Chapitre 13 : Situation explosive

Pour une fois, Freya n'était pas assise sur son trône au sommet de Babel, à contempler le monde en contrebas. Elle était installée à une table d'un salon de thé de luxe. Le genre d'endroit que seule une clientèle aisée pouvait s'offrir. À plus forte raison quand on voulait faire privatiser un petit salon, mais c'était bien le seul moyen à la fois d'être tranquille, sans rendre le reste de la clientèle folle, et d'avoir un peu d'intimité pour discuter.

Sur la table devant elle, il y avait un luxueux service à thé, lequel émettait la fragrance d'une boisson de première qualité, ainsi que diverses pâtisseries fines. Si la déesse de la beauté savourait tout cela avec plaisir et montrait par son sourire qu'elle était ravie d'être là, ce n'était pas le cas de l'autre personne.

Loki, invitée par Freya, aurait préféré être ailleurs. Même si elle n'aimait pas répondre à l'invitation de l'autre déesse comme si elle était son petit toutou, elle savait que l'ignorer ne serait pas mieux, et elle pourrait peut-être gratter quelques informations.

Bon, qu'est-ce tu m'veux ? commença la Trickster sur un ton ne cachant pas son irritation.

Allons Loki, n'ai-je pas le droit d'inviter une bonne amie à passer un moment en ma compagnie ? lui répondit-elle avec sa voix faussement innocente.

Toi et moi, on est tout sauf copines.

Ho ? Vraiment ? Pourtant, je me rappelle d'une époque où nous étions… plus proches. Fit-elle d'une voix volontairement plus sensuelle.

Loki détourna le regard et ne put retenir l'énervement qui marquait son visage.

C'pas parce qu'on a couché ensemble autrefois qu'on est amies.

Tes mots me peinent Loki.

C'est ça… arrête d'tourner autour du pot et crache le morceau.

Je ne voulais rien d'autre qu'une petite conversation, voire si tu aurais pu m'apporter une nouvelle distraction aujourd'hui.

Loki ne dit rien, mais lui servit son sourire carnassier.

Ha… C'est Thor, c'est ça ? T'supportes t'jours pas qu'il danse pas comm'tu veux.

Je l'admets, je suis curieuse. Il vient d'arriver en ville, avec une familia pleine de potentiel, ça change pas mal de choses. Il y a Astraea, mais il est aussi très proche de toi et d'Hestia.

J'le savais ! Tu crains qu'il influence ce p'tit lapinou qui te plait. Figure-toi que j'ai f'ni par d'viner c'que tu cherchais.

Ho ! Ça, ça ne m'étonne pas de toi ma chère Loki. Freya savait que Loki n'était pas une idiote, et qu'après leurs petites conversations avant et après la Feria des monstres, la déesse rousse allait forcément creuser la question de son côté.

Mais c'est pas comme si ça m'concernait, j't'ai déjà promis d'pas m'en mêler il m'semble.

Ho, toi je te fais confiance là-dessus. Mais si tu as enquêté sur le garçon, tu sais à quel point il sait se faire aimer facilement, même au sein de ta propre familia. Et je pense notamment qu'il serait dans notre intérêt à toutes les deux que ton adorable Princesse à l'épée ne se rapproche pas trop de lui.

Tout le monde savait qu'au sein de sa familia, Loki avait ses petits préférés et que l'épéiste blonde était sa grande favorite, même si c'était parfois assez unilatéral.

Laisse ma Aizou en dehors d'tout ça ! J'aime d'jà pas la façon dont tu l'as manipulée !

Le simple fait de savoir que Aiz avait une dette à titre personnel envers Freya mettait Loki hors d'elle, car il était impossible de savoir ce qu'une tordue comme elle allait bien lui réclamer. Et en plus, ce sera forcément au moment où elle s'y attendra le moins.

Ara ? Mais je n'ai manipulé personne, c'est Aiz Wallenstein qui est venu d'elle-même à nous. Et cette fois, je n'ai vraiment rien fait pour l'y pousser. Je lui ai proposé un marché, elle l'a accepté et obtenu exactement ce qu'elle voulait. N'oublie pas Loki, que, peu importe le contrôle que nous essayons d'avoir sur nos enfants, ils restent des êtres indépendants, capables de prendre des décisions surprenantes. Mais après tout, n'est-ce pas là l'une des distractions que nous cherchions tant ?

La déesse de beauté répétait là un lieu commun. Les dieux pouvaient compter sur une sorte de respect, mais les mortels n'étaient pas des esclaves lobotomisés, tout tenait par des accords. Pouvoir, fortune, renommée et autre pour les mortels, distractions et amusement pour les dieux. Même Freya n'avait pas un contrôle absolu sur sa familia, car, en voulant à tout prix lui plaire, ses enfants étaient capables d'initiatives, parfois déroutantes.

Loki ne se laissa pas démonter et reprit sa face souriante, son visage de trickster.

Ho oui Freya ! Ils ne nous obéissent pas aveuglément. Et si t'crois que le p'tit lapinou va faire c'que tu veux, t'risques d'avoir une sacrée surprise. Remarques, Hestia aussi d'ailleurs, si elle continue à s'comporter en idiote avec lui. Qui sait, p't'être que quand il en aura marre d'vos jeux, il préférera v'nir à moi.

Pour le coup, ce fut Freya qui perdit son sourire et offrit un regard froid à l'autre déesse, pour qui obtenir cette expression de son interlocutrice était déjà une victoire.

Tu n'oserais tout de même pas revenir sur ta parole et revendiquer cet enfant Loki ?

Le ton était clairement menaçant cette fois et elle n'aurait aucune hésitation à prendre les mesures qui s'imposaient si tel était le cas.

Nope ! On a un accord et j'le respecterais. Mais ça n'tiendras pas si c'est lui qui vient m'trouver d'lui-même. Après tout, comme on dit, nos gamins sont parfois imprévisibles et j'peux pas toujours contrôler avec qui ils d'viennent potes. Et si on compte qu'les gosses d'la naine sont aussi devenus potes avec ceux d'Thor, il pourrait même aller l'voir lui.

Cela semblait ridicule au premier abord, mais la possibilité existait. Bell dans la familia de Thor, ce serait la pire des choses possibles pour la déesse de beauté. Car elle ne pourrait faire aucun mouvement sans que l'autre gros bœuf du tonnerre ne soit au courant et que cela ne déclenche les hostilités.

En cas d'affrontement avec la familia de Thor, si elle se fiait uniquement aux chiffres, elle gagnait. Sa familia était plus nombreuse, il y avait plus de hauts niveaux, la puissance démesurée d'Ottar et le fait que ses enfants deviendraient des soldats fanatisés pour une simple caresse de sa part. Oui, elle gagnerait contre Thor, mais le prix serait sans doute élevé, elle y perdrait de nombreux enfants, avec la possibilité qu'Ottar lui-même n'en sorte pas indemne. Et il fallait aussi compter sur le fait que Thor était parfaitement imprévisible.

De plus, une telle guerre sans provocation claire la mettrait dans une position fragile par rapport à la Guilde, une situation qu'une personne comme Loki saurait exploiter. Si Freya s'affaiblissait, le trickster s'engouffrerait dans la brèche sans aucun état d'âme, comme elle l'avait fait autrefois pour Zeus et Héra. Après tout, comme elle l'avait fait remarquer plus tôt, elles n'étaient pas amies.

Non, pour le moment, avec lui, elle n'était que dans une petite guerre froide et préférait qu'il en reste ainsi, du moins, tant que ses projets concernant Bell n'avaient pas abouti. Même si la protection qu'il offrait indirectement à Hestia l'obligeait à revoir certains de ses plans.

Tout cela n'est que supposition. Et pour le moment, il ne se rend toujours pas compte du comportement et des erreurs d'Hestia. Il est… beaucoup trop gentil pour ça.

Oui, elle devait se reprendre et ne pas partir en suppositions, pour l'instant, la situation était calme et il n'y avait aucun signe de mouvement.

Mouais… Mais comme on dit, les gens sont imprévisibles. R'garde l'retour d'Astraea, personne s'y attendait.

Et vu comment tu présentes la chose, tu n'étais pas au courant non plus. Pour quelqu'un qu'il dit aimer comme sa propre fille, il n'a pas l'air de te tenir au courant de ses plans.

À défaut d'avoir plus de renseignements, elle pourrait peut-être planter les graines d'une dissension entre les deux dieux.

Et j'le tiens pas au courant d'tous les miens, ça fait partie du jeu après tout. Répondit-elle d'une voix qui laissait planer le doute. Maintenant, s'tu veux bien m'excuser, j'ai d'aut'choses à faire.


Et là-dessus, la déesse de la tromperie salua sa consœur avant de quitter les lieux, ayant le plaisir pour une fois d'être celle qui laissait l'autre en plan. Cette conversation avec Freya ne lui avait pas plu du tout, mais elle avait su inverser la vapeur pour ne pas se faire avoir. Cependant, elle savait qu'elle allait devoir être plus prudente à l'avenir. En premier, elle allait devoir un peu revoir les choses avec sa familia, notamment en disant à certains d'être plus prudents dans leur rapport avec les enfants d'Hestia. Ensuite, elle devrait choisir si elle devait informer Thor ou pas, avec le risque que cela dégrade les relations entre lui et Freya, ce qui ne serait une bonne chose pour personne. Elle poussa un profond soupir en se disant que cette histoire allait lui donner beaucoup de travail.


La déesse de beauté quitta l'établissement peu de temps après Loki. Cette petite réunion avait été amusante, mais ne lui avait pas donné autant d'informations qu'elle le voulait. La présence de Thor semblait donner des ailes à la déesse de la tromperie qui devait sentir que la balance du pouvoir penchait en sa faveur. Le dieu du Tonnerre était un lien, entre elle, Hestia et maintenant Astraea. Autrefois, Loki était seule et isolée, ses alliances n'allant qu'au gré des circonstances. Mais maintenant, Thor s'était rajouté à l'équation et sa familia avait des arguments à faire valoir. Hestia avait commencé à progresser, même si tout était quasiment porté par la force de Bell et il fallait compter sur le retour d'Astraea. Si tout ce petit monde unissait leurs forces, ils pourraient former un puissant contre-pouvoir au sien. Mais elle n'avait pas dit son dernier mot, elle avait encore quelques cartes à jouer. Et de toute façon, une fois que Bell serait à elle, une fois que son précieux Odr l'aurait rejoint dans ce lien éternel qu'elle désirait tant, tout ça n'aurait plus aucune importance.

Mais Bell n'était pas encore auprès d'elle, il n'était pas prêt. Elle devait réfléchir à sa prochaine action le concernant. Les options ne manquaient pas.

Faire courir la rumeur qu'il posséderait un skill permettant sa progression fulgurante ? Cela pourrait marcher, semer les graines du doute dans son esprit et le pousser à confronter Hestia, la révélation des mensonges de la petite déesse pourrait fortement ébranler le lien de confiance entre eux. Cependant, cela attirait l'attention de nombreuses divinités prêtes à tout pour un peu de divertissement et comme l'avait dit Loki, cela pourrait le pousser droit chez elle ou chez Thor.

Tenter de l'approcher en tant que Syr et passer à une séduction plus active sous ses traits ? Une option qu'elle avait fortement envisagée, mais depuis sa petite confrontation avec Astraea elle soupçonnait fortement que cette dernière surveille plus ou moins les faits et gestes de Syr.


La déesse marchait d'un pas tranquille, passant par les petites ruelles pour avoir plus de tranquillité. Comme à son habitude dès qu'elle sortait, elle était parée d'une longue cape et d'une capuche qui cachaient son corps le plus possible, afin de minimiser les effets de sa présence. Mais même ainsi, il valait mieux passer par des zones peu peuplées pour ne pas attirer l'attention. Freya n'avait pas honte de son corps, mais elle s'était rendu compte que marcher en pleine rue comme si de rien n'était avait… certains effets. La dernière fois, elle avait provoqué sans le vouloir une émeute, plus d'une centaine de torticolis et environ une cinquantaine de divorces. C'était très amusant, mais incompatible avec le besoin de discrétion qu'elle recherchait en ce moment.

Perdue dans ses pensées, la magnifique déesse ne vit pas débarquer la forme au coin de l'angle qui la percuta doucement. Elle faillit perdre l'équilibre, vacilla, mais resta debout. L'autre personne tomba sur les fesses et le sac de légumes qu'elle transportait se répandit doucement par terre. Pendant un instant, la déesse se demanda pourquoi ses suivants qui la protégeaient dans l'ombre n'étaient pas intervenus pour empêcher l'accident, mais elle comprit quand elle croisa le regard écarlate de la personne en question. C'était Bell qu'elle venait de percuter. Et ses protecteurs avaient sans doute préféré laisser la déesse profiter de cette occasion avec son favori. Quant au garçon, il avait remarqué sa présence peu avant de la percuter, ce qui lui avait permis de se décaler, juste assez pour ne pas la faire tomber.

Excusez-moi, vous allez bien ? demanda-t-il d'un air inquiet. C'était elle qui était debout, lui par terre, mais il s'inquiétait quand même pour les autres avant lui-même. Une nouvelle preuve de la pureté de son âme, une nouvelle confirmation pour Freya qu'il était la bonne personne. Il était encore trop tôt pour revendiquer le jeune homme, mais puisque le destin avait décidé de le mettre sur son chemin aujourd'hui, alors autant en profiter un peu.

Oui, je vais bien mon garçon, mais c'est plutôt à moi de te demander ça, c'est toi qui es tombé après tout. Fit alors la déesse en tendant une main gantée en direction de Bell pour l'aider à se relever.

O-Oui, ça va… merci…

Le jeune homme accepta cette main tendue et se releva, non sans croiser le regard de la personne en face de lui, des yeux magnifiques et un regard intense qui le firent rougir. Mais le regard de Freya n'aurait pas pu être moins intense, pas envers lui. Dès l'instant où elle prit sa main, elle sentit un violent frisson de plaisir lui parcourir le corps et fort heureusement, elle avait sa cape, laquelle dissimula ses cuisses qui s'étaient doucement serrées.

Ho ! Comme elle mourrait d'envie de renverser Bell au sol ou de le plaquer contre le mur et de lui faire les mille folies qu'elle avait en tête. Et elle pouvait être… très inspirée en la matière. Mais non, il était trop tôt, il fallait qu'elle se retienne, qu'elle se fasse violence. Lorsque le moment serait venu, cela n'en serait que plus délicieux.

Reprenant contenance, elle observa sa précieuse âme et put ainsi découvrir que cette catin d'Ishtar n'avait pas menti. Bell semblait vraiment immunisé à son charme. Il avait les joues rouges, le regard gêné et il semblait avoir un peu de mal à parler. Mais cela n'était rien de plus qu'une réaction normale venant d'un jeune homme timide, gentil, adorable et sans aucune expérience avec les femmes.

Cela confirmait certaines de ses informations. Après l'incident avec Ishtar, elle avait mené sa propre enquête et vu la surveillance qu'elle faisait faire du jeune homme, elle avait fini par deviner, ou au moins soupçonner pas mal de choses. Les pièces du puzzle se mettaient en place et malgré les imprévus, les plans de la déesse pouvaient avancer.

Bell commença alors à ramasser ses affaires et la déesse l'aida gentiment, en silence, mais avec des gestes gracieux et précis. Le lapin la remercia en s'inclinant poliment et partit ensuite en disant être un peu pressé.

Quant à Freya, elle était au paradis, cette rencontre fortuite l'avait mise de très bonne humeur et la journée ne pouvait pas être plus parfaite. Bon, elle était accessoirement un peu frustrée maintenant, mais elle trouverait bien un moyen de se calmer… ou de s'assouvir.


C'est dans cet état, excitée de bien des façons, qu'elle reprit son chemin dans les ruelles. Alors qu'elle marchait, elle entendit une voix féminine énervée venant d'une autre ruelle un peu plus haut.

C'est pas vrai, où est-ce qu'il est encore passé ?

La personne surgit devant elle d'une ruelle perpendiculaire. Freya la reconnu sans trop de problèmes, il s'agissait de Mei Yun Qiang, la capitaine de la familia de ce cher Thor. Elle était seule et semblait un peu énervée. Freya lui avait accordé un tout petit peu d'intérêt. Son âme n'était pas aussi belle et pure que celle de son cher Bell, mais elle avait une belle couleur, semblable à une boule de plasma pur. La déesse avait faim et l'en-cas idéal se présentait de lui-même.

Excusez-moi, est-ce que vous auriez vu…

Mei avait repéré la silhouette et s'était approchée d'elle. Elle était venue faire quelques courses dans le secteur avec son dieu et avait perdu de vu ce dernier. Mais alors qu'elle s'approchait et parlait, la personne en face d'elle se défit de sa capuche et elle resta interdite devant le visage encadré de longs cheveux d'argent. Freya !

Et malheureusement, Mei n'avait pas fait attention et l'avait regardé droit dans les yeux. Quant à la déesse de beauté, elle n'était pas privée pour lui envoyer son charme. La shivati était interdite, bloquée sur place, incapable de détourner le regard de ce visage. Son corps était peut-être dissimulé sous une cape, mais elle en devinait les formes à chacun de ses mouvements.

C'était donc cela le pouvoir d'une déesse de beauté ? Pour Mei, c'était aussi magnifique que terrifiant, elle avait le sentiment que ce qui était face à elle n'était plus un être, même divin, mais le désir lui-même qui s'était personnifié. Elle voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa gorge, sa voix était bloquée, ses muscles tendus.

Freya s'approchait d'elle et elle était incapable de détourner le regard et s'enfuir. Excitée par sa rencontre avec Bell, dans un état d'euphorie, Freya avait clairement l'attention de s'approprier Mei et de lui faire sortir toute sorte de son de sa jolie gorge, ainsi que les projets de son maître. Une fois assez proche, la déesse tendit une main et caressa légèrement du bout des doigts la joue de l'humaine.

Elle avait beau être gantée, Mei ne sentit aucune différence. Au moment de ce simple contact, son corps fut pris d'un spasme qu'elle ne put contrôler. Tout son corps était brûlant et elle sentait clairement que ce dernier était dans un état d'excitation très avancé. Freya ne lui avait touché que la joue, mais cela lui avait fait le même effet que si elle avait touché une zone érogène. En fait, elle avait presque le sentiment que tout son corps était devenu une zone érogène.

Le charme de Freya était une arme redoutable, capable de droguer n'importe qui, et ce, quelles que soient les attirances de la personne. Mais selon l'état d'esprit, les préférences et la résistance mentale, cela allait plus ou moins vite. Mei avait un esprit fort, mais elle était naturellement attirée par les autres femmes, aussi Freya ne pouvait que l'avoir facilement.

Et si tu étais mignonne et que tu me racontais tout ce que Thor prépare ? Ensuite, nous pourrions prendre le temps de faire plus ample connaissance… rien que toutes les deux.

Et il n'y avait quasiment aucun mortel qui ne se damnerait pas pour quelques instants intimes en compagnie de Freya. Mei ressentait une frustration comme elle n'en avait jamais connu, son corps subissait un grave manque, associé à un désir ardent, avec la conviction que seule la déesse en face d'elle pouvait l'en délivrer. Ce serait tellement facile, il suffirait de tout lui dire et elle serait emportée dans ce plaisir qui lui tendait les bras. Pourquoi devrait-elle s'en priver ? Pourquoi devait-elle obéir à Thor ?

Obéir à Thor…

Thor…

Son père…

Pendant un instant, un très court instant, elle eut de nouveau une vision, la même que lors de son combat contre Udaeus. Elle vit Thor, sur un champ de bataille, paré de son armure runique, tenant Mjöllnir dans la main, lequel irradiait de foudre. Le dieu du Tonnerre dans toute sa gloire et sa puissance.

Une vision qui dura un court instant, mais un court instant qui permit à son esprit de légèrement se reprendre. Un court instant où l'emprise de Freya diminua, un court instant qu'elle ne rata pas.

La jeune femme recula soudainement de deux pas et cria.

LIGHTNING !

Elle avait activé sa magie de foudre instantanée. Bien évidemment, elle n'avait pas attaqué Freya, elle n'était pas assez folle pour ça. Non, elle avait activé son sort… sur elle-même, s'infligeant une violente décharge électrique.

La déesse de beauté regarda la scène les yeux écarquillés. Cette fille venait juste de s'infliger elle-même une décharge de foudre pour briser l'emprise de son charme. Elle avait déjà entendu des histoires sur des aventuriers s'infligeant des blessures pour retrouver leurs esprits dans certaines situations, mais c'était la première fois qu'elle le voyait d'elle-même. Et Mei était la première qui faisait ça pour briser l'emprise de son charme. Cette fille avait bien plus de volonté qu'elle ne l'avait estimé.

Malheureusement, elle n'eut pas le temps de réfléchir davantage que la suite des ennuis allait arriver.


MEI ! Le cri venait de Thor, qui cherchait lui aussi sa fille et venait de la retrouver en la voyant se frapper avec sa propre foudre.

Il se précipita vers elle et la rattrapa avant qu'elle ne tombe au sol et tourna la tête. Quand il vit Freya, il comprit facilement ce qu'il s'était passé.

FREYA ! QU'EST-CE QUE TU AS FAIT À MA FILLE ! hurla le dieu du tonnerre alors que sa voix devenait incroyablement puissante et résonnait comme le tonnerre. Il s'avança d'un pas vers elle, ses yeux commençaient à briller et le ciel de cette belle journée ensoleillée se remplit brutalement de nuages sombres qui recouvrirent toute la ville.

TU VAS LE PAYER CHER !

Le tonnerre gronda violemment dans les nuages alors que ses derniers se mettaient à tourbillonner. Le dieu leva sa main droite vers le ciel et commença à crier.

MJÖL…

STOOOOOOOOOOOP ! Hurla alors Mei qui s'était relevée et s'était mise entre Thor et Freya en levant les bras en croix pour lui faire barrage, arrêtant le dieu du tonnerre dans on action.

Mei ! Qu'est-ce tu fais ? Tu vas quand même pas protéger cette salope !

Mais je m'en fiche d'elle ! C'est vous que je veux protéger ! Si vous appelez Mjöllnir, si vous activez votre arcanum, vous romprez les règles du jeu des dieux, vous serez renvoyé au Tenkai sans jamais pouvoir revenir ! Père ! Vous allez nous abandonner ? Pour elle ?

Les mots de Mei firent mouche et le colossal deusdea se calma, les nuages se dissipèrent et la tension redescendit rapidement. Puisant dans ses forces, la shivati s'approcha de lui et il la prit dans ses bras.

Père… rentrons simplement chez nous…

La jeune femme sentit son esprit vaciller et elle s'évanouit dans les bras de Thor qui la porta alors et jeta un dernier regard à l'autre divinité.

On n'en a pas fini avec cette histoire Freya. La voix était bien plus calme, mais le ton menaçant ne laissait placer aucun doute, les hostilités venaient de prendre un autre tour.


Au cœur de Babel, dans la salle du trône, Ouranos, le seigneur de la Guilde, s'était fortement crispé sur son fauteuil de pierre avant que la pression ne se relâche soudainement et qu'il ne manque de défaillir, inquiétant la silhouette en cape noire à ses côtés.

Ouranos !

Tout va bien Fels. Ça a l'air terminé.

Que s'est-il passé ?

Celui qui se présentait aujourd'hui comme le fou fut autrefois connu comme le sage, le seul mortel à obtenir un tel niveau de maîtrise de la magie qu'il en avait atteint une forme d'immortalité. Même si cela avait fait de lui un simple squelette animé par magie. De ce fait, un mage de son talent avait senti mieux que quiconque le pouvoir qui avait bien failli être relâché et cela l'avait proprement terrifié.

Nous sommes passés à un cheveu de la catastrophe. Thor a failli libérer son arcanum et les ravages auraient pu être terribles.

Mais ne serait-il pas renvoyé aux cieux s'il tentait de faire ça ?

Il y a un court laps de temps entre la transgression des règles et le renvoi au Tenkai. Ce court instant, ça suffirait largement pour qu'il fasse énormément de dégâts. Une seule frappe de Mjöllnir à pleine puissance détruirait la moitié d'Orario.

S'il avait encore eu des poumons, Fels en aurait eu le souffle coupé. Ouranos n'était pas le genre à user d'exagération.

Aurait-il vraiment ça ?

Difficile à dire, selon les circonstances, Thor peut être très impulsif et sanguin.

Mais pourquoi a-t-il…

Ho ! Ça, j'en ai déjà une très bonne idée Fels. À l'heure actuelle, il n'y a qu'une seule personne dans la cité capable de lui faire perdre son sang-froid comme ça. Et je vais devoir intervenir avant que la situation n'empire davantage. J'aurais d'ailleurs dû le faire bien plus tôt. Fais prévenir Royman. Pour commencer, je veux Ganesha ici demain matin à la première heure, son aide devrait être utile pour faire la médiation. Ensuite, j'ordonne formellement à Thor et Freya de se présenter devant moi demain !

Bien, Ouranos.


Une fois que Thor et Mei furent partis, Freya sentir ses jambes faiblir et elle tomba à genoux. Elle qui voulait se calmer de l'excitation provoquée par sa rencontre avec Bell, elle était servie !

« Lady Freya ! » crièrent alors deux personnes tout en se précipitant à ses côtés. Il s'agissait de Hogni et Hedin, ceux en charge de sa protection aujourd'hui. Les deux elfes n'étaient pas intervenus plus tôt et venaient à peine de reprendre contenance eux aussi. Quand Thor avait commencé à libérer sa force, ils avaient tous deux senti un fragment de sa puissance et comprirent qu'ils avaient en face d'eux un être de puissance pure, quelque chose de fondamentalement destructeur et contre lequel ils n'étaient strictement rien.

Tout va bien. Leur répondit la déesse de beauté, se relevant et tentant de reprendre sa contenance. Sauf que non, tout n'allait pas bien du tout ! Elle s'était royalement foirée ! Comment avait-elle pu être idiote à ce point ? La rencontre avec Bell avait donc provoqué tant d'euphorie chez elle qu'elle en avait oublié toute prudence ?

À sa grande peine, oui. Elle s'était laissé aller et avait fait un choix téméraire et stupide en s'attaquant directement à la précieuse fille de Thor. Elle avait oublié qu'il pouvait être colérique et impétueux dans certaines situations. Si Mei n'était pas intervenue, Thor aurait frappé. Il aurait certes été renvoyé au Tenkai, mais elle avec.

Car elle n'aurait eu que deux choix et aucun n'aurait été bon. Le premier aurait été de ne rien faire et encaisser l'attaque, mais son corps physique aurait été tellement endommagé que son arcanum se serait automatiquement activé pour la régénérer et l'aurait renvoyé aux cieux. Son autre possibilité aurait été d'activer volontairement son arcanum pour utiliser ses pouvoirs de Reine des valkyries afin de se défendre, mais elle aurait elle aussi brisé les règles. Et vu qu'elle était responsable de la situation, elle n'aurait pas pu invoquer une quelconque forme de légitime défense.


C'est donc en se flagellant mentalement pour sa propre bêtise que la déesse rentra à Babel pour retrouver le confort de ses luxueux appartements. Voyant que sa déesse ne semblait pas bien, Ottar exigea des deux anciens monarques elfe un rapport complet. Et personne ne disait non à Ottar quand il faisait les gros yeux.

Après leurs explications, plusieurs membres de la familia furent troublés, inquiétés, en colère, mais aucun ne se mit autant en rage qu'Allen Fromel. Pour avoir commis le crime d'avoir osé menacer leur déesse, il demandait, exigeait presque, que toute leur familia parte exterminer la familia de Thor sans attendre. Et vu les circonstances, si Freya l'avait exigé, ils se seraient tous lancés à l'attaque. Ishtar ne leur avait pas résisté, ce ne serait pas le dieu du Tonnerre que ferait mieux.

Cependant, avant que la déesse ne puisse prendre une décision, un messager officiel de la Guilde se présenta à ses enfants et remit une lettre portant le sceau d'Ouranos. Ce fut Ottar qui prit le message et apporta la lettre à sa maîtresse.

Freya la décacheta et en lut le contenu, ce qui n'aida pas à son améliorer son humeur. Ce qu'elle contenait se résumait facilement, une convocation officielle devant Ouranos, le genre de chose à laquelle elle ne pouvait pas échapper. Si le seigneur de la Guilde commençait à bouger, cela n'arrangerait pas ses affaires. Tous les dieux avaient senti le pouvoir de Thor, et tous savaient très bien que malgré son caractère sanguin, c'était probablement à cause d'elle. Ouranos s'avançait, mais il allait rapidement faire vérifier les faits et cela ne ferait que confirmer la légitimité de cette convocation. Et à l'heure actuelle, Thor en recevait probablement une lui aussi.

Ma déesse, quels sont vos ordres ? fit simplement Ottar, faisant sortir sa maîtresse de ses réflexions.

Pour l'instant, je veux que tout le monde reste tranquille, pas de combats, pas de provocations. Et je veux que mes ordres soient strictement respectés. Il est hors de question de donner plus de raisons à Ouranos de m'embêter. Toi et Allen m'accompagnerez demain à la Guilde. Et qu'on me laisse tranquille pour ce soir.

Bien, dame Freya.

Et conformément aux ordres qu'il avait reçus, il quitta les lieux, laissant la déesse seule. Si Freya laissait parfois volontairement du flou dans l'interprétation de sa volonté, afin de voir ce que ses enfants allaient faire, ce n'était pas le cas cette fois. Elle avait été claire et Ottar le fit bien comprendre à tout le monde.

Tout cela allait vite, trop vite, et ça la dérangeait fortement. Il y avait trop d'attention focalisée sur elle et ça ne lui plaisait pas du tout. Freya prit son verre de vin, le fit légèrement tourner, avant de le jeter brutalement au loin.

Thor… Il n'y a vraiment que toi pour me rendre folle comme ça…

Se perdant dans ses pensées, la déesse se mit à réfléchir intensément pour mettre au point les différents stratagèmes qui lui permettraient de gérer cette situation. Tout cela lui faisait perdre un temps précieux qu'elle pourrait consacrer à son cher Bell et cela l'ennuyait au plus haut point.


Et comme Freya l'avait supposé, Ouranos avait fait vérifier les faits et confirmer que la cause de l'énervement de Thor était bel et bien Freya. Le seigneur de la Guilde attendait comme d'habitude, assis sur son trône. Ganesha était arrivé un peu en avance, Shakti dans son ombre. Mais les deux dieux avaient conclus qu'ils ne pourraient décider de rien sans avoir d'abord parlé aux deux concernés.

Thor arriva le premier. Le dieu du tonnerre avait la mine sombre et fermée. Un aspect grave qui contrastait avec le visage souriant qu'il avait l'habitude de présenter. Derrière lui, Mei et Ekkrit marchaient en silence. Il était difficile de voir l'expression du Nezu entre sa capuche et son visage souvent neutre. Mais la shivati avait du mal à masquer une certaine colère. Thor avait beau lui avoir dit de ne pas culpabiliser, qu'elle ne pouvait rien faire contre le charme de Freya. Elle se sentait quand même honteuse d'avoir failli céder à la déesse. Elle était une guerrière fière et déterminée et il avait suffi à Freya d'un regard et d'un simple effleurement pour la transformer en animal en chaleur.

Freya arriva quelques minutes après, son visage paré de son sourire habituel, car il était hors de question pour elle de montrer ouvertement son ennui. Ottar marchait à derrière elle, avec son calme habituel. Allen suivait aussi et lui, ne cachait absolument pas son hostilité. Son visage colérique et sa façon de montrer les crocs étaient assez parlants. Mais il restait silencieux malgré tout, ne voulant pas commettre un impair qui pourrait mettre sa déesse dans l'embarras.

Bien. Commença le seigneur des lieux. Je suppose que je n'ai pas besoin de vous expliquer trop en détail pourquoi vous êtes convoqués. Des rivalités entre dieux ou familias sont une chose. Mais quand elles menacent de faire exploser la moitié de la ville, ce n'est plus tolérable. Thor, qu'as-tu à dire pour ta défense ?

Pas grand-chose, je le crains. J'ai vu ma fille chérie dans une situation que j'ai considérée comme intolérable et j'ai perdu mon sang-froid. Je me suis emporté stupidement et j'en suis désolé Ouranos. Je ne te ferais pas de grandes promesses mensongères, mais je ferais tout pour que cela ne se reproduise pas.

Thor avait donc choisi d'avouer son erreur et de jouer la carte de l'honnêteté, chose qu'Ouranos appréciait, bien qu'il se doive d'assumer son rôle de seigneur de la Guilde.

J'entends bien Thor. Cependant, ma priorité reste la sécurité d'Orario. Si tu n'es pas capable de te contrôler et que tu es une menace pour la ville, toi et ta familia devrez la quitter.

Je comprends Ouranos. Répondit simplement le dieu du tonnerre. Cela donna l'impression à Freya qu'elle avait l'avantage dans cette histoire, mais elle allait découvrir qu'il n'en était rien.

Freya. Fit alors le maître des lieux en se tournant vers la déesse de beauté. Tu pourrais peut-être m'expliquer ce que tu as fait à l'enfant de Thor pour susciter ainsi sa colère.

La déesse ne se départit pas de son sourire habituel, bien décidé à se présenter comme une victime de la colère de l'impétueux Thor.

Rien de bien méchant, nous n'avons même pas échangé quelques mots, je lui ai simplement proposé de discuter un peu et cela avait juste l'air… inattendu pour elle.

En gros, elle essayait de faire passer l'idée qu'elle ne pouvait pas vraiment être tenue pour responsable de l'effet que son charme faisait naturellement sur les gens. La shivati serra les dents et les poings, en colère elle aussi. Non, Freya savait ce qu'elle faisait quand elle lui avait parlé.

Freya. Reprit d'une voix froide Ouranos. Ne crois pas que parce que je ferme régulièrement les yeux sur tes multiples infractions, cela signifie que tu peux faire n'importe quoi ou essayer de te moquer de moi.

Je ne vois pas ce que tu pourrais me reprocher Ouranos. Si tu fais référence à mon charme et l'effet qu'il provoque, il est lié à ma nature profonde et non à mon arcanum, cela ne constitue pas une infraction ouverte aux règles du jeu.

Ho ? Tu veux donc jouer ainsi Freya ? Très bien. Alors pour commencer, nous pourrions parler de ton utilisation à outrance du miroir divin sans autorisation.

Le sourire de la déesse se fit soudainement plus crispé. Certes, recourir au miroir divin sans la permission d'Ouranos était une faute, mais elle restait légère et elle pourrait toujours argumenter qu'elle n'avait pas le choix, car elle attirait trop l'attention en sortant. Malheureusement pour elle, Ouranos n'en avait pas fini.

Et nous pourrions aussi évoquer ton emploi à mi-temps comme serveuse.

Cette fois, la déesse ne put conserver un visage impassible et sa surprise se vit clairement dessus. Ouranos savait pour Syr ? Mais comment ? Constatant la surprise de la déesse, l'autre dieu continua sur sa lancée.

Ho ? Qu'est-ce qu'il y a Freya ? Pensais-tu ton secret absolu ? Me croirais-tu donc sourd, aveugle et idiot !

Au visage de Thor, elle pouvait dire que ce dernier ne comprenait pas de quoi Ouranos parlait et c'était bien la seule chose qui l'arrangeait dans cette histoire. Quant à Freya, dire qu'elle était choquée était un euphémisme, Ouranos venait littéralement de lui balancer au visage qu'il connaissait tous ses petits secrets depuis le début.

J'ai toléré tous tes écarts, car cela restait des jeux inoffensifs. Et si je n'ai pas été sévère après ton assaut en règle sans motif valable sur le quartier des plaisirs, c'est uniquement parce qu'Ishtar avait mal choisi ses alliances et avait des projets qui ne me plaisaient pas. De ce fait, ton attaque tombait à point nommé. Crois-tu que parce que tu occupes les appartements du sommet de Babel, cela fait de toi la reine de cette ville ?

Freya n'était pas vexée, ce serait trop faible comme mot pour désigner son état. Ouranos était en train de la réprimander comme une gamine prise à faire trop de bêtises. Et elle n'aimait pas cette sensation du tout.

Que les choses soient claires tous les deux. Je n'ai ni l'intention de laisser un nouvel Âge Sombre se produire, pas plus que je ne laisserais les rues de la ville redevenir un champ de bataille. Si vous continuez comme ça, je n'aurais aucun scrupule à vous bannir tous les deux !

Le dieu de la Guilde était clairement en train de rappeler qui était le véritable patron ici. Ouranos laissait les dieux s'autogérer sur la plupart des affaires et n'intervenait que comme un agent de stabilité. Mais en cas de vrais soucis, il n'hésiterait pas à se montrer plus actif.

Mais votre rivalité puérile n'est pas encore assez avancée pour que j'en arrive là. Thor n'a finalement rien fait, mais la provocation de Freya demeure évidente, les torts sont donc partagés dans cette histoire. Et si je vous ai convoqué, ce n'est pas seulement pour vous réprimander, mais pour trouver une solution à ce problème.

Bien que silencieux, Ganesha écoutait tout et réfléchissait aussi au problème de son côté. Comment réconcilier Thor et Freya, deux dieux aussi différents que le feu et la glace ? Le problème était avant tout de ménager les susceptibilités. L'origine du problème était que Thor n'avait jamais cédé à Freya, ce qui avait blessé l'orgueil de la déesse. Mais l'histoire ne se résoudrait pas sur l'oreiller. Aucun des deux ne voulait se coucher devant l'autre, même pour avoir la paix.

Cependant, c'est Thor qui fit le premier pas après un long soupir, surprenant pas mal de monde. Le dieu du tonnerre se tourna en direction de la déesse de beauté et prit la parole.

J'ai d'autres choses à faire et toi aussi, je pense. Contrairement à ce que tu sembles penser, ma vie ne consiste pas à chercher des moyens de te pourri l'existence. Nous sommes des asgardiens Freya, alors réglons ça comme des asgardiens. Je te défie au holmgang !

Freya écarquilla les yeux, marquant sa surprise. Cette demande de Thor était inattendue, mais finalement, elle correspondait bien à son caractère. Le holmgang était une tradition sacrée des dieux asgardiens, un duel d'honneur rituel, ainsi qu'une façon de régler les querelles. C'était un bon moyen d'enterrer les rivalités gênantes, car il permettait de régler ses comptes sans qu'aucune des deux parties n'en soit lésée et le perdant pouvait reconnaitre son tort sans entacher son honneur. Mais cela signifiait aussi que Thor souhaitait laisser ça derrière lui et en finir avec tout ça.

Soit, j'accepte le défi.

Ganesha et Ouranos n'étaient pas des dieux de tradition asgardienne, mais il connaissait tout de même le défi en question.

Si l'idée que vous régliez vos comptes de manière claire me convient, je n'ai pas vraiment envie de vous regarder libérer vos pouvoirs pour vous battre l'un contre l'autre dans le Gekai.

Dans ce cas, adaptons les choses. Fit alors Ganesha, silencieux jusque là. Remplaçons ça par un duel entre vos champions.

C'est une adaptation qui me convient. Répondit Freya, dont elle pouvait deviner à son silence que Thor n'avait rien contre. La logique voudrait que nos capitaines se battent pour notre honneur, mais envoyer Ottar irait justement à l'encontre de mon honneur.

En temps normal, elle n'aurait eu aucune hésitation à envoyer son champion écraser la concurrence, ce qui montrerait à tous sa domination écrasante par l'intermédiaire du boaz, mais le holmgang était une tradition sacrée où l'honneur avait une grande importance. Si elle faisait n'importe quoi, son honneur en pâtirait et les autres dieux lui feraient comprendre, surtout Loki, sa principale rivale au pouvoir, qui était elle-même une asgardienne.

Même si elle avait délaissé cet aspect de sa nature dans le monde mortel, elle demeurait la Reine des Valkyries et se devait donc d'agir d'une certaine façon selon les circonstances. En acceptant le défi rituel de Thor, elle devait également en accepter les contraintes.

Dans ce cas, reprit Ganesha, faisons se battre deux niveaux 6, Allen Fromel contre Mei Yun Qiang.

Le principal concerné ne put réprimer un sourire cruel. Il allait avoir l'occasion de se défouler et faire payer leurs affronts à la familia de Thor, peut-être même se débarrasser de leur membre le plus puissant. Thor resta pensif un instant et reprit la parole peu de temps après, un sourire mystérieux sur le visage.

Très bien, j'accepte que le champion de Freya soit Allen Fromel. Cependant, il n'affrontera pas Mei, il se battra contre Ekkrit.

Tout le monde fut choqué par les paroles du dieu du tonnerre. Mais le premier à réagir, ou plutôt exploser, fut l'homme-chat.

Vous vous foutez de moi ! Pourquoi est-ce que je devrais affronter ce fichu rat puant !

Allen. Silence. Fit doucement Freya, mais avec une forte autorité dans la voix, poussant son vice-capitaine à se taire, bien qu'il montrait toujours un visage colérique.

À quoi joues-tu Thor ? L'interrogea Ouranos. Ce n'est pas parce que Freya doit se contenter de son vice-capitaine que tu dois en faire de même, il n'est que niveau 5 après tout.

Ouranos, je ne fais pas cette proposition sur un coup de tête ou par excès de confiance. Je désire simplement opposer au champion de Freya un adversaire qui lui sera bien plus adapté.

Si tel est ta décision Thor, je ne m'y opposerai pas. Répondit Freya, même si elle n'aimait pas trop cette tournure.

Très bien, reprit Ouranos. Dans ce cas, les champions sont désignés. Ganesha n'est peut-être pas un asgardien, mais ce sera lui qui sera l'arbitre de cette rencontre.

Les deux concernés firent un signe de tête pour faire valoir leur approbation.

Ganesha, quelles seront les modalités ?

Les deux champions désignés s'affronteront dans l'arène… dans trois jours. Cela me laissera le temps de tout préparer. Pour ce qui est du combat en lui-même, ils s'affronteront en usant de toutes leurs capacités et armes d'aventuriers. Le premier qui abandonne ou n'est plus en état de combattre aura perdu.

Dans l'idée, c'était simple et surtout, cela voulait dire pour Allen qui s'il tuait par mégarde son adversaire, on ne pourrait pas le lui reprocher. Mais ce fut alors qu'il se rappela d'un détail qui était ressorti de leur enquête sur les enfants de Thor.

Une minute. Ce type n'est pas un ancien assassin ? Qui nous garantit qu'il va pas tenter de faire une saloperie pour truquer le match.

Il ne le fera pas. Lui répondit prosaïquement sa déesse.

Mais, dame Freya, comment pouvez-vous être sûre que…

Parce qu'il ne le fera pas. Le holmgang est plus qu'un simple duel, c'est un rituel sacré et Thor ne mettra pas son honneur en péril en utilisant de basses méthodes.

Tout à fait. Lui répondit le dieu du tonnerre. Je vois que nous arrivons à être d'accord sur certaines choses. Mais je n'ai pas désigné Ekkrit pour qu'il perde. Ton précieux chariot a intérêt à le prendre très au sérieux, sinon il va faire une très méchante sortie de route.

Vu qu'il estimait en avoir fini, le colosse deusdea salua le seigneur des lieux, ainsi que Ganesha et s'en alla, suivit de ses enfants. Durant toute la conversation, le nezu n'avait strictement rien dit, il avait accepté sans broncher que son dieu le désigne comme champion. Trois jours, cela lui laissait le temps de se mettre en condition, pour ce qui allait sans aucun doute être le combat le plus difficile qu'il ait jamais livré.


En ayant elle aussi plus qu'assez de cette journée et de cette réunion désagréable, Freya se retira à son tour. Elle avait bien des choses à faire. Elle devait veiller à ce que ses enfants ne tentent rien contre Thor et ne brisent ainsi les règles par excès de zèle. Mettre en Allen en condition pour qu'il donne le meilleur de lui-même. Essayer de comprendre comment Ouranos pouvait en savoir autant sur elle. Trouver qui savait quoi de son petit jeu à la taverne. Et essayer de consacrer quand même un peu de temps à Bell.

Le seul réconfort qu'elle avait, c'était de savoir que, quel que soit le résultat, elle en aurait terminé avec cette histoire, du moins pour un moment…