Ma main enserrant la tienne ne te laissera jamais tomber.
Mon épée, aussi forte que mon esprit, te protégera de tous.
Mon cœur empli de valeurs ne te laissera jamais partir.
À mes côtés, tu ne connaîtras plus la peine.
Tu es ce pour quoi je me bats, celle qui guide ma lame à chaque coup,
La protagoniste de mon histoire, l'emblème de mon existence...
oOo
Lentement, Link rouvrit les yeux et observa les branches du châtaignier juste au-dessus de lui. Il était allongé à même le sol, les bras croisés derrière sa tête. Une brise agréable le confortait dans son sentiment de bonheur et d'apaisement. La veille, il avait conclu son union avec la princesse d'une manière qu'il n'aurait jamais soupçonnée. Le jeune homme se sentait libre, comme si l'avenir avait enfin décidé de s'ouvrir à lui. Il pourrait enfin se donner entièrement à Zelda et se permettre bien plus de choses avec elle s'ils décidaient de se marier. Du moins, ils attendraient encore quelques années pour le mariage, ce n'était pas une priorité pour le moment.
Évoquer cette simple possibilité fit sourire l'Hylien dont le cœur s'était emballé. Quelle serait sa prochaine destination avec la princesse quand ils auraient du temps libre ? Akkala, Hébra, le mont Satori ? Pourquoi pas, ces régions étaient particulièrement appréciées.
- Capitaine, affrontons-nous en duel ! s'exclama Léon qui arrivait en courant vers lui. J'ai fini mes exercices.
Link se releva sans tarder et observa son apprenti dont le front ruisselait de sueur. Il avait encore du mal à assimiler le fait que Léon était deux ans son aîné... Et ce gaillard mesurait bien quinze centimètres de plus, le bougre !
- Tu devrais te reposer quelques minutes, lui conseilla le Héros en époussetant son pantalon. Qu'en est-il d'Iris et Thomas ?
- Ils s'entraînent toujours, je suis le seul à avoir terminé mes séries d'exercice.
Le chevalier hocha la tête puis se dirigea vers la cour exclusivement réservée à leur entraînement. Dans son coin habituel, Thomas tâchait de s'améliorer en archerie en visant une cible mobile, un sac de sable accroché à la poutre d'une lanterne au fond de la cour. Ainsi placée, sa cible se mouvait au gré du vent et rajoutait une difficulté supplémentaire au jeune homme. Par moments, il soupirait quand il ne parvenait pas à atteindre son objectif. À une dizaine de mètres plus loin, Iris s'entraînait avec un poteau rotatif d'où une longue branche de bois sortait. De ce fait, cet adversaire inerte tournoyait sur lui-même au moindre coup et permettait à la châtaine d'esquiver « l'attaque » de la branche qui s'apparentait à une lance, ou bien de frapper une nouvelle fois pour l'envoyer dans l'autre sens. Cet exercice l'obligeait à travailler son endurance ainsi que ses réflexes.
- Iris, rapproche-toi un peu de ta cible, je te trouve un peu trop loin, lui fit remarquer Link qui s'avançait vers elle. Tu risques de te faire mal à l'épaule si tu continues d'élancer ton arme de la sorte.
- Capitaine, je pensais pouvoir me tenir à une distance plus sécure de mon adversaire.
Le blond l'observa un long instant.
- Certes, tu obliges ton ennemi à avancer pour te toucher, mais tu sollicites trop ton épaule pour riposter à ton tour. Si tu ne corriges pas cette posture, tu risques de développer des douleurs chroniques par la suite.
Link esquissa un sourire.
- Néanmoins, tu es rapide, ajouta-t-il face à son expression déconcertée. Tu devrais profiter de cet atout pour attaquer d'abord et prendre l'avantage. Et si tu travailles bien tes réflexes, je suis persuadé que tu deviendras une adversaire redoutable et très difficile à atteindre en combat rapproché.
Ses mots eurent l'effet de revigorer l'Hylienne qui se voyait déjà accomplir les plus grands exploits jamais vus pour un soldat. Link se hâta toutefois de la mettre en garde.
- Un soldat peut être le plus rapide qu'il soit, il n'est pas à l'abri d'une attaque surprise ou d'un carreau d'arbalète. Si tu deviens trop confiante et que ta garde baisse, je crains que cela puisse te coûter la vie.
Iris déglutit avant de remercier son capitaine pour ses judicieux conseils. Le Héros reporta son attention sur Léon qui l'attendait à l'ombre, contre un mur. Il l'intima de le rejoindre, d'un geste de la main, ce que fit l'apprenti sans plus attendre. Le grand blond se plaça devant son maître et lui présenta son espadon, prêt à en découdre.
- Tu souhaites commencer le combat ainsi ? s'étonna Link qui avait opté pour une simple épée de bois.
Léon arqua discrètement les sourcils.
- Oui, pourquoi ?
Un sourire malicieux apparut sur le visage du prodige qui se mit lui aussi en position de combat.
- Soit, concéda Link qui scrutait son adversaire inexpérimenté. Il ne me suffira que d'un coup bien placé pour te mettre à terre.
Léon fronça les sourcils, il tenait son espadon à deux mains et de biais. D'un bond, il se précipita vers Link et fendit l'air à l'aide d'une attaque en diagonal. Le prodige, qui avait déjà compris qu'elle serait l'offensive de son élève, se pencha légèrement en arrière pour éviter la lame affûtée puis il prépara son épée d'un geste rapide de sorte qu'elle soit placée vers le sol. Link profita de l'élan de son adversaire pour frapper juste sous la rotule de sa jambe en mouvement vers l'avant. Un réflexe s'enclencha automatiquement et fit partir le tibia de Léon devant lui, lui faisant perdre l'équilibre et dont les yeux s'écarquillèrent. Lors de la réception de son pied, il chuta et fit un grand écart en poussant un gémissement plaintif. À peine fut-il au sol qu'une pression se fit sentir sur son dos.
- Comme prévu, tu as perdu.
L'apprenti perçut un sourire dans sa voix.
- Ce n'est pas drôle, Capitaine... se plaignit Léon en laissant son front collé contre la terre sèche. Vous avez lu en moi avant même que je puisse faire quoi que ce soit.
Link retira son épée de son dos pour lui permettre de se relever.
- Ta posture t'a trahi.
L'apprenti aux cheveux ras s'assit et massa son genou endolori en grimaçant. Désolé de le voir dans cet état, Link s'accroupit afin de tâter sa peau et vérifier que tout allait bien.
- Je n'aurais pas dû mettre autant de force, dit Link avec embarras. Si j'avais mieux su la mesurer, tu aurais eu sans doute moins mal.
- Ne vous inquiétez pas, Capitaine ! La douleur de cette blessure me rappellera pendant quelques jours que je dois travailler mes mouvements et me rendre moins prévisible.
Link le dévisagea avec une certaine appréhension avant de se relever. Il proposa à son élève de se rendre chez l'apothicaire pour trouver une pommade apaisante, cependant Léon refusa catégoriquement par pure dignité. Link soupira. Ses élèves se montraient assidus et déterminés au moindre entraînement. Nul doute que d'ici trois ou quatre ans, ils auraient un niveau excellent s'ils poursuivaient cette voie. Zelda n'encourrait aucun danger avec une garde aussi bien formée. Cette pensée arracha un nouveau sourire au jeune homme. Que ferait-il dans quatre ans ? Où la vie l'aurait-elle mené ?
- Capitaine Link ! l'interpella un valet qui courait vers lui. Son Altesse Zelda tient à vous voir sur-le-champ dans le bureau de l'ancienne conseillère.
- Merci, je m'en vais la rejoindre de ce pas.
L'Hylien se tourna vers ses élèves.
- Si je ne suis pas de retour d'ici une demi-heure, arrêtez l'entraînement et rejoignez-moi cet après-midi à notre lieu habituel de rendez-vous.
Sans attendre leur réponse, Link accourut à l'ancien bureau d'Impa où patientait Zelda. Il n'avait aucune idée du motif de son appel, cela suscitait chez lui une certaine inquiétude. Le jeune homme gravit les escaliers en prenant soin d'éviter tous les domestiques sur son passage. Il rejoignit l'aile Est en quelques minutes et entra en trombe dans le bureau, le souffle court. Zelda et sa nourrice sursautèrent, se tournèrent vers lui et l'observèrent avec effarement. Lorsqu'il comprit que la situation n'avait rien d'alarmant, Link esquissa un sourire mal assuré et présenta ses plus plates excuses dans les plus brefs délais.
- Eh bien, j'ai l'impression de frôler la crise cardiaque à chaque fois que je vois ce jeune intrépide, se lamenta faussement Impa après avoir soupiré.
- Link ?
Le regard du blond glissa vers son amante qui le dévisageait avec incompréhension.
- Je suis désolé...J'ai tendance à être sur le qui-vive depuis quelques temps.
- Détends-toi un peu, mon garçon. Ce n'est pas demain qu'Hyrule reconnaîtra le chaos, dit la vieille Sheikah sur le ton de la plaisanterie.
Pour autant, cela n'amusa guère le jeune capitaine qui croisa les bras en attendant d'apprendre la raison de sa venue. Zelda décida de prendre la parole pour tout lui expliquer. Elle lui annonça que cela concernait le temple oublié trouvé dans la forêt de Firone, elle en avait reparlé avec Impa.
- À propos de cette lourde porte de pierre, nous pourrions peut-être trouver un moyen de l'ouvrir, lui annonça Zelda avec enthousiasme. Impa, répète-lui ce que tu m'as dit tout à l'heure.
La vieille femme acquiesça puis ancra son regard dans celui de Link.
- Tu dois certainement t'en souvenir, même cent ans plus tard, mais il y avait le bureau des conseillers au château. Le fourreau de la Lame Purificatrice y avait été entreposé en attendant que son maître retire l'épée dans les Bois Perdus.
- Si ma mémoire est correcte, vous y conserviez aussi des archives, non ? se souvint Link en décroisant les bras.
- Oui, c'est exactement là où je voulais en venir. Cet endroit renfermait des documents très vieux et d'une importance capitale pour certains. Il est fort probable que des renseignements sur le peuple soneau s'y trouvaient. Des renseignements... ou plutôt la clé pour ouvrir cette fameuse porte.
Les yeux de Link s'agrandirent légèrement en apprenant cela. Une clé ? Comment ça ? Il n'y avait pas de serrure ou quoi que ce soit d'autre s'y rapprochant. À moins... que cette fameuse clé ne soit pas matérielle ? De quoi pouvait-il s'agir dans ce cas ? Sa curiosité devint plus poussée.
- Comme tu dois le pressentir, nous sommes face à un problème de taille, poursuivit Zelda avec déception. Le bureau des conseillers a été entièrement détruit lors de l'attaque de Ganon, il y a cent ans. Il a été ravagé par les flammes...
- À ce jour, nous sommes donc dans l'impossibilité de retrouver cette clé.
Le visage de la princesse se rembrunit pendant qu'elle donnait raison à sa nourrice. Encore une fois, ses recherches ne les mèneraient nulle part. Les infimes espoirs qu'elle entretenait pour tâcher d'améliorer son futur semblaient lui échapper, une fois encore. La voyant ainsi, l'affliction gagna Link qui dut résister à l'envie de lui prendre les mains pour la consoler. Il savait à quel point les recherches tenaient à cœur à Zelda, et cela depuis plus d'un siècle.
- S'il existait un moyen pour revenir dans le temps, je n'aurais pas hésité une seule seconde à vous en faire part, lui dit Impa d'une voix douce. Hélas, c'est impossible. Vous le savez mieux que moi.
La princesse haussa les épaules avant de leur tourner le dos. Link fronça alors les sourcils et regarda la Sheikah avec inquiétude.
- La princesse vous a-t-elle dit que cette porte avait été ouverte récemment ?
Impa se montra aussitôt surprise de l'apprendre.
- Non, Son Altesse Zelda ne m'a rien dit. Mais si c'est vrai... cela signifie que quelqu'un connaît un moyen d'accéder à la deuxième partie du temple. N'est-ce pas là une nouvelle piste ?
- Même en sachant cela, je doute que cette information nous apporte des réponses, prononça Zelda d'une voix grave.
Ses interlocuteurs tournèrent la tête vers elle, étonnés car ce n'était pas dans les habitudes de la princesse d'abandonner si vite.
- Vous voulez chercher une personne ayant franchi le seuil de ce temple ? Nous ne savons pas quel est son peuple ni son genre. Peut-être est-ce même un étranger. Poster des affiches serait une perte de temps et de moyens.
À peine eut-elle fini de parler que Zelda quitta la pièce sans prendre compte des airs désolés de ses compagnons. Impa soupira, s'assit sur l'unique fauteuil de la pièce et posa ses bras le long des accoudoirs.
- Je ne pensais pas que cette discussion se finirait ainsi... murmura-t-elle, les yeux rivés au sol. Si j'avais su...
- La princesse avait l'air de déjà en connaître la finalité. Peut-être... attendait-elle une solution de ma part ?
- Pour une fois, elle t'en demandait trop, mon garçon. Va, rejoins-la et essaie de la consoler. Je pense que tu es la seule personne capable de trouver les bons mots avec elle.
Link la salua puis s'engouffra dans le couloir, sur les pas de sa compagne. Que lui dire ? Lui demander de tout arrêter n'était même pas envisageable, jamais Link n'oserait l'inciter à abandonner ses recherches. Quant à lui jurer qu'il trouverait une solution, cela semblait tout aussi difficile car il savait que cette promesse ne pouvait être tenue. Le chevalier marchait rapidement à travers le corridor, il questionnait les domestiques pour connaître le chemin emprunté par la princesse. Visiblement, elle se dirigeait vers ses appartements. Link traversa quelques étages sans prendre la peine de s'arrêter et de discuter avec les connaissances qu'il croisait.
Quelques minutes plus tard, il frappa à la chambre de son amante dans l'espoir qu'elle soit bien là. Non sans hésitation, Link finit par pousser la porte malgré l'absence de réponse et découvrit une pièce vide, son occupante n'était pas ici. D'un pas soutenu, l'Hylien se dirigea vers les escaliers en colimaçon rénovés dont il monta les marches deux à deux puis il se rendit sur le petit pont menant à l'étude de Zelda. Dès qu'il mit le pied dehors, une forte bourrasque de vent froid lui fouetta le visage et l'obligea à plisser les yeux pour s'en protéger. Étrange phénomène pour la saison... Link avait comme un mauvais pressentiment, ce genre d'intuition inexplicable et qui, il le sentait, ne s'apprêtait pas encore à arriver. Le blond se ressaisit puis franchit les derniers mètres qui le séparaient de la tour d'étude.
Une fois de plus, il passa le seuil de la porte et trouva enfin son amante assise à son bureau, le regard rivé sur sa broche à laquelle elle tenait tant. Zelda releva d'un coup la tête et offrit un sourire au chevalier qui pensait ne plus rien comprendre à la situation.
- Zelda, vous allez bien ? lui demanda-t-il en s'approchant d'elle.
Link posa un genou à terre puis lui prit une main, manifestement inquiet. Le visage de la jeune femme devint d'autant plus serein et chaleureux.
- Si ce n'était pas le cas, tu l'aurais ressenti grâce au bracelet. Tu ne penses pas ?
Il soupira puis esquissa à son tour un sourire pour témoigner de son soulagement.
- Vous êtes partie si précipitamment... Vous savez que vous pouvez tout me dire.
Zelda l'en remercia une fois de plus. Son compagnon lui lâcha la main, se releva puis jeta un coup d'œil au bijou en forme de Princesse de la Sérénité. Zelda soupira une nouvelle fois quand une multitude d'images lui revint à l'esprit.
- Tu te souviens ? C'est ici même que tu me l'avais offerte et que nous avions échangé notre premier baiser. La veille de notre départ pour la Source de la Sagesse, dit-elle à mi-voix.
- Jamais je n'oublierai une telle soirée, lui assura Link en la regardant avec tendresse. Je n'avais jamais été aussi heureux de toute ma vie avant ce jour-là...
Cela fit rire sa partenaire pendant qu'elle accrochait le bijou à sa tresse. Elle ne voulait pas revenir sur le sujet du temple pour le moment. Relater ces événements passés lui était bénéfique et lui permettait de s'échapper quelques instants de la réalité.
- Il y a des jours où j'aimerais m'enfuir d'ici et recommencer ma vie sur une terre nouvelle, là où personne ne me connaîtrait, avoua Zelda pensive. Mais d'un côté, j'abandonnerais les terres de mes ancêtres et je ne peux pas me le permettre.
Une certaine nostalgie passa à travers sa voix.
- Rien ne vous empêche de voyager pour découvrir le monde. Les quatre représentants seront là pour gouverner en votre absence, suggéra Link en prenant appui sur son bureau. Quant à moi, je serai là pour vous guider.
Tous deux se sourirent chaleureusement, rassérénés, pendant que le vent sifflait à travers l'ouverture murale placée en hauteur. Durant de longues secondes, un silence s'installa entre eux bien qu'il ne soit nullement dérangeant au vu de la situation. Zelda finit par quitter son siège, alla replacer un livre sur son étagère puis elle fit face à son compagnon, affichant dorénavant une expression plus sérieuse.
- Tu sais, je pense que tu es tout à fait en droit de me tutoyer à présent. Quand tu me vouvoies, j'ai le sentiment que tu persistes à dresser un mur entre nous...
Lorsqu'elle vit le visage de Link blêmir, elle se rattrapa immédiatement.
- Ne te méprends pas ! Je sais que tu ne pensais pas à mal. Mais si nous envisageons un avenir commun, je préfère que tu cesses le vouvoiement.
Le jeune homme se prit le bras et se frotta avec nervosité.
- Je suis pris de court... Zelda, si c'est ce que vous souhaitez, alors je m'y emploierai dès maintenant.
- Merci, le gratifia-t-elle en sentant l'allégresse la gagner. Du moins, tu ne pourras me tutoyer qu'en privé. Je ne pense pas que cela plaise à tout le monde si tu le fais en public.
Imaginer la scène la fit rire une nouvelle fois tandis que Link souriait avec discrétion. Il était certain que cela ferait scandale, surtout si le peuple apprenait que tous les deux... la veille... Enfin... Cette pensée le fit rougir d'embarras. Sur le moment, il n'y avait pas pensé mais ils avaient eu un rapport charnel avant le mariage. Impa serait folle de rage si elle venait à l'apprendre. Zelda regarda l'horloge accrochée au mur et son sang se glaça.
- La réunion des représentants, j'ai failli l'oublier ! s'affola-t-elle en se précipitant vers le pont. Link, excuse-moi, je dois impérativement m'y rendre !
Elle ne prit même pas le temps de voir sa réaction ; Zelda s'enfuit à toute allure pendant qu'elle se maudissait d'avoir oublié une chose si importante. Link émit un soupir puis leva les yeux au ciel tandis qu'un dernier sourire se dessinait sur ses lèvres. Pour lui, il était amusant de voir la princesse se hâter ainsi car il lui arrivait très peu d'oublier les réunions ou les événements importants. Voilà bien un sujet qui permettrait au chevalier de taquiner sa damoiselle.
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- Bien sûr que je prononcerai mes vœux quand on m'adoubera ! s'exclama Léon, assis dans le réfectoire réservé aux soldats. Il y en a trois : obéissance, pauvreté et chasteté. Mon arrière-grand-père était chevalier lors du siècle dernier. Apparemment, la pauvreté et la chasteté n'étaient plus respectées depuis de nombreuses années...
Thomas sirotait sa soupe de potimarron sans même lui prêter attention. Seule leur camarade féminine l'écoutait et prenait part à la conversation qu'elle jugeait instructive. Ces moments tissaient peu à peu des liens entre eux.
- Tu vois, je ne suis même pas étonnée, dit-elle en haussant les épaules. L'ordre des chevaliers existe depuis des millénaires, leurs obligations ont dû se perdre au fil du temps et personne ne les a encadrés pour les leur faire respecter.
Le blond grogna de mécontentement.
- Tout de même ! Si tu n'es pas capable de suivre tes vœux prononcés, alors tu ne mérites pas d'être chevalier, répliqua-t-il sèchement.
Iris plissa les yeux tandis que l'archer avait reposé sa cuillère à soupe. La châtaine croisa les bras puis recula légèrement sur le banc. Voilà un nouveau débat qui animerait leur repas.
- Ne va pas me faire croire que tu seras capable de les respecter toute ta vie. Tu as déjà du mal à accepter qu'il n'y ait que deux cents rubis dans ta bourse. Alors la chasteté...
Une silhouette vint prendre place à côté d'elle, ce qui surprit les trois occupants de la table. Ils découvrirent leur capitaine qui revenait juste à temps pour le repas de midi.
- De quoi parlez-vous ? demanda Link qui n'exprimait aucune expression particulière.
- Léon souhaite devenir chevalier et prononcer ses vœux. Moi, je lui disais qu'il ne saurait pas les suivre, surtout celui de la chasteté, expliqua Iris en tournant levant les mains, les paumes vers le plafond.
Link acquiesça rapidement, s'accouda à la table tandis que certains vieux souvenirs refaisaient surface dans sa mémoire. Des chevaliers qui ne respectaient pas le vœu de chasteté, il en avait connu. Un en particulier...
- À l'époque, quand Ganon n'avait pas encore attaqué Hyrule, j'avais un compagnon qui, disons... aimait beaucoup courtiser. Toutefois, il respectait les femmes et avait juré de ne se marier avec aucune d'elles car il savait qu'il ne pourrait rester fidèle.
La jeune fille grimaça tandis que Thomas se tenait la tête, l'air las. Ce n'était pas tous les jours qu'ils pouvaient en apprendre plus sur la vie de leur supérieur, Léon se montra très intéressé d'en savoir plus.
- Mais est-ce que cela faisait de lui un moins-que-rien ? poursuivit le prodige. Non, telle était sa personnalité et je la respectais. Il se nommait Conrad, l'un de mes amis les plus chers. Il n'était pas le meilleur élément de la chevalerie, loin de là. Et pourtant, il a dévoué sa vie à la princesse et au royaume. Si bien qu'il...
Les yeux du jeune homme se mirent à piquer, sa gorge s'assécha lorsqu'un des pires souvenirs de sa vie lui revint à l'esprit. Link serra son poing caché par la table. Ses trois apprentis le regardaient avec intérêt. Jamais ils n'avaient réellement songé ou imaginé le vécu du Héros.
- Il a donné sa vie pour sauver celle de la princesse ainsi que la mienne, termina-t-il finalement. C'était un chevalier dans l'âme, il n'y avait aucun doute là-dessus. Je ne connais pas beaucoup d'hommes qui auraient eu le courage de... faire ce qu'il a fait.
Thomas baissa les yeux et se crispa, la bouche pincée. De son côté, Léon se sentait presque honteux d'avoir prôné haut et fort ce qu'il n'était pas, sans doute. Il n'était clairement pas prêt à donner sa vie... Le grand blond y tenait bien trop pour accepter de la perdre.
- Léon, prononça le capitaine d'une voix grave.
Il sursauta puis regarda Link, les yeux grands ouverts.
- Si ton souhait est de défendre une cause, si tu désires te battre pour ton peuple, ou même pour ta famille, alors tu peux aspirer à devenir chevalier. Mais si tu ne désires que renommée, reconnaissance ou argent, ne pense même pas acquérir cet illustre titre. Jamais je n'accepterai qu'une telle personne le devienne.
Son regard dur fit déglutir l'apprenti qui n'osait plus bouger. Le silence qui s'abattit sur eux fut un poids sur leur poitrine qui les empêcha un court instant de respirer. Il n'y avait pas à dire : Link savait refroidir l'ambiance quand il le voulait. Justement, il jeta un coup d'œil circulaire au réfectoire pour observer les autres Hyliens présents puis il finit par sourire.
- Tu as encore le temps d'y réfléchir. Votre formation ne comprend pas seulement l'apprentissage du maniement des armes. Je vous enseignerai les valeurs que tout soldat, guerrier ou chevalier devrait suivre. Quand je vous aurais appris ce que je sais, vous serez libre de choisir votre voie afin de protéger la princesse. Personnellement, je n'avais que trois ans quand j'ai su celle que j'allais suivre.
Thomas baissa la tête tandis que sa camarade n'avait même plus faim. Concernant le brun, devenir chevalier ne l'avait jamais intéressé, quant à Iris, elle se destinait à être une simple soldate d'élite. Leur repas de midi se termina dans un silence pesant.
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Adossé au même saule pleureur que les fois précédentes, Thomas traçait quelques esquisses sur son carnet personnel qu'il ne quittait que très rarement. Dedans, il y dessinait les créatures qu'il parvenait à créer ou bien certaines plantes qu'il croisait sur sa route. Ce jour-là en fin d'après-midi, il repensait à la discussion de Link au sujet des voies que chacun choisirait. Être un simple archer était amplement suffisant pour le jeune Hylien. Pourquoi s'embêter à devenir chevalier ? Il y avait bien trop de contraintes. Allongée sur le ventre à un mètre de lui, Iris prenait le temps de lire un ouvrage sur le culte des déesses. Elle avait décidé de rejoindre son camarade car Léon faisait bien trop de bruit avec son rebec dans sa chambre. À vrai dire, il ne savait pas très bien jouer de cet instrument à cordes...
- Iris, tu te vois comment dans cinq ans ? lui demanda soudainement Thomas qui avait posé son crayon à papier sur la terre.
Intriguée par sa question, la jeune fille leva son nez du livre et le regard avant interrogation avant de réfléchir. Dans cinq ans ? Elle aurait vingt-deux ans mais elle se demandait bien ce qu'elle ferait.
- Je pense que je serai déjà au service de la princesse ! s'enthousiasma-t-elle en croisant ses jambes. J'aurai sans doute ma maison dans la citadelle avec ma famille. Je ne pense pas devenir chevaleresse, de toute manière les femmes n'ont pas le droit de l'être pour le moment. Pourquoi cette question ?
Toujours accompagné de son air attristé, l'Hylien regarda sur le côté et referma son carnet d'un geste sec.
- Je n'en sais rien, répondit-il d'une voix tremblante. Je ne pense pas devenir grand-chose, à vrai dire.
Ses propos choquèrent sa camarade qui se redressa d'un coup et lui adressa un regard dur.
- Comment oses-tu avoir si peu d'estime de toi ? s'indigna Iris qui referma son livre à son tour. Tu m'as demandé cela pour me donner en retour une telle réponse ?! C'est certain maintenant, je ne te comprends vraiment pas.
- Mais...
Elle hocha négativement la tête puis se remit debout.
- Tu sais quoi ? Je n'aime pas du tout les non-dits. Soit tu te tais et tu gardes ton secret pour toi, soit tu t'expliques clairement. En tout cas, moi, j'ai eu ma dose d'émotions pour la journée.
Sur ce, Iris tourna les talons et rentra hâtivement dans le château, laissant seul son camarade pantois. À ses yeux, elle avait changé d'humeur si vite qu'il ne s'y était pas préparé. Pourtant, il lui avait donné sa réponse la plus sincère... Il ne voulait en rien se montrer mystérieux. Son estime de lui n'avait rien à voir là-dedans. Peiné, Thomas fit apparaître un petit mulot à l'image des rumys une fois qu'il se fut assuré que personne ne rôdait dans les parages. Le rongeur commença à humer le sol, à tenter de le creuser en vain, puis il s'approcha du jeune Hylien qui semblait bien plus intéressant que le reste.
- Toi aussi, tu ne sais pas comment t'occuper ? lui demanda le brun en esquissant un sourire très léger. Je te comprends. Il ne doit pas y avoir grand-chose à faire là-haut.
Bonjour ! Au cas où, je reprécise ici que je publie tous les dimanches. Voilà, bonne journée x)
