Trois semaines plus tard, Le temps était toujours aussi mauvais et l'humeur des élèves en pâtissait. Seule Erzébeth affichait un entrain mystérieux et personne ne parvenait à lui tirer les vers du nez. Elle disparaissait parfois pendant une heure ou deux et réapparaissait toute guillerette. N'y tenant plus, Mélina entraîna un soir après le repas sa cousine dans un coin à l'abri des oreilles indiscrètes.
- Vas-tu enfin me dire ce qui t'arrive ?
Erzébeth soupira, et un petit sourire en coin, chuchota :
- D'accord. Mais jure de ne le répéter à personne !
- Promis, promis ! affirma Mélina, exaspérée.
- August Quenton et moi sortons ensemble depuis deux semaines !
- Quoi, quoi ? bafouilla Mélina.
- Tu as bien entendu, ne prends pas tes grands airs, rétorqua Erzébeth un peu agacée. Il est très gentil. Avoue qu'il n'est pas le premier de Serpentard à dire des méchancetés. Il est un peu réservé, c'est tout !
Mélina soupira : ce n'était pas faux, Quenton n'était pas un de ces Serpentard moqueurs et méprisants.
- Mais j'ai bien conscience qu'on n'aurait pas la paix si notre relation était connue, poursuivit Erzébeth. Alors on se voit en secret.
- Bien, si tu es heureuse... bougonna Mélina.
- Oh, je n'ai pas dit que j'étais amoureuse de lui mais il me plaît bien quand même...
Les cousines repartirent tranquillement vers les endroits les plus fréquentés du château et avant de se séparer pour regagner leur dortoir respectif, Erzébeth lui prit le bras.
- Au fait, il m'a reparlé de ce devoir pour Darwin. C'est la vérité tu sais, il a besoin de renseignements.
- J'y réfléchirai, soupira Mélina.
Attablée devant une montagne de devoirs, comme bon nombre de ses camarades, Mélina songea à la demande d'August. Elle qui considérait comme une offense la moindre mauvaise appréciation sur son travail eut pitié du petit ami de sa cousine. Serpentard ou pas, ça ne lui plaisait pas qu'un élève ait à pâtir par sa faute du blâme d'un professeur.
Le lendemain, pendant un cours commun de Soins aux Créatures Magiques, Mélina donna son accord à Erzébeth pour aider August.
Le lendemain à la bibliothèque, Mélina attendait, légèrement anxieuse, la venue d'August. Erzébeth leur avait bien dit de se retrouver dans un coin tranquille. Le risque de se faire répérer en grande conversation par d'autres élèves était réduit : il y avait enfin une acalmie dans la météo et en ce samedi après-midi, beaucoup d'élèves étaient sortis regarder les entraînements de Quidditch.
- Salut ! fit une voix grave.
Mélina sursauta et répondit poliment.
- Merci de m'aider.
"Ca doit te coûter de me dire ça !" songea Mélina.
- Je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai beaucoup de devoirs. On peut aller à l'essentiel ?
- Oui, répondit Mélina, soulagée de passer un minimum de temps en sa compagnie.
Et elle lui parla de ce qu'elle savait, qui n'était pas dans les livres ou l'histoire officielle du monde la Magie. Comment Harry Potter avait attiré Voldemort dans un piège à Poudlard et l'avait combattu et anéanti grâce à la ruse, puis jeté son cadavre, sur le conseil de Dumbledore - spectateur impuissant dans son tableau - dans le bassin de Pensine, réduisant ainsi Voldemort à un souvenir qui n'effrayait plus personne.
- La Pensine... murmura August.
- Pardon ?
Quenton ne l'avait que peu interrompue pendant son explication mais cet élément semblait l'intéresser particulièrement.
- Où est-il maintenant, ce bassin de Pensine ?
Sur ses gardes, Mélina demanda rudement :
- En quoi ça te regarde ? Je ne crois pas que j'ai le droit de le dire de toute façon, c'est un secret.
Quenton renifla :
- Au Ministère je suppose...
Mélina regrettait d'avoir accepté cette rencontre, d'autant plus que son visage devait trahir que Quenton avait bien deviné.
- Ca n'a pas d'importance, de toute façon, c'était juste pour savoir. Ce sont les éléments de l'affrontement qui m'intéressaient. J'ai maintenant de la matière pour mon devoir. Je te remercie. A bientôt peut-être.
Il s'éloigna en silence.
Mélina se rendit au terrain de Quidditch et rejoignit dans les gradins bon nombre de membres du clan Weasley. Ses soupçons quant aux motivations de Quenton s'évanouirent devant l'enthousiasme du public face aux exploits de l'équipe de Gryffondor. Arthur-Merlin était impérial, en digne petit-fils d'Angélina Johnson. La rencontre contre Poufsouffle la semaine prochaine promettait d'être extraordinaire. La séance d'entraînement finie, le public commença à se disperser et Mélina aborda Erzébeth :
- C'est fait, j'ai rencontré August. Je lui ai dit ce que je savais mais... enfin, je sais pas trop comment te dire ça sans te fâcher, mais il a réagi bizarrement quand j'ai évoqué la Pensine...
Erzébeth fronça les sourcils et rétorqua sèchement :
- Ecoute, je me suis renseignée. C'est le meilleur élève de septième année à Serpentard. Il obtenu "Optimal" à la plupart de ses épreuves de BUSE. Il est travailleur, il aurait été très à sa place à Serdaigle s'il n'avait pas ce côté un peu fier !
Mélina se radoucit :
- D'accord, d'accord...
Erzébeth lui sourit gentiment puis son sourire disparut :
- Qu'est-ce qui se passe ?
Elle regardait par-dessus l'épaule de Mélina qui se retourna. Hermione Granger-Weasley, le visage fermé, venait vers elles, entourée de tout le clan Weasley. A ses côtés, Arthur-Merlin, encore en tenue de Quidditch, pleurait doucement.
- Mes petites, j'ai une mauvaise nouvelle, leur annonça-t-elle de sa voix chevrotante. Fred Weasley est mort de matin. Nous sommes tous attendus chez Angélina.
Le Terrier avait connu des heures joyeuses de réunion familiale. Les petits-enfants, petits-neveux et nièces ne savaient trop quelle attitude adopter, considérant souvent la mort comme un élément étranger à leur jeune existence. Le chagrin d'Arthur-Merlin faisait peine à voir : lui et son grand-père s'étaient toujours entendus comme larrons en foire. Ses cousins l'entouraient et tentaient de le distraire comme ils pouvaient. Les adultes oscillaient entre la tristesse et l'évocation nostalgique des nombreuses bêtises du disparu et de son jumeau. Erzébeth embrassa tendrement son grand-père Ron, vieux monsieur très grand et voûté aux yeux embués de larmes. Mélina éprouva un moment de gêne à voir la directrice de Gryffondor consoler son vieux mari. Le repas du soir fut empreint de la même atmosphère, Angélina s'essuyant souvent les yeux.
- Je disais souvent à qui voulait l'entendre : "mais c'est pas un homme que j'ai épousé, c'est un gosse !" mais c'est pas vrai, je l'ai toujours aimé...
Un concert de protestations fusa parmi les adultes, assurant l'ancienne joueuse de Quidditch qu'ils savaient tous qu'elle plaisantait en prononçant ses paroles. Mangeant en silence, les petits-enfants ne sachant que dire entendirent avec soulagement Tom Weasley, un des fils de George, réclamer à Ron des détails sur les exploits de Fred et George pour mener la vie dure à une certaine Dolorès Ombrage, directrice passagère de Poudlard, dont le nom arracha une grimace à l'habituellement impassible Hermione Granger-Weasley.
Le remue-ménage magique pour permettre à tout le monde de dormir au Terrier provoqua l'excitation chez les plus jeunes que calma à grand-peine la directrice de Poudlard en leur rappelant avec tact la raison de leur présence.
L'enterrement eut lieu le lendemain en début d'après-midi. Après la cérémonie, revenue au Terrier, n'ayant pas revu ses parents depuis la rentrée, Mélina s'assit à leurs côtés dans un vieux mais confortable sofa. Sa grand-mère Ginny, elle aussi très affectée du décès de son frère, était montée se reposer. Un peu plus loin, sur un autre canapé, Angélina réconfortait son petit-fils Arthur-Merlin, toujours inconsolable.
Son père se montra très fier des brillants résultats scolaires de Mélina. Pelotonnée contre sa mère, Mélina la taquina en lui parlant d'un de ses collègues de travail. Ophélia Potter-Andrew était directrice du Laboratoire des Potions Magiques Curatives à l'hôpital Ste-Mangouste et était dotée d'un assistant dont l'hygiène corporelle n'était pas le premier souci. Les plaisanteries fusèrent pendant quelques minutes et Mélina s'interrompit au beau milieu d'une blague en croisant le regard vert vif de sa mère.
- Qu'il y a-t-il ma chérie ?
Mélina soupira et se retourna pour s'assurer qu'Erzébeth n'était pas dans les parages. Elle conta tout de la demande d'August Quenton et frissonna quand le regard de sa mère étincela.
- J'ai mal fait ? demanda-t-elle, inquiète.
- Effectivement, tu n'aurais pas du, dit sourdement son père.
Alarmée de la dureté du ton de son père, Mélina sentit les larmes monter à ses yeux.
- Mais nous aussi nous avons eu tort d'évoquer tout ceci librement devant toi avant que tu ne sois adulte, continua-t-il sur un ton inquiet.
- Je n'aime pas cet empressement à connaître des détails sur Voldemort chez un élève de Serpentard mais je ne vois pas la possibilité d'une once de risque, déclara la mère de Mélina.
- Inutile de parler de ça à Hermione, intima Colin. Elle a assez de soucis en ce moment avec le chagrin de son mari et son travail de directrice. Je dois aller la semaine prochaine au Ministère pour signer des contrats. Je m'arrangerais pour savoir si on a rien remarqué d'anormal dans la salle secrète.
- Et je fais quoi avec Erzébeth ? demanda Mélina, tiraillée entre son obéissance à ses parents et son affection pour sa cousine.
Ophélia passa la main dans les cheveux de sa fille :
- Si elle t'en parle, dis-lui que nous t'avons interdit d'en reparler avec qui que ce soit. Si ça la fâche, nous parlerons à ses parents qui pensent comme nous, j'en suis certaine. Ils sauront lui faire entendre raison. Nous pouvons parler de mon père, mais plus des détails de cette journée.
La maisonnée s'agita : l'après-midi touchait à sa fin et chacun se préparait à repartir. Mélina fut soulagée de ce remue-ménage qui dissimulait son attitude empruntée envers Erzébeth.
