La semaine se déroula étrangement pour Mélina. Erzébeth mettait son attitude sur le compte de la mort de Fred Weasley, tout comme les autres membres du clan Weasley qui affichaient moins d'entrain que d'habitude. Pour parer à une explication gênante, Mélina prétexta une surcharge de travail pour s'isoler, subterfuge qui trompa facilement Erzébeth habituée aux poussées de fièvre travailleuse de sa cousine.
En fin de semaine, Mélina reçut avec soulagement un hibou de son père l'assurant que pas la moindre anomalie n'était à signaler à propos du bassin de Pensine. Du reste, la "Gazette du Sorcier" n'avait rien rapporté de suspect dans le petit monde de la Magie, même si Mélina savait qu'il ne fallait pas se fier au contenu du journal. Aussitôt l'humeur de Mélina s'améliora et passa à nouveau plus de temps avec Erzébeth. Cette dernière semblait toujours sur un petit nuage et ses camarades de dortoir avaient deviné qu'un garçon y était pour quelque chose.
- Tu le vois souvent ? lui demanda Mélina.
- Oh, pas autant que je voudrais d'autant plus qu'il a de plus en plus de travail. Mais ce n'est pas grave, l'année est encore longue !
Mélina sourit devant les yeux brillants de sa cousine : Erzébeth s'assagissait, elle qui était plutôt exclusive et passionnée.
Novembre et son temps maussade laissèrent la place à décembre enneigé. Les quatre Maisons se tenaient dans un mouchoir de poche pour remporter la Coupe de Quidditch et l'excitation, en plus de l'approche de noël, rendaient la vie à Poudlard délicieusement légère. Erzébeth était toujours gaie comme un pinson et son humeur était contagieuse : Mélina allégea un peu son programme de travail pour passer du temps en compagnie de sa cousine. La traditionnelle réunion de famille de noël des Weasley se préparait dans une ambiance de gaieté forcée. Erzébeth émit une suggestion qui reçut l'approbation générale : la fête avait habituellement lieu au Terrier mais le décès de Fred hanterait probablement les convives et attristerait plus que nécessaire grand-tante Angélina. Pourquoi ne pas la faire chez Ophélia et Colin Andrew, qui ont une grande maison ? C'est une trentaine de convives qui fêta dignement noël, même si Ginny Potter, Ron et Angélina Weasley portaient encore sur leur visage le chagrin du deuil. Le froid empêcha les enfants de s'ébattre dehors autant qu'ils le voulaient et deux jours avant le retour à Poudlard, Colin et Ophélia Andrew étaient plus fatigués qu'au début des vacances.
- Tout est chamboulé dans la maison ! Je ne retrouve plus le fer à repasser, Fleur n'a pas changé, elle a mis ma salle de bains sens dessus-dessous pour dénicher des produits de beauté qui lui rendraient son éternelle jeunesse ( Mélina et son père pouffèrent ), et quelqu'un est allé se servir dans ma garde-robe sans remettre les vêtements à leur place !
Colin fronça les sourcils :
- On t'a volé quelque chose ?
Ophélia s'exclama moqueusement :
- Et qui dans cette famille serait un voleur ? Et que me volerait-on ? Mais non, tout est là.
Une semaine avant les vacances de printemps, Hermione Granger-Weasley se leva pendant le dîner pour faire une déclaration. Les élèves se turent aussitôt, peu habitués aux discours de la directrice en dehors des cérémonies.
- Mes chers enfants, rassurez-vous, c'est pour vous annoncer une bonne nouvelle. Vos professeurs m'ont rapporté votre attitude qui est dans l'ensemble exceptionnelle. Depuis que je suis directrice, je n'ai pas connu d'année aussi calme que celle-ci du point de vue disciplinaire. Pour vous récompenser, je vous annonce qu'à titre exceptionnel, le Poudlard Express viendra vendredi soir emmener les élèves qui le souhaient chez eux pour les vacances de printemps.
Des cris de joie et des applaudissements nourris accueillirent la nouvelle. Seule Erzébeth se renfrogna :
- Oh non, papa et maman sont partis en croisière !
- Viens chez moi ! proposa Mélina toute excitée. Mes parents seront d'accord !
Ainsi en fut-il. C'est avec des piaillements excessifs que les deux jeunes filles s'installèrent dans la maison des Andrew. Ophélia et Colin travaillant tous deux du matin au soir, Mélina et Erzébeth seraient seules la journée, perspective qui les enchantaient. Au bout de trois jours, peu après le petit-déjeuner, Erzébeth envoya un hibou.
- C'est pour qui ? demanda curieusement Mélina, d'humeur taquine.
- Oh, pour August, il habite Londres et je voudrais bien le voir. Il pourrait venir ici, on serait tranquille, non ?
Mélina perdit son sourire et se rappela la conversation avec ses parents le jour de l'enterrement du grand-oncle Fred.
- Je ne crois pas que mes parents apprécieraient.
Erzébeth tordit sa bouche en un pli rageur :
- Parce qu'il est à Serpentard ?
- Mais non, gémit Mélina, cherchant à toute vitesse une explication plausible. C'est... euh... Imagine qu'il pose des questions à mes parents sur mon grand-père. Je ne crois pas que mes parents apprécieraient qu'un inconnu les questionnent autant à propos de Voldemort...
Mélina trouvait son explication lamentable et s'attendait à une explosion de colère. Mais les épaules d'Erzébeth se voûtèrent et son regard s'embruma.
- Oh c'est peut-être mieux de toute façon...
Alarmée par le brutal changement d'attitude de sa cousine, Mélina s'approcha d'elle.
- Tu vas bien ? Vous êtes fâchés ?
La voix d'Erzébeth ressembla à celle d'une vieille femme fatiguée de l'existence.
- Oh, on se voit moins ces derniers temps... C'est difficile, si difficile...
- Qu'est-ce qui est difficile ?
- Tout ça... gémit Erzébeth au bord des larmes. Je n'en peux plus de ces secrets... Je crois... je crois qu'il veut aller au Ministère et trouver le bassin de Pensine... Il m'a fait voler la cape d'invisibilité de ton grand-père...
Mélina frissonna violemment. Erzébeth était prostrée, tremblant de tous ses membres.
"Pas de panique ! Pas de panique !" se répétait Mélina.
Prévenir le Ministère ? Non, qui croirait une adolescente ? De plus, elle était la petite-fille de Harry Potter, et on penserait à une crise de paranoïa. Et ses parents n'affichaient qu'une confiance limitée en les compétences des dirigeants du Ministère. Il fallait qu'elle prévienne ses parents. Elle regarda en direction du téléphone ( son père à-demi moldu avait imposé cette technologie à la maison et Mélina savait parfaitement s'en servir ) mais Ste-Mangouste n'était pas doté de cet appareil. Il fallait y aller. Erzébeth larmoyait toujours, recroquevillée sur un fauteuil. Mélina s'approcha et lui enlaça doucement les épaules :
- Erzy ? Pourquoi penses-tu qu'il va aujourd'hui au Ministère ?
Entre deux reniflements, Mélina hoqueta :
- Parce que... avant de partir, il m'a dit qu'il ne serait pas disponible pendant quelques jours et qu'il ne pourrait pas répondre à mes hiboux...
Mélina soupira et sortit discrètement sa baguette : elle venait d'arrêter un plan.
- Excuse-moi, Erzy ! supplia-t-elle.
Sa cousine la regarda, les yeux vides.
- STUPEFIX !
Mélina rabaissa sa baguette en refoulant des larmes. Erzébeth était absolument immobile, en position recroquevillée. Mélina n'avait jamais pratiqué ce sortilège sur un être vivant plus gros qu'un rat et elle s'assura que le pouls battait régulièrement. Si ses parents rentraient avant elle ( si elle revenait, pensa-t-elle en déglutissant douloureusement ), ils réanimeraient Erzébeth sans difficulté. Rassurée, elle inspira longuement et se demanda comment aller à Ste-Mangouste prévenir sa mère : son père était toujours dehors pour son travail, difficile de le trouver. Un balai ! Le sien était à Poudlard. Elle tapa du pied et courut au bureau de ses parents. Dans une grande vitrine, en autes souvenirs, trônait l'Eclair de Feu de son grand-père. Il était aujourd'hui un peu démodé et manquait de maniabilité mais Mélina espérait que ça irait. Elle sortit dans le jardin et s'assura que personne ne la regardait : de toute façon, il était dix heures du matin et nul doute que bon nombre de moldus la verraient voler. Elle soupira en pensant à la panique que cela déclencherait mais tant pis. Elle enfourcha le balai et tapa du pied pour décoller. L'Eclair de Feu s'éleva lentement et Mélina vacilla : trop dur à manoeuvrer pour elle. Elle tenta de stabiliser l'engin mais sans succès. A un mètre du sol, elle sauta du balai qui retomba lourdement à ses côtés.
- Mais comment je vais aller à Ste-Mangouste ?
Un BANG ! phénomal retentit et Mélina sursauta en poussant un petit cri de frayeur. Un énorme et rouge autobus venait d'apparaître et de s'arrêter brutalement devant le portillon du jardin. Une petite sorcière âgée, casquette vissée sur la tête apparut sur la première marche et regarda gentiment Mélina :
- Magicobus pour sorciers en détresse ! Nous sommes chez la fille et la petite-fille de Harry Potter, non ? demanda-t-elle toute émoustillée.
Mélina sourit largement et soupira, soulagée :
- Le Magicobus, mais oui...
Elle bondit dans le bus qui démarra en trombe et fila dans les rues de Londres à une allure infernale.
- Où va-t-on, mon petit ?
- Ste-Mangouste !
- C'est le prochain arrêt ! Tu... tu es bien ?
- Oui oui ! Je suis la petite-fille de Harry Potter.
Mélina gagna le fond du bus en se reprochant de ne pas avoir pensé plutôt au Magicobus. Quand elle avait cinq ans, elle et ses cousins avaient été invités par leur arrière-grand-mère Molly Weasley à passer une jounée Chemin-de-Traverse. Mais son arrière-grand-mère, évidemment très âgée, avait eu du mal à surveiller l'ensemble de sa descendance : Mélina s'était perdue et quand elle avait commencé à pleurer, le Magicobus était apparu et l'avait ramenée en deux temps trois mouvements au Terrier.
Mélina poussa un cri et eut juste le temps de se servir de ses bras comme protection quand le bus stoppa. Mélina descendit en courant et pénétra dans l'hôpital en essayant d'ignorer quelques sorciers aux blessures étranges et effrayantes qui gagnaient les urgences. Mélina était déjà venue voir sa mère et se dirigea sûrement vers l'étage des laboratoires. Parvenue dans la bonne section, elle aborda un employé :
- Pardon monsieur, je cherche Ophélia Andrew, ma mère. C'est urgent !
Le petit homme, bien qu'étonné de l'air affolé de Mélina, lui répondit gentiment :
- Elle est sortie rendre visite à Neville Londubat, l'éminent botaniste en retraite, afin de lui demander un renseignement sur une plante curative et...
Mélina sentit ses entrailles se nouer :
- Et où habite monsieur Londubat ?
- Ah, je ne sais pas vraiment, dans la campagne à l'extérieur de Londres, je crois...
Il laissa sa phrase en suspens : Mélina avait déjà fait demi-tour. La jeune fille sentait les larmes couler sur ses joues : elle était désormais seule pour agir. Elle ressortit et se retrouva sur le trottoir, bousculée par les nombreux moldus qui flânaient en cette belle matinée de printemps.
- Magicobus ! Magicobus !
Des moldus se retournèrent et la regardaient, certains en riant.
L'énorme véhicule apparut aussitôt, invisible aux yeux des passants moldus. La vieille employée apparut et regarda gentiment Mélina.
- Encore toi ?
- Au Ministère de la Magie, vite !
Moins d'une minute plus tard, Mélina sauta du bus et sur les indications de l'employée, fonça dans la cabine téléphonique. Elle décrocha le téléphone et une voix neutre lui demanda de décliner son identité :
- Mélina Genevria Andrew.
- Objet de votre visite ?
Mélina sentit son sang se glacer dans ses veines : elle n'était jamais venue au Ministère et ignorait qu'on lui demanderait ça. Elle chercha à toute allure et bafouilla :
- Visite à Rosie Weasley.
- Tout est en ordre. Voici votre badge. Bonne journée, mademoiselle Andrew !
Mélina souffla de soulagement en se saisissant du badge apparu devant elle. Rosie Weasley était une de ses nombreuses tantes, fille de Percy, frère de sa grand-mère : elle travaillait dans un des nombreux services du Ministère. Mélina n'avait pas trop d'affinités avec cette femme âgée d'une cinquantaine d'années obsédée par le travail ( comme son père, lui avait dit grand-mère Ginny ) mais en cas de problème, cette femme pourrait peut-être l'aider. Mélina, bien que curieuse, renonça à accorder trop d'attention au remue-ménage au sein du Ministère. Elle ignorait où aller et espérait que personne ne l'aborderait pour lui demander ce qu'une adolescente faisait seule ici. Elle regarda le panneau qui indiquait à quels étages trouver les différents services. Un service était nommé "Affaires Spéciales, accès réservé aux titulaires autorisés". La salle secrète devait être là... Mélina entra dans l'ascenseur en observant avec beaucoup d'étonnement les messages qui flottaient dans l'ascenceur en circulant magiquement. Mélina, à présent seule dans l'ascenseur, sortit à l'étage désigné et avança prudemment dans le petit hall sombre. "Personne !" pensa-t-elle avec soulagement. Trois portes de bureaux ne laissaient filtrer aucun son. Une quatrième porte, différente, plus imposante, faisait face à l'asenceur. "C'est sans doute par là..." pensa-t-elle. Elle s'approcha et constata avec déception qu'il n'y avait pas de poignée. Elle sortit sa baguette et prononça "Alohomora!". La porte ne bougea pas. Erzébeth s'appuya contre le mur, passant en revue les sortilèges de sa connaissance qui pourrait l'aider. Rien ne lui venait. Une des trois portes s'ouvrit et un petit sorcier en sortit en direction de l'ascenceur. Mélina se figea et pria pour que dans la pénombre, il ne l'ait pas vu. L'homme remarqua sa présence et ses sourcils se fronçèrent.
- Qui êtes-vous ? Que faîtes-vous là ?
Mélina tâcha de prendre un air bêta.
- Sandy PetitChaudron. Mon père a rendez-vous dans ici ( elle désignait une porte en priant que l'employé n'aille pas vérifier ). Il m'a dit d'attendre ici.
L'employé hocha la tête, apparemment convaincu. Il disparut dans l'ascenseur. Mélina soupira de soulagement et remit ses méninges au travail. Si seulement elle avait des outils de moldus, elle pourrait peut-être forcer la porte, mais elle se ferait sûrement prendre. Elle se rappelait qu'enfant, un cambrioleur moldu avait tenté d'entrer chez ses parents en utilisant un arsenal de clés. L'homme n'avait pas été déçu du voyage : les dispositifs magiques l'avaient refoulé et l'homme s'était enfui en hurlant. Elle secoua la tête en signe d'impuissance et décida de partir à la recherche de sa tante Rosie. Le cambrioleur ! La clé ! Mélina se concentra et tendant sa baguette vers l'ascenseur, prononça :
- Accio couteaumagiquedeHarryPotter !
Elle retrouva le sourire. Dans la vitrine aux souvenirs, elle savait que se trouvait cet ustensile offert à son grand-père par son parrain, un certain Sirius, victime lui aussi des ravages des tristes sbires de Voldemort. Deux longues minutes s'écoulèrent et les portes s'ouvrirent enfin. Mélina tendit la main pour y recevoir le couteau magique. Elle sortit une lame et l'approcha de la porte. Un léger grincement se fit entendre et la porte s'entrouvrit.
