Je m'excuse pour le retard ! Il s'agit du dernier chapitre avant l'épilogue. J'espère qu'il sera à la hauteur x)
Ce n'est qu'un au revoir.
D'un coup, Pahya réapparut au-dessus de sa cible et fondit sur elle en plongeant son petit sabre de la défiance dans son dos. L'arme fendit la chair de corruption, déchiqueta le corps sans vergogne et libéra l'âme captive. Essoufflée à cause des combats qui s'enchaînaient les uns après les autres, la Sheikah releva la tête vers la princesse qui restait en retrait, l'Arc de Lumière entre ses mains. Par moments, Zelda intervenait lorsqu'elle se sentait capable d'éliminer un ennemi pour sauver un compagnon. Pahya accourut vers elle, l'air grave et concerné. Entourées par la troupe de soldats alliés, elles se trouvaient au centre du grand hall depuis une dizaine de minutes. Autour, de nombreuses confrontations sanglantes avaient lieu entre corrompus et soldats de l'alliance. Les alliés tentaient une avancée forcée au sein des rangs ennemis pour parvenir aux escaliers, ceux-ci menant aux quartiers royaux situés aux étages. Link devait les rejoindre pour que la suite du plan principal se réalise. Il y attendrait Thomas.
Durant la bataille dans le grand hall, tout le monde avait senti le brusque changement d'altitude du château d'Hyrule. Fort heureusement, celui-ci s'était rapidement stabilisé avant d'entamer une rotation légère qui avait déstabilisé les deux camps. Ce fut à ce moment précis que le Héros sut que son ancien apprenti avait réussi sa mission. Dorénavant, Ganondorf était piégé dans sa propre demeure, il n'avait plus le contrôle de sa forteresse volante et corrompue.
- En avant ! hurla Astrid lorsque les escaliers centraux furent dégagés de la présence ennemie.
Sans tarder, Pahya posa une main sur l'épaule de la princesse soucieuse, puis elle l'invita à s'engager vivement en direction des marches. Sur leur gauche, Link pourfendit un soldat du néant avant de les rejoindre aussitôt.
- Je vous couvre ! s'exclama-t-il face à la tension palpable de la situation.
Il put voir la peur à travers le regard de Zelda, entraînée par sa magistrate adjointe. Link fronça les sourcils, il fit volte-face et resta auprès des soldats qui empêchaient les corrompus de s'engager à leur tour dans les escaliers. Équipé de son bouclier d'Hylia, il para les épées qui venaient successivement percuter sa protection de métal. Il ripostait immédiatement en plongeant la Lame Purificatrice – dont le pouvoir était activé – dans leur poitrine. Tout autour de lui, ses compagnons se battaient avec toute la colère qu'ils conservaient depuis des mois. Chacun combattait en sachant sciemment qu'il ne survivrait certainement pas à cette journée apocalyptique. Une épéiste de Panah se tourna soudainement vers Link et le pria de monter à son tour les escaliers, ses arrières seraient assurés le temps qu'il faudrait. Le blond la remercia d'un hochement de tête, puis il gravit les marches quatre à quatre afin de rejoindre sa fiancée.
En levant la tête, il eut le temps de voir et d'entendre Pahya crier à la princesse de se baisser. La Sheikah se téléporta subitement sur l'escalier du niveau supérieur avant de frapper, de toute ses forces, dans l'arc d'un corrompu. Ce dernier vit son arme déviée de sa cible royale, il décocha sa flèche dans le vide et recula d'un bond en prenant garde de ne pas tomber. Il se plaça sur le palier du deuxième étage, prêt à affronter la combattante aux cheveux blancs. Cependant, celle-ci avait disparu de son champ de vision. Le bruit de froissement derrière lui l'alerta aussitôt. Le soldat du néant pivota et abattit son arc, qu'il tenait à deux mains, sur Pahya. Même s'il savait qu'une telle attaque s'avérait futile avec cette arme, il voulait éloigner son adversaire pour avoir le temps de s'emparer d'une autre flèche.
D'un geste rapide, Pahya passa une main dans son dos puis l'élança en direction du corrompu. Trois fines aiguilles fusèrent vers lui et percèrent son abdomen. Loin de l'éliminer, cette attaque le blessa tout de même et le fit tituber. Se préparant à lui asséner le coup de grâce, la Sheikah resserra son emprise sur son petit sabre et fléchit les jambes. Mais lorsqu'elle vit une ombre se dresser devant elle, témoignant d'une présence dans son dos, elle se jeta vers le sol et roula sur le côté afin d'éviter la masse qui s'écrasa sur les dalles de pierre. Pahya releva la tête et aperçut un ancien Soneau de grande envergure, soulevant une nouvelle fois sa masse. Voyant qu'il allait frapper, la jeune femme se téléporta et l'arme massive ne fit que trancher de l'air. Pahya réapparut à sa place initiale, elle trancha le poignet de son ennemi, l'obligeant ainsi à lâcher son arme. Focalisée sur la masse qui gisait à ses pieds, la jeune femme ne vit pas la corruption qui serpentait lentement vers elle. La matière maudite provenait de l'archer qui n'avait pas dit son dernier mot. Le Soneau fit semblant de vouloir se jeter sur Pahya ; cette dernière recula par réflexe et posa un pied dans la corruption. Immédiatement, le tissu qui recouvrait sa jambe fut rongé et permit à la malice d'atteindre la peau. La douleur se manifesta quelques instants plus tard, Pahya émit un cri plaintif et perdit son équilibre. Elle se retint au balustre après avoir boité jusqu'à lui.
À son tour, Astrid jaillit des escaliers, accompagnée par ses soldats. Dans un rugissement de colère, elle éventra le Soneau pendant que ses hommes s'occupaient de l'archer impuissant. Zelda arriva peu après, les sens en alerte et l'air effaré. Elle se précipita vers la jeune magistrate et se hâta d'user de ses pouvoirs pour défaire le mal qui la brûlait. Sa bénédiction eut tôt fait d'annihiler la corruption, dévoilant la peau meurtrie de la Sheikah.
- Pahya, tu… commença Zelda qui ne savait pas quelle initiative prendre vis-à-vis de la blessure.
- Ne… vous préoccupez pas de cela, Votre Altesse, gémit Pahya dont le visage se crispait à cause de la souffrance. Nous devons continuer d'avancer…
Les autres soldats de la garde rapprochée de la princesse arrivèrent à leur tour sur le palier du second étage, Link se tenait parmi eux. Il s'approcha à pas rapides de son amie aux cheveux blancs tandis qu'Astrid et les siens s'occupaient des corrompus qui venaient en renfort.
- Tu peux marcher ? l'interrogea Link en regardant gravement la Sheikah.
Elle déglutit avant d'acquiescer. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et collaient ses cheveux contre sa peau. En guise de réponse, elle s'écarta du balustre et boita pour poursuivre le chemin vers les quartiers royaux. Sa détermination encouragea davantage les deux élus à ne pas baisser les bras et à poursuivre le combat coûte que coûte. Zelda prit les devants, elle vint apporter son aide à la jeune femme en la soutenant. Quelques mètres plus loin, Astrid et les siens avaient dégagé le passage pour leur permettre de rejoindre leur destination. Les corrompus se faisaient de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de la salle du trône.
- Allez retrouver l'androïde ! Nous allons sécuriser le périmètre, déclara Astrid sur un ton autoritaire et sans appel. Faîtes ce que vous avez à faire, mais vite !
Link lui adressa un regard reconnaissant avant de s'engouffrer dans le premier couloir des quartiers royaux. Il n'avait pas besoin de s'y enfoncer trop loin : Thomas l'attendait dans l'antichambre qui donnait accès, autrefois, aux appartements de la feue reine. D'un pas soutenu, le Héros s'y dirigea, talonné par Zelda, Pahya et quelques autres soldats. Il n'y avait pas de corrompus en ces lieux : ils avaient tous rejoint les principaux endroits où se tenaient les confrontations entre les deux armées. Les futurs ennemis que les élus croiseraient les attendaient aux étages supérieurs, près de la salle du trône. Link, tout comme sa compagne, fut consterné de constater les ravages qui avaient eu lieu dans le couloir qu'ils traversaient rapidement : les tableaux représentant de nombreux membres de la famille royale avaient été déchirés, jetés à terre voire détruits avec barbarie. De la corruption maculait certaines toiles et tapissait quelques parcelles de mur. Ce spectacle sinistre rappelait au prodige ces fois où il avait parcouru le château, sous l'ère du Fléau. L'état de désolation y avait été plus prononcé, certes, mais il y planait la même aura de mort et de chaos. Cette ambiance oppressait, par ailleurs, la princesse elle-même.
Quand il arriva face à l'antichambre, Link poussa la porte avec force, prêt à riposter si des soldats du néant l'attendaient derrière. Il n'y avait pourtant personne dans cette grande pièce richement meublée et décorée. Le chevalier émit un soupir de soulagement avant de se retourner et d'apporter son aide à Pahya, à son tour. Il l'aida à s'asseoir sur un fauteuil, puis il vérifia que sa blessure ne fût pas trop profonde et trop grave. Hélas, il ne transportait aucun bandage, donc la plaie devrait rester telle quelle pour le moment.
- Tu… Tu es certain que ton apprenti… va nous retrouver ici ? demanda-t-elle malgré son souffle court et irrégulier.
Link acquiesça pendant qu'il se relevait. Il savait que Thomas ne tarderait pas à venir, il avait les capacités pour écarter les ennemis de son chemin et poursuivre son objectif. Au même moment où il pensait à son ancien apprenti, le blond sentit ses forces drainées par Sokyn. Le sceau ne le délaissait pas, il absorberait son énergie vitale jusqu'au bout. Link grimaça en observant son bras droit protégé par l'armure. Pas un jour ne passait sans que Sokyn ne lui vole ses forces. Link espérait qu'en contrepartie, le pouvoir qu'il en tirait l'aiderait réellement contre Ganondorf.
De longues minutes s'écoulèrent. Interminables et angoissantes… Les cris leur parvenaient en permanence, tout comme des déflagrations lointaines dues aux Créatures Divines qui se battaient toujours. Dans la pièce, les soldats de Panah s'impatientaient et craignaient l'arrivée soudaine de corrompus. Il valait mieux partir d'ici le plus vite possible et ne pas offrir la possibilité à l'ennemi de les piéger. Des pas rapides se firent entendre dans un couloir adjacent, renforçant la méfiance des soldats qui se tournèrent vers la deuxième porte de l'antichambre. Elle s'ouvrit à la volée et dévoila Léon, ce dernier tenait Altéis dans une main et tirait Iris de l'autre. Stupéfait, Link bloqua involontairement son souffle tandis que ses yeux s'écarquillaient.
- Léon ? Iris ? prononça l'Hylien qui pensait avoir affaire à une hallucination.
Blessé à la cuisse à cause d'un affrontement récent pour parvenir jusque-là, le grand gaillard lâcha Iris avant de s'adosser au mur derrière lui. Léon plaqua une main sur sa plaie sanglante, le visage contracté par la douleur. De son côté, Link posa une main contre son front et recula d'un pas. Manifestement, il était choqué par la présence de ses deux anciens apprentis.
- Par les déesses, que faîtes-vous là ? leur demanda-t-il en tâchant de se ressaisir. Je vous avais dit de fuir avec la population !
Son regard se posa alors sur la lance que Léon agrippait toujours fermement. L'arme de Thomas. Pourquoi… l'avait-il avec lui ? Link reporta son attention sur Iris. Son visage, habituellement mate comme tous les habitants d'Écaraille, avait blêmi fortement alors que ses yeux semblaient dorénavant vides. Le regard de la châtaine se perdait devant elle, comme si plus rien aux alentours n'existait. Iris ne réagissait ni au bruit, ni à la présence de son capitaine. Elle était tout simplement absente, gardant solidement ses mains autour d'un objet caché entre leur paume.
- Où est Thomas ? les interrogea Link dont le rythme cardiaque s'accéléra.
Léon serra les dents, ses yeux s'embuèrent une nouvelle fois à cause de la tristesse qui l'envahissait depuis qu'il avait quitté les sous-sols. Il secoua négativement la tête avant de la baisser pour regarder ses pieds. Il n'arrivait pas à le dire… Comment l'annoncer à son supérieur ? Comment… prononcer le moindre mot après tout ce qui venait de se passer ? Iris n'était même pas en état de parler, et tout le monde dans la salle le dévisageait avec attention. Léon le voyait bien… Link était très affecté de les voir tous les deux. Alors lui apprendre la perte de leur troisième camarade…
- Je suis désolé, Capitaine… dit-il dans un souffle, la voix cassée. Thomas… Thomas est parti…
Et il n'avait pas pu l'en empêcher. L'androïde avait décidé qu'il était l'heure pour lui de rejoindre l'Alpha. Léon leva les yeux et vit nettement le visage du chevalier se décomposer devant lui. Heurté par cette vérité, Link vacilla et repoussa Zelda lorsqu'elle tenta de lui prendre la main. « Parti » résonnait dans son esprit. La mort avait définitivement rattrapé et emporté Thomas. Il n'arrivait pas à y croire. C'était tout simplement impossible à croire… Link plaqua brutalement son avant-bras contre le mur à sa droite, faisant sursauter sa fiancée et créant un bruit métallique. Ses lèvres frémirent, ses yeux se mirent à le brûler à cause des larmes qui ne parvenaient à les quitter. Il poussa un cri de rage mêlé à de la tristesse. La colère qu'il éprouvait envers lui-même lui donna envie de s'arracher les cheveux.
Il avait perdu son père et ses plus chers amis lors de batailles décisives. Maintenant, il perdait un apprenti qu'il n'était pas parvenu à sauver non plus, dans tous les sens du terme… Alors c'était cela, le plan de Thomas ? Entraîner ses deux camarades en enfer et… et mourir ? Qui l'avait tué ? Ganondorf ? Caï ? Qui devait payer le prix de sa mort ?! Qui avait osé lui retirer une personne chère à son cœur, une fois de plus ?
- Capitaine, Thomas nous a demandé… de vous remettre sa pierre d'énergie, poursuivit Léon en dépit des trémolos dans sa voix. Elle vous sera utile.
La pierre d'énergie ? Ne voulait-il pas lui donner son cœur, à l'origine ? La bouche de Link s'entrouvrit quand il comprit enfin la véritable signification des mots de l'androïde. Il ne s'agissait pas de son cœur antique, mais bien de son cœur magique. Celui qui liait son âme à son corps artificiel, celui qui le maintenant « en vie ». Thomas aurait pu rester sur terre sans cœur antique ; il aurait seulement fallu en trouver un autre et le lui implanter. Mais sans sa pierre d'énergie… Link retint un hoquet qui s'apparentait à un sanglot. Il pinça l'arête de son nez et ferma fortement les yeux pour se retenir de pleurer. Depuis combien de temps Thomas avait-il décidé de se sacrifier ? Tous les deux auraient pu unifier le sceau gardien et combattre côte à côte contre Ganondorf. Alors pourquoi…
- Iris, donne-lui la pierre… la pria Léon qui tourna la tête vers elle.
Elle n'oscilla pas, toujours absente de la réalité. Affecté de la voir ainsi, Léon haussa les sourcils en exprimant un air attristé, puis il prit ses mains. Sans brusquerie, il désenroula ses doigts et dévoila la pierre qui luisait d'un vert apaisant. Jamais cette gemme nox n'avait été aussi belle que ce jour-là. La voir pour la première fois serra le cœur du Héros qui restait sans voix. Mais au moment où Léon voulut la prendre, les traits d'Iris se tirèrent aussitôt et elle afficha une expression animale.
- Ne la touche pas ! rugit-elle en s'écartant brusquement.
- Iris, nous devons remettre cette pierre au Capitaine.
- Non !
Elle la plaqua contre sa poitrine avant d'hurler :
- Elle est à moi, tu entends ?! À moi, à moi !
La châtaine regarda tous ceux présents dans la pièce dont l'air s'était refroidi depuis quelques minutes.
- À MOI ! s'époumona-t-elle, prise dans une folie propre à sa peine.
- Iris, calme-toi, je t'en prie, intervint la princesse qui s'avança vers elle.
La lancière lui jeta un regard noir qui la fit tressaillir. D'un coup, Iris attrapa son arbalète, plaqua un carreau en son centre puis visa Zelda.
- JE TUE LE PREMIER QUI S'APPROCHE !
La princesse cessa immédiatement de s'approcher, elle observa Link avec inquiétude. Lui-même ne semblait pas en état pour intervenir et calmer la jeune fille. Il avait bien trop de mal à accepter la mort de son ancien apprenti.
- Nous avons une mission, dit Léon avec calme pour ne pas envenimer la situation. Il voulait que sa pierre soit remise au capitaine.
- PERSONNE NE TOUCHERA À THOMAS !
Elle braqua son arbalète vers son dernier camarade qui leva les mains, lâchant la lance par la même occasion. Il percevait nettement la haine et la détresse dans le regard de l'Hylienne. Elle était perdue, elle ne savait plus quoi faire. Iris n'arrivait pas à se connecter à la réalité et à l'accepter.
- Si je le garde auprès de moi, il vivra… souffla-t-elle tandis que ses larmes s'écoulaient sur ses joues.
Le sourire qui se dessina sur ses lèvres parut déformé et effrayé, bien qu'il reflétât tous ses états d'âme.
- Je lui ai offert un an de ma vie, il ne peut pas être mort… Tout ce qu'il faut, c'est lui donner un nouveau corps ! L'un de vous ferait parfaitement l'affaire, n'est-ce pas ?!
Son éclat de voix résonna et fut désagréable.
- Iris, tu ne sais plus ce que tu dis ! répliqua son camarade malgré l'arbalète braquée sur lui. Baisse ton arme et reprends-toi, pour l'amour d'Hylia ! Tu penses que Thomas voulait voir ça ? Il a donné sa vie pour la mission ! Maintenant, remets-nous la pierre !
- Jamais ! hurla-t-elle désespérément.
En dépit de sa blessure, Pahya se téléporta derrière la châtaine puis lui asséna un coup à l'arrière du crâne, à l'aide du pommeau de son petit sabre. Iris poussa une plainte grave, la pierre lui échappa au moment où elle tombait à la renverse, étourdie. La Sheikah lui arracha son arbalète et la jeta plus loin. Sans tarder, elle s'empara de la pierre d'énergie puis l'apporta à Link en boitant. Encore en proie à ses émotions, le chevalier mit plusieurs secondes à réagir quand son amie lui tendit le cœur magique. La lueur de la pierre fit naître un poids dans le ventre du chevalier qui serra les poings. Thomas plaçait cette pierre entre ses mains car il lui faisait confiance. Il savait que lui, le Héros, pourrait s'en servir le moment venu. Bouleversé, l'Hylien la prit à son tour et put percevoir la chaleur singulière qui en émanait.
- Link… l'appela doucement Zelda, concernée par son état.
- Au fond de moi, je savais qu'il ne survivrait pas. Et les derniers instants que je lui ai offerts…
Il posa une main sur sa bouche, horrifié par la décision qu'il avait prise en demandant à Thomas de pirater le système de la forteresse. Son élève avait passé ses derniers instants entre les murs glacés et sombres du château, sans la moindre lumière réconfortante. Personne n'avait été là pour l'accompagner dans son départ… Link culpabilisa tant que sa poitrine se compressa et le gêna pour respirer. Il aurait dû être là pour le remercier. Et jamais il ne pourrait dire à son apprenti tout ce qu'il avait sur le cœur.
- Capitaine, il est parti avec le sourire, lui affirma Léon sur un ton faiblard. Maintenant, faîtes que son sacrifice ne soit pas vain.
Son air mature rappela à Link que son ancien apprenti était de deux ans son aîné. Et il avait raison. Dorénavant, son dernier et ultime objectif était de trouver Ganondorf et d'en finir. Le chevalier prit une profonde inspiration, puis il jeta un regard appuyé à son canon d'avant-bras gauche. Sous les yeux de tous, il l'enleva afin d'accéder au bracelet ressemblant à celui qu'il avait offert à Zelda, quelques mois auparavant. Il retira la pierre du bijou, ne garda que la ficelle et enroula cette dernière autour de la pierre d'énergie de Thomas. Finalement, il l'accrocha autour de la fusée de la Lame Purificatrice, puis il regarda successivement vers Léon et Iris.
- Merci, les gratifia-t-il avec reconnaissance. Même si vous avez désobéi à mes ordres, je vous remercie d'avoir été là pour votre camarade.
Il replaça son canon d'avant-bras sans lâcher le grand blond du regard.
- Léon, tant qu'Iris n'a pas repris ses esprits, veille sur elle. Et promets-moi de rejoindre Vah'Medoh le plus rapidement possible. Un elvësch viendra vous récupérer s'il vous voit.
Le visage de Link s'assombrit, le jeune homme tourna les talons et s'immobilisa.
- Il est hors de question que je vous perde tous les deux.
Sur ce, il quitta la pièce baignée dans un lourd silence. Zelda accourut derrière lui afin de lui prendre la main. Malgré ce contact, Link ne se détendit pas. Il entremêla ses doigts avec les siens et, de sa main libre, essuya ses yeux humides. Son cœur était lourd, son âme meurtrie. Il associait la perte de Thomas à un échec personnel qu'il ne pourrait jamais se pardonner. À cet instant précis, l'Hylien voulut tout arrêter tant cette énième mort lui pesait sur la conscience. Son envie de combattre flanchait, il remettait en question le moindre de ses choix ainsi que sa stratégie. Sokyn valait-il autant la peine pour que Thomas décide de lui donner sa pierre ? Cette dernière était-elle vraiment supposée activer son pouvoir ? Tout semblait perdre sens aux yeux de Link. Cela en devenait même dangereux s'il ne se ressaisissait pas.
- Il est venu ? demanda soudainement Astrid lorsqu'il sortit des quartiers royaux.
Le regard rivé au sol, Link fronça les sourcils pendant que ses épaules s'affaissaient.
- Thomas… est mort, annonça-t-il difficilement.
L'officier de Panah montra une certaine surprise en l'apprenant. Comment cela, mort ? Cela lui parut absurde puisqu'il s'agissait d'un robot. Cependant, au vu de l'expression sombre de son compagnon d'armes, elle comprit que l'androïde avait été détruit, et cela la peina malgré tout.
- Je suis désolée, dit-elle sincèrement à l'adresse du Héros. Mais je crains que tu ne puisses pas pleurer sa disparition maintenant… Ganondorf est là, tout près.
Link raffermit son emprise sur l'épée de légende.
- Nous devons en finir maintenant, termina-t-elle avec plus de détermination.
Dans son dos, une troupe de soldats alliés arriva, surprenant les hommes d'Astrid qui s'attendaient à une embuscade. Les renforts étaient guidés par un grand homme originaire de la région chaude d'Aurean, au vu de son équipement typique de ce territoire et de sa peau mate. Il semblait soulagé de retrouver des figures connues et importantes dans la bataille.
- Nous venons vous soutenir, leur assura-t-il en effectuant le salut militaire. Le chemin menant à la salle du trône est envahi par les ennemis, l'avancée ne sera pas aisée.
- Vous êtes les bienvenus, lui répondit Astrid en se tournant vers eux.
- Quels sont vos ordres ?
- Vous renforcerez la garde arrière.
- Entendu.
Le soldat fit face à ses compagnons et les encouragea à prendre la nouvelle position. Ces nouveaux effectifs les aideraient grandement pour protéger les deux élus, en particulier au vu de l'état du Héros. Astrid avait conscience qu'il avait baissé sa garde en apprenant la mort de son élève. La jeune femme se concentra plutôt sur la prêtresse royale à ses côtés.
- Princesse Zelda, êtes-vous prête ? Il n'y aura plus aucun retour possible.
Les iris verts de Zelda s'ancrèrent dans les siens et témoignèrent de son envie d'en finir. Astrid comprit le message ; elle se déroba à son regard avant d'ordonner autoritairement aux autres soldats de se remettre en route. Aussitôt, hommes et femmes reprirent leur marche en entourant les deux élus. Link se laissait entraîner, son regard se perdait dans le vide et inquiétait encore plus sa fiancée. Les événements n'étaient faciles pour personne. Elle-même s'apprêtait à procéder à de grands sacrifices…
oOo
Encore étourdie par le coup qu'elle avait reçu à l'arrière de la tête, Iris geignit en plissant les yeux. Elle se tenait toujours à terre, aux pieds de Léon qui veillait sur elle. La vision de la jeune fille demeurait floue pour l'instant, un sifflement aigu emplissait ses oreilles et lui provoquait des maux de tête fort désagréables. Elle n'avait oublié aucun détail. Aucun. On lui avait arraché Thomas de la pire des manières, sans même se soucier de ses sentiments à elle. Dans un silence pesant, la châtaine se releva pendant qu'elle fixait amèrement le sol.
- Écoute, Iris… Je suis désolé, commença Léon dont le cœur pesait dans sa poitrine.
Il vit nettement le visage de sa camarade se rembrunir.
- Je n'ai fait qu'accomplir son souhait. Tu ne sais pas à quel point ça lui tenait à cœur.
Lorsqu'Iris alla chercher son arbalète, l'Hylien recula discrètement vers la porte afin de s'enfuir dans le couloir en cas de nécessité. Cependant, la jeune fille ne fit qu'accrocher son arme à sa ceinture, sans même se soucier de la réaction de son compagnon. Intérieurement, elle ne savait plus où elle en était, perdue au milieu de la multitude de sentiments qui la ravageaient. Elle se sentait trahie par le monde. Trahie par Léon ainsi que par Link. À leur tour, ils lui avaient arraché une partie d'elle-même uniquement pour servir leurs intérêts. Aux yeux d'Iris, la défaite de Ganondorf n'avait plus aucun sens. Tous ces combats n'avaient plus de sens.
- Nous devons rejoindre Vah'Medoh pour y être en sécurité, reprit Léon avec nonchalance. Notre mission est terminée, rester ici nous met en danger.
Iris se plaça de trois quarts vis-à-vis de lui, puis elle lui adressa un regard noir qui le conforta dans l'idée qu'il n'avait plus affaire à la même personne.
- Encore une phrase de ta part et je te cloue un carreau entre les deux yeux, siffla-t-elle en adoptant un air menaçant.
Médusé, Léon tenta de lire à travers ses yeux pour savoir si elle en serait réellement capable. Malheureusement, il lui fut impossible d'en avoir la certitude au vu de l'ire notable que dégageait l'Hylienne. Le grand blond se retint de déglutir. Il avait compris le message… Son regard glissa vers le sol jusqu'à s'arrêter sur une arme bien particulière : Altéis. En la voyant, son cœur rata un battement et un stress brutal naquit en son sein. Ils avaient oublié de remettre l'arme.
- Par les déesses, nous devons rejoindre le capitaine au plus vite ! paniqua Léon qui se jeta sur la lance. J'ai oublié de lui donner Altéis !
Malgré sa blessure, il se précipita sur les pas de son supérieur, parti de nombreuses minutes plus tôt. Léon se maudissait pour cet oubli. Si la remise de la pierre n'avait pas été aussi tendue et mouvementée, il aurait pensé à remettre Altéis. Maintenant, il devait réparer cette erreur au plus vite.
- Léon ! rugit Iris qui lança à sa poursuite, prête à récupérer le dernier reste de son camarade défunt.
Elle reprit son arbalète en main pendant qu'elle courait, elle y plaça un trait dessus avant de tendre la corde, décidée à tirer dans les jambes de Léon si c'était là le dernier moyen pour l'arrêter. L'Hylien déboucha justement sur le palier menant aux escaliers du grand hall. Le combat y faisait rage, Léon dut esquiver deux guerriers qui échangeaient des coups avec force. Peu lui important s'il traversait ce champ de bataille en lieu clos : il devait rejoindre à tout prix Link. Thomas lui avait fait confiance en lui remettant son cœur magique et son arme, alors ce n'était pas le moment de manquer à sa parole.
Pour rejoindre la salle du trône, il y avait deux chemins possibles. Le premier était de passer par l'extérieur, mais il y avait bien plus de risques malgré le gain de temps que cela leur octroierait. Ou bien passer par les quartiers des gardes royaux. Leur chemin serait allongé, il arriverait par l'arrière de la salle du trône. L'avantage était que cette route serait moins dangereuse. Ce fut celle-ci que Léon choisit, au détriment d'Iris.
Le jeune homme courut sans se retourner, il était focalisé sur son dernier but. Même si cela le dérangeait plus que tout, il se devait d'oublier Iris pour le moment. Elle compromettait le souhait de Thomas. Un carreau d'arbalète vint justement percuter le mur à ses côtés, ce qui le tira de ses pensées. Par Din, Iris ne plaisantait pas quand elle l'avait menacé… Elle avait définitivement perdu toute raison, et Léon n'avait pas le temps de la calmer. À l'angle d'un couloir, il arriva au niveau de la salle de repos des officiers de la garde royale. Cette grande pièce comportait une grande mezzanine sur laquelle le grand blond se trouvait dorénavant. Le sol dégageait une odeur de bois humide et pourri. Et en face du jeune homme, il n'y avait pas de porte. Il fallait emprunter le petit escalier pour accéder au reste de la salle, ce que Léon s'apprêtait à faire quand la lancière arriva à son tour. Elle maintenait son arbalète désespérément braquée vers lui.
- Iris, sois raisonnable ! articula Léon d'une voix tremblante tandis que son rythme cardiaque s'emballait fortement. Altéis n'est pas n'importe quelle arme… Elle peut aider le Héros !
La châtaine, qui pleurait de colère et de tristesse, renifla en hochant négativement la tête. Elle ne voulait rien entendre. Elle gardait ses positions, n'accordant que quelques instants supplémentaires au blond pour lui donner la lance. Cependant, Léon ne bougeait pas car il ne savait plus quoi dire pour changer la situation. Et cela agaçait d'autant plus Iris. Tout à coup, elle aperçut les yeux de son camarade s'écarquiller en regardant derrière elle alors que son expression se décomposait sous l'effet de l'effroi.
- Al… Altaïr n'est plus parmi nous ? prononça une voix aiguë qui donna des frissons saisissants à l'Hylienne.
Ses jambes se mirent à trembler, tout comme ses bras et ses mains, tant et si bien que son arbalète ne visait plus du tout sa cible. Dans son dos, Iris perçut le rire rauque de Caï qui venait d'apparaître dans le couloir menant à la mezzanine. Le souffle de la châtaine se bloqua et l'empêcha de respirer ; elle revivait sa dernière confrontation avec cette démone.
- Donnez-moi sa pierre ! aboya Caï qui fléchit les jambes avant de se propulser avec Iris.
Pétrifiée, l'Hylienne n'eut pas la volonté ni même la force de se jeter sur le côté pour esquiver. Elle sentit seulement une main l'empoigner fermement par le bras puis la tirer brutalement vers l'arrière. La masse d'armes de Caï s'écrasa sur le sol, soutenue par une force surhumaine due à sa condition d'androïde. Le parquet de bois céda aussitôt dans un fracas assourdissant ; les planches de bois sombrèrent soudainement dans le vide, emportant avec elles toute la mezzanine et ses occupants. Un nuage de poussière s'éleva, rappelant celui qui avait envahi les souterrains, plus tôt dans l'heure.
Écrasée par le bois détruit, Iris poussa un cri de douleur en sentant quelque chose au sein de son mollet. Étouffée par la fumée et la masse sur sa poitrine, elle poussa un grognement puis elle rampa pour s'extraire des décombres. Elle retrouva bien vite son arbalète qui reposait à moins d'un mètre près d'elle. Lorsqu'un cri de rage résonna dans la salle, son sang se glaça et la terreur l'envahit bien plus encore. Accoudée au sol, Iris jeta un regard par-dessus son épaule et aperçut Caï, debout sur les débris de la mezzanine. La guerrière se tenait devant Léon, allongé sur le dos et gémissant à cause de la souffrance. En effet, il avait très mal chuté et s'était sans doute fracturé plusieurs os.
Malgré sa peau déchirée et la corruption qui la recouvrait de plus en plus, Caï brandit sa masse au-dessus de sa tête en affichant un air fou. Léon réunit alors ses dernières forces : il agrippa Altéis avec plus de fermeté puis il la planta dans la cuisse de son assaillante.
- Léon, non ! hurla Iris qui eut enfin un éclat de lucidité.
Au contact de l'androïde, la lance émit un éclat lumineux et bleu qui se propagea vers le corps de Caï. Cette dernière n'eut pas le temps de comprendre que le programme insurmontable avait gagné son cœur en l'espace d'un instant. Une déflagration assourdissante et aveuglante engloba la guerrière ainsi que Léon, puis l'explosion se propagea dans l'intégralité de la pièce. Le souffle qui en résultait fut si puissant et dévastateur qu'il projeta Iris en arrière. Elle percuta violemment le mur de pierre tandis qu'une chaleur étouffante lui brûla la peau. Par la suite…ce fut un véritable trou noir.
Iris perdit toute notion de temps. Ce dernier semblait s'écouler avec une lenteur glaçante et terrifiante. Plus aucun bruit ne lui parvenait, plus aucune sensation. Seulement… un froid pénétrant qui ankylosait tous ses membres. Un froid qui s'intensifiait de plus en plus, jusqu'à devenir subitement ardent et insupportable. De manière aussi soudaine, tout son corps fut traversé par de multiples douleurs qui s'accentuaient à chacune de ses inspirations et expirations. Son ventre se contracta, entraînant une quinte de toux grasse et à l'arrière-goût ferreux. Iris essaya de rouvrir les yeux une première fois, seule une paupière put se soulever. Sa vision était tant troublée qu'elle ne voyait qu'un mélange de couleurs dominé par l'orange, le rouge et le noir. Les lèvres gercées, elle émit une plainte faible qui manqua de rester coincée au fond de sa gorge à cause d'un liquide épais qui la bloquait.
Grandement affaiblie, Iris demeurait allongée sur le côté, le dos appuyé contre le mur. Dorénavant, elle ressentait bien mieux la large plaie sanglante qui occupait une partie de son flanc gauche. Quant à la peau de ses joues et de ses mains, elle avait été brûlée jusqu'à ce que la chair fût à vif. Ses vêtements avaient été noircis mais aucun feu ne les rongeait. Une partie de ses cheveux avaient aussi été brûlés suite à l'explosion. Et manifestement, l'Hylienne perdait du sang. Beaucoup de sang, si bien qu'elle n'arrivait plus à se mouvoir. Lorsque son unique œil ouvert lui permit de voir le liquide visqueux et rouge qu'elle avait recraché en toussant, Iris éclata en sanglots. Elle n'avait pas imaginé un seul instant que Thomas avait programmé Altéis pour implanter le programme d'autodestruction. Et cela avait conduit à la perte de Léon…
Iris pleura encore plus bruyamment, désormais toute seule au sein du chaos ambiant. Elle avait perdu ses deux compagnons. Et maintenant, elle n'attendait plus que sa propre perte. Elle poussa un râle étouffé avant de fermer son œil. Ses respirations devinrent de plus en plus courtes et irrégulières alors que son sang ne cessait de s'écouler. La douleur de ses blessures se mêlait au froid mordant dont elle était la proie. De toute évidence…
Elle était en train de mourir.
Cette pensée l'horrifia. Mais, d'une certaine manière, cela la libèrerait de tous ses maux. Il n'y avait plus rien à faire pour elle. Je ne veux pas mourir. Cette phrase se répétait incessamment dans son esprit, au point de lui donner des vertiges et la nausée. Iris grimaça, puis elle toussa une nouvelle fois pour recracher le sang qui obstruait sa gorge. Un frisson glacé lui parcourut l'échine et lui donna l'impression que son heure était venue. Ce ne fut pas le cas… Les déesses lui réservaient une mort lente et douloureuse. Léon, lui, avait eu la chance de mourir sans souffrir, pensait Iris dont l'esprit s'embrouillait de plus en plus. Elle ne sentait même plus ses jambes.
Et parmi la pénombre, une lumière chaleureuse vint jusqu'à elle et parvint à retirer une infime partie de ses maux. Difficilement, Iris rouvrit son œil et découvrit un rumy à quelques centimètres de sa tête. L'animal spirituel paraissait la humer avec considération ; il dégageait un profond sentiment de sérénité qui apaisa Iris. Dans cet enfer, il restait donc un être pur dont la présence ne pouvait être fortuite.
- Thomas… souffla Iris, accablée, en plissant son œil.
Pourquoi avait-elle l'impression qu'il lui avait envoyé cet être ? Était-ce pour l'accompagner à son tour auprès de l'Alpha ? Le rumy s'approcha de sa main avant de poser son museau contre la peau. Non, il n'était pas ici pour emmener son âme avec lui, Iris le comprit. Ses yeux s'humidifièrent pendant qu'elle mordait l'intérieur de sa lèvres inférieure.
Bats-toi.
Iris acquiesça avec lenteur en dépit de ses douleurs à la nuque, au dos et au ventre. Thomas était toujours là, quelque part. Et il lui demandait d'achever la mission, car il avait foi en sa camarade. L'Hylienne croisa le regard du rumy qui l'observait avec innocence.
- Je dois… vivre…
Elle toussa puis parvint à bouger son bras sur lequel elle reposait.
- Pour vous deux… termina Iris d'une voix enrouée.
Elle ne savait d'où venait cette volonté qui la maintenait tout juste en vie. Peut-être que ce rumy n'était que le fruit de son imagination, et attestait de son envie de vivre. Peut-être même était-ce sa haine grandissante envers Ganondorf qui la guidait. Après tout, ses deux compagnons avaient péri par sa faute. Avec difficulté, Iris prit appui sur ses mains en grognant puis en criant à cause de la douleur. Davantage de sang s'écoula de sa plaie ventrale. Bravant la lente agonie de son corps, la lancière s'aida du mur derrière elle pour se relever et s'y adosser. Une fois qu'elle fut pleinement debout, elle s'arrêta, haletante, et découvrit enfin l'état dans lequel se trouvait la salle de repos. Le feu brûlait des feuilles éparpillées au sol, des ossements de métal étaient éparpillés à plusieurs endroits. Quant au corps de Léon, Iris détourna la tête quand elle sentit son estomac se retourner. Jamais il n'aurait pu survivre en étant aussi proche de l'explosion. Savait-il seulement… qu'user d'Altéis contre Caï le tuerait, lui aussi ? La bouche d'Iris s'entrouvrit en se le demandant. Du sang entourait ses lèvres ainsi que les brûlures de ses joues.
Lorsqu'elle commença à marcher, elle faillit tomber à cause de la souffrance fulgurante qui naquit brutalement de son ventre. Puisqu'elle essayait de se déplacer le long du mur - pour être soutenue par ce dernier – elle y laissait une fine traînée rouge qui n'annonçait rien de bon. Sur son chemin, elle retrouva même son arbalète à moitié détruite. Iris ne sut dire si elle pouvait encore être fonctionnelle. Mais quand son regard se posa sur le sol, plus loin, elle ne se questionna guère plus. Altéis était sa dernière raison de vivre. À cause de l'explosion, la pointe de la lance avait été séparée de sa hampe. Seule sa tête pourrait encore servir… Et au vu de sa forme, elle pourrait faire office de carreau d'arbalète.
oOo
À l'extérieur du château, Zelda visa l'un des corrompus qui protégeait l'entrée de la salle du trône. Sa flèche de lumière lui perça ensuite la poitrine et le mit hors d'état de nuire. Toutefois, elle n'eut pas le temps de se réjouir d'avoir touché sa proie : d'autres soldats du néant arrivaient par les côtés et les alliés de la princesse se jetèrent sur eux pour repousser leur assaut. De peur de les toucher malencontreusement, Zelda préféra s'abstenir de tirer. Elle suivit les directives de Pahya lorsque la Sheikah lui demanda de la talonner pour gagner la dernière partie du château. Des combattants de l'alliance resteraient dehors pour veiller à ce que les corrompus ne suivent pas les élus et compromettent leur plan. Aux côtés de Link, la princesse gravit les quelques marches qui menaient au couloir extérieur rejoignant la salle du trône. Ils s'y engouffrèrent sans plus tarder en veillant à ce que le chemin fût dégagé de tout ennemi. Face à l'immense porte fermée, le Héros s'arrêta, afficha un air plus grave, puis il jeta un regard interrogateur à sa fiancée. Là, devant eux, se trouvait Ganondorf. Une fois qu'ils pénètreraient dans la forteresse, le Seigneur du Malin leur ferait face pour un énième combat à mort.
- Allons-y ! s'exclama Astrid qui y voyait là leur ultime chance de remporter la bataille. Si cet enfoiré crève, tous ses soldats disparaîtront !
Link en avait conscience. Il considéra les soldats qui attendaient les ordres avant d'entrer. Il ne tarda pas à leur demander de bien couvrir la princesse, et de fuir avec elle si le combat tournait à leur désavantage. Outrée par cette demande, Zelda voulut intervenir mais le regard suppliant de son fiancé la coupa dans son élan. Le chevalier refit face à la porte qu'il poussa avec force, pareil à ce jour où il était venu affronter Ganon. Sans hésiter, il s'engouffra dans la salle immense et courut vers son centre, talonné par Zelda ainsi que Pahya et Astrid. Les autres soldats vinrent aussitôt entourer la princesse pour la protéger de tout ennemi. De longues et oppressantes secondes s'écoulèrent sans que rien ne se produise. Pris de court, Link scrutait les alentours en se demandant s'il rêvait : la salle du trône était vide. Ganondorf n'était pas là. Seule quelques parcelles de corruption recouvraient certains endroits. Il n'y avait aucun corrompus, le groupe de guerriers était seul en ces lieux.
- Par Maurdrid… murmura Astrid qui s'attendait au pire. Où est-il ?!
Plongé dans l'incompréhension, Link recula d'un pas en fronçant les sourcils. Ce n'était pas normal, Ganondorf devrait être ici… Il ne se serait pas risqué à aller combattre ses ennemis dans son état. Il n'était pas encore remis de ces trente mille ans de sommeil imposé.
- C'est une ruse, déclara Pahya qui se montrait peu sereine. Restez sur vos gardes.
- Tu as bien raison, susurra une voix dans son oreille.
Elle frissonna d'horreur avant de se retourner précipitamment. Au même moment, une brume noire opaque se créa tout autour d'eux et vint les englober en quelques instants. Par réflexe, le prodige se précipita vers Zelda, il la tira vers lui et la garda à ses côtés. L'air ambiant se densifia et la tension augmenta d'un cran. La prêtresse royale resta blottie contre Link, bien qu'elle tînt toujours son Arc de Lumière. Elle eut l'impression que son cœur allait quitter sa poitrine tant il battait avec vigueur et rapidité. Ce climat d'incertitude et d'attente lui remémora bien de mauvais souvenirs, la convainquant que les minutes suivantes seraient les plus sombres de son existence. Hélas, Zelda ne tarda pas à avoir raison. Des cris d'épouvante résonnèrent, suivis par des râles d'agonie et des crissements métalliques qui firent tressaillirent la princesse. Elle ne sut dire à qui appartenaient ces hurlements, et si Pahya avait aussi été attaquée, tant de nombreuses voix se mêlèrent en même temps.
- Ne t'éloigne surtout pas de moi ! s'exclama Link qui tenait fermement la Lame Purificatrice ainsi que le bouclier d'Hylia.
Ce stratagème, orchestré par Ganondorf lui-même, n'avait pour but que de le déstabiliser et de l'isoler de ses compagnons. Il ne fallait pas se jeter dans son piège. En portant secours à ses alliés, Link risquait de perdre Zelda dans cette brume surnaturelle, et cela marquerait aussitôt leur défaite irrémédiable. Peu à peu, les cris cessèrent, un silence mortel plana et fut bien moins rassurant.
- Tu accordes si peu de valeurs à tes alliés pour les laisser mourir de ma main, Héros ? persiffla Ganondorf, quelque part autour des deux élus. Je comprends pourquoi tous tes proches ont péri si… aisément.
Link fronça les sourcils avant d'apercevoir une silhouette noire se dessiner face à lui. La fumée se dissipa exclusivement à cet endroit pour dévoiler un corrompu dont les iris rouges fixaient ardemment Link. Le chevalier se figea en reconnaissant l'un de ses amis tombés au combat, un siècle auparavant : Conrad.
- Tu m'offres le meilleur moyen de te tourmenter.
Ganondorf venait de parler à travers le corrompu qui bougeait ses lèvres. Une colère subite s'empara de Link qui sentait ses poils se hérisser sous l'effet de l'indignation.
- Comment oses-tu ?! s'écria l'Hylien.
Zelda s'écarta légèrement de lui, banda son arc et décocha sa flèche sur le soldat du néant qui la reçut dans le torse. Conrad s'affaissa dans une masse de corruption, ce qui sembla amuser tout particulièrement le Seigneur du Malin.
- Même ta chère princesse n'hésite pas à éliminer ceux à qui tu tiens.
La brume se dissipa alors sur leur droite, présentant ainsi deux nouveaux corps qui se tenaient côte à côte. Lin écarquilla les yeux en reconnaissant ses parents. Sa gorge se noua et devint sèche face à ce spectacle glaçant. Maintenant que Thomas n'était plus là, il n'y avait plus personne pour les protéger et empêcher Ganondorf de les invoquer.
- Link, ne le laisse pas te manipuler ! paniqua Zelda lorsqu'elle remarqua le teint blême de son fiancé.
Une fois de plus, elle banda son arc. Elle s'apprêtait à lâcher la corde quand les deux corrompus se tournèrent l'un vers l'autre et mimèrent de se tuer en même temps. Cette vision bouleversa Link, choqué, qui eut un mouvement de recul. Sa réaction fit ricaner l'incarnation même du Mal, attisant la fureur de Zelda.
- À quel point es-tu aussi lâche pour faire cela, Ganondorf ? cria-t-elle en scrutant les alentours. Montre-toi !
- À vos ordres, Princesse.
Au même instant, Zelda fut tétanisée pour une raison qu'elle ignorait. Un frisson glacial lui avait parcouru l'échine, comme pour lui annoncer qu'une catastrophe allait se produire et mener à sa perte. La Lame Purificatrice émit un éclat bien plus intense qu'à l'ordinaire, puis une forme en sortit avant de se précipiter derrière Link.
- Maître ! s'exclama Fay en écartant les bras.
L'épée de Ganondorf s'abattit puissamment sur l'esprit matérialisé qui reçut le coup de plein fouet. En parant cette attaque, Fay sauva Link d'une attaque qui l'aurait tué. Le Héros se retourna aussitôt, ses pupilles se rétractèrent à cause de l'effroi quand il vit l'esprit de l'épée voler en éclats sous ses yeux. Aussitôt, la Lame Purificatrice cessa de luire, la magie l'habitant la quitta définitivement. Il ne restait plus que Ganondorf qui reprenait son équilibre après cet échec de sa part. Le Gerudo arborait un air sérieux et agacé. Il portait une tenue de guerre des temps anciens, rouge et noire. Quant à ses iris jaunes, ils brillaient et paraissaient percer Link jusqu'au plus profond de son être. Ils se posèrent rapidement sur Zelda dont les mains tremblaient et peinaient à soutenir son arc. Cet homme était bien plus terrifiant que le Fléau Ganon. Il dégageait une telle noirceur que cela retirait toute force à la prêtresse royale.
Ganondorf ne leur laissa aucun répit. Maintenant qu'il avait détruit la nature de la Lame Purificatrice, il ne lui restait plus qu'à mettre un terme au sceau divin. Alors que Zelda relevait soudainement sa main droite pour invoquer sa magie, le Seigneur du Malin se précipita vers elle puis il fendit l'air de son épée démoniaque. La lame percuta violemment le demi-plastron d'acier avant de glisser vers le bas et de rentrer dans la chair même de la princesse. Cette dernière poussa un hurlement de douleur ; la force mise dans l'attaque la projeta au sol, l'arrière de son crâne heurta les dalles de pierre et son souffle se bloqua dans sa poitrine.
À peine remis de son choc, Link bondit sur son ennemi et lui asséna un premier coup pour l'écarter de Zelda. Ganondorf recula sans lâcher la prêtresse royale du regard. Dans son état, elle ne pourrait pas utiliser son sceau contre lui, et cela lui arracha un sourire victorieux. Les élus de cette époque étaient si misérables… Il n'avait donc suffi que de trente mille ans pour qu'ils perdent leur combattivité et leur puissance. Pitoyable. Ce « Héros » n'en était pas même un, il ne possédait pas la Triforce du Courage. Il était temps que cela cesse.
Lorsque le chevalier s'élança vers lui, Ganondorf créa un flux de corruption qui plongea sur la jambe du Héros avant de le tirer vers le bas. Déséquilibré, Link chuta et étouffa une plainte. Fort heureusement, la bénédiction de Zelda agissait toujours sur son armure et permit de le protéger de la corruption. Cela fit tiquer Ganondorf. D'un geste de la main, il dissipa le reste de la brume et dévoila la scène macabre qu'elle dissimulait jusque-là. Il se jeta sur une hache puis la jeta aussitôt en direction de Link. L'Hylien, qui se relevait toujours juste, vit la hache tournoyer vers lui avant de s'abattre sur son heaume et de le lui arracher. La lanière, qui l'attachait sous sa mâchoire, lui avait brûlé la peau sous l'effet du frottement et avait manqué de l'étouffer. Sonné par ce coup, la tête de Link bascula vers l'arrière et il retomba une fois de plus, dos à sol.
- Tu es le Héros le plus faible que j'ai jamais affronté ! aboya Ganondorf avec haine.
À l'aide de sa corruption, il ramena l'arme à lui, puis il s'approcha à grands pas du prodige. Du coin de l'œil, il voyait Zelda se tordre de douleur et perdre du sang, témoignant de son incapacité à combattre pour le moment. Ganondorf reprit la hache à deux mains, il surplomba le Héros qui peinait à retrouver ses esprits. Manifestement, le troubler en invoquant ses proches morts avait grandement affecté le mental du Héros, et le Seigneur du Malin s'en félicitait. Cela lui avait encore plus facilité la tâche. Dorénavant, il ne restait plus qu'à lui donner le coup de grâce. Ganondorf abattit de nouveau sa hache sur l'Hylien. Cependant, ce dernier se ressaisit et plaça son bouclier devant lui pour se protéger. La surface métallique dévia la trajectoire de l'arme qui se heurta contre son armure. Puisque ce maudit bouclier protégeait la partie supérieure du corps du Héros, le Gerudo opta pour une technique plus sauvage et barbare. À l'aide de sa hache, il martela puissamment l'armure qui recouvrait le haut de la cuisse de Link. Un craquement lugubre se fit entendre, suivi d'un cri insoutenable de la part du chevalier.
La lame de la hache finit par se briser, obligeant Ganondorf à s'écarter un instant pour dévisager sa proie en pleine souffrance. La corruption lui apporta son épée pendant qu'il regardait la hanche meurtrie du Héros dont les os s'étaient très certainement déboités. Cette fois-ci, Ganondorf avait enfin une ouverture pour frapper son ennemi de toujours en pleine tête. Cependant, une lueur dorée attira son attention et mit ses sens en alerte. D'un mouvement brusque, il tourna la tête vers Zelda et comprit qu'elle essayait d'invoquer le sceau divin contre lui, pour le repousser et défendre Link. Le Seigneur du Malin montra les dents avant de s'élancer vers elle, dans le but de mettre fin à son dessein. Visiblement, il aurait dû la tuer au lieu de reporter son attention sur l'élu de l'épée.
Ganondorf plaqua son pied contre le dos de la princesse, alors allongée sur le ventre, puis il l'écrasa contre le sol glacé de la salle du trône. Cela arracha un gémissement à Zelda qui souffrait déjà de sa plaie ventrale. Avec ce poids exercé sur elle, il lui était presque impossible de respirer ou même de se mouvoir. Elle ne pouvait pas voir le sort que Ganondorf s'apprêtait à lui réserver. La jeune femme releva la tête et posa son menton contre la dalle de pierre, puis elle jeta un regard terrifié à Link, lui aussi en très mauvaise posture. Paralysé par la douleur, il reposait sur le côté de son corps, à une dizaine de mètres de Zelda. Son cœur rata un battement en voyant Ganondorf brandir son épée au-dessus du corps de l'Hylienne. Il voulait se lever, sauter sur ce démon pour l'arrêter et l'empêcher de commettre l'irréparable. Mais le sceau gardien était peut-être en mesure de sauver Zelda ! Alors pourquoi… pourquoi ne s'activait-il pas, pour l'amour d'Hylia ? Éperdu, Link hurla en tendant sa main droite vers sa compagne.
Ganondorf n'eut pas le temps d'abaisser son bras, il y eut le bruit d'un déclic puis un trait d'arbalète se logea profondément dans l'épaule du Gerudo. Ce dernier émit un grognement rauque et furieux pendant qu'il titubait. Fou de rage, il jeta un regard sur le côté et découvrit une Hylienne, adossée contre un pilier à la sortie d'un escalier. Bien qu'elle semblât mal en point et grièvement blessée, elle avait osé le prendre pour cible et le blesser.
Link profita de cet instant d'incompréhension et de flottement pour se relever. Malgré sa jambe droite qu'il traînait, tant elle lui faisant mal, il se jeta sur Ganondorf et tenta de lui asséner un coup dans le poitrail. De son unique bras valide, le Gerudo para et, dans un élan de courroux, créa une masse de corruption provenant de son propre corps. Link boita pour esquiver ; il prenait appui sur son épée afin de ne pas tomber. En proie à ses émotions, mêlées au stress et à la panique, il découvrit à son tour la nouvelle arrivante qui rechargeait son arbalète avec un carreau qui ressemblait fortement à la tête de la lance de Thomas.
Ganondorf, de son bras indemne, la pointa subitement de la main ; son mouvement fut suivi par la corruption qui fondit en direction d'Iris. Éreintée à cause de ses blessures, la jeune fille n'eut que la force de décocher ce projectile si singulier. La pointe se logea dans l'abdomen du Gerudo qui rugit de douleur en se recroquevillant soudainement sur lui-même. La corruption cessa aussitôt son avancée spectaculaire, elle s'affala sur elle-même.
- Seul… le véritable maître de la Tétralame est en mesure de me tuer ! aboya Ganondorf dont la haine décupla.
Le roux arracha la première pointe de son épaule avant de la jeter brutalement au sol. Quant à Link, en dépit de son affaiblissement et de ses meurtrissures, il profita de cet instant d'inattention pour trouver la force de boiter rapidement vers son ennemi. Sa jambe blessée traînait derrière lui et le fit grogner à chaque fois qu'il posait son pied sain à terre. Dans un élan désespéré, il plongea son épée dans le ventre de Ganondorf qui se figea aussitôt, les yeux écarquillés. Cependant, Link sentait parfaitement bien qu'il n'avait pas percé une chair humaine normale. Il s'agissait d'un corps composé en grande partie de corruption, et qui ne craignait plus l'épée de légende car celle-ci avait perdu toute propriété divine. Ce geste de la part du Héros marqua le retour de la satisfaction immense de Ganondorf qui planta les ongles de sa main droite dans la base du cou de l'Hylien. Il commença à absorber son énergie vitale tandis qu'une masse de corruption grandissante naquit tout autour du Gerudo.
Derrière lui, la Malice se dressa telle une coupole et se tint prête à engloutir le chevalier qui serrait les dents et essayait de s'arracher à l'emprise de son ennemi, en vain. Le seigneur maléfique semblait profondément ancré dans le sol.
Cette vision ne fut plus supportable pour Zelda. Elle réveilla en elle cette même force ressentie le jour à Link allait être achevé par un Gardien. Les maux qui parcoururent son corps ne cessèrent pas, ils furent seulement rejoints par un afflux de pouvoir qui gagnait sa main droite où la Triforce se formait. Incapable de se redresser, la prêtresse royale demeurait toujours allongée sur le ventre, le bras droit tendu devant elle en direction des deux hommes. Ganondorf ne fut pas en position pour réagir immédiatement en apercevant les éclats dorés qui en émanaient. Lorsque la sphère dorée vint l'entourer et annihiler la corruption qu'il créait, le Seigneur du Malin hurla de rage, mais il fut incapable de se mouvoir à cause de cette aura divine qui l'oppressait. Il savait que les deux élus n'avaient plus les forces nécessaires pour l'affronter et le vaincre, cette fois-ci. Alors pourquoi s'obstinaient-ils encore ?!
Après un autre rugissement, le mur derrière le trône explosa lors du passage d'un dragon de corruption. Appelé par son maître, il se précipita vers la princesse et percuta puissamment la sphère dorée qui englobait les trois élus ainsi qu'Iris, dorénavant inconsciente. Le dragon, au contact de la magie divine, se désintégra en quelques instants, sous les yeux injectés de sang de Ganondorf. Cette tentative pour se débarrasser de la princesse fut un échec, mais cela n'arrêta pas le Mal en personne qui ordonna à ses soldats, situés dans les étages inférieurs, de faire sauter les fondations même de la salle du trône, dans le but d'emporter cette damnée descendante.
Face à lui, les traits du Héros se crispaient petit à petit à cause de ses forces qui ne cessaient de s'amoindrir. Il était temps de combiner Sokyn au sceau de la déesse… Il fallait tenter de sceller Ganondorf par tous les moyens. De sa main gauche, qui tenait la Lame Purificatrice, il remonta légèrement le long de la fusée jusqu'à ce que la pierre d'énergie touche sa paume. Un éclat vert passa à travers les iris de Link, puis une énergie inhabituelle se dégagea de son bras droit. L'armure qui le recouvrait fut comme éjectée pour laisser place à la peau nue du Héros et à une étrange matière grise qui vint l'entourer à certains endroits. Dans un geste instinctif, il plongea sa main – qui se dématérialisa – dans le torse de Ganondorf.
Le Gerudo hurla avec tant de fureur que cela ressembla au cri du Fléau Ganon. Il était hors de question d'être touché une troisième fois par Sokyn. Ce sceau ne valait plus rien, il n'avait pas eu le temps de se régénérer ! Néanmoins, Ganondorf se trouva dans l'incapacité d'aspirer de nouveau les forces vitales de Link ; quelque chose l'en empêchait. Il retira sa main de son cou pour agripper son bras droit à la place.
- Tu… n'es rien, Héros ! vociféra-t-il en commençant à retirer sa main de sa poitrine.
Link fronça les sourcils en exerçant une plus grande force de pression. S'il prenait le dessus sur Ganondorf, le sceau de Zelda serait en meilleure position pour sceller le Seigneur du Malin. Car pour le moment, il luttait avec bien trop d'ardeur pour se laisser emprisonner une nouvelle fois, il s'échappait de l'emprise de Sokyn. Le prodige poussa une plainte étouffée quand il vit son poignet sortir de la poitrine de Ganondorf. Bientôt, il ne pourrait plus tenir, et ce serait la fin…
Une chaleur soudaine parut se poser contre l'épaule de Link qui tremblait sous l'effort. Il vit, au travers du regard de Ganondorf, l'incompréhension et la fureur face à un événement inattendu. L'Hylien tourna la tête sur sa droite avant de retenir son souffle. Un esprit lui apparut. Il ressemblait fortement à ce jeune homme qu'il avait vu lors de sa prière au temple de Panahpolis ; il arborait un air fermé, à la fois concentré et attristé à cause de la situation. L'inconnu, qui dévisageait sévèrement Ganondorf, reporta son attention sur Link puis adoucit ses traits.
- Tenez bon, Capitaine. Je vais vous aider…
Bouleversé par cette voix qu'il reconnut aisément, Link sentit sa gorge se nouer pendant que son espoir se fit plus grand. Thomas posa son bras droit par-dessus celui de son supérieur, puis leurs membres se confondirent pour ne faire plus qu'un. L'esprit, relié à la pierre d'énergie, activa pleinement Sokyn et put transmettre le reste de ses forces à Link. Aussitôt, le Héros fut galvanisé par ce nouvel afflux de pouvoir. Comme si Thomas poussait avec lui, son bras droit cessa de sortir de la poitrine de Ganondorf – bien que celui-ci le refoulait toujours autant – puis il y rentra de nouveau. Thomas croisa de nouveau le regard du Seigneur du Malin qui essayait d'user de son âme pour l'asservir selon ses désirs et l'envoyer au néant.
- Je vous avais averti ! s'exclama l'esprit qui redoubla d'ardeur pour implanter le sceau. Je vous détruirai !
Le Gerudo hurla à pleins poumons lorsqu'il perdit le contrôle de ses mouvements, pétrifié par ce maudit sceau créé par Hylia. Si son enveloppe charnelle venait à mourir, il serait véritablement condamné. Car Sokyn n'était pas un pouvoir physique… mais spirituel.
Quant à Zelda, elle assistait à ce retournement de situation inespéré. Elle comprenait tout juste que Link et ce garçon étaient liés par Sokyn, ce qui leur avait permis cette réunion. Cependant, maintenant, elle devait utiliser son sceau à pleine puissance. C'était l'unique moyen pour que Sokyn puisse être employé de la bonne manière. Ses pouvoirs divins, transmis de mère en fille, serviraient à emprisonner l'âme de Ganondorf et à l'empêcher de rejoindre l'Au-Delà pour s'y cacher jusqu'à un retour futur. À bout, Zelda retint un sanglot. Elle posa un instant son front contre les pierres froides de la salle du trône, puis elle la releva peu après, les lèvres pincées. Lors de sa discussion avec sa première ascendante, elle avait accepté à contrecœur de sacrifier l'esprit des femmes de sa lignée, car ils étaient la dernière source pour accroître le pouvoir du sceau et de le rendre insurmontable. Et dorénavant, il ne restait plus qu'un dernier être qui devait recevoir ses adieux. D'une voix tremblante, au travers d'un visage marqué par la peine et l'effroi, Zelda murmura à son fils :
- Tu seras… mon dernier sacrifice…
Avant que la sphère dorée ne se referme brutalement sur le corps paralysé du Seigneur du Malin, Thomas fit glisser son regard vers la pointe de sa lance, ancré dans la chair de corruption. Il savait que Léon avait perdu la vie pour elle, et qu'Iris l'avait menée ici malgré ses graves blessures. Il espérait que Link, en gardant la pierre d'énergie près de lui, devienne son nouveau maître. Mais ce n'était pas le cas. Lui, Thomas, avait la capacité d'annihiler une âme car il appartenait au monde des morts. Quant à la Tétralame, elle ne tuait que l'enveloppe physique. Si le corps de Ganondorf disparaissait, tous ses corrompus s'effaceraient aussitôt, et son âme maudite serait contrainte de rejoindre l'Entre-Monde.
- Altéis ! l'appela Thomas avec autorité.
La pointe quitta brutalement la poitrine, arracha quelques lambeaux de chair corrompue, puis elle se plaça à côté de son maître. Ce dernier n'eut pas besoin de lui donner d'ordre : elle fondit encore vers Ganondorf avant de percer sa poitrine. Au moment où cet unique coup mortel fut asséné, le sceau divin luisit d'une lueur aveuglante et s'appliqua sur le corps du Seigneur du Malin. Ce dernier vola en éclats rougeâtres et noirs, libérant la main verte de Link. Exténué, il tomba à genoux et courba la nuque, incapable de la redresser pour le moment. Du sang s'échappait de la base de son cou, là où Ganondorf avait planté ses ongles. Pourtant, une seule pensée occupait son esprit.
C'était… fini.
Leur ère était sauvée, débarrassée du Mal qui la rongeait au plus profond de ses terres. Mais à quel prix ? Quel héritage laissé au futur Héros ? La Lame Purificatrice avait perdu Fay à cause de son inattention… Encore sous le choc, Link regarda son poing droit qu'il maintenait inconsciemment fermé.
- Ne l'ouvrez pas tout de suite, le pria Thomas qui s'accroupit à ses côtés. Sokyn renferme l'âme de Ganondorf, pour le moment, avec l'aide du sceau divin. Vous pourrez la relâcher quand je vous le dirai. Je m'occuperai du reste.
- Thomas, tu…
L'esprit secoua négativement la tête pour le couper et reprendre :
- Ne perdez pas de temps en me posant des questions… La princesse se meurt alors vous devez agir vite ! Il vous faut poser ma pierre contre elle. Le peu d'énergie vitale qu'elle contient pourra la guérir.
La réalité rattrapa brutalement Link qui tourna la tête vers sa fiancée. Zelda n'était plus consciente, l'emploi de sa magie l'avait rapprochée d'un état encore plus critique qu'il ne l'était déjà. Le chevalier cria son prénom avant de se précipiter vers elle en rampant. Il ne pouvait plus marcher, seuls ses bras lui permettaient d'avancer et d'aller porter secours à sa bien-aimée.
- Zelda ! paniqua-t-il suite au manque de réaction de la jeune femme. Zelda !
Quand elle fut à portée, Link plaça sa main gauche sur la chevelure de la jeune femme puis il posa sa tête contre la sienne. Épouvanté à l'idée de la perdre, il l'appela et pleura. Dans un geste saccadé, il retira sa main gauche des cheveux blonds, la dirigea vers l'épée qui gisait à ses côtés et qu'il avait délaissée précédemment, puis il agrippa fermement la pierre d'énergie. L'Hylien la ramena auprès de Zelda avant de jeter un regard implorant à Thomas.
L'esprit n'eut aucun mal à le comprendre. L'instant suivant, des filaments verts quittèrent la pierre et gagnèrent le corps de la princesse. L'effet fut presque immédiat, elle respira bien mieux, son souffle ne fut plus aussi sifflant et douloureux. Le prodige put même constater que sa plaie ventrale cessait peu à peu de saigner, la peau se refermait.
- Merci… sanglota Link qui leva les yeux vers son ancien apprenti.
Il ne savait comment lui témoigner sa reconnaissance. Aucun mot ne le pourrait. Néanmoins, cela suffit à Thomas qui lui adressa un hochement de tête empli d'humilité.
- Capitaine, il est temps que vous soyez libéré de Sokyn, prononça gravement le jeune homme. Vous ne souffrirez plus à cause de lui. Quant à moi, il est temps que j'accomplisse ma véritable mission.
Ne comprenant pas ce qu'il voulait dire, Link plissa les yeux et l'interrogea du regard. Cependant, pour Thomas, l'heure n'était pas aux explications.
- Thomas, je dois te dire…
L'esprit ne lui accorda pas le temps de terminer sa phrase. Puisqu'il contrôlait Sokyn, et la main de Link par la même occasion, il força le sceau à quitter son hôte. L'avant-bras dématérialisé ainsi que la main verte s'élevèrent jusqu'au niveau de Thomas qui se les appropria en silence. Il offrit un dernier regard à son capitaine qui ne sut le décrypter, puis il disparut dans un souffle. Seule une fine fumée verte plana un instant à sa place, comme pour témoigner de sa présence quelques secondes plus tôt. Perdu, Link ne bougea pas. Tout s'était passé bien trop vite. Ce qui l'importait, à l'heure actuelle, c'était bien de savoir Zelda saine et sauve. Mais revoir Thomas, sous sa véritable apparence, l'avait aussi profondément marqué. Alors ce jour-là, dans le temple… était-ce une hallucination liée au sceau gardien ? Cette hypothèse fut la plus plausible. Harassé, Link reposait contre Zelda et lui caressait la tête, comme pour être certain qu'il ne rêvait pas. Les larmes de soulagement mouillaient toujours son visage. À cet instant-là, il ne sentait pas comme un Héros. Non…
Il était un homme libre.
- Ils sont là ! s'exclama soudainement une voix à qui il ne prêta aucune attention. Appelez des secours, plus vite que ça !
Des pas accoururent vers les deux élus, quelqu'un s'accroupit même auprès de Link pour vérifier qu'il vivait toujours. L'unique fait de se savoir hors de danger suffit pour que l'adrénaline du prodige s'estompe et le plonge dans l'inconscience.
oOo
Sur le moment, Iris ne fut guère perturbée par la brise fraîche qui effleurait son visage. La température extérieure, certes peu élevée, ne la fit pas frissonner ; elle la berçait plutôt dans un sentiment de sérénité presque déstabilisant. De nombreuses voix étaient portées par le vent, elles lui parvenaient, semblables à de lointains échos. Par réflexe, les sourcils de la jeune fille se froncèrent, puis elle ouvrit les yeux. Dans un premier temps, seul un bleu à perte de vue se présenta, tacheté de blanc à certains endroits. Sa vue floue mit un certain temps à s'adapter et à reconnaître, autour d'elle, les bâtiments du château. Iris se trouvait donc à l'extérieur, pour une raison qu'elle ignorait. Elle pensa même que la mort l'avait emportée, et qu'elle avait rejoint l'Au-Delà. Ce furent ses douleurs multiples qui la convainquirent du contraire. Aux endroits où elle avait été brûlée, sa peau était une source de souffrance manifeste. Tout comme son abdomen.
- Tu reviens enfin à toi, se réjouit-on sur sa droite. J'ai bien cru que l'on ne pourrait plus jamais se revoir…
Malgré son état encore mal éveillé, la châtaine écarquilla les yeux. Sa tête pivota sur le côté jusqu'à lui dévoiler un fantôme à moitié transparent. Il était de couleur verte, comme les gemmes nox, semblable à l'esprit du roi que Link avait vu, trois ans auparavant. Des flammes spirituelles lévitaient à ses côtés. Jamais Iris n'avait vu ce garçon aux cheveux bouclés et aux taches de rousseur. Il paraissait plus jeune qu'elle et pourtant, elle reconnaîtrait ses yeux entre mille.
- Tu survivras à tes blessures, tu es assez forte pour les surmonter.
Il en était convaincu. Il avait vu assez de blessures de guerre pour savoir si quelqu'un pouvait y réchapper.
- « Ce n'est qu'un au revoir. »
Il lui sourit.
- Je suis heureux d'avoir eu raison en disant ça à Léon. Pourtant, j'ai vraiment douté de ma parole par la suite…
Thomas déglutit en baissant la tête.
- Tu sais, j'ai vu Léon, Là-Haut. Il m'a dit… qu'il était désolé. Pour tout ce que tu allais endurer à partir de maintenant, ajouta-t-il d'une voix tremblante.
Iris voulut bouger, mais des soldats secouristes l'avaient soignée, plus tôt, et avaient recouvert ses membres brûlés et blessés par des bandages. De plus, elle n'avait tout simplement plus aucune force.
- Thomas… l'appela-t-elle d'une voix cassée, à moitié étouffée par un sanglot.
Ses nouveaux pleurs lui asséchèrent davantage la gorge et rendirent sa respiration plus éprouvante.
- L'Alpha ne me permet pas de rester ici trop longtemps, alors je vais devoir faire vite. Tu dois bien retenir tout ce que je vais te dire, il te faudra tout rapporter au Héros. Tu m'en fais le serment ?
Affectée, Iris se mordit l'intérieur de la joue avant d'acquiescer tristement. Pour lui, elle le ferait. Mais, d'une certaine manière, elle en voulait à Link de lui voler, même involontairement, ces derniers instants passés avec Thomas.
- Il doit savoir ce que je suis, déclara-t-il avec gravité. Il doit savoir que je suis Altéis. Ou plutôt… que depuis son entrée dans le temple de Firone, je suis la Clé qu'il recherchait. Bien sûr, je n'ai pas été conçu pour être une « clé ». Je le suis devenu… suite à une succession d'événements causés par l'Homme lui-même. Et cela, je l'ai compris en quittant Delteha avec la princesse.
Assis en tailleur, Thomas regarda l'espace laissé entre ses deux jambes. Ce n'était pas facile pour lui d'avouer tout cela dans de telles circonstance. Mais il le fallait.
- Je sais ce que tu penses, et je ne peux pas t'en vouloir, poursuivit-il sur le même ton, n'osant pas regarder sa camarade. Si j'avais avoué qui j'étais dès l'instant où ma mémoire m'avait été rendue, peut-être que tout aurait été différent. Mais… Mais tu ne peux pas savoir à quel point j'étais terrifié…
Il serra les poings tandis que ses épaules s'affaissaient encore.
- J'étais terrifié par ce que ferait le capitaine de moi. Je ne voulais pas devenir uniquement une arme à ses yeux, et être exploité comme l'avaient fait mes créateurs.
Ses traumatismes l'avaient grandement influencé. Qui ne rêvait pas de détenir la Tétralame ? De posséder son pouvoir ? Thomas craignait que Link change vis-à-vis de lui, et le traite finalement comme un objet.
- Mais je me trompais. Et cette erreur a coûté la vie à beaucoup de personnes.
- Peut-être que la vérité aurait coûté la vie aux élus… dit faiblement Iris.
Stupéfait par cette remarque qui montrait une certaine compréhension de la part de son amie, Thomas haussa les sourcils et la dévisagea longuement. Il finit par esquisser un sourire embarrassé et peiné. Il ne saurait jamais ce qu'il se serait passé s'il avait avoué sa nature à Link. Pressé, il éluda sciemment le sujet.
- Iris, pourquoi penses-tu que j'étais capable de percevoir les âmes errantes ?
Son silence le poussa à apporter une réponse :
- Parce qu'Altéis est un pont étroit entre les deux mondes. En me liant à elle, je suis devenue elle. C'est aussi pour cela que je peux arracher l'âme du corps.
Son expression faciale se rembrunit.
- Et c'est grâce à elle si une connexion a été créée jusqu'à moi, dans le monde des esprits, après ma « mort ». Peut-être que maintenant, tu comprends mieux pourquoi je vous ai abandonnés, toi et Léon.
Thomas releva la tête et regarda l'horizon. Le château s'était posé depuis quelques heures, plus aucun corrompu ne se battait. Après la perte de leur seigneur, ils avaient disparu à leur tour, subitement, sans laisser de traces.
- Il fallait que quelqu'un attende Ganondorf de l'autre côté. Dans le monde des vivants, Altéis tue. Mais dans le monde spirituel… Sokyn annihile. Si le sceau gardien n'avait pas fonctionné jusqu'à présent, c'est parce que personne n'était en mesure de l'utiliser tel qu'il avait été pensé. Seul un esprit relié à ton monde est en mesure de l'exploiter.
Thomas savait à quel point sa présence auprès du Héros, lors de l'éveil de Ganondorf, avait été une chance inespérée. Un événement fortuit qui n'aurait jamais dû voir le jour. Mais les déesses en avaient certainement voulu autrement. Pour une fois, elles avaient choisi de prendre parti.
- J'ai usé de Sokyn dans l'Entre-Monde. Ganondorf a été effacé à tout jamais. Son âme… Son âme n'existe plus. Le cycle des réincarnations n'a plus lieu d'être, le sceau divin et la Lame Purificatrice ne sont plus. La descendante d'Hylia et le Héros sont désormais libres.
Il ferma quelques secondes les yeux, comme pour profiter de ces derniers instants sur ce monde. Tout avait été expliqué, il n'y avait plus rien à ajouter.
- Avant que je parte, y a-t-il quelque chose que tu souhaites me dire ?
Sa question fit bien du mal à Iris qui papillonna des yeux pour en chasser les larmes. Elle aurait aimé faire ses adieux en d'autres circonstances, dans un bien meilleur état et sur un lieu plus paisible. Mais la vie ne lui laissait pas le choix, alors elle devait accepter ces conditions.
- Je veux que tu restes… souffla-t-elle difficilement, mouvant peu sa bouche pour articuler.
- C'est impossible, Iris, lui répondit Thomas qui se déroba de nouveau à son regard.
La châtaine déglutit.
- Je veux que tu restes, répéta-t-elle avec plus de fermeté.
Elle parvint à déplacer sa main afin de venir toucher son ami, mais ses doigts passèrent au travers de son corps. En voyant cela, son cœur se pinça fortement et sa solitude se fit plus grande. Iris savait sa demande irréalisable. Mais elle voulait y croire. Suite au silence de Thomas, elle le dévisagea plus intensément tandis que le vent balayait ses cheveux brûlés.
- Je te vois enfin…
L'air peiné de Thomas s'accentua. Oui, il avait regagné son apparence d'origine. Ce qui faisait de lui un inconnu aux yeux de son amie. Peut-être était-il bien moins attirant à ses yeux. Si tous les deux s'étaient rencontrés lors de son vivant, Iris n'aurait sans doute pas eu une quelconque attirance pour lui.
- Avant notre rencontre, je me sentais terriblement seule, moi aussi, poursuivit Iris d'une voix chevrotante. Puis je vous ai rencontrés, Léon, le capitaine, et toi…
Ses lèvres gercées la gênaient pour parler.
- Vous êtes devenus ma famille de substitution, d'une certaine manière…
Elle marqua une pause. Il y avait tant de choses à dire, si bien qu'elle ne savait par quoi commencer. Iris voulait reparler de leurs souvenirs, du temps passé ensemble, connaître l'enfance de Thomas… Hélas, le temps lui manquait.
- J'ai vu ta solitude dès le premier jour. Je l'ai vue, et je n'ai rien fait pour t'aider ! culpabilisa-t-elle alors que ses sanglots reprenaient. Je pensais… Je croyais pouvoir te faire sourire en devenant amie avec toi, mais j'ai été stupide de penser que ça serait aussi simple !
Ému, le jeune homme reposa son regard sur elle, les sourcils froncés à cause des émotions qu'il gardait pour lui.
- J'espérais qu'en t'aidant, je guérirais mon mal par la même occasion…
Dans son cœur, Iris y voyait une forme d'égoïsme où elle se servait de Thomas pour aller mieux. Ce dernier aurait voulu démentir pour la rassurer, cependant il n'en eut pas l'occasion car la châtaine ajouta :
- Je ne pensais même pas avoir des sentiments pour qui que ce soit. Mais toi, tu m'as ouvert un chemin presque inespéré… Tu pensais être l'ombre, mais tu as été ma lumière…
Ses mots bouleversèrent l'esprit qui haussa les sourcils avant d'hocher négativement la tête.
- Ne dis pas ça, la supplia-t-il malgré tout.
- C'est la vérité ! Tu représentes tant de choses à mes yeux… Tu dis avoir été la clé pour les élus des déesses… mais tu as aussi été la mienne ! Grâce à toi, j'ai réussi à aller mieux…
- Par ma faute, tu vas souffrir ! s'écria Thomas avec émotions.
Il plaqua ses mains contre son front et se courba vers l'avant. Quand il disparaîtrait pour de bon, Iris serait seule. Elle n'aurait plus personne, plus de point d'attache. Ses sentiments pour lui deviendraient des maux qui seraient insupportables durant des mois et des mois. Et cela, Thomas le regrettait amèrement.
- Oui, je vais souffrir, prononça Iris d'une voix hachée. Et je suis prête à l'accepter. Car je serai votre héritage, à Léon et à toi…
Le jeune homme se figea. Son héritage ? Iris voulait honorer leur mémoire. Être leur mémoire, et cela pour surmonter leur perte. Pour le moment, il n'y aurait que cette volonté qui la maintiendrait en vie et qui l'empêcherait de commettre l'irréparable. Thomas releva la tête vers le ciel lorsqu'il sentit l'Alpha le rappeler à lui. L'heure était venue, il n'avait plus sa place au sein des vivants. Il n'y avait plus de pierre d'énergie pour l'obliger à rester en ce monde. L'expression de l'esprit se fit étonnamment plus sereine, les paroles de sa camarade lui revenaient à l'esprit et emplissaient, malgré tout, son cœur de joie. Car il était trop tard pour les regrets.
- Merci d'avoir vu en moi celui que j'étais vraiment.
Ses lèvres s'étirèrent en un sourire calme qui allégea le cœur d'Iris. Elle ne voulait pas qu'il parte. Si elle le pouvait, elle le retiendrait par le bras et ferait tout pour lui trouver un autre corps. Cependant, Léon avait raison : ce n'était pas le souhait de Thomas.
- Je regrette de ne pas rebâtir le royaume avec toi et de ne pas voir sa renaissance. Et même si je ne pourrai pas devenir chevalier, à l'image de notre capitaine, je veillerai sur les défunts auprès de l'Alpha.
Manifestement gêné, il passa une main sur sa nuque.
- J'essaierai aussi de veiller sur toi…
Son corps commença à se désintégrer en particules vertes qui vinrent se mêler au bleu céruléen qui surplombait Iris. Cette vision l'effraya et fit accroître son rythme cardiaque.
- N… Non ! Thomas, je t'en supplie !
Sa voix s'estompa à cause de sa gorge nouée et de sa bouche asséchée. Dans un effort qui lui parut surhumain, Iris se mit sur le côté et se redressa sur son coude. Cela lui arracha une plainte à cause de la douleur qui se réveilla aussitôt. Toujours assis en tailleur, Thomas voulut qu'elle garde le meilleur souvenir de leur séparation. Il continua à lui sourire puis lui tendit sa main. Il vit le visage de la châtaine se crisper avant qu'elle ne pleure plus bruyamment. À contrecœur, Iris lui donna sa main, bien que leurs doigts ne se rencontrèrent jamais.
- Adieux, Iris, dit-t-il avec allégresse.
Sur ces mots, son enveloppe spirituelle se désintégra définitivement, les poussières qui en résultèrent s'élevèrent et se dissipèrent avec lenteur, portée par la brise. Dévastée, Iris s'écroula sur le côté, n'ayant plus la force de se maintenir sur son coude. Le regard rivé vers les particules vertes qui disparaissaient, une dernière volonté résonna en elle. Et au plus profond de son cœur, Iris espéra qu'il entende :
- J'embrasserai… tes rêves…
