10) Le prince et le roi

Le prince Rodney s'éveilla à l'aurore, blotti dans les bras de son chevalier. Les premiers rayons de soleil filtraient à travers les vitraux et balayaient la pièce de rais de lumière.

-Rodney, vous voici éveillé, avez-vous passé une bonne nuit ?

-Excellente, John, et vous même ? Quelques songes ont-ils troublé votre sommeil ? Avez-vous rêvé de moi ? s'enquerit le prince.

-Rodney, vous avez enchanté mes rêves, répondit le chevalier captivé par les yeux bleus qui venaient de plonger dans les siens.

La nuit était terminée et il était délié de sa promesse. Il effleura avec douceur la joue de son bien-aimé et l'enlaça tendrement. Ses lèvres se rapprochèrent irrésistiblement et il pouvait déjà sentir le léger souffle de son prince sur les siennes.

-Cousin Rodney !

Par les attributs sacrés gardés religieusement en relique de Saint Pegasus, patron du royaume ! Mais il était poursuivi par le mauvais sort ! Aurait-il commis quelque faute impardonnable dont les dieux lui tiendrait rigueur ?

-Cousin Rodney ! Allina venait d'entrer en coup de vent dans la chambre et s'arrêta brusquement, bouche bée.

-Cousin Rodney, s'écria t'elle stupéfaite, vous me trouvez là confondue. Comme vous voilà en bonne compagnie…La nuitée vous a certainement été bien douce et votre vertu si précieuse hier aurait chu dans les oubliettes ?

-Cousine Allina, bafouilla le prince cramoisi, ne vous méprenez point. J'ai offert au chevalier de partager ma couche en tout bien tout honneur.

-Alors, s'agirait il d'un assag ? Auriez vous soumis votre chevalier à cette difficile et tentatrice épreuve ? (1)

-Un assag ? Le chevalier dévisagea pensivement son prince et un doute se fit jour en son esprit. Se pouvait-il que ce dernier eut trouvé quelque divertissement à le mettre à l'épreuve ? Aurait-il souffert tous ces tourments afin de satisfaire un caprice de Rodney ? Son prince adoré aurait délibérément attisé le feu qui brûlait en lui ?

-Rodneyyy !

-Euh, et bien je vous laisse, messires, une affaire urgente m'appelle sur l'heure ! La princesse s'éclipsa aussi rapidement qu'elle était apparue.

Le prince était dans ses petites chausses.

-John, je vous en conjure, susurra t'il tendrement à l'oreille de son chevalier et en se serrant câlinement contre lui, n'allez point prêter foi à pareille calomnie ! Comment pouvez-vous songer à cela. Il n'est point dans mes usages de me montrer si cruel ! Les beaux yeux se remplirent de larmes. Je vous en prie, oublions ces paroles injustes et blessantes.

Le prince se dit qu'il allait devoir en allumer, des cierges à la chapelle de saint Pegasus pour se faire pardonner ce mensonge !

-Soit Rodney, je veux bien croire à votre parole, répliqua John ému mais qui malgré tout nourrissait quelques sérieux soupçons vis à vis de son aimé.

Les deux hommes se revêtirent en silence. Le chevalier Sheppard était préoccupé. Si le roi Kolya nourrissait de noirs desseins, ils devaient le découvrir sur l'heure. Le royaume d'Atlantis était vulnérable. Par le ciel, personne ne savait que le bouclier arrivait en fin de vie. Cela devait rester un secret. Lors la question se posait : les armes existaient-elles oui ou non ? Si oui, elles étaient dissimulées au château. Il y aurait eut trop grand risque pour le roi Kolya de les garder hors de son contrôle.

Oui, l'heure était grave. Il fallait agir et il n'entrait point dans ses intentions de ménager son prince.

-Rodney, dit-il fermement, nous devons tout mettre en œuvre afin de nous enquérir sur les armes dont nous a entretenu votre cousine. S'il s'avérait que ses renseignements soient justes, nous allons au devant d'un grave péril. Je vous somme d'extirper tous les renseignements que vous pourrez tirer du roi. Je vous en conjure, faites tout ce qui est en votre pouvoir.

-Tout, John ?

-Rodney, s'écria le chevalier exaspéré. Tout dans la limite de la bienséance. Et ne laissez point ce gibier de potence vous en conter. Pardieu, vous êtes parfois si crédule !

-John ! s'emporta le prince offusqué, vous n'avez d'ordre à me donner et d'ailleurs, ne seriez vous point jaloux du roi ?

-Moi, jaloux de cet épouvantail couronné, vous plaisantez ! éclata le chevalier. N'était-ce point vous qui ressentiez ardemment les affres de la jalousie hier au soir. Vous n'aviez qu'un désir : étriper votre cousine à chaque sourire qu'elle me destinait.

-Mufle ! Le prince rouge de colère sortit en claquant la porte. John exagérait. C'était vrai qu'il était un peu jaloux. Et alors ? Il saurait se montrer bon prince et pardonner l'offense. En attendant, il allait accomplir son devoir.

-Prince Rodney, quel plaisir de vous trouver si matinal ! J'allais justement de ce pas m'enquérir de vous. N'êtes vous point accompagné aujourd'hui.

-Roi Kolya, j'espérai tant que nous pourrions deviser seuls. Vous êtes si passionnant. Tous ces voyages lointains, ces conquêtes. Oui, vraiment, je vous admire, susurra le prince en rosissant légèrement d'un air intimidé, sans omettre bien sur de plonger ses beaux yeux bleus dans ceux de son vis à vis.

-Prince, s'exclama le roi ébloui, quel honneur vous me faites là. Laissez moi me confier quelque peu : Depuis la veillée, mes pensées ne sont pour vous. Je suis tombé sous votre charme. Mon cœur s'est enflammé et vous seul saurez éteindre le brasier.

Quelle fougue ! Et bien, s'il s'était attendu à pareille déclaration. Le prince resta un instant indécis puis se lança.

-Roi Kolya, vous ne m'êtes point indifférent non plus. Mais faisons plus ample connaissance. Me ferez vous la faveur de me faire la visite de vos…jardins ?

-Avec joie, mon prince ! Rodney.

-Euh, restons en à « prince » si vous le voulez bien. Le conseiller Aiden(2) ne souffrirai pas que je déroge à l'étiquette.

La visite fut des plus agréable. Le roi se montra fort courtois et empressé de plaire à son hôte.

-Et ces bâtisses, là ? s'enquit le prince avec curiosité, désignant des bâtiments isolés des habitations principales.

-Oh, il ne s'agit que de granges sans intérêt aucun, fréquentées par quelques maraudeurs de passage. Elles sont de plus infestées d'araignées et de rats que poursuivent quelques chats.

-Mais j'adore les chats, s'exclama Rodney en s'élançant.

-Prince, arrêtez !

Rodney stoppa, surpris par l'ordre intimé d'un ton dur et sans aménité. Le roi l'observa avec quelque suspicion et le prince jugea bon de ne pas insister.

Il sourit :

-Vous avez raison, sire, ces endroits malsains ne font qu'aggraver les nombreuses intolérances dont je souffre.

Tout en devisant gaiement, il observa du coin de l'œil le conseiller Cowen qui sortait céans des granges en question. Il jeta un coup d'œil au roi qui ne l'avait pas remarqué et le prit par le bras.

-Continuons cette délicieuse promenade roi Kolya. Quels superbes jets d'eau ! Quels magnifiques fleurs ! Et qui est cette délicieuse demoiselle dans sa si jolie robe de dentelles, une bergère ?

-Prince, laissez moi vous présenter la fille de mon ancien intendant aujourd'hui décédé.

Le malheureux a trouvé la mort lors d'une expédition avec les gens de la princesse Teyla, qui vit sur Atlantis, je crois et à qui nous avons confisqué le royaume. Nous lui avons bien offert de gouverner sous notre autorité mais elle a choisi l'exil.

Rodney gratifia la jeune fille d'un charmant sourire. Elle disparut, ravissante, dans les contre-allées des jardins.

Le prince finit par regagner sa suite, prétextant quelque entretien avec son conseiller. Il y trouva son chevalier qui l'accueillit d'un air sombre.

-Alors Rodney,la promenade vous a sied ? Le roi est-il beau parleur ? Vous aura t'il captivé avec ses récits palpitants ?

-Le roi est de fort agréable compagnie, en effet. Et au fait, il m'a même déclaré sa flamme, annonça perfidement le prince.

-Le malotru, je vais le pourfendre sur l'heure ! s'écria le chevalier sortant de ses gonds. Il tira son épée et bondit.

Le prince s'interposa.

-Nenni, John, vous n'en ferez rien. Je suis néanmoins flatté de l'intérêt que vous portez à cette affaire. Mais vous l'avez dit vous même : le royaume est en péril. Et j'ai peut-être idée de l'endroit où pourraient se dissimuler les armes.

Devant la stupéfaction de son chevalier, Rodney conta l'incident de la grange et la présence incongrue du conseiller Cowen en ces lieux.

-Oh Rodney, vous êtes brave, intelligent et courageux. Pardonnez-moi les paroles malencontreuses que j'ai eu à votre égard ce matin, je vous en supplie.

-John, pardonnez moi de même, je vous prie et cessons donc de nous chamailler sans cesse !

-Rodney, ainsi sera t'il ; Je jure de ne plus vous chercher querelle et de toujours garder calme et sérénité par devant vous. Parole de chevalier.

-Le roi Kolya ne manque pas d'attrait, ne trouvez vous donc point ? Il a une aura mystérieuse qui le rend irrésistible et…

-Rodney, comment pouvez vous vous amouracher d'un résidu de citerne commune issu d'un furoncle pustuleux vomi par un pestiféré phtisique ! vitupéra le chevalier hors de lui. Vous êtes vraiment d'une naïveté comme on n'en trouve que dans les contes pour enfants !

-John, voilà que vous vous laissez aller à quelque emportement de nouveau. Je n'en pensais mot et ne cherchais qu'à vous taquiner.

-Rodney, j'exige à cette heure que vous cessiez de jouer avec moi, intima le chevalier Sheppard excédé. Ma patience n'est pas infinie et vous finiriez par vous en repentir.

Pour lors, je vais visiter lesdites granges. Restez ici et n'en bougez point.

-Il n'en est pas question, je vous accompagne. Vous ne songeriez pas vraiment m'abandonner seul céans …à la merci du roi Kolya ? Le prince enlaça son chevalier et enfoui sa tête dans son cou. Je vous adjure de ne point me laisser seul, je suis si effrayé ! gémit-il d'une toute petite voix.

Convaincu par les arguments imparables de son aimé, John acquiesça. Il se demanda s'il pouvait l'embrasser là mais se dit que de toute façon, c'était inutile puisqu'au moment où il allait poser ses lèvres sur celles de Rodney, quelqu'un surgirait à l'improviste . Il attendit et aucun quidam ne franchit la porte alors il baissa la tête et sa bouche se posa presque sur celle de son amoureux quand…un battement d'ailes l'interrompit. Un pigeon vint se poser sur son épaule.

-Crénom de bordel de satané volatile sorti tout droit du cul de Lucifer ! Il se saisit dudit oiseau et lui tordit le cou puis le jeta par-dessus son épaule.

-Bon, où en étions-nous Rodney ? grogna t'il en l'étreignant de nouveau.

-Euh, John, je crains bien que vous ayez fait subir un mauvais sort à un messager de notre reine Elisabeth.

-Saperlotte ! s'exclama le chevalier examinant le petit cadavre, Je me suis fourvoyé là. Bon, voyons quelles nouvelles l'importun apportait-il.

Il lui retira la bague et entreprit la lecture du parchemin.

-La reine confirme les mouvements des troupes de Kolya. Il n'aurait pas cette audace s'il n'escomptait s'appuyer sur une artillerie lourde. Venez Rodney, ne perdons plus de temps !

-Et lui, interrogea le prince désignant le petit corps abandonné au sol.

-Décédé dans l'exercice de ses fonctions. Hop ! au bûcher le fâcheux. Il se saisit du volatile et le jeta dans l'âtre sous le regard effaré de son prince.

-Rodney, nous n'avons pas le temps de lui organiser des funérailles ! Allons, pressons nous !

La grange n'avait rien de particulier. Quelques rats détalèrent à leur arrivée poursuivis par des matous dodus.

-John, ne sentez vous point cette odeur ? on dirait de la poudre, s'étonna le prince. Il me semble que cela vienne de cet endroit. Il désigna le fond du bâtiment.

Le chevalier finit par remarquer une trappe. Les gonds venaient d'être fraîchement huilés.

-Rodney, vous êtes extraordinaire, lança Sheppard s'attirant par là un magnifique sourire de son compagnon.

-Je sais John

Il souleva la trappe et distingua les barreaux d'une échelle.

Ils descendirent.

Tout ceci était fort curieux. Les murs étaient de pierre et semblaient d'une épaisseur peu commune. On aurait dit une forteresse souterraine. Ils arrivèrent enfin dans une immense salle et restèrent bouche bée.

-Les armes, elles sont là !

Balistes, catapultes, trébuchets, couillards, arbalètes… Elles étaient bien là, une multitude d'engins de guerre, des milliers d'arcs, d'arbalètes et des centaines de barriques de …Rodney se pencha et renifla :

-De la poudre !

Son attention se rapporta sur un établi où étaient alignés fioles et grimoires. Quelqu'un menait là quelques expériences. Il examina les parchemins et eut un hoquet de surprise.

-John, venez là et voyez. Ce sont icilà mes annotations et grimoires sur les expériences que je mène dans les catacombes de notre royaume. Par quel miracle ont-elles été acheminées céans ?

Une voix à l'intonation moqueuse retentit derrière eux :

-Non pas par miracle, mais par mes soins. Prince Rodney, je ne vous salue pas. Et bien, pour une foi vous voilà coi, railla Kavanaugh, pair du royaume d'Atlantis. Et vous, chevalier Sheppard, vous voilà d'un coup moins faraud ! Auriez vous perdu votre courage ? De trop vous consacrer aux jeux de l'amour avec votre beau prince vous aurait amolli ?

-Traître ! ladre ! couard ! je vais te pourfendre, espèce de chien galeux. Comment oses-tu mettre en doute l'honneur de notre prince ! Tu vas trépasser sur le champ, prépare toi à remettre ton âme au Diable !

-Pas tout de suite, Sheppard, les insectes ont eux aussi leur utilité. Posez votre épée si vous ne voulez pas qu'il arrive un fâcheux malheur à votre ami.

Le roi Kolya sortit de sa ceinture un long coutelas dentelé et l'apposa sous la gorge du prince.

-Je ne voudrais pas trancher un si joli cou et par là même occire une si désirable personne.

Des soldats apparurent, pointant des arcs bandés sur le chevalier. Celui-ci laissa tomber son épée au sol.

Le roi esquissa un sourire carnassier.

-Attachez-les. Nous allons avoir une petite conversation. Je suis impatient de vous entendre tous les deux. Je suis sûr que vous avez beaucoup de choses à me confier.

A suivre…

1)°L'assag ( L'essai ) Cérémonie où la dame (souvent nue) mettait son soupirant à l'épreuve. Elle lui permettait de se coucher près de lui tout en exigeant qu'il la respecte et ne la touche pas.(Je me demande quel était le pourcentage de réussite ? Résultat visible par tous neuf mois après, je pense).

2) Un seul N, pour Jojo.