cachées chez les genii mais rien n'a été prouvé. D'ailleurs ces armes sont interdites par la Convention des Royaumes Unis.

Mais n'est-ce pas une préoccupation peu commune pour une princesse, aussi charmante soit elle ?

Si le prince possédait une arbalète, le cœur du chevalier aurait été transpercé sur l'heure.

Chevalier Sheppard, cousin Rodney, je vais vous confiez mon secret : Cela n'est point pour mon plaisir si je réside à la cour du roi Kolya. Je suis d'une société secrète qui a pour nom Quindosim. Notre but est de maintenir la paix dans nos royaumes. Nous soupçonnons le roi Kolya de détenir des armes de démolition dissimulées dans un abri dans un but de conquêtes et de guerres.

Mais avant d'aller de l'avant, jurez moi que vos lèvres resteront scellées quoiqu'il arrive et même si vos vies en dépendaient.

-Je le jure, princesse Allina.

-Vous avez ma parole, ma cousine.

Alors ne soyez point parjures. Nous ne sommes pas seuls. De nombreux gouvernants nous ont rejoint dans notre fronde : Nous comptons parmi nous Zarah de Proculis. Les abbots qui craignent avant tout la violence vivent dans la peur de subir un jour la domination de Kolya. Nous avons également le soutien du chancelier Druhin, de Hoff.

-Hoff ? Je me suis naguère rendu en cure dans ce pays, faute à mes nombreuses intolérances accompagné de mon apothicaire, Beckett. Il soupirait à l'époque pour une délicieuse hoffane, je crois. Mais hélas, une épidémie de fièvre a emporté la malheureuse. Notre apothicaire s'est montré inconsolable, conta le prince Rodney.

-La contée de Sertita est avec nous, poursuivit la princesse. Leur chef est un homme courageux, un véritable guerrier. Son sourire se fit rêveur à l'évocation de l'homme en question.

Les territoires du sud sont entrés dans une lutte fratricide : les deux chefs Harris et Carrus sont en conflit pour la couronne et Manaria, gouvernée par Smyldion a fait allégeance au roi Kolya. ( 1).

-Mais, cousine, le roi Kolya m'a fait l'effet d'être une personne charmante. Ne serait-il point plutôt victime de quelque persiflage ? S'enquit le prince s'attirant par là même un regard noir du chevalier et les foudres de sa cousine.

-Cousin Rodney, combien vous faites là preuve de légèreté ! Votre insouciance et votre futilité ne conviennent guère à l'héritier présomptif de la couronne d'Atlantis. Il serait temps de faire preuve d'un peu plus de discernement..

-Cousine Allina, vous vous oubliez. Futile, je ne le suis point. Sachez que je suis très intelligent et que si notre royaume dispose d'un bouclier qui le rend invulnérable, ceci est bien par ma grâce !

A ces propos, la princesse resta coite. En effet, le prince était loin d'être un sot. Il était doué d'une grande agilité d'esprit. Lorsqu'ils étaient étudiants, il avait même manqué mettre à feu le royaume en fabricant une machine à exploser avec les réserves de poudre du royaume. Prince ou pas prince, il avait été longuement interrogé par les services secrets des tuteurs de la princesse Elisabeth. L'affaire était restée ignorée de presque tous, heureusement.

-Cousin Rodney, veuillez je vous prie me pardonner. Il n'était point dans mes intentions de vous offenser mais seulement de vous mettre en garde.

Sachez que je suis en relation avec notre cousine la reine Elisabeth et que je connais la raison de votre venue céans. La reine est préoccupée par les mouvements des troupes des genii à vos frontières et vous êtes là afin d'observer. J'ajouterai même d'espionner. Et bien, sachez cousin que la reine est aussi de notre coalition. D'autre part, n'ayez crainte, je ne souhaite pas plus que vous une union entre nous.

D'ailleurs, on dirait que votre cœur soupire ailleurs, ajouta t'elle malicieusement, faisant de nouveau s'empourprer son cousin.

Le chevalier intervint :

-Princesse Allina, nous vous savons gré de la confiance que vous nous avez témoigné. Et j'ajoute que votre sagesse et votre courage n'ont d'égale que votre beauté.

Le prince qui venait de porter une coupe à ses lèvres avala de travers et faillit s'étouffer. Il recracha son breuvage et en devint rouge de confusion.

-Mille excuse, cousine Allina, je ne sais point ce qui m'a pris.

-Je crois que je le sais, moi, répliqua la princesse avec un sourire espiègle. Puis mi grave, mi amusée, elle s'adressa au chevalier :

-Ne quittez pas le prince d'un pas. Il y a péril en ce château. J'ai connaissance que vous avez juré à la reine de le protéger au péril de vote vie et…

-Quoi, vous avez tramé avec la reine dans mon dos ? Je suis très bien capable de m'occuper de moi tout seul et cela fait des lustres que je me passe des services d'une nourrice ! s'écria le prince outré. J'aimerai que tous, vous cessiez de me prendre pour un stupide jouvenceau !

Le prince croisa les bras et jeta un regard furibond au chevalier.

-Bon, et bien, cousin Rodney, chevalier Sheppard, je vous souhaite une bonne nuit. Je suis lasse et désire me reposer, dit-elle en les congédiant avec un sourire aimable. Cousin, j'espère que vous serez demain dans de meilleures dispositions à mon égard. Et méfiez vous du roi Kolya. Sous ses allures aimables et charmantes, il n'est qu « apparences ».

Les deux hommes s'éclipsèrent et le prince commença à gravir l'escalier en colimaçon qui menait aux remparts.

Il sentait les aiguillons de la jalousie le transpercer de part en part. Que son chevalier ait complimenté sa cousine lui semblait de la dernière trahison.

-Prince Rodney, il me semble que vous vous fourvoyez. Nos appartements ne sont point dans cette direction.

-Chevalier Sheppard, je vais où bon me semble. Mais puisque vous me prêtez quelque attention, je désire me promener un instant au clair de lune.

-Je vous accompagne.

-A votre gré.

L'astre de la nuit éclairait faiblement les donjons et jetait des ombres fantomatiques sur le chemin de ronde.

Le prince fit quelques pas et frissonna. Il poussa un long soupir et le chevalier fut aussitôt près de lui.

-Vous soupirez, prince !

-Voyons, John, nous devions jeter l'étiquette par dessus les remparts !

-Rodney, vous m'avez pardonné !

-John, je ne vous ai jamais tenu grief, répliqua le prince, égarant quelque peu la vérité. Au fait, ma cousine a l'air de ne point vous laisser indifférent ?

-Rodney, votre cousine est une demoiselle fort belle et courageuse mais mon cœur est pris ailleurs.

-Et quelle est cette personne à qui la chance sourit tant ?

-Vous la connaissez bien, prince, murmura le chevalier en se rapprochant.

Le cœur du prince se mit à battre la chamade. Les yeux du chevalier brillaient. Il saisit la main de son bien-aimé et la posa sur son cœur puis rapprocha doucement son visage du sien.

-Prince Rodney, quel plaisir de vous trouver céans. Quelle merveilleuse nuit, n'est ce pas, s'exclama la voix forte du roi Kolya qui surgit brusquement de l'obscurité.

Mortecouille ! Mais il allait en faire de la pâtée pour repaître les larves qui grouillaient dans les douves, de ce chien galeux ! Il n'y avait vraiment aucun moyen d'embrasser son prince en paix ! Mais quel avait donc été son crime pour être poursuivi par une déveine pareille !

Le roi fit silence puis enfin continua d'un ton pensif : Je viens souvent en ces lieux contempler les cieux étoilés. C'est curieux, parfois il me prend l'idée étrange que ma véritable demeure est loin, là-haut. Comme si je m'étais par mégarde fourvoyé de… Mais trêve de mélancolie. La nuit bleutée me fait songer à vos yeux, prince, susurra t'il, ignorant délibérément le chevalier Sheppard.

-Vraiment, roi Kolya, minauda le prince, sensible au compliment. Aie !

Le chevalier venait de lui broyer la main.

-Certes, prince, répondit le roi surpris, désirez-vous accomplir une visite nocturne de lieux. Je me ferai un plaisir de vous servir de guide.

-Euh, et bien avec pl…

-Certes non, sire, le prince me confiait à l'instant qu'il était las et combien le voyage l'avait éprouvé. Son seul désir est maintenant de succomber au sommeil dans SA suite.

-Et vous, Sheppard, allez-vous succomber aussi ? Persifla le roi.

-Mon devoir est de protéger le prince de tous les périls, quels qu'ils soient et quelque puisse être leur nature. Je pense que vous m'en donnez raison ?

-Soit, et bien bonsoir prince. Le souverain s'inclina. Il jeta un regard acéré au chevalier :

-Je suppose que le prince escompte une protection rapprochée de votre part ?

Le chevalier fronça les sourcils. Ces propos lui rappelaient une autre conversation qui s'était tenue quelques jours plus tôt et loin d'ici. Il haussa les épaules. Il était las, lui aussi.

-Très rapprochée, sire.

Il vit avec satisfaction le roi blêmir et entraîna son prince vers sa suite.

-Rodney, voici vos appartements. Je souhaite que la nuit vous soit douce et vos rêves fort agréables.

-John, si vous vouliez me faire la grâce de votre présence, la nuit me sera encore plus douce, murmura le prince ouvrant la porte et laissant entrer ce dernier.

-Rodney, enfin, si vous saviez à quel point vous comblez mes espérances !

-Ne vous gaussez point, John, mais je suis effrayé par ce château et ses ombres et vous savoir près de moi me rassurerait. Après tout, je sais maintenant que vous avez fait serment à ma cousine la reine de me protéger. Et bien, en voilà l'occasion.

Le chevalier qui avait nourri quelques espoirs sur les intentions nocturnes de son prince ne put s'empêcher de ressentir du dépit.

-Mais où dormirais-je Rodney ? Bon, le sol est bien froid et dur mais j'en ferai mon affaire. Après tout, je suis un soldat, habitué à vivre à la dure. Et si je tremble et tressaille malgré tout, j'espère ne point troubler votre sommeil. L'aube ne m'en trouvera que plus aguerri.( 2).

-Que nenni, John, je ne vous laisserais point trembler de froid, s'exclama le prince épouvanté. Vous partagerez ma couche, en tout bien, tout honneur, bien sûr.

-Rodney, votre vertu n'aura pas à craindre de moi. Je vous en fais serment.

-Ma vertu a bien été sujet à rire pour ma cousine Allina.

-Rodney, je le répète, elle ne fait que vous honorer.

Le chevalier se détourna afin de permettre au prince de se dévêtir et de se glisser sous les épais draps de lin. Puis il fit de même et se coucha aussi en éteignant la chandelle.

-Rodney, avez-vous assez chaud ? Désirez vous que j'appelle vos gens afin d'entretenir la flambée ?

-Non mais je tremble un peu. Ce lit est si froid.

-Venez tout contre moi, je vais vous réchauffer.

-John, je n'ose.

-Rodney, j'ai juré de me conduire en parfait chevalier et cette nuit, votre pucelage ne souffrira point de mes ardeurs. Foi de chevalier Sheppard.

Le prince devint cramoisi mais se rapprocha de son chevalier qui le prit dans ses bras.

Il se pelotonna et sentit une douce chaleur l'envahir. Il avait bien le désir que John se livre à quelques audaces et ne fasse point si grand cas de son serment. Mais il savait que ce dernier respecterait son honneur. Quelle plaie ces coutumes ! Il se serra encore un peu, se laissant envahir par l'odeur virile de son compagnon de lit et ferma les yeux.( 3).

Par tous les glands du chêne de Saint Pegasus ! la virilité au garde-à-vous du chevalier était là bien mise à rude épreuve. Il avait un gourdin dressé comme un donjon entre les jambes ( 4) et il ne pouvait s'en servir alors que l'objet de ses désirs était collé à lui dans l'obscurité de la chambrée. Il souffrait mille tourments et menait une lutte acharnée pour ne point succomber.

C'était une nouvelle épreuve et celle-ci était particulièrement dure (5). Une vie de danger, semée d'embûches, de batailles et parfois de tourments pour se retrouver à pratiquer l'abstinence comme un moinillon alors que son fier membre lui ordonnait vigoureusement de partir à l'assaut. Ah, il aurait mieux valu dormir à même le sol gelé. Il aurait moins souffert.

-Prince, murmura t'il à son bien aimé, j'ai juré…pour cette nuit.

Le prince qui, s'il était puceau, n'en était point sot et avait senti un changement notable dans la morphologie de son chevalier se serra encore plus et se frotta tout en feignant le sommeil contre ce dernier, lui arrachant un douloureux gémissement. (6).

Puis satisfait, il sourit et s'endormit.

A suivre…

1) Merci Gateship

2) Quel hypocrite, ce John !

3) Pour les pervers(es) qui imagineraient un lemon, je rappelle qu'il s'agit là d'un conte. Quoique…Bon, il y aura d'autres nuits.

4) Oui, je sais, c'est pas très élégant.

5) Et oui, elle était facile mais je n'ai pas pu résister

6) Ben là, il exagère, Rodney !