Bonjour tout le monde !
Mine de rien, on se rapproche méchamment de la fin de cette histoire. J'espère que ce chapitre vous plaira.
Bonne lecture ! :)
Chapitre 19 :
- Nanny ? Nanny ?
La belle jeune femme baissa la tête vers le petit morveux qui tirait doucement sur sa parka.
- Qu'y a-t-il, mon jeune maître ?
L'enfant gloussa, comme à chaque fois que sa curieuse nourrice employait ce surnom – sans remarquer qu'il n'était appelé ainsi qu'en l'absence de ses parents.
- Dis, tu m'achètes une glace, Nanny ?
L'interpellée considéra le bambin avec son habituelle douceur froide.
- Mon enfant, tu es tombé dans la neige pas moins de sept fois aujourd'hui. N'en as-tu pas assez d'avaler du froid ?
- Mais la neige elle a pas de goût, grimaça le petit. Moi, je veux une glace avec du goût.
La main gantée de l'adulte se glissa dans celle de l'enfant, alors qu'ils passaient les grilles du somptueux chalet loué par la famille Dowling pour leurs vacances de Noël. La neige tombait en flocons serrés. Il faisait si froid et Nanny n'avait aucune envie de rester dehors par ce temps... Mais il fallait bien occuper le petit monstre, rejeton de son Maître, pendant quelques heures encore… Avec ses petites jambes, il avançait bien trop lentement au goût de la nourrice.
- Moi j'en veux une avec du chocolat dedans ! babillait le garçonnet. Et aussi du jambon et du miel.
- Non mon petit, tu viens déjà de manger ton repas de ce midi. Si tu veux une glace, tu n'auras qu'à la demander à Maman quand elle reviendra ce soir.
Nanny posa sur le sol blanc l'objet qu'elle tenait par la poignée ; un petit disque de plastique rouge, taille enfant. Elle déroula la ficelle.
- Allez, mon petit. Grimpe dans la luge. Je vais te tirer.
- OUAIS ! Trop cool !
Le bambin s'écroula sur le disque, tout sourire, et replia ses petites jambes dodues en tailleur.
- Allez ! Hue ! Plus vite, cheval ! Hue !
Nanny était pensive. Lorsqu'elle avait suggéré à Mrs Dowling l'idée d'un voyage en famille à la montagne, elle avait espéré que la vie dans la station de ski donne des idées diaboliques à l'enfant Warlock. Depuis sa naissance, ses deux parrains surnaturels surveillaient avec la plus grande attention la moindre petite pousse de comportement démonique, dans le but de la cultiver ou au contraire de la désherber. Mais depuis que Nanny Ashtoreth et Brother Francis avaient commencé leur mission de surveillance, ils n'avaient détecté aucun signe démoniaque chez le petit – hormis bien sûr le comportement de méchanceté banalisée propre à tous les enfants. Il n'avait encore jamais tué le moindre être vivant, par exemple. Pourtant, Nanny veillait à placer sur son chemin différents petits animaux, afin qu'il puisse se faire la main en attendant de passer à des cibles plus grosses.
Warlock était le fils de Satan, après tout. Il était normal qu'il prenne en grandissant les habitudes de son père.
Cela dit, Nanny – Crowley – et Aziraphale n'avaient aucune envie que le petit échappe à leur contrôle en devenant un monstre. Aucune envie. Mais il valait mieux, selon Crowley, qu'il développe ses pouvoirs héréditaires au plus tôt, afin que ses parrains en aient connaissance et puissent réagir en conséquence.
Mais pour l'heure, le minuscule Warlock, se comportait comme n'importe quel enfant humain d'une classe sociale privilégiée. Crowley s'en inquiétait. Sans trop s'inquiéter. Peut-être que, comme disait Aziraphale, les pouvoirs de l'enfant se développeraient plus tard. Après-tout, il était certes le fils de Satan, mais aussi le fils d'une humaine parfaitement ordinaire...
Nanny trainait la luge à sa suite. Tirer le petit comme un sac était assez laborieux mais cela permettait de ne pas avoir à se courber en deux en lui tenant la main, et de marcher d'un pas rapide. Pour occuper le gamin sans trop se fatiguer, la belle nourrice rousse avait mis en place quelques combines. Il avait suffi de faire un peu de charme au gamin boutonneux qui gérait le remonte-pente mécanique et de lui demander de garder un œil sur le petit tandis qu'elle s'éclipsait quelques instants.
Les hommes étaient si simples dans leur fonctionnement…
Arrivés dans la station et plus précisément sur l'aire réservée aux enfants qui faisaient de la luge, elle se dirigea vers le jeune Louis. L'étudiant qui travaillait aux remontées mécaniques pour la saison hivernale gérait une file d'usagers longue d'une vingtaine de mètres. Les remontées mécaniques à usage individuel permettaient aux passants de gravir quelques mètres de dénivelé pour les glisser tranquillement, sans s'embêter à remonter les côtes enneigées. Louis les aperçut et fit un immense signe du bras à Nanny. Sous l'air rieur de l'enfant, elle passa fièrement devant toute la file d'attente, s'attirant, comme depuis le début de la semaine, soupirs irrités et râles d'agacement.
- Bonjour, Louis, salua-t-elle d'une voix délicieuse.
- Oh, bon… bonjour Nanny…
L'adolescent avait les joues rouges. Et la part démoniaque de Crowley savait qu'à cet instant, ses pensées étaient toutes entières tournées vers la nourrice, et de toutes les choses qu'il pourrait faire avec une si belle femme à ses côtés… Nanny – ou plutôt Crowley – n'avait jamais eu le moindre scrupule à jouer sur les désirs humains, y compris chez les plus jeunes.
- Me serait-il possible, si je n'abuse pas trop bien sûr, de confier à vos bons soins mon cher petit Warlock ?
La voix de la belle nourrice était telle un morceau de beurre doux enveloppé de coton et trempé dans du miel de fleurs d'été.
- M… Mais bien sûr, Nanny ! Je… Bien sûr !
Elle regarda le garçonnet assis sur sa luge attraper tout seul une des perches métalliques du remonte-pente et se laisser tirer vers les hauteurs. C'était un comportement rigoureusement interdit, bien entendu. Le remonte-pente était réservé uniquement à l'usage des skieurs et des snowboardeurs. Mais Nanny n'était pas responsable, n'est-ce pas Monsieur l'Agent ? C'était ce que ce cher Monsieur Louis lui avait autorisé à faire au départ, jamais elle ne pensait que cela serait interdit…
Nanny sourit et fit un petit coucou à Warlock qui faisait des grimaces aux autres usagers. Le gosse était intenable, encore plus depuis le début de la semaine où il ne pouvait plus compter sur la présence du jardinier pour contrebalancer ses excès comportementaux.
Enfin... Ainsi allait la vie.
Pour le moment, Nanny allait pouvoir profiter d'un petit moment de calme pour se réchauffer, comme à son habitude, dans le bar en haut de la piste. Tout en gardant un œil sur l'enfant qui ferait de la luge jusqu'à être transi de froid.
La luge, ça allait trop lentement. Ça ne se contrôlait pas. Ça n'avait jamais présenté le moindre intérêt pour Crowley, qui était un être taillé pour la vitesse.
- Crowley ? Mon très cher ?
Le démon sursauta légèrement et plongea son regard dans celui, inquiet, de l'ange. Sourcils froncés, Aziraphale posa la main sur son avant-bras.
- Tu restes statique depuis que nous sommes arrivés, cela ne m'étonnerait pas que tu sois en train de te refroidir. C'était une mauvaise idée de sortir nous promener ici à cette heure. Rentrons vite nous mettre au chaud.
Crowley considéra la luge que l'ange avait lâchée après être remonté à son niveau. Glisser assis sur une luge ne l'avait jamais intéressé, même du temps de Warlock. A chacun de ses appels, Nanny était restée sourde, arguant qu'elle était trop grande et âgée pour ce genre d'activités. Et ce soir encore, Crowley avait préféré regarder l'ange glisser tout seul, du haut de la butte enneigée d'où il s'élançait.
- T'en fais pas, ange, ça va. Tu peux continuer pendant quelques tours encore.
Et c'était vrai. Crowley était trop occupé à regarder rire son ami en dévalant la pente sur l'énorme – antique – luge en bois qu'il avait tenu à louer qu'il ne se souciait pas vraiment d'avoir chaud ou froid. Aziraphale sourit. La main descendit de l'avant-bras du démon à son poignet. Un regard timide, avec quelque chose d'autre derrière, apparut sur son visage.
- Un dernier tour, mon cher ami. Mais cette fois, fais-moi ce plaisir et viens avec moi.
Le démon se laissa tirer et asseoir sur le siège de la luge tandis que l'ange prenait place derrière lui. Après un perceptible moment d'hésitation, Aziraphale posa ses mains sur le dos de son ami avant de les déplacer autour de son ventre, pour se stabiliser, probablement. Ce n'était pas un contact particulièrement oppressant, ni même intime. Mais il était là.
Crowley rougit. Aziraphale, derrière lui, rougit.
Puis, d'un commun accord, ils poussèrent du pied contre la piste et, pour la première fois, glissèrent ensemble jusqu'en bas.
