Bonjour à tous !

Hier, je vous ai laissés sur un bien méchant suspense, pas vrai ? Pauvre petit Crowley tout refroidi... Est-ce qu'il va aller mieux ? Est-ce que ça va s'empirer ? Rôh, tant de possibilités.

Un grand merci à H.R.-L.R. pour sa bienveillance et son œil de lynx. J'espère que ces nouveaux qualificatifs te plairont davantage.

Bonne lecture ! :)


Chapitre 9 :

Aziraphale passa plus d'une trentaine de minutes à patienter dans le chalet, le temps que le démon reprenne quelques couleurs et accumule un peu de chaleur pour supporter le voyage du retour. En attendant, il tint la conversation avec les tenanciers du bar et apprit certains détails croustillants, comme par exemple que Cyrus le patou, ancienne mascotte du bar, était décédé l'année précédente, et que tout le monde adorait Cyrus. Que Lola était la petite fille des tenanciers et que du haut de ses quatre ans, ne dépassait déjà (presque) plus les bords lorsqu'elle coloriait. Que personne n'avait jamais revu la splendide rouquine qui avait battu tous les records de vitesse et avait raflé tous les flocons d'or de la station, allant même jusqu'à remporter la plus haute distinction en ski, réservée aux skieurs légendaires : le Viril Chamois de Granit. Et que, chaque année, les plus fidèles clients de la station revenaient et posaient la même question aux tenanciers ; est-ce que Monster Trick avait été vue cette saison ? Aziraphale avait même pu voir une photo incroyable de Cyrus, encore bébé, dans les bras de la délicieuse créature aux boucles rousses et au sourire malicieux, qui l'embrassait tendrement en regardant l'objectif1.

Crowley choisit ce moment-là pour émerger de son coma glacé en se redressant douloureusement. L'ange, soulagé, se précipita vers lui et se mit à son niveau.

- Mon ami, quel soulagement de te revoir parmi les vivants !...

Derrière ses lunettes, l'interpellé gardait encore ses yeux reptiliens.

- Comment vas-tu ? demanda Aziraphale d'une voix douce.

- Il…va falloir qu'on reparte, c'est ça ?

Sa voix n'était plus qu'un grognement sifflé.

- Oui, mon ami. Malheureusement, ce bar va bientôt fermer. Nous… Nous allons repartir, mais… à ton rythme. Tu vas commencer par enfiler mon manteau, qui est plus dense que le tien et qui permettra de davantage t'isoler du froid.

Se faisant, l'ange passa sur ses épaules la doudoune crème plumeuse et lui enfila juste après bonnet et écharpe. Il termina par ses propres moufles épaisses, que Crowley accepta sans résistance – la situation était donc urgente. Ainsi couvert, le démon ne risquait plus rien, se dit Aziraphale tandis qu'ils quittaient le bar.

Sitôt à l'extérieur, il sut qu'il s'était trompé lorsque Crowley fut giflé par une bourrasque.

Un vent glacial s'était levé.

Bien trop glacial pour une créature à sang froid.

Il retint de justesse le démon en glissant un bras sous son aisselle. Si Crowley devait chuter dans la neige, ils iraient au devant de gros, de très gros ennuis. Il étreignit brièvement son ami et souffla d'une voix hachée :

- Je suis là, Crowley, avec toi. Allons, courage mon cher garçon. Courage ! Nous serons bientôt arrivés en bas et lorsque nous serons dans notre appartement, j'ouvrirai pour toi cette bouteille de Cabernet 1987 que nous réservions pour le repas de Noël. D'accord ? Allez mon ami. Reste avec moi. S'il te plaît. Je ne sais malheureusement pas nous téléporter. Si j'en étais capable, crois-moi que je le ferai. Regarde, j'ai mis tes skis par terre. Tu n'as plus qu'à poser le pied dessus et nous filerons à toute vitesse vers chez nous, bien au chaud ? Tu m'entends ?

La voix volontairement joyeuse de l'entité céleste chevrotait alors qu'il rajustait le bonnet sur les cheveux du démon et resserrait son écharpe. Lui-même portait le manteau noir de Crowley et il devait avouer que, malgré sa résistance toute angélique au froid, son corps commençait à montrer des signes d'engourdissement évidents. Ils devaient se mettre en route immédiatement s'ils ne voulaient pas geler devant un bar situé dans la zone des débutants. Crowley tituba et s'arc-bouta en sifflant.

- Ange, gémit-il contre l'épaule d'Aziraphale. Cache-moi. Je vais. Me. Ssssser….pent.

- Non ! Non non ! Mon ami, tu dois résis-…. Je sais ! Nous allons retourner à l'intérieur et je vais appeler des secours ! Dire que tu ne vas vraiment pas bien et qu'il faudrait nous ramener en bas ! Une ambulance ! Quelle brillante idée ! Viens, rentrons à l'int-… CROWLEY !

Le démon, lentement, commençait à glisser sur le côté. Bientôt, Aziraphale n'eut plus assez de longueur de bras pour retenir un Crowley ramolli.

- Non, non, noooon, gémit-il au désespoir…. Mon ami, reste avec moi…

Mais déjà, le corps démoniaque commençait à changer. Il perdait en épaisseur ce qu'il gagnait en écailles. Et bientôt, un serpent noir comme la nuit aux yeux jaunes d'un bon mètre de longueur se retrouva enserré dans les bras de l'ange. C'était comme tenter de soulever un tuyau d'arrosage ; impossible de tout porter sans en laisser trainer un morceau au sol.

La situation devenait réellement dangereuse. Les vêtements que portaient Crowley avaient disparu dans cette étrange dimension qui n'appartenait qu'à lui. Nu sous ses écailles, le choc pourrait bien l'achever, réalisa Aziraphale.

- Oh non mon bonhomme, marmonna-t-il en ouvrant le manteau noir qu'il portait. Je t'interdis de me faire un coup pareil.

Il glissa la tête du serpent épuisé sous son pull en laine, le seul endroit chaud qu'il pouvait lui proposer à cet instant. Il tenta d'empêcher ses joues de rougir lorsqu'il sentit l'animal glisser pour s'enrouler autour de lui. Si la situation n'était pas si grave, le contact aurait été vraiment très intime, et gênant. Mais l'ange devait se reprendre ! Il glissa son pull dans son pantalon et referma du mieux qu'il pouvait son manteau, afin d'isoler Crowley du froid du mieux qu'il pouvait. Cela devait lui donner une dégaine atypique, mais c'était le cadet de ses problèmes. Aziraphale baissa la tête vers les deux paires de skis posées par terre, ainsi que sur leurs bâtons, prêts à servir. Ses lèvres se pincèrent avec sévérité. Il n'aimait pas avoir à rompre sa promesse, mais se dit que c'était pour sauver une personne dans le besoin. D'un mouvement de doigts, il chassa miraculeusement l'équipement de Crowley, qui disparut pour se matérialiser une centaine de mètres plus bas, devant l'escalier menant à leur petit immeuble.

- Voilà qui est fait, se félicita-t-il avec satisfaction.

Il caressa le renflement de son pull un instant avant que sa main ne remonte pour tirer doucement sur son col.

- Tout va bien, là-dessous ? Pas trop frigorifié ?

Pas de réponse.

Impossible de distinguer la tête du reptile sous tous les anneaux. Peut-être était-elle située au niveau de son dos ? Quoiqu'il arrivait, Aziraphale allait devoir skier parfaitement bien. La moindre chute exposerait le démon au froid mordant de la neige.

L'appréhension le noua alors qu'il chaussait ses skis et attrapait ses bâtons. Il caressa une dernière fois un morceau du serpent à travers ses vêtements. Puis, il s'élança.


1 Le dos du cliché portait la phrase « Le chiot le plus chanceux du monde ! »