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« Soyez instinctif. Si vous ne pouvez pas être instinctif, soyez impulsif. »

Noel Coward

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Plus tard dans la soirée, Hermione était sur le point d'aller se coucher quand elle entendit de nouveau frapper à la porte. Elle enfila sa robe de chambre et se traîna jusqu'à la porte. Les coups se faisaient plus insistants.

« Qui est là ? » demanda t'elle, prudente.

« Votre dernière chance de trouver le bonheur, ou du moins des conversations intéressantes, » répondit avec morgue la voix sifflante qui lui était inopportunément redevenue familière.

Contre toute raison, Hermione fit entrer le Maître de Potions dans son appartement.

« Vous faites le bon choix, Miss Granger. Il ne sert à rien de lutter contre l'inévitable. Et vous devez vous être rendue compte désormais que j'ai menti tout à l'heure. »

« Alors vous admettez que vous n'êtes pas meilleur homme que Charlie Weasley ? »

« Je n'admettrai rien de la sorte. J'ai menti en disant que je ne reviendrai pas. »

« Asseyez-vous, Professeur. »

Snape s'assit sur le canapé, et ce fut au tour d'Hermione de choisir la chaise.

Le silence inconfortable se prolongea un moment, avant qu'elle ne lance, « J'ai eu le temps de réfléchir à votre précédente visite, et je n'ai pu en tirer qu'une seule conclusion. »

« C'est bien maigre. Je vous écoute. »

« Soit vous êtes absolument fou, soit quelqu'un a placé un Sortilège d'Enflure sur votre ego. »

« Alors vous vous êtes mal exprimée. Vous avez là deux conclusions, erronées toutes les deux. Si vous croyiez à la première, vous ne m'auriez pas laissé entrer. Si la seconde était vraie, je viserais plus haut. »

« Je vois, » se rebiffa Hermione, vexée.

« Vous ne voyez rien du tout, Miss Granger. Comme le reste de votre sexe, vous préférez un corps athlétique et un visage charmeur à un bel esprit. Malgré votre intelligence et votre soif d'apprendre, vous n'êtes pas différente des autres femmes. Vous n'avez pas de profondeur, aucune vision à long terme. Vous me faites pitié. »

« Vous faites erreur, Professeur. Une femme recherche la gentillesse et la sincérité, et rejette la rudesse et la ruse.»

« Dites-moi une chose : une fois votre béguin passé, qu'allez vous faire pour occuper vos journées ? Vous ferez des balades à dos de dragon au clair de lune, pour vous rendre à la bibliothèque la plus proche ? Bien sûr, votre époux préférera rester dehors pour s'occuper de votre moyen de transport, pendant que vous faites vos recherches sur des poisons indétectables. »

« Charlie est très intelligent. Il avait d'excellentes notes à Poudlard. »

« Etaient-elles aussi hautes que les vôtres, Miss Granger ? »

« Eh bien, non, » concéda t'elle, « mais vous le saviez déjà, alors pourquoi poser la question ? »

« Pour vous démontrer quelque chose. Quand l'attraction physique se calmera, vous vous ennuierez avec Weasley. Vous ne pourriez pas vous ennuyer avec moi. »

« Vous m'ennuyez en ce moment même. Pourquoi cet intérêt soudain ? Vous auriez pu me faire part de vos intentions depuis des années. Pourquoi aujourd'hui ? »

« J'ai horreur de prendre une décision à la hâte, mais votre mariage imminent me force à vous déclarer mes sentiments. »

« Vos sentiments ? Quels sentiments ? J'ai toujours cru que vous étiez un célibataire bienheureux. »

« Vous avez à moitié raison. Je vous laisse deviner quelle moitié. »

Snape crut voir l'ombre d'un sourire sur le visage d'Hermione.

« Et à quel moment, au juste, est-ce que vos… sentiments pour moi se sont développés ? Certainement pas pendant que j'étais votre élève ? »

Snape renifla avec mépris. « N'ayez pas si bonne opinion de vous même, Miss Granger. Je m'intéresse aux femmes, et pas aux écolières insipides qui rient bêtement. » Il la dévisagea intensément. « Vous êtes presque une femme maintenant. D'ici quelques années… »

« Quelques années ? J'ai vingt-cinq ans ! C'est largement suffisant pour être considérée comme une adulte ! »

« C'est peut-être le cas, mais seulement aux yeux d'une autre personne de votre âge. Notre différence d'âge m'inquiète un peu, mais rassurez-vous, je suis prêt à passer outre. »

« Vous êtes prêt à passer outre ? »

« Oui, » expliqua Snape. « Les femmes de mon âge ont plus d'expérience, et en conséquence meilleur goût. Mon seul choix est donc d'en trouver une qui soit encore au berceau. »

« Mais pourquoi moi ? »

« Pourrions-nous en discuter autour d'un thé ? »

« Il est tard. Je préférerais aller me coucher. »

« Alors, allons-y, votre boudoir est bien plus approprié encore pour discuter de l'avenir de notre relation. »

« Vous n'avez pas bien compris ce que je voulais dire, Professeur. »

« Et vous ne m'avez pas compris non plus. »

Elle fronça les sourcils. Snape se demanda si c'était parce qu'elle était déçue. Hermione se posait exactement la même question.

Snape se leva et se dirigea vers la porte. « Je reviendrai demain matin pour le petit-déjeuner. Qu'il soit prêt à huit heures, pas plus tard. Je prends des œufs, des saucisses… et du thé. »

Hermione le dévisagea, bouche bée.

« J'imagine que vous m'attendrez ? »

« Mais certainement, Professeur ! » lui assura t'elle. « Il n'y a rien au monde que j'aimerais tant faire à vingt-quatre heures de mon mariage que de préparer le petit-déjeuner pour mon fiancé et mon nouveau prétendant. Charlie sera tellement content de vous voir. Ce sera très certainement une scène digne des meilleures comédies de Molière. »

« A demain, alors. Après tout, c'est tout aussi bien que je sois présent quand vous le lui direz. »

« Quand je lui dirai quoi ? »

« Quand vous lui direz que le mariage est annulé parce que vous préférez vous enfuir avec moi, » lui expliqua patiemment Snape, comme si tout avait déjà été réglé.

Après une révérence guindée, Snape quitta les lieux, laissant Hermione se demander si tout cet entretien n'avait pas été une complète hallucination.