Bonjour tout le monde !

Ceci est la suite directe du chapitre précédent. Vous allez rire, mais la fin de celui-là, je l'aime vraiment beaucoup. C'était un vrai plaisir de l'imaginer, de l'écrire, et c'est avec une émotion toute particulière que je vous le partage. En souhaitant qu'il vous plaise autant. N'hésitez pas à me dire en commentaire si ce genre d'humour un peu farfelu vous plaît. Dans ma tête, ça sonne super bien, mais difficile de se mettre à votre place...

Bonne lecture ! :D

Chapitre 14 :

La première descente d'Aziraphale via le téléphérique lui avait laissé un sentiment des plus mitigés. Sa réaction quant à la beauté du paysage qui s'étalait littéralement sous ses pieds avait été amoindrie par le comportement des autres personnes présentes dans la cabine. La petite Marion, dont il s'agissait vraisemblablement de la première descente, avait été terrorisée par les cahots liés au vent, à la hauteur et au vrombissement métallique. Elle avait hurlé de peur durant les dix minutes de trajet. Et Dieu savait que c'était long, dix minutes, lorsqu'on était coincé dans un milieu clos et restreint à portée de voix d'une fillette hystérique ! Impossible pour ses parents de la calmer en lui montrant le paysage ou en lui parlant des petits animaux que l'on trouvait dans la région. Aziraphale avait même tenté de lui montrer son livre pour illustrer leurs propos, sans succès. Alors, de dépit, l'ange avait battu en retraite et rejoint Crowley, qui, tassé à l'extrême opposé de la cabine, regardait s'éloigner le versant montagneux qu'ils avaient quitté.

- C'était pas censé se passer comme ça, avait marmonné le démon.

- Il s'agit tout de même d'une très belle première expérience, avait tranquillement certifié son ami.

Par chance, la traversée avait bientôt pris fin, libérant les tympans des deux entités surnaturelles. Ils posèrent le pied à terre, au sol, en bas de la montagne. Les maisons étaient très jolies et différentes de ce qui pouvait se faire autre part en France ou en Angleterre, nota Aziraphale avec émerveillement. Leurs toits, de couleur sombre, étaient recouverts non pas de tuiles mais de petites plaques d'ardoise maintenues entre elles par des clous recourbés. Peut-être que cette différence avait une réelle importance lorsqu'on vivait dans un environnement montagneux ? Il songea à consulter son livre à leur retour dans l'appartement afin d'en apprendre plus. Tout guilleret par sa petite découverte, il rejoignit Crowley qui s'était avancé de quelques pas hors de la bruyante petite famille.

- Je comprends mieux pourquoi tu m'avais conseillé de ne pas enfiler cette fois nos après-skis, mon cher ami, lança joyeusement Aziraphale une fois arrivé à côté de lui.

Il désigna d'un vague geste le petit village qui s'étalait devant eux. Ce village était situé si bas dans la montagne que la neige n'y tombait jamais. Les températures, par ailleurs, étaient relativement douces, comparées à celles qu'ils avaient quittées au moment de prendre le téléphérique.

Crowley sourit avant de reporter son attention sur l'élément insolite qu'il fixait un tronc d'arbre avait été sculpté en forme d'ours1. La bête était debout, sa taille dépassant les deux mètres de hauteur. Une merveille de sculpture où chaque poil avait été gravé. Il trônait à l'affut sur la sortie du téléphérique, toisant de son regard ligneux des générations de vacanciers et riverains. Sur le socle où l'ours s'érigeait, une plaque identifiait son nom ainsi que la date de sa création. Aziraphale, pris d'un doute, consulta l'encadré et soupira de soulagement. Le démon leva un sourcil interrogatif.

- Avec tout ce que tu me dis depuis le début de notre voyage sur ta précédente expérience en ces lieux, j'avais quelques doutes quant à l'identité du sculpteur de ce plantigrade…

Crowley se fendit d'un léger rire.

- Mon ange, tu me flattes. Mais si j'avais été responsable de la conception de cette pièce, honnêtement, je lui aurais fait un air un peu plus démoniaque.

- La forme d'un ours des Enfers, tu veux dire ?

- Tu veux vraiment me lancer sur ce sujet ? Laisse-moi réfléchir… Hum... Tu vois, si j'avais été le sculpteur, j'aurais davantage opté pour l'inclusion d'un glyphe maudit. Du Mu Ancien, peut-être… Puisque la statue est située pile devant la sortie du téléphérique, j'aurais cherché à toucher un maximum de personnes. Par exemple…. (Il réfléchit une poignée de secondes.) un sigil gravé dans chaque pupille, à l'action lentement diffusée pour quiconque poserait les yeux sur lui. Probablement Ragroa, ou quelque chose du genre, éructa-t-il avec un sourire évasif. Cela signifie…-

« Tu seras bientôt des nôtres, Enfant putride d'une terre inféconde », traduisit Aziraphale d'un air concentré.

Devant l'air interloqué de son ami, il reprit :

- Voyons Crowley, ne fais pas cette tête-là. L'Ancien Mu n'a rien d'un secret pour des êtres de notre âge.

- Que... Que tu comprennes l'Ancien Mu, je veux bien, mais ces sigils étaient spécifiquement utilisés par les prêtres des ténèbres…

- Oserais-je te rappeler, mon cher garçon, que ma spécialité en tant que libraire a toujours été les écrits religieux ?

- Même ceux qui avaient trait aux religions démoniaques ?

- Non. Évidemment que non. Du moins... pas en soi. Mais pour comprendre certains versets des parties fréquentables des écrits rédigés en Mu, il est parfois nécessaire d'analyser la pensée profonde de leur auteur, qui parfois s'exprime en langage caché, dont les clés de compréhension résident justement dans l'autre versant de cette religion.

Aziraphale releva les yeux vers le démon, dont le sourire fier et ravi pouvait rappeler l'expression d'un fauve ayant trouvé la tendre petite brebis aventurée en dehors de son troupeau.

Un gros fauve.

Une toute petite brebis.

- Tu viens de refaire ma journée, Aziraphale…

- N'en fais pas trop, Crowley, je t'en prie.

- Si. Si si. Après six mille ans, j'apprends que tu comprends les glyphes noirs du Mu Ancien, ce qui veut dire que tu sais aussi les lire…

- Je n'ai aucunement l'intention de les utiliser au quotidien et je ne l'ai d'ailleurs jamais fait, souligna l'ange d'un ton catégorique.

- …ce qui signifie qu'on va pouvoir, toi et moi, papoter en sigils noirs.

- Non.

- Je t'apprendrai à les combiner ensemble…

La voix occulte devenait exaltée.

- Non, Crowley.

- …et on pourra communiquer par glyphes interposés, des petites notes sur le frigo de la librairie…

- Nous ne le ferons pas, Crowley.

- « Fragedrel CabrrArkr Ui'gajil » !

- Tu commences à devenir lassant, mon ami…

- Tu as compris ce que ça voulait dire ?

- Non.

- Mais siiii, tu as compris.

- Non, je n'ai pas compris. Et je me mettrai à marcher sans toi si tu recommences à être aussi vulgaire, très cher.

- D'accord, d'accord, j'arrête !... Mais n'empêche que tu as compris.

- Oui, j'ai compris.

- Aaah !


1Et plus précisément, Crowley fixait le mot « Warl » pas tout à fait effacé, gravé sur le genou de l'animal. Sur la discrète suggestion de sa Nanny, l'enfant avait laissé une trace de son passage dans ce pays, avant d'être violemment réprimandé par son père, l'empêchant de terminer sa pulsion créative. Depuis, bien d'autres noms, mots ou numéros de téléphone avaient été ajoutés aux côtés du demi-prénom de celui qui aurait pu, un jour, devenir l'Antéchrist.