Enveloppé dans sa cape la plus noire doublée de satin vert, Draco rasait les murs, se dirigeant vers la tour d'astronomie en prenant bien garde à ne croiser personne.
Bien sûr il était préfet et pouvait pour cette raison se balader la nuit dans les couloirs de l'école en parfait légalité.
Mais le lieu où il se rendait, ainsi que la raison en était déjà moins légale.
Dans une certaine tour d'astronomie d'une certaine école de sorcellerie se tenait en effet chaque soir après le couvre-feu une certaine vente privée où l'on pouvait trouver certaines marchandises pour le moins…rarissimes.
Parvenu en bas de l'interminable escalier, Draco sourit dans l'ombre et monta les marches deux par deux, visiblement impatient d'arriver en haut.
Lorsqu'il vit les étoiles scintiller par dessus les créneaux, il se permit de souffler.
Il était arrivé avant les autres, parfait, l'effet de surprise n'en serait que plus fort.
Draco retira donc le capuchon qui lui avait masqué le visage, faisant scintiller ses blonds cheveux au clair de Lune, s'appuya contre le muret, parfaitement détendu, attendant les « autres ».
Pansy aurait dit qu'il se posait en maître sur la scène. Et là était son but.
Une conversation étouffée lui parvenait du fond de l'escalier.
Parfait, ils arrivent enfin, pensa le serpentard.
D'un seul coup apparut à la lumière des étoiles un jeune garçon, serrant contre lui une épaisse pochette noire, et se disputant avec un ou plusieurs autres élèves derrière lui.
Colin Crivey défendait chèrement ses photos, que certains étaient prêts à lui arracher des mains si il ne commençait pas la vente tout de suite maintenant.
Depuis quelques jours une étrange rumeur circulait. Ainsi que d'étranges photographies.
Le photographe attitré de la troupe, discret garçon capable de se glisser partout puis de s'y faire oublier, était prêt pour quelques gallions à vendre au plus offrant des photos inédites des deux « stars » de Poudlard.
Tout à son marchandage de l'escalier, par lequel venait d'apparaître Sheala, une 2ème année de Poufsouffle, Ginny Weasley, deux 1ère année de serpentard (qui sans le savoir, par leur discussion dans la salle commune, avait permis à Draco de se trouver ici) et un garçon de 5ème année du nom de Elwood Robart ou Rodart (Draco ne savait plus trop) personne n'avait encore remarqué le Serpentard tapi dans l'ombre.
Un discret toussotement digne de Ombrage dans ses meilleurs jours, les fit se retourner d'un bloc et paniqué vers Draco.
Qui leur sourit alors de toutes ses dents.
Très mauvais signes, car lorsqu'un Malfoy dévoilait les crocs, c'était pour mordre.
« Colin ! Je t'attendais justement, je crois que nous avons à discuter, commença le vert et argent, sans même regarder les autres.
Il était clair que le Serpentard ne faisait que peu de cas du leur. Alors, avec prudence, sans le quitter des yeux, ils firent demi-tour et redescendirent les marches.
Sauf Colin, tétanisé, qui se demandait bien quelle foudre allait lui tomber dessus.
- J'ai entendu dire que tu avais de très belles photos à ta disposition et que tu souhaitais t'en débarrasser, dit Draco avec un air dégagé qui contrastait beaucoup avec la petite lueur de convoitise qui avait brillé au fond de ses yeux.
- C'est pas ce que tu crois Draco ! Je peux tout t'expliquer !
- Oh mais je comprends très bien ! Tu n'es qu'un sale ce-que-tu-sais ! Et tu te fais de l'argent facile sur notre dos, à Harry et à moi. Tu pensais réellement t'en tirer sans dommages ? Que crois-tu que ferais Dumbledore si il venait à l'apprendre, termina Draco avec une voix légère.
Il venait de l'achever. Bien sûr, Malfoy regrettait de ne pas avoir pu pimenter sa démonstration de force par quelques termes injurieux soigneusement choisis, mais entre la maison du Lion et celle du Serpent, la seule insulte qui ne portait pas à conséquence était celle qui n'était pas formulée.
Mais la terreur qui brillait au fond des yeux de l'impudent rassura Draco, lui faisant comprendre que c'était gagné d'avance.
- Ou bien pire, imagines-tu la réaction de Harry si il venait à découvrir ce que tu trafiques ?
Colin frémit et poussa un petit cri à fendre le cœur. Si on en a un bien sûr, ce dont Draco se pensait dépourvu.
- Qu'est-ce que tu veux Malfoy !Je suis désolé, ça te va ? Je vais brûler celles-là et je ne recommencerais plus ! répondit au bord de larmes le petit Colin.
- Les brûler ! Tu es fou en plus d'être…Le serpentard reprit son calme. J'ai une bien meilleure idée. Je te les confisque, voilà, en tant que préfet, je te confisque toutes ces photos et celles à venir, comme preuve à conviction.
Le gryffondor resta bouche bée et ne réagi même pas lorsque, d'un pas impérieux, Draco lui arracha sa pochette des mains. Il en sortit toutes les photos l'intéressant, puis la jeta aux pieds de Colin.
- Et n'oublie pas ! J'ai dit toutes celles à venir aussi ! Je le saurais si tu te remets à les vendre !
Puis dans un virevoltement de cape, qui n'était pas sans rappeler celui des robes d'un autre serpentard, Draco se fondit dans le noir, ses cheveux reflétant une dernière fois l'astre lunaire avant de disparaître, chargé de son précieux butin.
Harry s'ennuyait. Hermione lui avait rabâché toute la soirée qu'il ferait mieux de terminer ses devoirs, et était finalement monté se coucher très énervée contre son ami. Ron, restant à l'écart, semblait nostalgique et personne n'osait le sortir de cette rêverie qui semblait si douce au gryffondor.
Peu à peu, lentement, la salle commune se vidait, tandis que Harry, après un dernier soupir, se décidait à commencer le terriblement long devoir de potion, matière qu'il avait pu, au grand désespoir de son professeur, pu continuer sans problèmes au vu de ses notes de BUSE.
Pendant que le Héros planchait sur l'utilisation de poudre de perlinpinpin comme inhibiteur d'ébullition pour les potions du second degré, Ron se leva, et monta se coucher, toujours penseur, ne remarquant même pas le sourire et le « Bonne nuit » que lui avait lancé son ami en le voyant partir.
« Il va falloir qu'on discute sérieusement lui et moi. Ça fait quelques jours qu'il est dans cet état, et ça ne s'améliore pas, pensa Harry en se voyant superbement ignoré.
Puis il se replongea dans son devoir.
Tant et si bien qu'il s'endormit.
Et fut réveillé par un étrange enchaînement de clic-clic-clic. Le Vainqueur ouvrit un œil, puis l'autre, et comprit que ce n'était que Colin Crivey.
L'appareil photo entre les mains, il prenait autant de clichés qu'il le pouvait du Puissant.
Avec lui aussi je vais devoir discuter. Qu'il comprenne que l'époque des paparazzi, c'est fini.
« Colin, qu'est-ce que tu fais ? T'étais où ? Mais quelle heure il est, au fait ? dit Harry en étirant ses bras endoloris.
Colin se raidit légèrement avant de bafouiller ce que Harry jugea incompréhensible.
- Tu peux répéter, s'il-te-plaît Colin ? Je ne parle pas encore l'être aquatique, désolé, le reprit Harry avec humour.
- J'étais…dehors. J'avais besoin de euh…j'avais un rendez-vous avec …répondit le jeune gryffondor mal à l'aise.
- Toutes mes félicitations Colin ! Mais l'appareil photo était obligatoire ?
Visiblement le Triomphant était de bonne humeur.
- Non, mais, c'est-à-dire que…il se fait tard, je crois que je vais aller me coucher, se coupa lui-même Colin, en se rendant bien compte qu'il n'était pas du tout crédible. Bonne nuit Harry !
Il s'élança donc précipitamment dans les escaliers, et finit par disparaître de la vue du brun intrigué.
Harry soupira en voyant qu'il n'avait absolument pas avancé dans ses devoirs, puisqu'il s'était endormi. Mais loin des yeux du monde, d'un seul coup, Harry ne se sentait pas le courage de continuer. Autant aller se coucher.
Il rassembla son amas de parchemins, et ses yeux se posèrent sur une pochette noire oubliée sur la table.
Un Potter étant de tout temps curieux, Harry ne put résister et s'en saisit.
Il l'ouvrit. Mais du mauvais côté, toutes les photos se répandant en déluge sur le sol.
Après un grommellement pour la forme, Harry se pencha pour les ramasser.
Et s'arrêta de respirer.
Sous ses yeux, il y avait Malfoy souriant, Malfoy en plein éclat de rire, Malfoy se chamaillant joyeusement avec…lui (même si sur ce cliché-là il était dans sa robe de poupée).
Qu'est-ce que… ? Depuis quand… ? Harry était abasourdi. Non, émerveillé plutôt.
Comme tout le monde il avait été « obligé » de se montrer plus amical avec les serpentards, mais au fond, ça ne l'avait pas tellement dérangé. Et là…
Là il était à genoux par terre, il était minuit passé, bien passé même, et il regardait des photos de son…ex-pire ennemi. Et il le trouvait magnifique.
Le Draco des photos n'était pas le même que le Draco de ces six dernières années. Il était vivant, il semblait presque joyeux, il était divin et…
Harry rougit de sa dernière pensée.
« La fatigue sûrement, pensa-t-il. Je ferais mieux de me coucher avant de rêver d'un Draco en bas-résille…Quoiii ! »
Et Harry, plus rouge encore sous cette dernière pensée sortie d'il ne savait où, ramassa la dizaine de photo qu'il glissa en vrac entre ses parchemins, laissant une pochette noire définitivement vide sur le sol.
