11) Salle des tortures

Le chevalier Sheppard, attaché par des fers au mur verdâtre et suintant ruait et se débattait. En vain.

Il se trouvait dans un sombre cachot sous le château. En fait, il s'agissait de la salle des tortures, fief du bourreau des genii.

C'était une salle bien équipée. On y trouvait un chevalet à empalement, une chaise à clous, l'indispensable roue à laquelle on attachait les prisonniers afin de leur briser les membres et même un attirail de pinces à arracher les chairs. Il ne manquait même ni la hache ni le garrot. Dans un coin de la pièce se trouvait bien rangée et entretenue avec soin une potence démontable.

Le quidam en question, un brave homme corpulent et surtout odorant ( Le chevalier trouvait qu'il dégageait une répugnante odeur de charogne) lui adressa un sourire compatissant :

-Allons, jeune homme, il ne sert à rien de vous débattre ainsi, vous allez vous fatiguer et vous ne serez plus en mesure d'apprécier le traitement que je vous réserve.

-Puanteur de bouse de putois roulé dans des excréments de bouc !

-Cela n'est point très aimable à mon égard, chevalier Sheppard, se plaignit le bourreau. Je ne fais que mon ouvrage. Les temps sont durs pour les pauvres artisans et pourtant, je mets du cœur à la tache mais mes mérites ne sontguère reconnus. Je suis obligé de vivre à l'écart avec ma femme et mes enfants et les gens se signent sur mon passage. Et moi qui suis si sensible ! Pourtant, n'est point bourreau qui veut, c'est un long apprentissage pour apprendre les ficelles du métier. Ah, je pourrais deviser des heures mais voilà que je m'emballe. Mes propos doivent vous ennuyer.

Personne ne me montre de considération, même les suppliciés ne savent point apprécier, se lamenta t'il. Croyez moi, le métier se perd. J'ai même ouï dire que dans certaines contrées, il sont obligés de faire appel au boucher. Moi je dis que là c'est un manque de respect pour le client et vous verrez ce que …

Il fut interrompu dans ses lamentations par l'arrivée du roi Kolya qui tenait fermement le prince.

A peine entré, ce dernier se jeta au cou de son soupirant.

-Que vous ont-il fait John. Ces fers qui vous rentrent dans les chairs, quel traitement cruel !

-John ? Et l'étiquette à laquelle vous étiez si attaché tantôt ? Railla le roi.

-Je vous adjure de faire délivrer le chevalier Sheppard de ses fers sur l'heure, roi Kolya sinon…

-Sinon ? s'enquérit le monarque avec un petit sourire amusé.

-Euh, j'en réfèrerai par voie diplomatique à notre souveraine Elisabeth qui ne manquera pas de vous signifier son désaccord et…

-Prince Rodney, vous me plaisez de plus en plus et j'aime vous voir ainsi courroucé. Ecoutez attentivement ma proposition : Restez de votre propre gré au château. Vous y serez traité avec tous les égards et les distinctions qui conviennent à votre rang et je mettrai à votre disposition tout ce que vous quémanderez pour satisfaire votre goût pour les études et continuer vos expériences. Je ferai le siège du royaume d'Atlantis et je vous ramènerai l'E2PZ. ( Le prince sursauta et jeta un regard furibond à Kavanaugh).Ensemble nous pouvons bâtir un empire. Ma force et votre génie y pourvoiront. Vous serez le grand maître du royaume à mes côtés..

-Mais..gémit le pair Kavanaugh, vous m'aviez promis…

-La ferme gueux si tu ne veux point rejoindre le chevalier et ne me recoupe jamais la parole sinon je te fais empaler par le fondement.

-Bien sire, s'exclama le gueux en question terrorisé en se jetant à plat ventre devant son maître.

-Bourreau, tu pourrais faire le ménage de ton antre plus souvent, il y a des déchets au sol, ironisa le chevalier Sheppard.

-Quelle est votre décision, prince ? Interrogea le roi ignorant le chevalier.

Le prince s'approcha du monarque en souriant et lui envoya en plein visage un magnifique crachat royal.

Les traits du souverain se décomposèrent sous l'effet de son courroux. Il leva le bras et souffleta violemment le prince le projetant à travers le cachot.

Celui-ci se redressa, le nez en sang.

-Je vous méprise Kolya. Vous vous pensez roi alors que vous n'êtes rien. Vous n'êtes même pas digne de ramper à mes pieds comme ce vil insecte, nargua le prince désignant Kavanaugh.

-Brave, courageux Rodney ! s'exclama le chevalier admiratif.

-Bourreau, chauffe donc les côtes de ce fanfaron, nous verrons s'il sera aussi loquace dans un moment.

Le bourreau saisit des pincettes chauffées à plan et s'approcha du chevalier.

Le prince se précipita au secours de son aimé mais Kolya l'intercepta au passage et le serra contre lui, l'encerclant de ses bras tout en l'obligeant à regarder.

-Voyez, prince, n'en perdez pas une miette. Je ne voudrais pas vous priver d'un si plaisant spectacle, lui susurra t'il à l'oreille tout en laissant ses lèvres courir sur le lobe.

Le prince eut un hoquet de répulsion.

Les pincettes entrèrent au contact de la peau de Sheppard avec un grésillement. Le chevalier serra les dents et son corps se couvrit de sueur. Un long frisson le parcouru de la tête au pied. Il ne cria pas.

Le bourreau retira ses pincette laissant une marque sur les côtes du chevalier.

-John ! hurla le prince en se débattant. Monstre, assassin, pauvre vermisseau, lâchez moi.

Le prince se mit a ruer et à griffer.

Le roi éclata d'un rire sadique.

-Continuez ainsi, prince, vous m'excitez, ne le sentez vous pas ?

-Kolya, espèce de bubon de pestiféré, je te tuerais, je le jure, foi de Sheppard. J'en fait le serment, tempêta le chevalier..

Bourreau, reprend ton œuvre, ordonna le roi.

Le bourreau se remit avec cœur à l'ouvrage et cette fois-ci le chevalier cria.

C'était plus que ne pouvait en supporter le prince. Il implora le roi :

-Sire, je vous en conjure, faites cesser sur l'heure ce supplice. Je ne puis le supporter.

-Et que me donnerez vous en échange, prince ?s'enquérit le monarque avec un regard pervers.

-Rodney, ne promettez rien, je préfère souffrir mille morts que vous savoir entre les mains de ce pourceau ! s'écria John.

-Tout ce qui ne mettra pas en péril mon honneur, sire, rétorque le prince essayant de ne pas entendre les paroles de son bien-aimé.

-C'est ce que nous allons voir, s'exclama le roi en entraînant le prince hors du cachot. Mais pour vous montrez ma bonne volonté, je commue le supplice en dix coups de fouet…pour l'instant.

Le roi entraîna le prince dans le couloir. Ils ouïrent les premiers coups de fouets claquer derrière eux.

Il arrivèrent devant une petite porte en bois. Le roi l'ouvrit et sitôt à l'intérieur enlaça Rodney.

-Prince, il ne tient qu'à vous que votre ami ne subisse point sévices plus cruels encore. Sachez me témoigner quelques faveurs et je serais me montrer clément haleta t'il en le plaquant contre le mur. J'ai des sentiments pour vous, ne les ignorez point et soyez à moi.

Le prince entendit au loin les cris de son bien-aimé qui souffrait sous les lanières du bourreau.

Il sut alors quel était son devoir.

-Roi Kolya, murmura t'il en posant ses lèvres sur celles du tortionnaire, je suis tout à vous.

A suivre