Méandres indélébiles

(Suggestion musicale, « Vertige » Clio)


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Tout n'était que sensation brûlante dans la brume d'un instant semblant irréel. Une bouche fine et affamée de tendresse se rassasiait de sa peau perlée de désir, baisant, suçant et aspirant, un peu sa joue re bombée, son cou tremblant de spasme ici et là, et parcimonie son sein blanc laiteux. Ces faveurs précises, l'animaient d'une extase telle, qu'il ne lui semblait avoir jamais déjà éprouvé si meilleure sensation de toute sa vie quoiqu'elle puisse vivre en cet instant. Ses doigts, emmêlés dans les longues mèches sombres, tentaient en de veines crispations de contrôler le plaisir fulgurant que lui apportaient les lèvres assoiffées et la langue exigeante butinant sa chair rosée et dardée. Il était doux mais précis, elle, était passionnée et se laissait volontiers initier.

Elle l'observa quitter son sein dans un bruit de succion et fixa ses pupilles rondes et possédées d'une flamme qu'elle ne lui connaissait pas et qui venaient de la capturer dans leur incandescence. Du bout de sa langue et sans la quitter des yeux, il glissa sur la surface de sa peau, suivant un chemin certain. La ligne fiévreuse laissée par le membre humide de son ange, suscita l'émoi dans son entre-jambe dorénavant trempé de cette lancinante et exquise torture.

Son ange… Oui, c'était lui… Il n'y avait qu'eux deux dans ce lieu hors du temps, ils flottaient portés par leurs ailes, entrelacées, alors qu'il lui apprenait à aimer. Là, sur son abdomen, il posa sa main afin d'endiguer ses mouvements lancinants. Elle était si grande que sa paume et ses longs doigts fuselés recouvraient la totalité de son ventre… La pression s'intensifia… Si fort, qu'il n'y eut plus que ce ressenti. Une sensation devenue désagréable… L'instant n'était plus charnel mais angoissant, elle, était prisonnière….

La douceur n'était plus, son toucher sur son abdomen était destructeur et son visage exprimait une terreur inquiétante. Tout en la surplombant, il fouillait, l'évidait de sa main dans ses entrailles et elle … Elle hurlait. Il avait ce regard inquiétant souligné d'un sourire carnassier et alors qu'il continuait de creuser en elle, il éructa d'une voix tonitruante :

- Que m'avez-vous pris encore ?

Et elle entre les lourds sanglots hurlait :

- Rien … Rien de rien …. Rien, je vous le promets ….

Et il continuait :

- Menteuse, vous me dégoutez, répugnez, je perds mon temps avec vous…

La fouille macabre cessa, la silhouette sombre disparu en un nuage de poussière et elle se retrouva seule.

Dorénavant accroupie dans les flots de ses remords, Hermione, s'enroula de ses bras, c'est alors que des ombres mouvantes aux traits reconnaissables l'entourèrent :

- Tu nous as oubliés. Soufflèrent les ombres d'Harry et Ron

- Tu nous as abandonné. Susurrèrent celles de ses parents

- Tu ne nous as jamais aimé. Sifflèrent celles de Ginny et Luna

- Tu n'es qu'une égoïste. Continuèrent les autres…

- Vous m'êtes insignifiante. Termina la plus sombre et enragé d'entre elle, aux traits de son Ange.

Hermione recouvrait le sol en une masse faible et abattue. Dans un dernier effort, elle tenta malgré tout de faire taire ces voix devenues des inlassables bourdonnements. Ses mains souffrantes d'être appuyées avec force sur ses oreilles pour faire taire le brouhaha l'amenèrent à hurler, si bien …. Si fort… Qu'elle traversa l'épouvantable obscurité jusqu'à s'évader et enfin…Se réveiller.

Son cri l'accompagna hors de son sommeil, jusqu'à l'asseoir. Les épaules découvertes par l'édredon reposant dorénavant sur ses cuisses, Hermione observa autour d'elle. Rien, si ce n'est le vide rassurant de ce salon qu'elle occupait. Devant elle, le feu dans l'âtre réglé magiquement pour réchauffer seulement les nuits fraîches flambait, lui offrant une vue parfaite de la pièce et la rassurant sur l'absence des ombres terrifiantes formées dans ses chimères.

Ce n'était qu'un mauvais rêve… Encore…

Hermione fixa la porte de chambre close de son hôte. Son sortilège de silence jeté avant de s'enfoncer dans son oreiller, semblait avoir une fois de plus épargné le sommeil de son colocataire. Des jours que ses nuits étaient agitées et hors de question de l'inquiéter, il était déjà bien assez à ses soins en journée. Elle avait plus d'une fois louché sur la fiole emplie de potion de sommeil sans rêve qui la narguait dans le petit cabinet… Mais sa composition addictive l'avait obligé à ne pas y succomber.

Des semaines qu'elle occupait ces lieux et qu'ils cohabitaient, un ménage atypique qui fonctionnait étonnamment, parfaitement, il était donc hors de question de bousculer ce fragile équilibre avec son nouveau souci, d'autant plus qu'il y était impliqué de façon assez troublante.

Les premiers jours de cohabitation furent évidemment rudes. Ils avaient été animés par le manque de drogue qui semblait vouloir lui faire subir une punition incessante, un sevrage douloureux la rendant presque folle… Ou morte quand certaines crises émanaient. Fort heureusement, Severus Rogue avait été là, chaque jour lorsqu'il le pouvait, lui offrant fioles de potion adaptées, sortilège de soin adéquat et confort si nécessaire, comme ce sofa métamorphosé en couchette pour son repos et cet édredon lourd et doux pour l'envelopper totalement et l'accompagner dans ses nuits.

Elle vivait là désormais, dans ce salon avec ses affaires posées dans un coin de la pièce depuis qu'il était allé les chercher pour elle. Ça se limitait à quelques changes, sa trousse de toilette et quelques livres. Paradoxalement, à toutes ces démonstrations de vigilance et ses attentions, il s'était évertué à maintenir une certaine distance, ne réitérant jamais la proximité vécue lors de sa toute première crise. Plus de bras réconfortant, plus de regard animé, plus de voix aux notes troublées… Seul subsistait parfois le frôlement de ses doigts sur sa peau en de rapides contacts involontaires...

Inconsciemment, ces contacts, quoi qu'insignifiant, amenèrent Hermione à s'interroger sur ce que cela lui procurait. Un quelque chose subtil, agréable et sans aucun doute, enivrant qui ne faisait que croitre chaque jour, jusqu'à lui faire parvenir depuis peu ces images lubriques lors de ses nuits. Seulement ses remords dans sa noirceur s'obstinaient à lui dérober ce début de lumière… Transformant le plaisir en douleur, lui rappelant à coup de reproches ce qu'elle avait à jamais perdu. Des cauchemars si intensément sombres qu'ils masquaient la réalité et la possibilité proche d'une échappatoire à toute cette torture.

Hermione chassa la brume de son sommeil pour émerger complétement et poussa l'entrave sur ses jambes à ses pieds afin de se lever. La nuit n'était consumée que de moitié, mais encore une fois elle craignait de fermer les yeux, de peur d'y retrouver les ombres terrifiantes.

Debout, elle traversa la pièce afin de se servir un verre d'eau. Sa démarche n'était plus fragile, incertaine et titubante. Sa posture bien droite et cette projection de force révélèrent à quel point la vie semblait s'être de nouveau nichée en elle, jusqu'à lui faire relever le menton de fierté de s'en être presque sortie. Ses courbes la dessinaient de nouveau parfaitement, bombant légèrement le haut de son pyjama et comblant tout aussi bien le bas révélant une cambrure certaine. Ses cheveux de nouveau souples et en masse tombaient en une cascade de boucles brune pleines de vitalité dans son dos. Quant à son visage, bien que fatigué, il n'était plus creusé et pâle, bien au contraire, il était comblé et rougi par son sang qui pulsait la vie.

Rien d'étonnant à cette transformation puisque Severus s'assurait chaque jour qu'elle termine consciencieusement les trois repas imposés qu'il lui faisait parvenir directement dans ses appartements par un elfe de maison, sans parler des fioles quotidiennes qu'il préparait afin de combler ses carences en à peu près tout et les séances intenses d'essai au vol qu'il lui donnait à raison de trois fois par semaine depuis la fin de sa désintoxication l'avait fait gagner en muscles.

Son corps n'était plus marqué par ces mois d'agonie et de shoot, d'apparence, elle n'avait plus rien à voir avec l'épave survivante qui trimballait son âme meurtrie dans les couloirs de ce château, comme il y a encore quelques jours.

Si seulement cela pouvait suffire !

L'enveloppe parfaite qui lui donnait l'apparence d'une Reine des Amazones, camouflait en vérité la forteresse mentale branlicotante qui la représentait intérieurement. Cette forteresse avait comme pilier la volonté, une volonté bien fragile, qui narguait sans cesse de sombrer à la moindre insatisfaction. Sa presque solitude en ces lieux n'aidait en rien, et même si ces ailes auraient dû fortifier le tout, son inaptitude à s'envoler jusqu'à présent, et ce, malgré les nombreuses séances effectuées n'amélioraient en aucun cas cet état de fait, bien au contraire tout semblait vouloir la faire flancher de nouveau dans les ténèbres.

Désaltérée, Hermione retrouva le confort de sa couche. À l'abri, sous l'épaisse couette, elle veilla le reste de la nuit les yeux fixés dans le vide, attendant le lever du soleil et sa prochaine séance d'entrainement.

- Là, tenez-vous droite. Exigea Severus d'une voix insistante tout en secouant sa main, comme pour la presser.

Au centre de la pièce à la coupole colorée qui les illuminait, Hermione s'exécuta sans broncher face à une des ouvertures. Le menton relevé, les épaules droites et le corps stabilisé par ses deux jambes légèrement écartées et plantées solidement dans le sol, elle fixa son instructeur avec détermination voulant pour cette séance lui démontrer qu'elle y arriverait enfin. Sans attendre, elle commanda le déploiement de ses ailes, qui surgirent dans un bruissement de plumes sombres et ondoyantes.

Dorénavant nul besoin de se noyer dans ses pires ressentiments pour les faire apparaître, elle commandait pensivement et elles sortaient sans contrainte. Les sentir dépliées dans son dos n'avaient plus rien d'étonnant, Hermione s'était familiarisée à leurs poids, plus aussi lourdes d'ailleurs depuis qu'elle avait retrouvé une certaine vigueur et du muscle, et leurs mouvements ne l'étonnait guère puisqu'ils venaient de ses propres décisions comme un membres à part entière qu'elle contrôlait…. Enfin presque.

- Bien, la suite maintenant. La pressa-t-il encore de sa main, alors qu'il tournait autour d'elle à une distance suffisante du rayon de ses ailes.

Hermione fixa l'horizon à travers l'ouverture puis ferma les yeux pour percevoir la brise chaude s'insinuer dans ses innombrables plumes. Un sourire fleuri sur ses lèvres rosées lorsqu'elle perçut la légère décharge qui comme la sève, s'écoula et navigua à travers chaque lame duveteuse, chaque tige jusque dans sa moelle pour charger les masses à contrôler sous ses épaules. Gonflées et prêtes, elle les visualisa, il n'y avait plus qu'à s'élancer.

Parée et déterminée, elle ouvrit ses yeux et s'avança tout en continuant à fixer droit devant elle. La brise accrue souleva ses ailes et son cœur s'emballa… Hermione gaina ses épaules, résolues à franchir la dernière étape. Seulement, alors qu'elle y était presque ses pas en divergence avec sa motivation, semblèrent moins décisifs. Cela n'échappa pas à son instructeur qui dans sa course clama haut et fort :

- L'impulsion Miss Granger, chassez l'hésitation !

Suivant la directive, Hermione sur son dernier pas, fléchit ses jambes afin de multiplier la force à donner pour s'élancer lors de la fameuse impulsion, puis tenta…

Mais rien…

Un saut rendu minable par ses ailes qui n'avaient pas répondu… Elles n'avaient pas battu d'une plume… Rien. À quelques centimètres du bord qu'elle aurait dû dépasser, les ressacs du lac noir fouettaient la falaise sans jamais endommager les fondations même de Poudlard. Elle, en revanche s'écroula, les mains agrippées au rebord, elle mêla aux flots, des larmes d'humiliation, car sa forteresse était rendue en miettes…

Tout ça pour ça, elle lui faisait perdre son temps quelle incapable.

Severus l'avait senti, l'avait deviné… Son corps n'était que tromperie alors que son regard exprimait la véracité de sa fragilité persistante. Ses yeux noisette n'avaient aucune lumière, aucune luisance dorée de volonté de vie. Son enveloppe aussi charmante soit elle, n'était qu'un leurre… Une illusion formée par son traitement irréprochable. Il devait la bousculer, la faire franchir une bonne fois pour toutes ce mur de remords qui l'emprisonnait dans cette peine au cycle infernal.

Faire la morte dans le monde des vivants ne lui était plus permis, elle devait choisir… Vivre ou mourir.

Dans son dos, il l'observa interdit. Son cœur lui hurlait de la rejoindre, de lui offrir le réconfort de ses bras… Mais son esprit, sa logique le refusait. Il fallait agir, maintenant, son rôle était de la préparer à partir afin qu'elle trouve sa voie, l'être qui un jour ou l'autre aura besoin d'elle, alors les câlineries, l'attachement n'était plus permis.

Il connaissait ce mal qui l'habitait, il savait comment le combattre et pas par la tendresse, après tout lui, n'en avait jamais eu :

- Relevez-vous ! Somma-t-il, poster dans son dos à distance suffisante pour ne pas succomber.

Hermione ne bougea pas. L'avait-elle entendu ? Peut-être pas, la douleur, le chagrin l'avez sûrement rendue sourde.

- GRANGER, j'ai dit relevez-vous !

Hermione se crispa, tout en fixant les remous plus bas. La rage s'empara d'elle au fur et à mesure que le souffle tiède du vent s'insinuait dans ses boucles et ses plumes pour les emmêler, les brouiller. Elle se releva finalement en un bond, mais ne se retourna pas. Captivée par le panorama, Hermione se demanda si finalement…

- Tournez-vous. La coupa-t-il de ses pensées.

- NON ! Hermione s'époumona de cette syllabe. Non, elle ne le regarderait pas, elle ne se laissera pas embarquer dans ses iris qui lui crieraient de rester.

- Ne faites pas l'idiote, vous n'êtes plus une enfant. Lança-t-il perdu dans la sonorité qu'il voulait exprimer. Il fit un pas et tendit son bras comme pour l'attraper, mais se retint, la main dans le vide hésitant.

- Arrêtez avec ce « vous », je n'aime pas ça, c'est ridicule, ça vieillit et là maintenant j'aimerais n'être qu'une enfant. Hermione serra ses poings, emportée par la mélancolie et ferma les yeux pour se remémorer. C'était plus simple lorsque je l'étais, vous savez. J'avais ma famille puis des amis autour de moi. La journée, je me rassasiais des rires et des éclats de joie qui résonnaient ici et chez moi, les nuits je rêvais d'eux, heureux et grandit. J'étais avec eux, épanouie et j'aimais ça… Que c'était bon d'être une enfant. Ça me manque, j'aurais ne jamais voulu grandir pour continuer de rêver. Ma vie était si différente, si belle et mon dieu si facile à vivre.

- Cette vie-là est terminée et vos rêves n'étaient que ce qu'ils étaient, des chimères inatteignables, il faut apprendre à l'accepter maintenant si vous souhaitez réécrire votre histoire. Prononça-t-il sèchement.

Il se devait d'être dur, pour qu'elle dépasse l'entrave qui l'enchaînait dans sa sinistre déprime. Et comment pouvait-elle vouloir n'être qu'une enfant, alors qu'il l'avait toujours vue si mature, emplie d'une précocité troublante la faisant aujourd'hui femme ? Et quelle femme, si belle qu'il souffrait de ne rien laisser paraitre …

- J'aurais dû mourir. Hermione se retourna enfin pour lui faire face.

Le cœur de Severus se fendilla un peu plus encore à la vue de ce visage détruit par la peine et son regard ambré devenu terne et empli d'une inquiétante détresse. Il allait la perdre… Il lui fallait un choc, la mettre au pied du mur.

- Vous baissez les bras maintenant ? Vous l'ancienne combattante acharnée d'un monde sans pitié et cruel, vous déposez les armes alors qu'il vous suffit maintenant de vivre pleinement. Ce monde ne vous demande pas d'être forte, calculatrice ou une guerrière. Nous avons un monde qui n'a jamais été aussi harmonieux et vous… Comme une faible qui n'aurait même pas survécu à la première guerre, vous abandonnez.

- VOUS NE POUVEZ PAS COMPRENDRE, moi, je n'y arrive pas dans ce monde que je vois, il n'est pas pour moi ce monde, il m'étrangle, me bouffe avec un sale goût d'amertume, me brûle jusqu'aux entrailles comme une damnée. Hermione s'égosillait, emplissant la pièce de sa douleur. De ses mains, elle s'arrachait les cheveux et de ses pieds martelait le sol. Entre les cris et les pleurs, telle une furie, elle continua. C'est insupportable, je voudrais m'évader, partir, être bannie. Alors, oui, je me sens vaincue, j'avoue et j'assume, mais qu'on me laisse mourir…

- Miss Granger… Tenta Severus désemparé, il ne savait plus quoi faire et là dans un tel état, elle pouvait être redoutable. Ses ailes balayaient en tous sens, fouettant l'air jusqu'à presque le couper.

- Je me sens si seule, je n'ai personne qui me tient la main comme le faisait ma mère, personne la nuit pour me réconforter alors que ma solitude m'empoisonne les rêves. Je n'ai plus rien, plus de famille, plus d'amis pour m'entendre hurler la nuit et m'enjôler d'une multitude de bras tendres.

- MISS GRANGER !

- … Dans ma tête c'est l'enfer, ça me ronge et me consume, je veux mourir, qu'on me laisse partir, il n'y a personne ici pour m'aimer et comment se pourrait-il puisque moi-même je ne m'aime pas, je me dégoûte, je ne suis rien, oui c'est ça une moins-que-rien bonne à crever… Même pas capable de s'envoler alors que je possède les plus grandes ailes de ce monde de fou.

- HERMIONE !

- NON ! Pas de Hermione, vous ne m'aurez pas, vous ne m'aurez plus… même pas avec ce regard... Ils m'attendent vous savez, chaque nuit, ils m'appellent et me reprochent tant de chose que la seule façon de me faire pardonner, c'est de les rejoindre sans attendre. Hermione secoua la tête, pour ne pas s'égarer et divulguer le contenu de ce qui s'y passe quand les ombres n'y sont pas, puis reprit déterminée. JE VEUX MOURIR MAINTENANT, laissez-moi le faire… Je suis malheureuse ici, je suis saoulée de cette vie, de cet endroit ou chaque recoin abrite des miettes de mes souvenirs. J'entends sonner des rires, mais ne voit personne, ça résonne sur les murs pourtant et il y a les pas de course de nos jeux sur les dalles des couloirs, c'est affreux… Est-ce si dur à comprendre, je n'en peux plus, je suis à bout … À bout. C'est dur, trop dur pour moi… J'ai si mal, vous savez. Si dieu dit que le suicide est un péché alors qu'il dise comment je pars sans lui faire de tort et si sa solution est ce don des ailes, j'aimerais qu'il sache que ça n'est pas suffisant, car la bécasse que je suis, est incapable de les faire battre.

- Hermione… Chuchota-t-il de douleur, si bas, qu'elle ne l'entendit pas.

- Je ne suis plus cette fille que vous vous évertuez à me faire redevenir… Elle est morte, elle, et maintenant, c'est ce corps qui doit mourir…

- Vous avez tort, vous ne voulez pas mourir et comme vous semblez ne pas vouloir m'écouter, je n'ai plus le choix. Termina-t-il sans savoir si elle l'avait entendue.

Il s'avança décidé, esquivant les battements de ses ailes qu'elle ne semblait plus contrôler. Il ne quitta pas son regard, se plongeant dedans afin de capturer ce qu'il désespérait trouver. Mais ça y était, là entre les nuances brunes et ambrées, le bout de lumière du soleil était bien là, au fin fond de son âme. Malgré tout ce qu'elle croyait, elle se trompait, quelque chose subsistait en elle pouvant lui donner foi en la vie.

Arrivé à elle après avoir bataillé contre les bourrasques violentes et brûlantes formées par ses membres redoutables, il la poussa violemment à travers l'ouverture, projetant son corps dans le vide. Il se raccrocha de justesse à bout de bras aux côtés de l'ouverture en pierre, se penchant pour l'observer chuter et encrer son regard au sien pour l'accompagner.

Dans son esprit, tout divergea, il se perdait dans ses yeux alors qu'elle tombait dans le gouffre d'une terrifiante panique. Il résista à la tentation d'aller la chercher, tiraillé par la possibilité qu'elle choisisse finalement de tout abandonner… Même lui. Satanée faiblesse ! Ses ailes battaient à tout rompre pour le faire aller la sauver, mais ses bras tinrent bon contre la pierre froide. Le choix ne lui appartenait pas, non pas cette fois, alors posté en haut il ne put qu'espérer, prier qu'elle choisisse la bonne voie et pour cela, il fallait qu'elle soit seule.

L'instant de pesanteur, n'avait cette fois-ci rien d'agréable, bien au contraire, elle le vécut comme une déchirure, c'était terrifiant… Une peur grandissante par la course de sa chute. Comment avait-il pu ? … Une lumière s'alluma, elle savait ce qu'il cherchait à faire, car dans ses yeux, elle voyait et il ne pourrait jamais nier la peine, la peur… L'inquiétude profonde qui l'habitait, là maintenant, alors qu'elle filait droit vers une mort certaine. Était-ce pour elle ? Oui probablement.

C'est alors que ce visage d'accoutumance si dur, tordu par tant d'émotions inhabituelles, lui brisa le cœur et elle s'en fustigea, car elle seule en était responsable.

Un bruit strident lui vrilla les tympans, c'était un mélange du vent sifflant de sa masse tombante et un semblant de cri de ses ailes qui commencèrent à s'affoler. Leurs mouvements déstabilisèrent sa chute, la faisant tournoyer jusqu'à lui donner la nausée. Elle ne pouvait plus rien discerner, tant les jets l'étourdissaient.

C'était l'heure, elle allait mourir… Son ange s'était opposé au destin pour elle, bravant la vie pour l'aider… La libérer enfin…

Pourtant, aucun sourire naquit sur ses lèvres cette fois… Étonnement la peur du noir l'étreignit, le néant tant rêvé se transforma en cauchemar. Un remord bien plus douloureux fit surface à travers ceux qui l'habitaient habituellement constamment. L'image de ce visage blême, mûr d'un sinistre passé bien pire que le sien, cette panique évidente dans le regard d'onyx sous les flammes et luisant par sa faute, dépassait tous ses chagrins.

Un pincement vif, puis une charge brûlante s'insinuèrent dans chacun des pores de sa peau faisant illuminer son être d'un doute… Une hésitation qui pourrait tout faire basculer…

Et si… ?... Oui, il se pourrait que…

Dans un fracas assourdissant presque aussi puissant que la foudre frappant la steppe verdoyante et déserte, Hermione déploya ses ailes la faisant stopper net en flottement à la surface du lac noir. Sa jambe tendue flirtait avec les vagues, alors que l'autre, fléchit, la stabilisait dans les airs. Ses bras le long du corps étaient tendus, si fort que ses poings se fermaient laissant toute gloire à ses ailes dans son dos qui fouettaient triomphantes, l'air humide par l'agitation des flots.

La volonté la faisait léviter.

La volonté lui donnait le contrôle.

Oui, elle allait vivre...

Des ailes pour la vie.

Hermione leva les yeux pour fixer sa destination avant de la dicter à ses nouvelles amies. Les pas légers par son envol, telles des plumes après un « Wingardium leviosa », elle posa ses pointes avec délicatesse sur la pierre de cette pièce à la mélancolie bouleversante puis ses talons une fois certaine d'ancrer la terre ferme. Ses plumes se rassemblèrent dans son dos pour se faire discrètes, laissant l'instant à leur propriétaire et à celui qui venait de les sauver.

Hermione l'observa d'un œil inquisiteur. L'homme face à elle, solennel comme à l'accoutumé se tenait droit, les ailes déployées lui donnant une apparence céleste et les mains jointes sur son bas-ventre pour cacher sûrement de légers tremblements. Son jeu d'acteur n'était plus si bon, il pouvait interpréter celui qui s'attendait à la retrouver sans être touché autant de fois qu'il le souhaitait dans le théâtre qu'il se montait, seulement cette scène en particulier l'avait bien trop chamboulé pour qu'elle ne perçoive la véracité de ce qu'il ressentait indubitablement.

Ses lèvres se pincèrent de confusion alors qu'elle voyait ses yeux faire défaut à ce qu'il s'évertuait tant bien que mal à feinter. Le froncement de peur dessiné par ses sourcils, la luminescence dans ce regard profondément noir plein de tendresse et l'humidité capturée par la fine peau de son épicanthus attestaient son soulagement de la revoir saine et sauve.

Hermione avança, il était si prêt de craquer, qu'elle percevait ses barrières vibrer rendant l'atmosphère de la pièce si lourde qu'elle en suffoquait. Puis se posta à quelques pouces de lui, tant est si bien, qu'il lui suffisait de soulever la main pour saisir la sienne, mais se garda de le faire par pudeur. À défaut, elle brisa le silence :

- Comment avez-vous fait ?

- Quoi donc Miss Granger ?

- Pour continuer à vivre…

Ils ne criaient plus, comme si la crise précédente n'avait jamais existé, non leurs paroles n'étaient dorénavant presque que murmure, un souffle doux en respect à cette pièce sacrée qui les abritait tout deux.

Severus arqua cependant un sourcil, dérangé par sa question, que pouvait il répondre, après tout il n'avait rien fait si ce n'est continuer. Et si finalement, c'était ça la réponse ?

Alors il inspira puissamment et expira tout aussi bruyamment :

- Comme ceci Miss, j'ai inspiré puis expiré et je ne me suis jamais arrêté depuis.

Hermione posa une main sur sa poitrine puis inspira et expira comme il venait de le faire. Ce n'était pas grand-chose, elle pourrait tenter… Pour elle, pour lui. Oui, c'est pour lui après tout qu'elle était revenue d'ici-bas et elle lui devait une explication :

- C'était Harry n'est-ce pas ? Tenta-t-elle sachant pertinemment dans quoi elle s'embarquait. D'ailleurs, son sursaut à la mention de son défunt ami attesta ce fait.

- De quoi parlez-vous ? Hésita-t-il, il redoutait le cheminement de cette discussion. Il ne voulait pas… Plus en parler, mais sa prestance, son regard farfouillant le sien le désarçonnait.

- Le soir ou elles me sont apparues. Hermione ouvrit ses ailes pour les nommer et continua. Vous m'avez dit qu'elles apparaissaient pour nous aider à veiller sur ceux qu'on aime.

Hermione le vit fuir son regard et se courber comme un enfant qu'on punissait, alors cette fois elle chassa toute pudeur pour saisir sa main, la serrer dans la sienne et termina sa phrase :

- Vous ? c'était Harry n'est-ce pas ? Vous avez veillé sur lui comme un père dans l'ombre, vous l'aimiez n'est-ce pas ?

Il fixa la poigne, incapable de la regarder dans les yeux sans se faire démasquer, elle y était presque mais pas tout à fait. Et, hors de question qu'elle obtienne la clé du grimoire de magie noire enchaîné qu'il était. Lily l'avait eu elle… Et il en avait bien assez souffert pour recommencer. Lily… C'est elle qu'il avait aimée, elle était apparue dans sa vie peu de temps après ses ailes, comme Hermione à une période où il voulait en finir pour toujours et à jamais. Lily avait su faire rayonner son cœur comme un soleil, jusqu'à le lui briser… Mais ce rayon indéfectible, cette part de lumière, il l'avait gardé comme un souvenir pour elle, et ce, jusqu'à sa mort, et même après. Cependant, Hermione avait misé juste pour ce jeune Potter, il avait effectivement veillé sur lui ensuite. « Comme un père » était cependant exagéré, sauf si l'on prenait pour exemple le père qu'il avait lui-même eu. Malgré tout, oui, il s'était attaché à ce jeune homme à la même volonté que sa mère. Et c'est ce qui faisait mal…. Parce que comme tous ceux qui prenaient une place dans son cœur, il avait fini par mourir lui aussi.

Hermine le découvrit meurtri pour la première fois de sa vie et en fut si chamboulée qu'elle était à deux doigts de l'agripper fortement dans ses bras. Il avait ce même visage à l'historique insoutenable que lors de sa chute, c'était insupportable. Elle se fustigea d'avoir mis le doigt sur sa plaie, car elle savait au fond que s'il était aussi solitaire qu'elle, c'est parce que la guerre… Les guerres en ce qui le concernait, avaient fait autant de ravage dans sa vie que la sienne. Ne lâchant pas sa main, la serrant plus encore entre ses doigts, elle lui souffla tendrement :

- Pardon, je n'aurais jamais dû me mêler de ça, je vais trop loin.

- C'est moi qui devrais me faire pardonner, après tout, je vous ai poussé dans le vide.

- Ne soyez pas idiot Professeur ! Vous m'avez sauvé et sans vous et vos curieuses façons, je n'aurais jamais pu comprendre sur qui je devais maintenant veiller.

Cette fois, il releva les yeux pour les planter dans ceux ambrés aux lueurs de soleil de celle qui s'était en un coup d'aile transformée.

…Et il comprit à la tendresse de son regard, qu'elle avait choisi de vivre pour lui.

… à suivre

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[ Comment allez-vous ? Ici, le soleil m'a re boosté, quel bonheur !

Ma correctrice m'est revenue toute bouleversée après relecture de ce chapitre, et m'a demandé si mon but était de faire chialer mes lecteurs ? ;) :D

J'avoue, je savais ce que j'allais engendrer, car croyez-moi, l'écriture a été tout aussi poignante. Mais je suis comme ça ... J'écris avec mes tripes quand j'en ressens le besoin ...

J'avoue m'être inspirée de quelques paraphes d'une musique forte et puissante pour nous transformer en légume larmoyant ... Sauriez-vous la reconnaître ?

Réponse chapitre suivant :D ]