Peter déglutit. Il préféra se taire, il sentait la rage froide qui émanait de Sirius et ça lui donnait envie de se tenir le plus loin possible de lui, de s'écraser pour ne pas se faire remarquer... Son instinct de rat sans doute. Ils traversèrent rapidement le château, il était obligé de trottiner derrière Sirius qui fonçait devant lui, les poings crispés et l'air menaçant. Il jeta le mot de passe au portrait et Peter prit le temps de refermer celui-ci doucement pour prendre de la distance…
Sirius parcourut rapidement la salle commune des yeux et repéra Macfallan. Sans daigner répondre à James qui venait de lui demander comment ça s'était passé depuis sa table, Sirius fonça vers Macfallan. Le troisième année se grattait la tête d'un air ennuyé, concentré sur un parchemin. Il eût à peine le temps de relever les yeux de son devoir. Sirius l'attrapa par le col et le plaqua contre le mur agressivement.
— Tu m'as envoyé dans un piège sale traître ! Cria t-il.
Macfallan le dévisagea d'un air totalement perdu.
— De… De quoi tu parles ? Balbutia t-il.
— Black... feula Lily en bondissant de sa chaise.
— Laisse l'interrompit James en plaçant sa main devant elle pour l'empêcher de se rapprocher de Sirius.
Il essuya son regard courroucé sans broncher.
— ILS NOUS ATTENDAIENT ! Hurla Sirius hors de lui.
— Je… Je savais pas je te jure ! Se défendit le troisième année, c'est... C'est mon petit frère qui m'a dit…
Il déglutit difficilement et Sirius lâcha le col de sa chemise, cessant de l'étrangler.
— Qu'est-ce qu'il t'a dis exactement ? Demanda t-il d'une voix sourde.
— Il m'a dit que certains cinquième année de Serpentard… Qu'ils étaient dangereux et qu'ils faisaient des trucs louches dans les cachots… Il a dit peut-être de la magie noire… Il m'a demandé si je pouvais en parler à des grands de chez moi… De chez Gryffondor. J'ai…
Il regarda alternativement James et Sirius.
— J'ai pensé que… Les Maraudeurs pourraient m'aider… Vu que… Enfin quand cette fille de chez nous s'est faite attaquer l'autre jour… Vous l'avez défendu.
Il lança un regard inquiet à Sirius.
— Je te jure que je savais pas que c'était un piège.
— On te croit affirma James en posant sa main sur l'épaule du garçon d'un air rassurant.
Sirius se prit la tête dans les mains, se tirant les cheveux et fermant les yeux pour maîtriser sa colère, il respirait bruyamment. Tous les Gryffondors présents le couvaient d'un regard un peu inquiet comme s'ils craignaient qu'il explose. Lily recula lentement et retourna s'asseoir à sa place tandis que Macfallan titubait jusqu'à sa table et se laissait tomber sur sa chaise, légèrement tremblant. Un silence tendu tomba sur la salle commune, Peter rejoint fébrilement James et lui chuchota à l'oreille « Servilus nous a piégé, on a perdu la carte ».
Un éclat de compréhension traversa le regard de James, la carte c'était principalement le bébé de Sirius, c'est lui qui en avait eu l'idée à la base. Ils avaient principalement fait la carte pour Rémus, pour pouvoir être avec lui et lui prouver qu'il était l'un d'eux qu'importe sa maladie… Peter avait permis de cartographier même les zones interdites… Lui il avait trouvé le sort de dissimulation sorcière grâce à Evans… Pour Sirius cette carte c'était sans doute comme le pacte secret de leur amitié à tous les quatre. James sourit. Il savait ce qui remettrait son frère d'aplomb, il bondit vers les dortoirs et revint avec leur balais.
— Viens Patmol, on va voler pour se changer les idées dit-il en l'entraînant hors de la salle commune.
Severus écrasa du plat de la lame une nouvelle fève puis il la pressa au dessus du chaudron d'un air concentré. Il vérifia la couleur et sourit, il venait encore de trouver un nouveau raccourci sur cette recette, il savoura le délice d'avoir encore vu juste en rayant le « Ajouter sept poignées de fèves sopophoriques ». Il griffonna « écraser et presser trois fèves » juste au dessus de la râture.
— Tu fais encore cette potion ? S'étonna Lily en se laissant tomber sur une chaise près de sa table de travail. Elle avait finalement décidé d'abandonner le bord de la fenêtre sur lequel elle avait passé l'heure précédente à étudier le cours de DCFM.
Il haussa les épaules.
— Ouais j'aime bien travailler sur cette recette…
— On dirait bien, c'est le troisième chaudron que je te vois faire depuis la semaine dernière ! T'en fais quoi après ?
Severus releva calmement les yeux de son livre et réfléchit une seconde supplémentaire, elle avait ce petit pli entre les yeux comme chaque fois qu'elle avait des doutes sur la moralité de sa conduite… Puisque le soupçon était là, valait mieux ne pas feindre l'innocence, il pinça les lèvres.
— Je… Je m'en mets quelques fioles de côté.
Lily lui lança un regard inquiet et posa le parchemin qu'elle avait étudié pour se focaliser entièrement sur la conversation.
— Sev… Me dis pas que tu te dopes au philtre d'euphorie maintenant ?
— Non ! Non pas vraiment… Juste quand j'ai vraiment un coup de déprime bah je… Des fois après les coups foireux de Potter et sa bande par exemple… Ça m'aide. Pour tenir le choc et pas trop… Déprimer tu vois ?
Un éclat de culpabilité affectueuse glissa dans les prunelles vertes, comme prévu. Tant mieux, il valait mieux qu'elle ne tourne pas autours de ce sujet-là...
— T'étais où ce matin en fait ? Demanda t-il d'un ton léger.
Lily sembla soulagé de changer de sujet.
— Je travaillais avec Rémus sur le devoir de sortilège, celui qui est pour jeudi tu sais ? J'ai du mal avec la deuxième partie alors…
— Alors au lieu de me demander de l'aide alors que tu sais que j'ai fais des progrès et que j'ai fini ce devoir ce week-end, tu demandes à Lupin ? s'agaça t-il.
Lily écarquilla les yeux d'une surprise perplexe.
— Euh ouais, justement parce que tu l'as fini et qu'on aurait pas pu travailler à deux dessus… Elle observa sa mine renfrognée en silence, fronçant les sourcils. « C'est quoi le problème ? »
— C'est Lupin le problème. Il a beau être trop lâche pour s'en prendre aux autres, ça ne l'empêche pas d'aduler Potter et de le suivre dans toutes ses…
— Rémus n'adule pas Potter, Sev. Ils sont amis et des fois c'est dur de gérer certains… Comportements que nos amis peuvent avoir... Ou certaines choses qu'ils peuvent dire. Mais il n'a rien à voir avec Potter.
Severus ricana amèrement.
— Je te jure qu'il n'est pas comme eux Sev insista Lily.
— Il est bizarre, lâche et y a quelque chose qui tourne pas rond avec sa maladie. Les « poussées » sont étrangement régulières comme si…
— Arrête Sev gronda t-elle en se redressant, cette maladie lui pourrie suffisamment la vie. Je te laisserai pas l'utiliser pour dire du mal de lui en plus, ce qu'il subit n'a rien à voir avec ce qu'il est. C'est quelqu'un de bien.
Severus se figea devant sa hargne véhémente, oubliant son analyse et ses hypothèses sur le Gryffondor. D'habitude elle n'agissait comme ça que pour lui. Pour le défendre envers et contre tous. Contre Potter le plus souvent d'ailleurs. Là par contre, c'était lui qu'elle fusillait de ses yeux verts tranchants comme s'il était l'agresseur… Son coeur se contracta. Il baissa les yeux pour encaisser la douleur de ce nouvel abandon et inspira discrètement, occludant si profondément que chaque sensation émotionnelle se voila d'indifférence. Il s'imprégna de l'odeur d'herbes sèches et du bouillonnement mélodieux de son philtre d'euphorie puis il reposa calmement les yeux sur elle.
— Comme tu veux lâcha t-il d'un air désinteressé.
Elle fronça les sourcils en l'étudiant d'un air curieux quelques secondes puis chacun d'eux se repencha sur sa lecture en silence.
Adossé au mur gris près de la fenêtre du premier étage, Severus observait gravement Pomfresh escorter Lupin merlin-seul-savait-où. Il n'arrivait pas à croire que Lily le défende comme ça, il était sûr que la clé du renvoi des Maraudeurs résidait dans la maladie de Lupin. Le peu d'hypothèses qui lui restaient sur la maladie du Gryffondor lui paraissaient invraisemblables... Mais pourquoi l'infirmière ne le gardait-elle jamais pour la nuit ? Les poussées régulières de la maladie semblaient coïncider avec les phases…
— Encore à mettre ton gros nez là où il faut pas, le graisseux ?
Severus arracha son regard de la fenêtre et se tourna vers le couloir. Sirius le contemplaît d'un regard haineux dégoûté, les bras croisés et un pied posé contre le mur d'un air arrogant.
— Quelque chose me dit que la soi-disant maladie de Lupin a un lien avec vos petites sorties nocturnes Black répondit t-il calmement, Dumbledore le sait ?
Black sourit.
— Bien sûr qu'il sait répondit-il, il sait tout. C'est lui qui a tout organisé.
— J'en doute.
Un éclat dangereux traversa le regard glacé.
— Il sait tout je te dis cracha haineusement le Sang-pur, comment je saurai qu'il suffit d'appuyer sur le nœud de la racine du saule cogneur pour rejoindre Rémus si c'était pas Dumbledore qui me l'avait dis hein ? Tu crois que Rémus me l'aurait dis si ça devait rester secret ? Il désobéit jamais. C'est son pire défaut d'ailleurs…
Severus plissa les yeux d'un air méfiant et calculateur.
— Ta vie doit vraiment être aussi pourrie qu'elle en a l'air pour que tu joues les commères comme une vieille cracmole ajouta Black avec un regard de pitié dégoûté.
Severus déglutit silencieusement en regardant le stupide Gryffondor tourner les talons. Cet abruti ne s'était même pas rendu compte qu'il lui avait livré des infos secrètes... Une bouffée d'allégresse pétilla dans ses veines, ce soir il allait enfin savoir ce que cachaient ces foutus Maraudeurs. S'il se débrouillait bien les quatre seraient renvoyés d'ici quelques jours...
L'odeur fraîche de la nuit lui chatouillait les narines alors que Severus avançait dans le parc obscurci. Il avançait prudemment dans le noir. L'ombre du château n'était pas loin et depuis les fenêtres orangées qui constellaient la façade il serait trop visible s'il allumait un lumos. Heureusement la pleine lune jetait une lumière nacrée suffisante pour qu'il voit bien où il allait. Il rejoint le jeune saule cogneur assez vite. Le Serpentard repéra le nœud dont lui avait accidentellement parlé Black et chercha dans l'herbe fraîche un bâton suffisamment long pour appuyer dessus sans se faire assommer par l'arbre.
James soupira en détachant ses yeux de Lily. Quand Rémus était là il arrivait à s'asseoir à la même table qu'elle mais là, tout seul, c'était peine perdue. Il aurait pu utiliser Sirius s'il avait été là puisqu'il sortait avec Mary et que les filles étaient tout le temps fourrées toutes les quatre avec Marlène et Alice depuis quelques temps. Mais il ne savait pas où était son frère. Lily ne lui parlait toujours pas depuis le sort cuisant c'était vraiment pénible, comment Servilus faisait-il pour toujours tout gâcher ? Il avait un don de destruction infernale ce sale mage noir… Un éclat de rire semblable à un aboiement lui fit relever la tête de son brouilllon de devoir de divination plein de gribouillages.
Il sourit et rejoint rapidement Sirius, impatient d'entendre ce qu'il avait fait de si drôle.
— Hey Patmol t'étais passé où ?
Sirius essuya une larme d'hilarité du coin de son œil en refermant le portrait derrière lui.
— Oh tu devineras jamais Corn' s'esclaffa t-il, j'ai arnaqué Servilus bien comme il faut !
Un pincement de jubilation saisit James et il attira son frère près de la cheminée pour s'éloigner des filles qui papotaient un peu plus loin.
— Vas-y raconte s'impatienta t-il.
— Bah en fait je suis tombé sur lui par hasard, il mattait Rémus avec Pomfresh avec son air de Serpent sournois…
Le sourire de James se fâna lentement au fil des explications alors qu'il comprenait ce que Sirius avait fait, il sentit quelque chose de froid glisser dans son dos et un frisson de terreur dévala ses veines.
— Attends tu lui as dis comment rentrer ?!
— Ouais ricana t-il, ça va être la leçon de sa vie à cet abruti !
James plissa les yeux et empoigna Sirius.
— Et Rémus ?! Si Servilus y va on va être grillé ! Dumbledore saura ce qu'on a fait pour rejoindre Rémus, c'est illégal j'te rappelle, t'es au courant ? Et si… James se figea d'horreur. « Et s'il le tue ?! »
James repoussa son ami contre la cheminée et se jeta vers la sortie, il fallait absolument qu'il empêche ça, Servilus n'hésiterait pas une seconde à aller voir s'il pensait pouvoir trouver un moyen de les faire virer. Et s'il atteignait Lunard...
— CE SALE MAGE NOIR AURA CE QU'IL MÉRITE SI ÇA ARRIVE ! hurla haineusement Sirius derrière lui.
Il était interminable ce tunnel. Severus grimaça en continuant d'avancer, l'odeur terreuse lui donnait l'impression d'être dans une tombe et un frisson désagréable balayait régulièrement son corps depuis quelques minutes, quelque chose en lui se crispait. Il avait un très mauvais pressentiment. Un couinement retentit plus loin dans le tunnel puis le son d'un râclement qui ressemblait aux griffes d'un animal sur du bois. Severus se figea. La pleine lune, les cicatrices qui barraient le visage de Lupin et l'odeur de sang et de chien mouillé qui le frappèrent alors qu'il arrivait au niveau d'une trappe de planches fatiguées, tous ces éléments se combinèrent dans son esprit. Mais...
Non. Ça ne pouvait pas être ça. Les loups-garou étaient de sales bêtes dégénérées, personne n'aurait jamais laissé une de ces créatures venir à Poudlard. Dumbledore était un brin excentrique certes, mais pas à ce point-là tout de même, tout le monde savait à quel point il était obsédé par le bien-être de ses élèves… Des bruits de course lui parvinrent loin dans le tunnel derrière lui, quelqu'un était à ses trousses il fallait faire vite, il avait du se faire repérer. Severus soufla et lutta contre son mauvais préssentiment, sa curiosité était trop forte, il poussa la trappe et tendit son lumos dans l'ouverture pour voir à l'intérieur.
Des toiles d'arraignée, du mobilier poussiéreux et rongés, une chaise brisée, la cabane avait l'air misérable et complètement abandonné. Severus tourna la tête et son lumos se refléta dans deux points lumineux. Il sentit le sang quitter son visage et ses jambes devenir cotonneuses en apercevant la masse sombre hirsute. Sous les deux yeux luminescent, son lumos se répercuta dans le reflet tranchant de dents aiguisées et couvertes de sang d'un énorme loup difforme. L'animal le regardait fixement en humant l'air avec avidité, il grogna alors qu'un éclat affamé s'allumait dans ses yeux mordorés. Severus eut le temps d'apercevoir la patte sanguinolante de l'animal et de le voir se ramasser sur lui-même pour bondir, avant de se faire brusquement tirer en arrière. Une main jaillit devant lui et attrapa la trappe pour la refermer violemment alors que le grondement de la bête se transformait en hurlement. Un bruit sourd retentit contre la trappe tremblante comme si la bête s'était jeté dessus de tout son poids.
— Lève-toi Snape ! Hurla Potter en lui atrappant le bras.
Severus le dévisagea, complètement hébété. Qu'est-ce qu'il faisait là lui ? Le Gryffondor lança un regard paniqué à la trappe, le loup-garou râclait de toutes ses forces le bois craquant du vieux plancher en grognant. Potter tira sur le bras de son rival et le traîna avec lui dans le tunnel. Il marchait tellement vite que Severus peinait à le suivre, il avait l'impression que son cerveau avait dijoncté, il ne comprenait plus rien. Quand ils sortirent du tunnel, il lui semblait qu'une poignée de secondes à peine s'était écoulée. Severus s'écroula par terre dans l'herbe trempée dès qu'ils furent hors de portée du saule. Il respirait bruyamment, essouflé par la terreur et le pas de course de Potter.
— J'arrive pas à croire que t'ai été assez stupide pour suivre les idées débiles de Sirius ! cracha Potter en le toisant d'un air méprisant. Je vais chercher Dumbledore ajouta t-il froidement, attends moi là.
Severus tremblait, assit par terre, il regarda le Gryffondor s'éloigner d'un pas vif et revit dans sa tête l'expression de Sirius quand il lui avait dis le secret du saule cogneur, il avait souri. Il savait ce qu'était son ami pourtant. Un Monstre assoiffé de sang humain. Et il l'avait envoyé dans la gueule d'un loup-garou avec un grand sourire. C'était sans doute un plan qu'ils avaient élaboré tous les deux d'ailleurs, tous les trois pensa t-il en gardant les yeux rivés sur la silhouette de Potter qui disparaissait au loin. Severus sentit une larme glisser sur sa joue, ils étaient prêt à le tuer tant ils le haïssaient tous, comme s'il n'avait pas la moindre importance, comme s'il était moins qu'une vermine. Il essuya la larme d'un revers de main et occluda, remplaçant efficacement la détresse naissante en fureur vengeresse et en Haine.
