Réprimer pour contrôler

Suggestion musicale « Moins joli » Iliona


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Son inquiétude et son humeur massacrante rendaient l'atmosphère de cette matinée, aussi lugubre qu'elle avait pu l'être lorsque la marque des ténèbres flottait dans le ciel de Poudlard il y a maintenant plus d'un an. La majorité des pensionnaires de ce château s'évertuaient à lui laisser champ libre dans les couloirs qu'il empruntait, comme s'ils percevaient sa venue, et ce, avant même de l'entrapercevoir.

Évidemment, le rythme impétueux de ses talonnettes sur les dalles en pierre le trahissait quelque peu, permettant aux plus malin d'esquiver le sombre Maître des potions comme ils en avaient pris l'habitude depuis qu'ils étudiaient en ces murs. Seulement cette fois son aura menaçante, faisait que pour une fois, même le plus étourdi des premières années ne se laissa pas prendre, évitant ainsi aux trois maisons, autre que Serpentard évidemment, de perdre injustement un nombre incalculable de point.

Tout le monde percevait le vent glacial annonçant son arrivée au croisement d'un étage, ou encore apercevait le tourbillon de poussière engendré par les pans de sa cape voltigeant derrière lui après son passage éclair, mais personne ne se risqua à croiser son regard certainement mortel...

En résumé, Severus Snape n'avait pas dormi, n'avait probablement pas déjeuner et quelque chose le préoccupait bien plus que tout ce qu'il avait déjà surmonté.

Pourtant, tout avait bien démarré, il avait passé le reste de la nuit à visualiser le souvenir de son insomnie singulière auprès d'Hermione, revivant inlassablement ces sensations lubriques aux bords de ses lèvres, de son nez plein des fragrances chaudes de sa peau, et de son goût capturé dans son cou. Il avait même fini par inventer la suite à sa guise, comme un jeunot qui fantasme sur sa première fois, il n'était pas vierge évidemment, sauf si on estime qu'une abstinence assez prolongée annule ce fait. Quoiqu'il en soit, c'était l'effet qu'elle lui avait fait ressentir... Et ça avait été assez fou...

Il s'était laissé embarquer par ses sens, jouant avec cet unique et éternel souvenir jusqu'à en devenir ivre, si imbibé par l'effet qu'elle lui faisait, qu'il s'était déconnecté du présent préférant se perdre dans les limbes du plaisir fictif... Mais la réalité l'avait vite rattrapé, si vivement qu'il avait été contraint de se lever afin de se calmer et de faire redescendre le gonflement pulsant de son entre-jambe sous une indispensable douche bien froide.

C'est enfin revigoré, prêt et décent qu'il avait fini par regagner son salon afin de débuter cette nouvelle journée, et comme il n'avait classe que durant l'après-midi, il avait eu l'idée fugace, d'embarquer Hermione pour une véritable séance de vol.

C'est au même instant que toute cette plénitude et euphorie matinale avaient disparu pour laisser place uniquement à l'inquiétude.

Il était tombé sur un lit d'appoint vide, l'édredon lui, était à moitié sur le sol comme balancé à la volée et son vêtement de nuit gisait négligemment sur son oreiller comme un vulgaire chiffon. Elle n'était pas là, une absence étrange du fait qu'habituellement, c'est lui-même qui la réveillait chaque matin alors qu'il se préparait pour sa journée de classe. Sans oublier qu'elle ne s'aventurait jamais en dehors de ses quartiers sauf pour le rejoindre à l'entraînement. L'avait-elle fuit ? Peut-être était-il allé trop loin cette nuit ? ... Plein d'une rage qu'il n'avait su expliquer qu'à moitié, il avait alors shooté dans le dossier du fauteuil, persuadé d'avoir anéanti le fragile équilibre qu'ils s'étaient tous deux difficilement construits.

De longues minutes plus tard, après s'être quelque peu ressaisi, la première chose qui lui était venu en tête, soit qu'elle se trouve possiblement dans la salle de la coupole pour s'exercer seule. Mais une fois sur place, rien. La pièce était déserte, et même au loin à travers l'arc ouvert sur les jardins, il n'avait aperçu que le réveil du ciel avec par ci, par-là les mouvements de la faune environnante.

À ce moment précis, l'angoisse l'avait tétanisé... Il s'était imaginé le pire avant de se précipiter en direction de la tour d'astronomie. Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas parcouru de long en large le château à pas de course, et encore moins la peur au ventre, aussi inquiet pour quelqu'un... Mais Hermione était ainsi, elle était celle qui lui faisait vivre et ressentir l'inhabituel depuis des semaines.

Rien non plus ici, ni sous l'escalier en colimaçon qui mène à la plateforme d'observation, ni derrière le garde-fou... Il s'y était ensuite appuyé avant de se pencher, et à travers un coup d'œil réticent, il n'avait finalement aperçu que la flore estivale s'épanouir sous les timides premières lueurs du matin.

Durant sa longue et fastidieuse recherche, il avait passé en revue tous les scénarios possibles, allant du mieux au pire jusqu'à ce que la torsion en lui, lui soit insupportable. Il en était devenu malade jusqu'à même lui couper tout appétit. C'est après une énième sueur froide le long du lac, tout en observant le calmar géant attraper un oiseau imprudent d'une de ses tentacules, qu'il avait prié intérieurement qu'elle soit saine et sauve, à l'abri quelque part...


Voilà pourquoi maintenant, au détour d'un énième couloir, dans un bruit sourd de raclement de fond de gorge, il ragea plus encore. Il n'avait plus le choix, et redoutait plus que tout ce qu'il s'apprêtait à faire. Et non, la tentative d'évasion de Gibson, Poufsouffle de troisième année qui venait de basculer par-dessus le muret du cloître dans un bruit de choc de crâne contre le gravillon suivi d'un couinement de porc qu'on bâillonne ne lui apporta même pas un semblant de satisfaction. Non, rien ne pouvait égayer l'instant, du fait de sa tétanie quant au bien-être de celle qui partageait son quotidien et parce qu'il était contraint d'informer la Directrice de la disparition inquiétante, ce qui signifiait aussi, révéler leur cohabitation, confesser fatalement son inquiétude et donc dévoiler son attachement...

Si seulement, c'était tout... Non, le pire dans tout ça, était qu'il devait pénétrer ce bureau de malheur, il s'était pourtant promis de ne plus jamais y mettre les pieds après avoir survécu à la morsure du Maledictus Nagini*. Mais pour Hermione, il n'avait pas d'autre choix... Même si pour cela, il devait pénétrer le lieu de sa damnation, lieu où il avait présidé à contre-cœur durant presque une année, seul avec sa culpabilité.

Culpabilité qui l'avait rendu si honteux qu'il s'était puni davantage en refusant le soutien de Minerva pourtant dans la confidence du plan d'Albus ... Et que dire de ce dernier et de sa pâle copie dans ce tableau lugubre qu'il avait préféré à l'époque recouvrir d'un drap afin de ne pas l'affronter, et encore moins l'entendre lorsqu'il l'avait rendu muet d'un « Silencio » permanent jusqu'à la fin de sa présidence.

Cette fois, il n'aurait pas d'autre choix de l'entrapercevoir, mais préféra refouler cette angoisse et s'empêcha d'y penser, espérant simplement qu'il soit endormi durant sa visite.

Severus y était, plus de détours possibles, hésitant, il se plaça devant la laide gargouille en pierre ailée et prononça avec réticence le mot de passe à la saveur amère :

- « Gloire à Poudlard »

Après avoir grimpé l'escalier en colimaçon, il donna trois coups de heurtoir rapides sur la lourde porte ouvragée, puis entra sans préambule. Il pénétra la pièce d'un pas vif, mais resta figé, là dans le chambranle, face à la scène qui se jouait devant lui.

- Haaa Severus, mon garçon, quelle joie de vous revoir et je suppose que je dois remercier Miss Granger ici présente pour votre visite surprise. Entrez, justement, elle a fait une découverte qui vous...

- Taisez-vous vieux fou ou alors je vous promets d'effacer pour toujours les pigments qui composent votre bouche. Siffla-t-il menaçant.

- SEVERUS ! S'insurgea Minerva qui s'était levée d'un bond de derrière son bureau.

Lui, l'ignora, elle, ainsi que tous les autres dans les cadres soufflant d'indignation. Planté là, il se sentit comme pris au piège, le visage tordu par les émotions et le corps figé par les fourmillements de malaise. Il aurait dû se sentir soulagé alors qu'il observait Hermione assise en tailleur, une plume dans une main, les cuisses recouvertes de parchemin de notes, au milieu d'une multitude d'ouvrages quasi tout ouvert et évidemment, quelque part, il l'était oui, mais c'est la colère qui prima sur le reste, parce qu'il avait été inquiet... Pour rien. Parce que la douleur de son cœur qui se sert à l'idée de l'avoir peut-être perdue subsistait encore et aussi parce qu'il se sentait trahi... Son départ sans même l'avertir, l'avait non seulement rendu fou d'inquiétude, mais en plus, l'avait mené jusqu'ici, mettant à la vue de tous une part de lui qu'il gardait habituellement et précieusement caché.

- Manifestement, vous savez vous servir d'une plume, une note à mon attention m'informant de votre emplacement aurait été appréciable afin de m'éviter d'être tourné en ridicule. Siffla-t-il aigri, juste à elle tout en la fixant.

- Je... je suis désolée, j'avais besoin de m'aérer... Cette nuit... je suis partie sans réfléchir... Puis il m'est arrivé cette chose... inexplicable alors... et...

De son pouce et son index, il se pinça l'arête du nez et souffla d'agacement, s'il y a bien une chose qu'il ne supportait pas, c'étaient bien les babillages nébuleux.

- Miss Granger, je viens d'effectuer ce qui se rapproche le plus d'une épreuve du tournoi des trois sorciers alors que je vous cherchais dans tout Poudlard et ses environs, le tout à jeun, je n'ai donc clairement plus la patience ...

- Cela suffit, Severus. Intervint Minerva en tapant du plat la main, le plateau de son bureau, si fort que tous, y compris lui, sursautèrent. Miss Granger est épuisée, je ne te laisserais pas l'intimider de la sorte. Hagrid l'a retrouvé exténuée à la lisière de la forêt tôt ce matin, et a préféré nous l'amener au vu de ce qu'elle racontait.

- Mon garçon, tu devrais t'installer cela te concerne. Tenta, Albus depuis son cadre qui ne s'attira qu'un regard assassin du concerné.

Hermione observa Severus avec attention, et s'étonna de découvrir tant d'animosité dans l'échange qu'il avait avec le défunt Directeur. Ses yeux, si noirs et luisants de fureur ressemblaient à des éclats d'obsidienne polis, nul doute que le destinataire de ce regard se taise et fasse profil bas au risque de périr, une seconde fois le concernant. Seulement de son point de vue, Hermione y décelait bien plus que de la colère, quelque chose comme une souffrance vive... Qui le rendit extrêmement touchant et bouleversant. Elle comprit alors sa colère, son mal-être de se trouver là, en présence de cet homme dans le cadre, et ses mains bien qu'imposantes et ballantes, le long de ses flancs, tremblaient tel, qu'elles ne laissaient plus aucun doute sur son malaise.

- Severus, cesse de t'entêter et vient t'asseoir. S'exaspéra sa supérieure.

Hermione devait l'aider avant qu'il n'implose, l'atmosphère était maintenant électrique, elle pouvait sentir sa magie se dissiper pour emplir le bureau tout entier faisant frémir même les défunts encadrés. Il fallait le faire sortir d'ici, même si la Directrice insistait pour qu'il prenne place à son bureau, c'était d'ailleurs insensé... Ignorait-elle l'alerte des crépitements de sa magie ?

La lèvre inférieure cisaillée par son agitation intérieure, Hermione cogita à toute vitesse, lorsqu'elle s'exclama :

- Je préfère lui en parler seul à seul, de plus je ne pense pas avoir les idées assez claires pour exposer ce que j'ai découvert, là maintenant. Donc, si vous nous le permettez nous allons regagner nos appartements.

Hermione croisa le regard intrigué de Severus, et s'empourpra tout en visualisant le miroitement timide d'un remerciement dans ses sombres pupilles, alors que sa magie s'apaisait, rendant l'air bien plus légère et respirable. Ho, la colère concernant sa sortie nocturne en catimini n'était pas oublié, mais quelque chose lui murmurait qu'il saurait passer outre. Elle l'observa ensuite se recomposer une allure certaine, presque fier, il croisa ses bras dans son dos bombant ainsi un peu plus son torse, puis la quitta des yeux pour jeter un regard en coin à sa supérieure en attendant sa réponse.

- Eh bien, puisque je ne peux me permettre d'aborder le sujet sans vous, je suppose que vous pouvez disposer. Capitula Minerva

Hermione ne perdit pas une seconde, rassembla rapidement ses notes avant de rejoindre Severus déjà lancé, puis emboîta ses pas. Sur le pas de la porte en revanche, elle se retourna afin de saluer l'ancien Directeur et sa remplaçante, mais fut interrompue par cette dernière qui l'interpella.

- Miss Granger, soyez sûr que vous voir ainsi me réconforte, je serais donc ravie de vous avoir de nouveau à nos côtés dans la grande salle lors des repas.

- Je tenterais de me faire présente plus souvent, promis.

- Parfait, une dernière chose s'il vous plaît. Hésita-t-elle. Prenez soin de lui...

Hermione opina pour toute réponse et les quitta en esquissant un sourire en réponse à ceux que lui adressaient les deux Directeurs, mais l'effaça une fois la porte close en rejoignant celui qui débuta brusquement la descente des marches.

Marcher à ses côtés n'était plus aussi difficile qu'avant, elle pouvait même dire qu'ils étaient plutôt synchronisés dorénavant, si bien que leur cape fusionnait en une seule et même envolée derrière eux. Leurs mains, elles, se balançaient à contre-sens l'une de l'autre, les faisant par moments se rencontrer dans de subtils frôlements, bien plus fréquentes ces derniers jours à bien y repenser.

Son rétablissement lui, y était évidemment pour beaucoup dans cette allure soutenue, elle n'avait plus ces crampes induites par ses carences et n'était plus précocement essoufflé, seulement elle n'avait pas non plus loupé la cadence moins intense que Severus s'imposait lorsqu'il déambulait avec elle. Ce n'était pas grand-chose, mais elle se souvint avec amusement la première fois qu'il avait tenté de s'adapter à ses pas, il avait comme piétiné sur un mètre s'emmêlant presque les jambes afin qu'elle puisse le rattraper, ce qui lui avait valu presque un fou rire si les nausées de son sevrage ne l'avaient pas rattrapé au même instant.

Cette page de sa vie était tournée, elle en avait définitivement fini avec cette sale période... Et elle lui en serait à jamais reconnaissante pour toute l'aide qu'il lui avait octroyée, sans lui, sa patience, sa prévenance, elle n'aurait jamais pu mettre cette parenthèse au passé. Timidement, elle osa un regard vers lui alors qu'ils s'engageaient dans un nouveau couloir, il semblait encore tendu de ce qui venait de se passer dans le bureau Directorial, et ne su pas vraiment comment l'aborder pour détendre l'instant, alors, elle continua simplement la marche, tentant a des moments de le cajoler d'une caresse accidentelle de la main.

Au détour d'un énième couloir, Hermione s'interrogea sur l'itinéraire qu'ils empruntaient, l'endroit d'une fraîcheur inhabituelle ne menait absolument pas où ils avaient pour habitude d'aller, et ce cadre accroché là, représentant une forêt enchantée malmenée par une tempête hivernale lui était étrangement familier, un peu comme une impression de déjà-vu. C'est dans l'angle d'un croisement plus loin qu'Hermione reconnu, sans aucun doute possible, la statue en pierre d'un sanglier perché sur un piédestal taillé dans le marbre, ce qui valida sa théorie sur le fait qu'ils étaient déjà passée par là. Elle se sentit tout d'un coup, idiote, elle le suivait à l'aveugle sans même s'acquitter de savoir où il avait prévu de l'emmener... Et pour ce qu'elle en jugeait, il semblait lui-même perdu, c'est alors qu'elle osa rompre le silence :

- J'ai l'impression que nous tournons en rond.

- Votre perspicacité Miss Granger est en berne, il vous aura fallu trois tours avant de vous en apercevoir. Répliqua-t-il sarcastiquement tout en continuant à marcher sans but précis.

Hermione s'arrêta net et fulmina sur place, elle en avait plus qu'assez de jongler avec lui alors qu'il soufflait le chaud et le froid. Cet homme était un véritable casse-tête et là maintenant exténuée comme elle l'était, elle misait peu sur sa patience. Ils étaient, elle ne sait où, fatigués à s'en écrouler sur le sol aussi bien l'un que l'autre, et pourtant, il l'avait mené dans cet endroit probablement interdit d'accès aux pensionnaires au vu de l'ambiance lugubre qui y régnait.

Quelques pas plus loin, Severus s'arrêta à son tour, se retourna en une fraction de seconde et la fixa d'un air suffisant un sourcil arqué. C'était assez incroyable de ressentir cette chose-là nichée en elle alors qu'il osait ce regard sur elle, il l'agaçait tout autant qu'il l'attirait, cette envie de l'étriper alors que la traînée de son souffle chaud apposé par ses lèvres cette nuit, la marquait encore en cet instant, elle en devenait folle, ce qui suffit à achever totalement son calme...

La fraîcheur des lieux ne calma pas la fièvre fulgurante de colère qui l'embrasa de part en part. Il lui en voulait d'être parti sans l'avertir, BIEN, il était en conflit avec Albus Dumbledore, soit, mais il n'était pas le seul à être las de tout ce qui passait, et entre hier soir à vider son sac, cette nuit à presque implorer son toucher et la suite, qui est à ne rien y comprendre, Hermione aussi avait le droit de capituler. Une multitude de questionnement se mirent à l'envahir, si intensément, que submergée par l'incompréhension et excédée, elle lâcha sans réfléchir :

- Pourquoi ?

- Parce que. Répondit-il bêtement

- Mais ! Ce n'est pas une réponse, ça ! S'indigna-t-elle.

- Du même niveau que votre question. Il venait de répondre tout en la snobant, chassant une poussière invisible et persistante sur sa poitrine.

L'échange était lunaire, Hermione n'en croyait pas ses oreilles, étaient-ils vraiment en train d'échanger un dialogue sans queue ni tête ? Oui, vraisemblablement, elle en était outrée, si bien qu'alors que ses lèvres formaient un O parfait, ses sourcils, eux, se rejoignaient en leurs bases dessinant exactement l'indignation qui l'habitait.

- Mais quel âge avez-vous enfin ...

- Justement Miss Granger, l'âge que j'ai, ces vingt ans qui nous séparent devrait vous faire ouvrir les yeux sur ce qu'il ne devrait pas se passer, mais que vous laissez tranquillement, s'installer.

- Mais de quoi parlez-vous ? Vraiment Severus, je ne vous suis plus, si on suppose que j'y suis déjà arrivé, ce qui serait un exploit, vous en conviendrez.

- Vraiment très drôle Hermione, permettez, que j'use votre petit nom puisque vous ne vous gênez pas pour employer le mien.

- Alors ça, c'est la meilleure. L'arrêta-t-elle tout en riant exagérément. Employez nos titres alors que nous partageons ce que nous partageons me parait tout bonnement, ridicule ? Je vous rappelle que vous avez tenté de m'embrasser, mais allez-y niez, faites l'aveugle si cela vous permet de rester... Comment avez-vous dit ça déjà ? Hermione feinta la réflexion tout en se grattant le menton. Ha oui ! Di-sci-pli-né. Articula-t-elle exagérément, avant de souffler juste pour elle, mais suffisamment fort pour qu'il entende. Ridicule... Vraiment ridicule, surtout qu'il nous est déjà arrivé de nous appeler ainsi sans en faire une montagne... à croire qu'il vous faut être à bout pour balayer votre réserve envers moi.

- Comme quoi, vous n'ignorez pas le sujet que j'aborde ! Et cessez de marmonner des insinuations illusoires, vous vous m'éprenez. Maintenant, allez-y, dites, qu'est-ce que nous partageons qui puisse justifier l'usage de nos prénoms ? Continua-t-il tout en croisant les bras dans l'attente d'une réponse convenable.

Hermione céda à la fatigue pesante qui la cloua littéralement sur place, il lui demandait trop de réflexion alors que physiquement, et mentalement, là maintenant, elle n'en était plus capable. Les doigts appuyés sur les tempes, le couloir se mit à tourbillonner alors que plus bas, les rires des enfants commençaient à résonner. La matinée arrivait à son terme, et ils étaient là dans cet endroit désert, froid et sinistre à perdre leur temps dans un échange évasif... Comme si, ne pas poser les mots sur ce qu'ils partageaient ne le rendait pas réel... Peut-être d'ailleurs, ne valait-il mieux pas, car après tout, tout cet absurde échange, ce revirement, cette accusation l'amena à penser que peut-être, il regrettait.

Il fallait qu'elle détermine ce qu'ils étaient, avant le point de non-retour, il fallait démêler ces non-dits, ses silences longs et pesants qui ne faisaient que les perdre dans ce qu'ils vivaient. Puis elle réalisa... Cette colère, cette haine qu'il semblait voué n'était due qu'à une chose... L'incompréhension. Il était perdu tout comme elle face à ce qu'ils ressentaient, ce n'était pas désagréable, mais nouveau, peut-être même défendu au vu de leur passé commun...

Severus n'était pas le seul casse-tête, toute cette folle histoire l'était... Si complexe, si tortueuse que même la coucher sur papier ne la rendrait pas plus compréhensible à moins d'être aussi cinglé qu'ils l'étaient...

Alors que sa poitrine se mit à battre l'angoisse de croire qu'il pourrait la quitter et l'abandonner, ici même dans ce couloir, il lui vint une idée, c'était simple, bien que moins joli que le début entamé cette nuit. Tout en essayant d'apaiser la cacophonie dans sa poitrine, Hermione n'alla finalement pas plus loin qu'à le considérer son ami. Une amitié de consolation à défaut de ce qu'elle avait espéré pouvoir croire, mais bien mieux qu'une fin à ce qu'ils étaient quoiqu'ils fussent vraiment. Fallait-il encore qu'il accepte cet accord illusoire, elle n'était pas douée pour ces choses-là, ne savait même pas comment cela se demandait... Si cela se demandait, après tout, ses amitiés à elle, ne s'étaient faites que par accident, un stupide troll dans des toilettes par exemple. Alors, prenant son courage à deux mains, timidement, elle osa :

- Notre amitié le justifie... Enfin... Si vous pensez que c'est ce qui nous définit le mieux.

La confusion lui déforma de nouveau les traits déjà bien assez malmenés ces dernières heures, alors que Severus l'entendit lui proposer une amitié. Croyait-elle vraiment en cette espèce d'accord stupide ? Il insista son regard, la scrutant sans pudeur et tant pis s'il la mettait mal à l'aise, il voulait savoir si...

Non... Bien sûr que non, elle-même n'y croyait pas. Il le devinait dans le livre ouvert qu'elle était. L'ivresse résiduelle de leur échange de cette nuit flottait encore dans ses pensées comme elle le faisait dans les siennes. La déception qu'ils ne puissent s'accorder seulement cette amitié illusoire suintait même hors d'elle, alors qu'il capta le miroitement de ses noisettes au bord des larmes, et pourtant, il devait reconnaître que cette proposition insensée qu'elle venait prononcer, si candidement était ce qu'il y avait de plus prudent. Cette amitié, proposée, comme un contrat, instaurerait d'elle-même des limites. Les instants comme cette nuit aussi agréable, furent-ils ne pourront plus se reproduire, car comme elle venait de le dire... Ils étaient des amis...

- Je pense effectivement que c'est ce qui nous définit le mieux Hermione. S'accorda-t-il finalement...


Dans la pénombre enveloppante, Hermione, fraîchement réveillée de sa longue et bienfaitrice, sieste, re métamorphosa, la couchette en sofa dans le salon ou elle vivait depuis un long moment maintenant. Nul doute qu'à ce rythme-là, la totalité des habitants de ce château la rebaptise, elle aussi « La chauve-souris des Cachots », ce qui ne serait qu'un nouveau point commun à ajouter à la liste de ceux qu'elle avait déjà avec son nouvel ami...

D'ailleurs, en parlant de ce dernier, celui-ci, allait sûrement plus tarder.

Alors qu'elle se préparait à éplucher de nouveaux les notes qu'elle avait accumulées un peu plus tôt dans la journée en examinant les innombrables grimoires que les deux Directeurs lui avaient permis de consulter, elle alluma un feu dans la cheminée d'un coup de baguette, afin de réchauffer la pièce devenue bien trop fraîche pour que ce soit agréable même en ce début d'été, puis les chandeliers muraux afin d'y voir plus clair. Tout en s'installant à même le sol au milieu du capharnaüm qu'étaient ses piles de notes, elle posa sa baguette sur la petite pile de parchemin à sa droite comme s'il s'agissait d'un vulgaire presse papier, puis fit le vide dans sa tête pour remettre de l'ordre dans les éléments collectés.

Son objectif était maintenant, qu'elle réussisse à écrire un récapitulatif clair et concis afin d'expliquer sans accroc à Severus ce qu'elle avait découvert dans un premier temps cette nuit, puis tôt ce matin dans le bureau de ses supérieurs.

À bien y réfléchir, il était assez incroyable de croire, en voyant ces pages pleines d'annotations, que Severus n'en sache pas plus sur ce que signifie leur don des ailes. Il avait tout de même occupé le bureau où se trouvent toutes ces données, sans parler du fait qu'il soit presque improbable qu'il ne soit pas tombé sur le troupeau de Sombrals ou la nuée de corbeaux, après tout, toute la forêt interdite était la réserve naturelle d'où provenait la moitié des ingrédients qu'il récoltait.

... La nuit s'annonçait une nouvelle fois longue...

Hermione venait de terminer d'annoter le condensé des données sur un seul et même parchemin lorsque la porte s'ouvrit enfin. Elle s'apprêta à se lever pour lui faire part de ses recherches lorsque Severus tout juste rentré, l'arrêta dans sa lancée d'un vulgaire stop de la main :

- Tout ce que je souhaite maintenant, c'est rejoindre ma chambre, mon lit et trouver le sommeil. Merci d'avance, bonne soirée Hermione. Énuméra-t-il de but en blanc avant de se diriger vers son objectif.

Hermione, elle, ne l'entendit pas de cette oreille, le sujet était bien trop important pour ne pas l'aborder dès maintenant, alors ignorant la lassitude dont venait faire preuve Severus, elle tenta le tout pour le tout juste avant qu'il ne referme la porte de sa chambre :

- Mais ... Attendez, j'ai découvert ce que signifie réellement notre don et...

- Vous êtes une Banshie, et d'une certaine façon, je le suis aussi. Brusquée par notre volonté de le rejoindre, la mort nous a réprouvés, avec en cadeau, ce don des ailes. Ne me regardez pas ainsi, entre les reliques de la mort offertes aux Peverell et les ailes, moi aussi, j'ai fini par croire qu'il était le père Noël. Quoiqu'il en soit, notre rôle est de veiller sur ceux que notre cœur choisit dans la vie pour finalement, lorsqu'ils passent le voile, leur servir de guide pour une rencontre avec la mort. Charmant, non ? Passons les détails de toutes les croyances et les histoires existantes de notre folklore, résumons-nous vulgairement et simplement en lieutenant de la Mort. Sur ce, bonne nuit. Largua-t-il sans pause, avant de claquer la porte de sa chambre sans même attendre quoi que ce soit.

Hermione resta plantée là, sidérée devant sa porte qu'elle n'avait jamais franchie et qui venait de se fermer. Elle avait collecté tous les éléments... Certes, mais une chose lui avait échappé, il y avait tellement de termes, de si nombreuses histoires, de croyances, de dénomination qu'elle ne s'était qualifié, encore, en rien.

Mais lui savait et venait de le lui révéler dans sa précipitation.

- Je suis une Banshie... Souffla-t-elle pour y croire

... À suivre

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* Dans cette histoire je ne développerais pas son sauvetage après la morsure de Nagini. Je vous laisse l'imaginer. Dans mes idées, si j'avais eu le courage de développer, j'aurais laissé Minerva être celle qui lui apporte suffisamment d'aide pour qu'il s'en sorte.