- Ren ! l'appela Ulani, l'un des guerriers du village. Où est Ren ?! Elle doit venir à tout prix !
C'était un homme proche de la quarantaine d'années, aux courts cheveux dépigmentés et aux yeux couleur ambre, comme Lasya. Avec l'aide de son partenaire, Jian, ils tiraient un autre de leurs semblables qu'ils avaient bâillonné et ligoté afin qu'il ne puisse plus bouger. Ce dernier, du nom de Galang, gesticulait sur place en poussant des grognements rauques et agressifs. Les autres villageois se décalaient sur leur passage, un vent de murmures se propagea parmi eux en plus de l'inquiétude et de la peur qui s'installèrent rapidement.
- Nom d'un Krassen crevé, où est la cheffe ?! hurla de nouveau Ulani qui perdait peu à peu patience.
Voseth arriva à son tour, il accourait malgré ses bras emplis de bouquets d'herbes sèches et médicinales. Quand il vit l'état de Galang, il émit une plainte aiguë et manqua de lâcher ses plantes. Il se précipita vers les deux guerriers qui avaient cessé leur course effrénée et qui attendaient maintenant l'arrivée de Ren.
- Bonté spirituelle ! implora le Sorcier tandis que son ventre se tordait avec force. Esprits, accompagnez ce malheureux jusqu'à v…
- Ne t'approche pas, Voseth ! tonna Jian en le repoussant de sa main libre. C'est trop dangereux !
Le Sorcier entrouvrit la bouche pour répliquer mais Ren apparut à ce moment-là, l'air grave et soucieux. Quand elle découvrit l'état de Galang, elle s'immobilisa aussitôt, manifestement choquée par la situation.
- Ren ! la héla Ulani sur un ton suppliant. C'est… C'est terrible ce qui… ce qui…
Ses mots ne parvinrent plus à se former à cause de sa gorge nouée. Le guerrier baissa la tête puis plissa fortement les yeux afin de ne pas pleurer. La cheffe franchit les derniers mètres qui les séparaient avant d'adresser un regard dur et désolé à son ancien compagnon qui grognait sans cesse, tiré au sol par ses camarades. La chose le rongeait… Elle longeait tout son avant-bras et remontait jusqu'à son épaule, créant de minuscules rainures rouges sur sa peau. Quant aux yeux de Galang, ils étaient injectés de sang à cause de sa rage. Il avait le teint terriblement pâle. Une profonde peine se lut sur le visage de Ren qui ferma les yeux un court instant.
- Comment a-t-il touché la chose ? leur demanda-t-elle peu après.
- Ce n'est pas lui, Ren ! lui expliqua Jian en mâchant presque ses mots. Ce.. Ce sont ces messagers du démon qui l'ont touché et contaminé ! Quand nous avons compris qu'il n'y avait aucun moyen de les combattre et de les tuer, nous avons essayé de prendre la fuite avec les guerriers d'Eorin… Mais je ne sais par quel enfer la chose nous a rattrapés ! Elle a pris Galang par le bras et… et nous avons réussi à l'en tirer… Un guerrier d'Eorin a perdu la vie dans ce sauvetage désespéré, un autre a aussi été touché par la chose ensuite…
Ren serra les poings. Elle avait envoyé quelques-uns de ses guerriers à Morlag, le chef d'Eorin, afin qu'ils puissent enquêter sur ces étranges êtres enveloppés par la chose. Seulement, elle ne pensait que cela se serait passé aussi mal…
- Il faut guérir Galang ! poursuivit Jian à travers une voix tremblante. Il a une femme et deux enfants, il ne peut pas les abandonner !
- Jian…prononça Ulani, troublé par ce qu'il disait.
Le jeune guerrier, qui avait deux ou trois ans de moins que Ren, lâcha son compagnon corrompu. Ce dernier se débattit au sol en cherchant à se libérer.
- Ren, je t'en supplie… Il doit… bien avoir un moyen…
- Tu sais bien qu'il n'y en a aucun, Jian ! cria-t-elle, parvenant tout juste à maîtriser ses émotions. Les humains touchés par la chose deviennent fous et s'en prennent aux autres ! Regarde son bras, Jian ! Regarde ! Il se fait dévorer peu à peu !
Elle plaqua sa main sur la joue de son cadet puis la tint fermement pendant qu'elle ancrait son regard dans le sien.
- Il n'y a qu'une seule façon de le délivrer de ce mal. Maintenant, écarte-toi !
- Non ! s'époumona-t-il en lui attrapant l'avant-bras. Je t'en supplie, ne fais pas ça ! Pense à sa famille ! Sa femme et ses fils sont juste là !
À contrecœur, Ren lui asséna un coup de poing au visage, ce qui le fit vaciller puis tomber à la renverse dans un râle de douleur. Quant à Ulani, il se décala de quelques pas puis détourna la tête pour ne pas assister à ce qui allait suivre. Au sol, le jeune guerrier posa une main sur sa joue rougie et endolori. Il eut tout juste le temps de voir sa cheffe attraper sa hache puis l'abattre sur son semblable sans la moindre once d'hésitation. Le sang gicla sur Jian dont l'estomac se contracta avant de rendre le peu qu'il contenait. Dans la foule de personnes venues voir, une femme, celle de Galang, hurla d'horreur et d'effroi puis se précipita vers son mari qui ne bougeait plus. Quelques villageois cachaient les yeux de leurs fils pour ne pas qu'ils voient la scène sanglante devant eux.
- Un chef… se doit de protéger les membres de son clan. Peu importe les sacrifices. Peu importe les conséquences. Il doit être intransigeant quand la vie des siens est menacée. Delun ne cessait de me le répéter avant que je ne lui succède, énonça Ren d'une voix grave. Galang devait mourir, pour le bien de tous. Son corps sera rendu aux esprits comme le veut notre tradition, et son âme rejoindra l'Alpha.
Elle se tourna vers la nouvelle veuve, agenouillée auprès de son mari et poussant des geignements à chaque expiration.
- À son tour, il deviendra un être spirituel et veillera sur nous. Car il était un homme bon… Galang deviendra un esprit protecteur.
- Puissent tes paroles être entendues par l'Alpha, souhaita Voseth en tournant les mains vers la voûte.
Les autres villageois le répétèrent à leur tour en l'imitant, leurs paroles résonnèrent quelques instants à travers les parois avant de s'atténuer pour toujours. D'autres guerriers vinrent prendre le corps de Galang puis le transportèrent vers sa cabane afin de le préparer au rite mortuaire du clan. Sa femme fut aussi transportée, incapable de se déplacer par elle-même à cause de la souffrance immense qui la submergeait. Quant à Ren, elle laissait sa hache s'égoutter au sol, l'expression fermée. Ulani vint près d'elle tandis que Jian préférait rentrer chez lui, plus blême que jamais.
- Tu es forte, Ren, commença son compagnon. Tu as… Tu as bien agi.
- Je n'ai fait qu'abréger les souffrances de notre frère d'armes. Si je ne l'avais pas tué, qui s'en serait chargé à ma place ?
Ulani fronça les sourcils puis baissa la tête, par honte.
- Personne… souffla-t-il. Tu es la seule à avoir autant de courage, ici.
- Tuer n'a rien de courageux. C'est… C'est un véritable échec de ma part… Il n'y a rien à faire face à la chose. Si aujourd'hui nous comptons une veuve et deux orphelins de plus dans notre clan, c'est de ma faute. J'en prends l'entière responsabilité.
- Ren…
Elle lui jeta un regard noir pour le dissuader d'en dire plus.
- Non, tais-toi. J'ai décidé de vous envoyer, Galang, Jian et toi, dans une mission dont je ne connaissais pas la portée.
- Mais nous en avions accepté tous les risques ! Si la situation nous a échappé, ce n'est pas de ta faute. Le véritable danger, ce sont ces êtres obscurs…
Revoir leur apparence lui donna des frissons désagréables dans le dos. Jamais encore il n'avait ressenti une telle peur depuis la disparition des monstres de fer. Le Mal arpentait les terres de Delteha, cela ne faisait plus aucun doute.
- Quand nous avons été repérés, nous avons engagé le combat. Nos lances transperçaient leur corps sans les blesser… Comme s'ils n'avaient pour consistance que la chose elle-même. Et ils avaient forme humaine, Ren ! De redoutables tueurs qui n'en étaient pas à leur premier combat…
- C'est absurde ! Ils doivent bien avoir un corps humain, non ?
Ulina préféra se taire en guise de réponse. Il disait la vérité, seule la corruption composait ces guerriers créés par Ganondorf. Mais bien entendu, personne ne pouvait le savoir. Par la suite, l'homme donna enfin le rapport de ses observations en compagnie de leurs semblables d'Eorin. Selon eux, ces êtres néfastes seraient à la recherche de quelque chose car ils traversaient Delteha en fouillant les moindres recoins des différentes cavités. Malheureusement, ils n'étaient pas restés inoffensifs… Plusieurs victimes étaient à déplorer essentiellement des femmes empruntant les chemins habituels.
- Ils tuaient… des femmes ? répéta Ren, tant troublée que stupéfaite.
- Oui… Dès qu'elles ne correspondaient pas à leurs attentes. Ils en avaient déjà assassiné trois avant que notre combat ne débute. Mais qui sait combien ont été tuées avant notre arrivée ? Bon sang, je n'aime pas du tout ce qu'il se passe…
Les lèvres de sa cheffe se pincèrent. Elle n'était donc pas la seule à trouver que des événements étranges se produisaient ici. Ren lui raconta que, pendant son absence, une guerrière du nom de Caï était venue à Altoz et avait prétendu rechercher une femme s'appelant Zelda. De ce fait, la vigilance autour du village s'était drastiquement accrue depuis.
- Je ne présage rien de bon, s'inquiéta Ulani qui se tenait l'épaule. Les êtres faits de chose arriveront bientôt au village… Ils sont en chemin ! Eorin sera la première touchée, nous sommes les suivants…
- Morlag en a conscience ?
Son compagnon d'armes opina sans oser la regarder.
- Je suppose… Ses hommes ont dû avoir le même discours que moi. Nous devons nous tenir prêts. Mais comment ? Contrairement à Eorin, aucune barricade de bois n'entoure le village !
- Nous évacuerons Altoz avant leur arrivée. Je placerai des éclaireurs sur les points les plus stratégiques qui permettront de voir l'ennemi de loin. Tant pis si nos cabanes et nos huttes sont pillées sur leur passage, je veux que tous les villageois soient en sécurité.
Ulani approuva cette idée. Il se porta même volontaire comme éclaireur. Ainsi, Ren alla voir le reste des guerriers du village afin de leur exposer la situation et sa solution pour pallier à la menace des êtres de corruption. Malgré le doute de certains quant à la réussite de leur plan, ce dernier fut finalement adopté par tous. Dorénavant, il fallait trouver un lieu en sécurité et suffisamment éloigné du village, qui servirait de refuge pour ses habitants. Par la même occasion, des vivres seraient mis de côté et nourriraient les fugitifs en temps voulu.
De l'intérieur de sa cabane, Omi avait assisté à toute la scène à travers l'unique ouverture de la pièce. L'état puis la mort de Galang l'avaient bien entendu choquée. Elle l'avait connu nouveau-né et l'avait vu grandir avec sa propre fille. Et le voilà parti avant la doyenne. Ce n'était pas dans l'ordre des choses… Les plus vieux devaient mourir en premier, pas l'inverse. La gorge d'Omi s'assécha, elle préféra tirer le rideau troué afin de ne plus voir le sinistre spectacle auquel les autres villageois assistaient. Fort heureusement, Lasya et Zelda s'occupaient d'éplucher les quelques pommes de terre fraîchement récoltées pour le dîner. Elles avaient entendu les cris de la femme de Galang mais leur grand-mère leur avait interdit de venir voir. C'était déjà bien assez difficile comme cela… À quand remontait le dernier mort dû à la chose ? Deux Éclosions, très certainement. Mais il s'agissait d'un tourmenté qui était parvenu jusqu'à Altoz, les esprits savaient comment. En plus d'avoir perdu la mémoire, il avait totalement perdu la raison. Triste fin, pensait Omi en fermant un instant les yeux. Zelda aurait sans doute eu le même destin si elle s'était échouée sur la corruption.
oOo
- Je reviens, je vais aller voir Zeya ! annonça Lasya sur le seuil de la porte. Il m'a promis de m'apprendre à tailler les gemmes nox.
- D'accord, mais n'y reste pas trop longtemps, la prévint sa grand-mère. Il faut ramasser du bois car notre réserve est presque à sec.
L'enfant souffla de mécontentement puis disparut dans le village sans prendre la peine de répondre. Omi leva les yeux vers le plafond puis revint s'asseoir sur son cher tabouret. Une fois bien installée, elle entreprit de tresser un nouveau panier car l'un de ceux qu'elle possédait s'était malencontreusement défait lors d'une mauvaise manipulation. À ses côtés, sa protégée reprenait une vieille robe grise donnée par Omi. Zelda s'appliquait donc à recoudre les quelques déchirures présentes sur le tissu. Et bientôt, la soif la força à suspendre sa tâche un court moment, le temps de se désaltérer. Elle quitta sa chaise et se dirigea vers le seau contenant l'eau potable de la cabane. Elle plongea son verre en terre cuite dedans puis en but le liquide avec discrétion.
Pareil aux autres fois, les forces de Zelda se dissipèrent subitement tandis que des douleurs vives arpentaient son corps sans qu'elle ne comprenne leur origine. La jeune femme laissa tomber le verre qu'elle tenait, ce dernier se fracassa sur le sol et fit sursauter Omi qui tressait le futur panier en osier. Elle vit son hôte se courber et se tenir difficilement à la table, une main posée sur son ventre.
- Allons, que t'arrive-t-il ? s'inquiéta la vieille femme en quittant son tabouret. Tu as mal ?
Zelda serra les dents pour retenir les larmes qui commençaient à poindre dans ses yeux. Suite à la demande d'Omi, elle s'allongea sur sa paillasse, dos contre sol, inspira avec profondeur puis expira pour se détendre.
- Encore plus que les autres fois... révéla la blonde malgré sa réticence.
- Montre-moi d'où provient ta souffrance.
L'Hylienne gémit avant de poser une main sur son bas-ventre. Aussitôt, les sourcils d'Omi se froncèrent ; délicatement, elle posa une main dessus et ferma les yeux.
- Connais-tu une aménorrhée ? demanda-t-elle à la blonde.
La concernée déglutit puis hocha la tête :
- Oui, depuis que je suis ici.
- Alors je ne vois qu'une seule chose.
La vieille femme fit preuve d'une grande pudeur quand elle souleva le chemisier de Zelda. Elle découvrit un ventre très légèrement arrondi bien que cela ne soit pas vraiment visible si recouvert de vêtements.
- Par Nayru, tu es enceinte...
- Comment ? souffla Zelda, ébaudie par ce qu'elle venait de dire.
- Oui. Tu en es presque à la fin de ton premier cycle. Mais ce n'est pas ce qui m'inquiète réellement.
Chez les Hyliens, le premier cycle correspondait aux trois premiers mois, autrement dit Zelda se trouvait bientôt en fin de premier trimestre. Voir l'expression grave de la doyenne ne la rassurait absolument pas.
- Non, je... C'est impossible, se força à sourire l'Hylienne. Je n'ai pas le sentiment d'avoir voulu d'enfant par le passé. Je dois couver une quelconque maladie, ne t'en fais pas.
- Ma fille, les signes ne trompent pas. Ne t'abrite pas dans un déni protec…
- Je ne peux y croire !
Le cri de Zelda fit sursauter Omi qui écarquilla les yeux. Elle se trouvait face à une jeune femme en proie à une nouvelle panique et à un déni protecteur. Zelda se mit à pleurer, elle cacha ses yeux derrière son avant-bras et détourna la tête. Elle ne pouvait concevoir que la vie se développait dans son ventre. Mais si c'était bien le cas, qui était le père de cet enfant ? Était-il désiré ? L'avait-on... forcée ? Cette simple idée la pétrifia immédiatement. Cette amnésie demeurait une véritable torture. Si elle avait eu un véritable compagnon, tous les deux auraient été trouvés ensemble au bord de la Rivière des Tourments, non ? Ou bien, il serait déjà venu la chercher... La vérité était-elle là ? L'avait-on abandonnée à son sort ? Rejetée pour cette raison précise...
- Zelda, reprends ton calme, la pria Omi qui gérait son sang-froid. Nous devons...
- Je ne veux pas de cet enfant, prononça-t-elle d'une voix blanche qui donna des frissons à la doyenne.
Omi n'osa plus bouger. Avait-elle bien entendu ? Un mauvais pressentiment s'empara d'elle et lui tordit les boyaux. La situation devait rester sous contrôle. Zelda se leva d'un bond et se précipita vers un coutelas afin de se l'approprier et de le pointer vers son ventre.
- Je n'en veux pas ! hurla l'Hylienne à travers des trémolos.
Affolée par la tournure des événements, Omi lui attrapa les mains et les tira vers elle pour l'empêcher de commettre l'impensable.
- Reprends-toi, pour l'amour d'Hylia ! la supplia la vieille femme qui tentait de lui arracher le couteau. Ta folie risque de te coûter la vie !
- Peu importe...
La gifle qu'elle reçut paralysa Zelda sur le moment. Deux mains lui empoignèrent les épaules et Omi rapprocha son visage du sien de sorte que leur regard soit puissamment rivé l'un dans l'autre.
- Écoute-moi ! Je comprends ce que tu ressens, cette douleur, ce trouble, cette solitude... Mais tu le regretteras, tu entends ? Ne ferme pas les yeux...
Zelda garda ses paupières closes, n'ayant pas le courage d'affronter les yeux de son hôte. Son cœur semblait pouvoir sortir de sa poitrine à tout instant tant il battait avec force. Dans ses mains, elle tenait toujours son arme blanche bien que son geste soit arrêté.
- Je suis persuadée que tu n'aurais jamais réagi de la sorte sans ton amnésie. En dépit de l'absence de pressentiment, n'as-tu pas songé un seul instant que ce futur nouveau-né soit voulu ?! Cette broche dans tes cheveux, cette bague, ce bracelet... Ne seraient-ce pas là des marques d'affection ?
- Je ne sais pas...
- Si, ma fille ! Si, tu le sais au plus profond de toi !
Ce fut à son tour de laisser les larmes rouler sur ses joues. Pourquoi être aussi bouleversée alors que ce n'était même pas sa petite-fille ? Ce n'était qu'une simple étrangère et pourtant, tout la poussait à l'aider. Sans doute se revoyait-elle à travers elle... Omi ne pouvait laisser une telle âme se meurtrir de la sorte.
- Ce garçon que tu appelles toutes les nuits... Ce nom que tu ne cesses de crier lors de tes cauchemars... Rien ne peut être dû au hasard. Quelqu'un t'attend, quelque part. Peut-être n'as-tu sans doute jamais désiré cet enfant avant ta perte de mémoire, mais je te prie quand même de réfléchir à la portée de tes gestes !
Son ton plaintif serra le cœur de Zelda qui lâcha machinalement le coutelas. Ce dernier vint se planter à la verticale dans le sol tandis que ses mains se mirent à trembler. Comme effrayée par ses propres intentions, la jeune femme recula puis cacha ses joues en signe manifeste de choc.
- Qu'allais-je... faire ? demanda-t-elle en papillonnant des yeux.
Ses pleurs redoublèrent d'intensité, Zelda se laissa glisser contre le mur de bois puis elle s'accroupit pour se faire plus petite. Elle s'apprêtait à tuer... Et sans doute aurait-elle succombé à ces blessures infligées. La blonde ne se reconnaissait plus. À vrai dire, elle ne savait même pas si elle était vraiment... elle-même.
- Il te faut du temps pour réfléchir, déclara Omi qui s'approcha lentement. Si tu ne désires toujours pas cet enfant, il y a bien des moyens pour mettre un terme à cette grossesse. Mais ils ne sont pas sans danger ou séquelle... Néanmoins, ton corps ne réagit pas comme toutes les femmes enceintes. Il y a quelque chose d'anormal.
- Comment ?
L'inquiétude de Zelda ne tarissait pas, bien au contraire. Cet enchaînement d'annonces ne l'avait en rien rassurée et l'avait plongée dans un état psychologique des plus complexes. Omi lui posa de nombreuses questions afin de mieux comprendre. Elle apprit notamment que Zelda n'avait jamais eu de nausées, ce qui, en soi, pouvait arriver. Mais l'une des questions principales n'étaient toujours pas résolues : pourquoi Omi avait-elle le sentiment que le corps de Zelda n'était pas en accord avec cette grossesse ? Cela la dépassait totalement. Quand Voseth était venu, il avait justement décelé une énergie spirituelle chez sa protégée. Il y avait peut-être là un lien ? Dans ce cas, une seule personne serait en mesure d'aider la jeune femme.
-Nous devrions aller voir le Guide, annonça la vieille femme qui serrait les poings. Il saura nous donner des réponses.
- Le Guide ? répéta Zelda avec méfiance.
Elle se calmait peu à peu malgré ce mal-être qui la rongeait encore.
- Oui, c'est un homme si vieux que même mon arrière-grand-père a connu dès son plus jeune âge. On raconte qu'il a déjà aidé maintes âmes égarées pour les remettre sur le chemin de leur destin. Si quelqu'un est en mesure de te venir en aide, c'est lui. Malheureusement, je suis trop vieille, la route qui mène à lui est bien trop dangereuse... Lasya saura t'y mener si tu souhaites t'y rendre mais avec les récentes rumeurs, je crains beaucoup pour vos vies… Le danger rôde de nouveau dans Delteha. Cependant, je ne peux pas te laisser souffrir ainsi encore longtemps. J'ai de nombreuses connaissances sur les grossesses, ce que tu vis n'est pas normal.
Hélas, à son échelle, Omi ne pouvait rien faire. Elle savait guérir certains maux mais pas celui de Zelda. Il y avait là une dimension magique qui la dépassait et lui prouvait bien que seul le Guide pouvait apporter des réponses. Mais aller le voir signifie traverser Delteha, et donc le territoire des Turmes et des Soneaux. Ces deux clans, qui possédaient chacun plusieurs villages, n'appréciaient jamais les autres peuples. Ils n'hésitaient pas à tuer si les voyageurs insouciants n'avaient pas de raisons valables. Même jurer d'aller voir le Guide ne pouvait pas sauver. Après tout, sa fille et son gendre en avaient fait les frais avant d'y laisser la vie…
- Si Ren pouvait t'accompagner dans ton périple, tu serais déjà davantage en sécurité, soupira la doyenne. Non pas car elle sait se battre. Seule face à une vingtaine de guerriers, elle se ferait massacrée. Mais en tant que Soneau, elle pourra négocier votre passage sur les terres de ses ancêtres. Quant à Lasya, je préfèrerais qu'elle reste auprès de moi, hors du danger.
Le silence qui s'ensuivit finit par chasser le peu de confort qu'offrait la cabane. Zelda se tint les bras avant de les frotter pour les réchauffer. Pourquoi la vie était-elle si dure ? Elle qui refusait de voir l'arrondissement lent et progressif de son ventre, la voilà face à une nouvelle des plus inquiétantes : son corps ne paraissait pas accepter cette grossesse. Dans ce cas-là, pourquoi ? Encore une question à laquelle elle désirait une réponse avec ferveur. L'Hylienne posa son regard au sol, les lèvres pincées, pendant qu'elle repensait aux précédentes paroles d'Omi durant sa panique. Elle hurlerait le prénom d'un garçon dans son sommeil. Link, c'était cela ? Cette fois-ci, seul un faiblement pincement au cœur se produisit. Aucun visage ne lui venait à l'esprit. Les souvenirs les plus douloureux revenaient parmi les derniers, Ren le lui avait dit un jour. Ce qui signifiait que ce garçon en faisait partie. Mais pour quelle raison ?
- Si j'ai eu un compagnon… et qu'il est bien le père de cet enfant… Où est-il ? demanda Zelda, presque dans un murmure.
Elle adressa un regard si interrogateur et suppliant à Omi que cette dernière en eut la gorge nouée. Comment pouvait-elle apporter une quelconque réponse ?
- Je suis désolée… s'excusa la vieille femme en détournant la tête. Je suis bien incapable de te le dire. S'il est toujours de ce monde, il doit être à ta recherche. Mais pour le moment, ta santé prime, tu comprends ?
Zelda retint son souffle lorsque que de nouvelles larmes lui montèrent aux yeux. Oui, elle comprenait… Mais c'était difficile à accepter. Son regard se posa sur son bracelet. Elle ne ressentait rien à travers lui, il restait un objet banal tout comme sa bague et sa broche. En pensant à ses bijoux, son cœur se serra une nouvelle fois et l'obligea à s'asseoir sur le banc à cause des forces qui quittaient ses jambes. La chaleur qui se propageait dans sa poitrine ne la trompait pas. Link, tel était bien son prénom, n'est-ce pas ? Si seulement tout pouvait s'éclairer d'un coup…
- Il faut que j'aille parler à Ren, annonça Omi quand elle fut certaine que son hôte se soit calmée. J'espère qu'elle acceptera de t'accompagner… Mais la défense du village risque de l'obliger à rester ici. Ah, tout cela n'arrive pas au bon moment ! Attends-moi ici.
Elle se dirigea vers l'entrée mais s'y arrêta lorsqu'elle comprit son erreur.
- Viens plutôt avec moi. Je ne voudrais pas que tu commettes de bêtise en mon absence.
Son inquiétude toucha sincèrement Zelda qui renifla avec discrétion avant de la rejoindre. Pour quelqu'un qui n'avait possiblement aucun lien de parenté avec elle, Omi la traitait avec beaucoup de bonté et de considération. Cette pensée remit en cause le doute que la blonde avait à son égard. Mais quoi qu'il en soit, la situation actuelle n'y prêtait pas : si sa santé était clairement menacée, il fallait y remédier dans les plus brefs délais. En dépit de sa douleur qui persistait encore, Zelda suivit d'un pas soutenu sa grand-mère qui la menait jusqu'à la hutte de Ren. Habituellement, la longue fourrure qui servait de porte se trouvait sur le côté, ce qui ne fut pas le cas quand les deux femmes arrivèrent devant. Omi en conclut que sa cheffe souhaiter de ne pas être dérangée. Pourtant, elle décala la fourrure sur la droite et découvrit Ren assise en tailleur, face à des dizaines de petites sculptures représentant grossièrement des armes, des vivres et quelques animaux.
- Omi, ce n'est vraiment pas le moment, soupira la guerrière sans même lever les yeux vers elle.
- J'en suis consciente, crois-moi. Mais j'ai une affaire urgente concernant Zelda.
Le prénom de cette dernière attira l'attention de Ren qui releva la tête et dévisagea l'étrangère en fronçant les sourcils.
- Qu'y a-t-il ? Tu as recouvré l'intégralité de ta mémoire ?
- Non, malheureusement, répondit Omi à sa place. Zelda attend un enfant.
Les yeux de la Soneau s'écarquillèrent en l'apprenant. Son regard glissa vers le ventre de la blonde mais rien ne laissait penser qu'elle pouvait être enceinte à cause de ses vêtements.
- Je ne sais pas quoi dire, s'excusa la guerrière qui se releva. Cela n'arrange pas sa condition.
- Si ce n'était que ça… Je pressens une incompatibilité entre elle et l'enfant. C'est bien la première fois que j'assiste à un tel phénomène. La vie de Zelda me paraît clairement menacée.
- Qu'est-ce que tu me contes, Omi ? Une telle… incompatibilité comme tu dis, c'est impossible.
La doyenne lui prit la main et appuya davantage son regard dans le sien pour souligner toute son insistance. Il ne fallait pas prendre cette affaire à la légère.
- Une fois, le Sorcier a été formel. Elle possède une énergie spirituelle, comme toi. Je me dis… que la source de ses maux peut venir de là.
En l'apprenant, Ren resta sans voix. Elle avait bien du mal à la croire car Zelda n'appartenait pas au peuple soneau. Il était bien difficile de le concevoir, mais si Voseth l'avait affirmé…
- Quelqu'un doit la conduire au Guide, déclara Omi en observant son hôte silencieux. Je suis incapable de l'aider. Le sorcier non plus.
- Le Guide habite par-delà le territoire des Turmes. Y aller, c'est de la folie ! Sans compter les Soneaux qui rôdent aussi dans la région.
La vieille femme manifesta son embarras en rentrant un peu sa tête dans ses épaules, le regard posé sur une amulette dans un coin. Justement, à ce propos, elle avait tout de même réfléchi au problème.
- Ren, tu as l'unique médiateur du village, se risqua Omi d'une voix tremblante. J'entends bien que tu as beaucoup de devoirs et de tâches en ce moment, mais en prenant la place de Delun, tu as juré de préserver la vie de tous les membres de ton village. Tu l'as répété après la mort de Galang.
- Mais Zelda n'est pas…
La Soneau cessa aussitôt de parler quand les sourcils de la blonde se haussèrent. Ren se serait mordue les doigts si elle avait continué sa phrase. Révéler maintenant que Zelda n'avait jamais appartenu au clan, ce n'était guère une bonne idée… Mais tout de même ! La vie des autres villageois passait malheureusement avant la sienne.
- Les autres clans de Delteha savent que tu es la cheffe d'Altoz, et ta nature soneau t'offre bien plus de droit que n'importe qui ici, poursuivit Omi avec espoir. S'il y a bien quelqu'un qui peut assurer la protection de Zelda, sans avoir à se battre, c'est bien toi.
Elle ajouta même que les Turmes et les Soneaux pourraient être plus cléments s'ils ne la voyaient pas en présence d'autres guerriers. En effet, s'ils venaient aussi, ils représenteraient un danger clair à leurs yeux et engendreraient de nouveaux conflits.
- C'est de la folie, maugréa Ren en se mettant de profil vis-à-vis d'elles. Il suffit que des hommes et femmes malveillants traînent dans les parages pour que notre fin soit sonnée. Seule, je ne peux pas me battre contre un groupe.
- J'ai peut-être une solution pour les dissuader, dans ce cas.
Omi leva la tête vers l'Hylienne qui n'osait pas parler depuis le début. Le sourire gêné qu'elle lui offrit ne rassura guère Zelda qui se demanda alors quelle idée germait dans la tête de sa grand-mère.
- Ils doivent croire que Zelda est une Soneau, déclara Omi qui se montrait sûre d'elle. Quelques faux tatouages, une tenue convaincante et des artifices pourraient fonctionner.
- Pour les yeux, ils ne feront pas d'histoire. Et ses cheveux blonds ? la questionna Ren, peu enthousiaste.
Zelda déglutit quand un silence s'installa dans la hutte. Sa chevelure, encore une fois… Il fallait donc la dissimuler au mieux pour ne pas éveiller les soupçons. La jeune femme se souvint avoir déjà vu quelqu'un teindre ses cheveux pour un voyage. Sans doute l'un de ses anciens amis.
- Et pourquoi pas les cacher sous un crâne de Krassen ? suggéra-t-elle, plus que sérieuse.
Les expressions stupéfaites des deux autres femmes lui laissèrent penser qu'elle avait dit une bêtise. Et pourtant, Ren éclata d'un rire vif qui la fit sursauter. La guerrière plaqua une main sur son dos dans un geste amical, ce qui coupa la respiration de l'étrangère sur le coup.
- Cette petite est vraiment amusante ! se réjouit Ren qui la secoua un peu sans mesurer sa force. Par les esprits, un crâne de Krassen… Pour sûr que le message sera clair.
- Comment cela ? s'étonna Zelda en reculant pour se dégager de son emprise.
D'après les explications d'Omi, les personnes portant un crâne de Krassen seraient perçues comme de très grands guerriers puisqu'elles auraient vaincu ces êtres si redoutables. Elles imposaient le respect sur leur passage et indiqueraient indirectement aux guerriers ennemis qu'il ne valait mieux pas s'en prendre à eux.
- Cependant, porter un crâne de Krassen alors que tu n'es pas l'auteur de sa mort, c'est une grave offense aux yeux des esprits. Car tu volerais le mérite du véritable guerrier qui a vaincu la créature. J'ai peur que tu sois d'autant plus punie par la suite… déplora Omi, visiblement inquiète. Et puis… Tu n'as pas vraiment le physique d'une guerrière.
- Pour une fois, les esprits pourraient se montrer cléments envers elle ! Zelda n'aurait jamais fait une telle chose si la situation ne le nécessitait pas. Quant à sa morphologie, quelques fourrures épaisses pour duper les Turmes pourraient suffir. Ils ne vont pas l'inspecter sous toutes ses coutures.
Sa remarque la fit rire toute seule tandis que la doyenne leva les yeux vers le plafond. Eh bien soit, Zelda deviendrait une Soneau pour la durée du voyage. Il fut donc convenu qu'on prendrait le crâne de Krassen dans la hutte de Voseth et que l'on dessinerait de faux tatouages sur les bras de la blonde.
- Très bien, je te conduirai au Guide, déclara Ren en ancrant son regard dans celui de l'étrangère. Puisque ta vie en dépend et que je suis la seule à pouvoir traverser les territoires sur notre chemin. Ulani sera chargé de diriger le village en mon absence. Nous tâcherons de revenir le plus vite possible.
- Je ne voudrais pas te forcer à m'accompagner, s'inquiéta Zelda à cause des derniers événements.
- Je n'ai pas le choix.
Son ton tranchant déséquilibra l'Hylienne qui préféra se taire et se mettre en retrait. Par la suite, elle subit toutes les transformations imposées pour devenir une Soneau. En plus de ses nouveaux habits – qui s'avéraient être des peaux de bête nauséabondes ainsi que des ossements – et des motifs tracés sur sa peau, on lui coupa quelques pointes de cheveux afin de mieux les dissimuler sous le crâne de Krassen. C'était une coiffe aussi imposante que lourde, Zelda se sentit aussitôt mal à l'aise une fois qu'elle l'eut sur sa tête. Ren dut même insister pour qu'une hache lui soit sanglée dans le dos même si elle ne s'en servirait pas. Avec un équipement pareil sur les épaules, la tourmentée comprit bien vite que son voyage paraîtrait encore plus long à cause du poids à porter. Mais au moins, cela pouvait garantir sa sécurité. Quand tout fut prêt et que quelques vivres furent emportés, les deux femmes se dirigèrent vers les portes du village pendant qu'elles saluaient ses membres venus leur dire au revoir.
Parmi eux, Lasya ne comprenait pas le départ soudain de sa fausse sœur. Omi n'avait pas encore pu tout lui expliquer donc il y avait de quoi susciter l'inquiétude de la fillette. Cette dernière joua des coudes pour pousser ses semblables sur le côté, provoquant leur mécontentement dont elle n'avait que faire, puis elle accourut vers Zelda avant de lui prendre l'avant-bras.
- Zelda ! l'interpella-t-elle d'une voix plus aiguë qu'à l'accoutumée. Me dis pas que tu pars définitivement ! Et c'est quoi ces peaux de bête ?
- Du calme, Lasya… Tu sauras tout quand je reviendrai, c'est promis.
La fillette soupira bruyamment puis la lâcha à contrecœur.
- Je peux venir ?
- Hors de question, nous allons voir le Guide, rétorqua Ren qui s'interposa entre elles. Ce sont des affaires d'adultes, tu restes ici. Omi a besoin de toi.
Lasya afficha une moue en guise de réaction. Des affaires d'adultes… Toujours des affaires d'adultes, à croire qu'ils n'avaient que ces mots-là à la bouche pour se justifier. Déçue de ne pas pouvoir venir, l'enfant plongea une main dans l'unique poche de sa robe, sur le devant, puis elle en sortit un drôle de bâtonnet marron qu'elle tendit à Zelda.
- Tiens, c'est pour la route !
- Qu'est-ce que c'est ? demanda l'Hylienne, touchée par son geste.
Lasya esquissa un sourire fier et caractéristique de son âge.
- Une cuisse séchée de rat ! Tu verras, c'est un peu filandreux au début mais le goût est à tomber par terre.
L'espace d'un instant, elle regretta de lui proposer un met d'une telle qualité gustative, mais Lasya finit tout de même par le poser dans la main de Zelda qui peinait à éprouver le même enthousiasme. Pour faire plaisir à la petite-fille d'Omi, elle prit tout de même la cuisse séchée puis observa Ren dont l'impatience prenait le dessus.
- Assez perdu de temps, nous partons, annonça-t-elle en tournant les talons.
Zelda ne se fit pas prier. Elle frotta affectueusement les cheveux de l'enfant, un sourire aux lèvres, avant de rejoindre la cheffe d'Altoz qui s'éloignait à grands pas. Dans la foule, Ulani prenait déjà le commandement du village en donnant les premières indications aux siens. Mais dans un coin, trois hommes le regardaient d'un air mauvais.
oOo
En durée de temps hylien, six à sept heures devaient s'être écoulées après le départ de Ren et Zelda. La vie habituelle du clan continuait, rien de suspect n'était à déclarer concernant les être faits de chose. La nouvelle veuve ne se relevait toujours pas de la mort de son homme, Galang ses deux enfants ne sortaient même plus de chez eux. Quant à Lasya, elle revenait des champs en ronchonnant. L'absence de Zelda avait étonnamment créé un vide qu'elle n'aurait jamais soupçonné un jour. Pourtant, ce n'était qu'une inconnue, à l'origine. Cela signifiait que la fillette s'attachait vraiment à elle au fil du temps. Et elle le savait : cela n'annonçait rien de bon pour les événements à venir. Notamment quand Zelda serait de nouveau en pleine possession de sa mémoire. Lasya donna un coup de pied dans un caillou et l'envoya voler plusieurs mètres plus loin.
-'L'avait qu'à pas être sur le chemin, maugréa-t-elle de mauvaise humeur.
Une fois devant sa cabane, elle poussa la porte et s'assura que sa grand-mère était bien en train de préparer le repas.
- Lasya, tu arrives au bon moment, l'accueillit Omi en relevant la tête. Va me chercher du manioc. Et sois prudente en dehors du village ! Ne t'éloigne pas trop…
- Ouais, ouais… bougonna-t-elle en revenant sur ses pas.
Et voilà, encore aller dénicher du manioc, pensait-elle. Encore fallait-il en trouver. Peut-être que d'autres membres du village avaient déjà ramassé toutes les racines près d'Altoz, et qu'il n'en restait plus par conséquent. Au coin d'une cabane, elle vit deux autres enfants plus âgés qui l'observaient d'un mauvais œil. Lasya leur tira la langue pendant qu'elle grimaçait puis elle se mit à courir jusqu'à sortir du village. Au moins, par les temps qui courent, ces sales mômes ne viendraient pas l'embêter. Du moins, elle le croyait fermement. La petite fille scruta les environs dans l'espoir de découvrir quelques racines, mais il n'y avait rien. Cela ne la surprit pas mais eut le don de l'agacer d'autant plus. Omi voulait du manioc ? Eh bien, elle lui en ramènerait une colonne ! Si grande qu'elle ne pourrait pas entrer dans la hutte. Et ainsi, on ne lui demanderait plus d'aller en chercher jusqu'à la fin de ses jours.
Lasya approuva cette idée qu'elle jugea ingénieuse et réfléchie. Tous les autres enfants scanderaient son prénom et seraient à ses pieds pour toujours. Oh, décidément, cette partie de cueillette devenait plus intéressante que prévue. Lasya se voyait déjà adulte, entourée par son troupeau de Krassens domestiqués et ses esclaves d'Altoz en plus des Soneaux. Hélas, à son âge, il était difficile de réellement mesurer la portée de ses actes et de ses pensées… L'enfant commençait tout juste à bien différencier ce qui était bien, et ce qui ne l'était pas.
Ses recherches furent vaines pendant une bonne vingtaine de minutes hyliennes, ce qui finit par avoir raison d'elle et la décourager. Lasya décida, malgré l'avertissement d'Omi, de s'éloigner un tout petit peu plus du village. Au milieu des souterrains, entourée par des rochers, des gemmes nox, quelques rares buissons et des débris des vieilles racines d'arbre, elle dut affiner ses recherches. Et ce qu'elle trouva… fut au-delà de ses attentes.
- Quand allons-nous enfin agir ? demanda un homme quelque part, non loin. C'est la meilleure occasion ! On ne pouvait pas rêver mieux.
Lasya s'arrêta au beau milieu du chemin en reconnaissant la voix Seba, l'un des guerriers du clan. Elle se demanda ce qu'il pouvait bien faire ici alors qu'il devrait assurer la protection du village.
- Un peu de patience, Asam va nous rejoindre d'ici peu.
Cette fois-ci, les yeux de l'enfant s'agrandirent. Jian ? Quelque chose n'allait pas, elle le ressentait. Avec discrétion et peur, elle vint se caler contre un rocher large et passa la tête sur le côté afin de les discerner dans la pénombre. Tous les deux portaient leur arme respective et se tenaient dos à elle.
- Pour une fois qu'elle s'en va seule. Cette Zelda ne sait même pas se battre, ce sera un jeu d'enfant, poursuivit Seba avec satisfaction.
- Oui, il est temps d'éclipser cette satanée Soneau du rôle de chef qu'elle ternit depuis des Éclosions. Delun n'aurait jamais dû la désigner… Tu as vu comment elle a tué Galang ? Je n'ai jamais assisté à une telle barbarie, à une telle indifférence dans la libération d'un des nôtres !
Oh non, Lasya n'aimait vraiment pas ce qu'elle entendait… Et jamais elle n'aurait dû l'entendre. Pourquoi vouloir éclipser Ren ? Les raisons qu'il a données ne sont pas justes, tout le monde savait qu'une personne touchée par la chose ne pouvait trouver repos que par la mort… Seba vint poser sa main sur l'épaule de son compagnon d'armes et le regarda avec détermination.
- Nous te rendrons ce qu'il te revient de droit, mon frère. Tout le monde sait que tu aurais mérité d'être chef à la mort de Delun.
- Ce fourbe m'a traité de lâche avant sa mort, se souvint Jian en serrant les poings. Il disait que je n'avais pas l'âme d'un chef car je me laissais trop facilement dominer par mes émotions.
- Il faut que tu lui donnes tort. Montre à tous les autres que tu vaux mieux que Ren. Ce n'est qu'une étrangère, elle n'est pas née à Altoz. J'ai toujours pensé qu'elle était une espionne venue pour faire tomber notre clan au moment opportun.
Dans un geste fraternel, bien qu'ils ne soient pas liés par le sang, Jian lui prit le bras et le serra avec force. Toute cette histoire lui donnait la nausée et accroissait sa rancœur.
- Ren doit mourir, dit-il d'une voix grave. Zelda aussi, elle ferait un témoin dangereux.
- Je m'occupe d'elle, ça ne prendra pas longtemps. Nous dirons qu'elles ont été tuées par ces sales Turmes sur le chemin du retour et que nous avons retrouvé leur corps au pied de notre territoire.
- C'est parfait, je n'en attendais pas moins.
Derrière eux, ils entendirent une exclamation étouffée ils se retournèrent et découvrirent Asam tenant Lasya, une main sur sa bouche. Elle se débattait vivement et tentait d'hurler pour appeler à l'aide mais tous ses cris se trouvaient atténués par la paume de son ravisseur.
- Tiens donc, une petite souris qui n'aurait pas dû écouter, siffla Jian en s'approchant.
- Je l'ai surprise derrière le rocher, leur apprit Asam qui ne flanchait pas sous les coups de pieds de l'enfant. Elle s'apprêtait à courir vers le village pour alerter Ulani.
Comprenant la situation, Seba fut effaré et eut un mouvement de recul tandis que son premier compagnon dégainait la dague accrochée à sa ceinture.
- Fallait que ça tombe sur elle… soupira Jian en s'approchant finalement, les mains tremblantes.
- Jian, ce n'est qu'une gosse ! s'indigna Seba. Tu ne vas pas la tuer ! Pas après la mort de Galang !
Le guerrier armé tourna la tête et le regarda par-dessus son épaule, les traits tirés.
- Tu crois que je ne le sais pas ? Ne rends pas les choses plus compliquées !
Il pointa l'arme en direction de Lasya qui se pétrifia lorsque son sang se glaça. Sa respiration devint de plus en plus rapide et sifflante, son rythme cardiaque s'envola dans sa poitrine en lui provoquant presque des vertiges.
- Par tous les esprits, si je ne la tue pas maintenant, nous sommes finis ! Le plan est foutu ! s'exclama Jian qui se laissait submerger par ses émotions. Lasya, je suis si désolé… Si tu n'avais pas mis les pieds ici, rien de tout cela ne serait arrivé…
Quand il fut à un mètre d'elle, il brandit le couteau et vit la fillette gémir en fermant les yeux, terrifiée à l'idée de se faire assassiner de la sorte. Sa réaction tordit les tripes du guerrier dont le bras se figea en l'air. Tuer l'un des siens ainsi… Cela allait à l'encontre des devoirs d'un chef, il en avait conscience. Et une enfant, qui plus est… Jian trouva cela bien trop cruel de lui arracher la vie alors qu'elle ne commençait à peine.
- Je… Je ne peux pas… bafouilla-t-il en reculant, le front en sueur. Si je la tue, je ne serai pas digne d'être le chef…
Devant lui, Asam émit un soupir assez fort en roulant des yeux.
- Très bien, je vais m'en charger personnellement, décréta-t-il d'une voix dénuée d'empathie.
D'un mouvement brusque, il jeta Lasya au sol et lui arracha une plainte de douleur qui força Seba à détourner le regard une fois de plus. En état de panique, la fillette se traîna par terre en éclatant en sanglots. Elle entendit Asam s'emparer de sa hache, ce qui la força à relever ses yeux emplis d'effroi et de larmes.
- Ne me tue pas ! hurla-t-elle en dépit de sa gorge sèche. Je ne veux pas mourir !
Il prit le manche de son arme à deux mains puis la dressa à la verticale, le regard rivé sur sa proie. Pensant qu'elle était paralysée par la peur, l'homme abattit sa hache vers elle mais rencontra le sol poussiéreux : Lasya venait de se jeter sur le côté, par instinct de survie. Sans avoir réellement le contrôle sur ses actions, elle se leva d'un bond puis s'enfuit du côté du chemin non bloqué par les trois traîtres. Hélas, cette direction s'éloignait du village. Mais il n'y avait que cette option pour le moment.
- Il faut la rattraper ! vociféra Asam qui se jeta à ses trousses.
Lasya courut comme jamais auparavant. Si elle trébuchait ou si les forces lui manquaient, ce serait la mort assurée… Elle sauta par-dessus une colonne soneau très ancienne puis changea de direction en dérapant sur le sol. Peu importe où elle allait, tant qu'elle semait ses poursuivants. Si elle entrait en territoire Turmes, peut-être auraient-ils trop peur de la suivre ? Cependant, à cause de son jeune âge et de son manque d'entraînement, la fatigue musculaire se fit vite sentir et amplifia d'autant plus sa panique. Surtout que les trois guerriers la poursuivaient toujours et la rattrapaient. Sur son chemin, un immense tas de pierres se dressa devant elle et la força à l'escalader. À l'aide de ses bras, Lasya se hissa sur les gros blocs malgré les écorchures qu'elle subissait.
- Je te tiens ! s'exclama Asam en enroulant ses doigts autour de sa cheville.
Il la tira d'un coup vers le bas, ce qui la fit déraper sur les pierres rêches. Lasya cria à la fois de peur et de souffrance pendant qu'elle se cramponnait tant bien que mal sur les blocs au-dessus d'elle.
- Lâche-moi ! hurla-t-elle avant de donner un coup de pied vers Asam.
Le guerrier le reçut en plein nez involontairement, il libéra la petite fille de son emprise en jurant avec animosité. Jian et Seba le rejoignaient au même moment et le retinrent par le bras pour l'empêcher de basculer vers l'arrière. Quant à Lasya, toujours en pleurs, elle se propulsa de l'autre côté du tas de pierres et le dévala en geignant de douleur. La peau de ses jambes et de ses bras s'ouvrit à quelques endroits, tout comme sa robe qui se déchira partiellement sur le flanc gauche. Lorsque le sol redevint plat, l'enfant tâcha de reprendre son souffle en oubliant ses blessures. Elle n'était pas tirée d'affaire… Elle se trouvait maintenant à l'entrée d'un canal vide où des Turmes pouvaient arriver à tout moment au-dessus de sa tête, sur le niveau supérieur.
Lasya essaya de se relever sur ses coudes, cependant ses forces finirent par s'estomper aussitôt et la firent s'écrouler sur la terre. Sa respiration saccadée s'empirait à cause de sa position puisqu'elle était couchée sur le ventre, rendant chacune de ses inspirations particulièrement difficile. Éreintée, Lasya ne put voir que du coin de l'œil Asam qui arrivait à sa hauteur, lui aussi ahanant à cause de l'effort fourni pour la rattraper. Maintenant, il avait la certitude qu'elle n'irait plus nulle part au vu de son état.
- O…mi… implora Lasya alors que son regard se perdait dans le vide.
Le guerrier souleva une nouvelle fois sa hache puis il y eut un bruit de chair coupée et de crissement désagréable qui emplit le canal.
- Asam ! s'époumona Jian.
Lasya rouvrit d'un coup ses yeux qu'elle avait fermés puis son regard glissa sur le côté avant de voir du sang s'égoutter devant elle. Elle réalisa ce qui venait de se passer quand elle découvrit un homme dans le dos de son bourreau. Manifestement, il avait sauté du niveau supérieur jusqu'au sol du canal pour transpercer Asam de son épée. Sans ménagement, l'inconnu retira sa lame en repoussant par le pied le corps tremblant de sa cible. Le guerrier d'Altoz tomba à genou puis s'écroula dans un long râle rauque, offrant une nouvelle vision d'horreur à l'enfant. Lasya parvint à rouler sur le côté afin de se mettre sur le dos et observer le reste. Elle put dévisager celui qui venait d'arriver et de lui sauver la vie par la même occasion : un homme assez jeune, aux yeux verts et à la chevelure noire. Il n'était pas vêtu comme les habitants de Delteha mais plutôt comme Zelda à son arrivée, c'est-à-dire avec un style vestimentaire atypique. Le brun se retourna pour faire face aux deux autres guerriers qui n'osaient pas bouger. Ils avaient leur arme en main et jaugeait leur nouvel ennemi avec méfiance et colère.
- Bien, prononça simplement l'inconnu.
La faible lueur produite par ses iris et ses tatouages rouges suffirent à dissuader ses deux adversaires de riposter : il faisait face à un Soneau aux cheveux des ténèbres. Qui sait s'il n'avait pas des semblables dans les environs ? Cette incertitude fut une raison supplémentaire aux deux hommes pour se replier.
- Partons d'ici, Jian… Nous sommes en territoire hostile, engager le combat ne peut être que défavorable, s'inquiéta Seba qui fit un pas en arrière.
Jian échangea un long regard mauvais avec le meurtrier de leur troisième compagnon. Ce n'était pas un guerrier ordinaire, il pouvait le sentir à sa posture et à son attitude calme.
- J'te retrouverai, étranger ! aboya Jian après s'être avoué vaincu. Tu paieras la mort d'Asam !
Sur ce, il disparut avec son camarade sans demander son reste. Lors de leur retour au village, il n'aurait qu'à dire que les Soneaux les ont attaqués et qu'ils en ont profité pour capturer Lasya. Et si cette malheureuse revenait en vie, Jian trouverait bien un autre moyen de la faire taire. Quand il se fut assuré que les deux hommes ne rôdaient pas dans les parages, l'épéiste refit face à Lasya et s'accroupit devant elle afin d'évaluer la gravité de ses blessures. Mais à peine voulut-il porter la main sur elle que la fillette eut un mouvement de recul, encore choquée par ce qu'elle venait de vivre.
- Ne me tue pas !
L'impassibilité de l'homme la mit encore moins en confiance si bien qu'elle éclata une nouvelle fois en sanglots, les mains devant les yeux. Plus jamais elle ne reverrait Omi, c'était certain… Ce Soneau allait la tuer puisqu'elle n'arpentait plus le territoire de son village natal.
- Je ne tue pas les enfants, répondit le brun pour la rassurer. Laisse-moi voir tes plaies.
- T'as trucidé Asam, je sais que c'est mon tour ! Mentir… Mentir ne sert à rien…
Elle se recroquevilla pour chasser l'image de son semblable mourant à ses côtés. Lasya avait du mal à réaliser que la vie avait vraiment quitter son corps, notamment car elle se sentait elle-même en danger et que sa propre existence l'importait bien plus.
- Je ne tue pas les enfants, répéta-t-il avec plus d'insistance. Cet homme voulait t'assassiner, non ?
La petite fille opina malgré elle.
- Maintenant, il ne pourra plus te faire de mal. Ta vie n'est plus en danger.
Elle avait réellement du mal à y croire, elle ne se sentait plus du tout en sécurité et ne désirait que rentrer pour retrouver Omi. Lasya décolla ses mains de ses yeux rougis puis elle dévisagea un long instant son interlocuteur. À première vue, il ne semblait pas lui vouloir du mal. Mais il ne fallait jamais se fier aux apparences quand il s'agissait d'inconnus. Sa grand-mère le lui avait plusieurs fois répété.
- Tu veux vraiment pas me tuer ?
- Je n'en vois pas l'intérêt.
- Mais si tu restes là au lieu de retrouver les tiens, c'est que tu attends quelque chose, se méfia Lasya en baissant le regard. Les Soneaux n'ont pas pour habitude de parler avec les autres peuples.
Un long silence s'ensuivit pendant lequel l'épéiste semblait méditer tout en fixant l'enfant. Elle séchait ses larmes sans parler de peur de prononcer un mot de travers qui pourrait lui coûter la vie.
- En vérité, je ne connais pas cet endroit, lui avoua finalement l'inconnu. J'ai besoin d'un guide pour retrouver un être cher.
- Demande à tes amis soneaux, ils seront bien plus performants qu'une môme comme moi…
- Les miens ont essayé de m'éliminer dès l'instant où ils m'ont vu. Je n'ai donc plus beaucoup de choix.
Lasya ne put s'empêcher de regarder le corps inerte d'Asam à quelques mètres d'elle, allongé sur le côté. Cela lui provoqua un haut-le-cœur, son visage devint encore plus pâle qu'il ne l'était déjà. De plus, elle éprouvait un malaise profond à cause des cheveux de cet homme qui lui rappelaient ceux du Marcheur. Des cheveux noirs… comme les ténèbres, le néant. Et pourtant, ses yeux verts retranscrivaient une bienveillance qui contrastait totalement avec le reste de son physique.
- Et tu cherches qui ? se risqua-t-elle d'une petite voix.
- Ma sœur, Zelda.
Lasya s'immobilisa. Sa… Sa sœur, Zelda ? Et si cet homme s'avérait être Link ? Avec Omi, elles se seraient trompées du début à la fin… Sa stupéfaction fut si nette, si lisible sur son visage que le brun comprit aisément que la fillette la connaissait. Après ces longues semaines de recherches, après ces mois, il touchait enfin au but.
- Guide-moi jusqu'à elle et tu auras une bonne raison de rester en vie, changea-t-il de ton pour devenir plus persuasif dans ses paroles.
Sa jeune interlocutrice déglutit. Si elle refusait, il la tuerait. Elle le savait, cet homme ne lui avait jamais voulu du bien. Ses yeux l'avaient trompée, il comptait se servir d'elle pour parvenir à son but. Mais d'un certain côté, si elle l'accompagnait jusqu'au Guide, il assurerait sa protection… Et Zelda pourrait retrouver un véritable membre de sa famille. Cette pensée pinça le cœur de la fillette.
- Très bien, je te mènerai à Zelda… Mais ne me tue pas quand tu l'auras trouvée !
- Nous verrons quand tu m'auras conduit jusqu'à elle.
Elle éclata de nouveau en sanglots. Si Omi n'avait pas voulu ces fichus maniocs, rien de tout cela ne serait arrivé… Mais d'une autre manière, elle n'aurait pas appris que Jian programmait la mort de Ren pour lui voler son statut de chef d'Altoz. Ren… Il fallait à tout prix la retrouver et la prévenir.
- Et… Et comment tu t'appelles ? lui demanda-t-elle pour conclure leur contrat.
Le brun sortit un rouleau de bandage abîmé puis commença à l'enrouler autour de la jambe de Lasya.
- Soran.
Il releva légèrement la tête pour ancrer ses iris verts dans les siens.
- Je m'appelle Soran.
