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« La vanité est preuve d'infériorité. »

Noel Coward

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Le matin précédant son mariage, Hermione se retrouva à dresser une table pour trois.

Snape arriva un quart d'heure à l'avance et fit irruption dans la cuisine pour surveiller ce qu'elle faisait.

« Assurez-vous que mes œufs soient bien cuits, » insista t'il.

« Charlie les préfère baveux. »

« Je les préfère bien cuits, et je peux vous assurer que de trouver des œufs trop cuits à son goût n'est pas la pire des déceptions qui attend Weasley ce matin. »

« J'adorerais voir Charlie vous faire tomber les quatre fers en l'air avec un bon vieil Expelliarmus, mais il ne le fera pas. Il respecte ses aînés, voyez-vous. »

« Je ne m'attends pas à ce que Weasley prenne bien la chose. Cependant, je m'efforcerai d'avoir le triomphe modeste. »

Le hibou de Charlie entra par la fenêtre et Snape intercepta le message qu'il avait attaché à la patte. Il le déplia et commença à lire à voix haute.

« 'Je ne peux pas venir, chérie. Il y a eu un accident. Un Pansedefer Ukrainien a mis le feu à une ferme voisine. On se retrouvera devant l'hôtel.' »

Snape eut un reniflement hautain. « C'est succinct, à défaut d'être brillant. Il a fait une faute d'orthographe à 'autel', ce qui indique qu'il sera incapable de vous satisfaire au lit. »

« Je n'ai pas eu à me plaindre jusqu'à maintenant, » répliqua Hermione, « mais je commence à reconnaître les moments où vous plaisantez. »

« Je ne plaisantais pas. »

« Dans ce cas, vous êtes en train de dépasser les bornes, » dit Hermione, en retirant un couvert de la table.

Snape s'assit et tapa sa fourchette contre son assiette avec impatience, comme s'il appelait un elfe de maison. « Où est mon thé ? »

« Le thé est dans sa boite, et la boite est dans le placard. J'ai prévu du jus de citrouille. »

« J'avais pourtant prévenu que je voulais du thé, » lui rappela t'elle.

« Je le sais bien, c'est pour ça que j'ai choisi le jus de citrouille. »

Après avoir servi son petit-déjeuner à Snape, Hermione attrapa une plume et un morceau de parchemin.

« Qu'est-ce que vous faites à traîner près de la fenêtre ? Venez vous asseoir que nous puissions discuter de nos plans. »

« Je suis à vous tout de suite. Juste le temps d'envoyer un mot à Charlie. »

« Excellent. Plus vite vous le mettrez au courant que vous avez changé d'avis, mieux ce sera pour tout le monde. »

Hermione finit d'écrire sa lettre. Elle se racla la gorge et la lui lut.

« 'Je suis déçue, mais je comprends. On se reverra plus tôt que tu ne le penses. Il y a une répétition de la cérémonie ce soir, tu te souviens ? A cinq heures – s'il te plait, essaie d'être à l'heure. Je t'aime, chéri.

Ps : si tu trouves que le Pansedefer Ukrainien a un tempérament de feu, attends un peu notre nuit de noces.' »

Elle attacha sa réponse à la patte du hibou, et le poussa dehors avant de venir rejoindre Snape à table.

« C'était trop salé, » se plaignit-il en massacrant ses œufs de sa fourchette.

« Je n'ai pas salé les œufs – mais vous parliez peut-être des saucisses ? »

« Non, je parlais de votre post-scriptum, Miss Granger. La subtilité est infiniment plus érotique. »

« Mais qu'est-ce que vous pouvez bien connaître à l'érotisme, ou à la romance en général, d'ailleurs ? »

« Il vous faudra attendre jusqu'à notre nuit de noces pour connaître cette réponse. » Snape continuait à méticuleusement déchiqueter sa nourriture dans son assiette.

Hermione planta sa fourchette dans une saucisse et mordit dedans sauvagement. « Pardonnez ma curiosité, mais comment peut-on conclure que quelqu'un est un mauvais amant parce qu'il a fait une faute d'orthographe ? »

« Si un homme est négligent dans un domaine, il le sera certainement dans un autre. Par contre, moi, je suis expert en positions tout autant qu'en Potions. »

« Et qui manque de subtilité, en ce moment ? »

« Je ne fais qu'énoncer la vérité. »

« Avant que ça ne vous passe, dites-moi donc ce qui vous a poussé à vous intéresser à moi après toutes ces années. »

Snape posa ses couverts sur la table et repoussa son assiette, avant de lui avouer en toute franchise « le souvenir d'un baiser, Miss Granger. »

Hermione croisa le regard de Snape et elle comprit soudain. Pendant un temps, il baissa ses défenses et ses yeux laissèrent passer une attente fiévreuse, mêlée de tristesse.

Elle se souvint de la dernière occasion où ils avaient été seuls tous les deux.

Harry venait tout juste de vaincre Voldemort. Snape l'avait protégé d'un Doloris, en le recevant lui même. Juste avant ça, il avait désarmé Lucius Malefoy qui était sur le point de tuer Hermione d'un Avada Kedavra.

Une fois que les Aurors eurent appréhendé le dernier des Mangemorts, Hermione avait trouvé Snape étendu sur le dos, dans la boue, sur la route devant Poudlard. Elle s'était précipitée vers lui, ne sachant s'il était mort ou vif. Vérifiant au niveau du cou et du poignet, elle avait cru détecter un pouls, mais sans en être sûre. Hermione était restée avec lui jusqu'à ce que des secours arrivent.

Elle lui avait écarté les cheveux des yeux, et s'était penchée sur lui. Elle avait murmuré « Merci, Professeur Snape, » avant de l'embrasser doucement sur la bouche. Ce n'avait été qu'un chaste baiser de compassion et de gratitude, rien d'autre.

C'est pour ça qu'il est là ? Il a dû se dire que je… Oh, non ! Il m'a sauvé la vie, mais ce n'est pas une raison pour qu'il s'attende à ce que je l'épouse !

« P-P-Professeur Snape, » balbutia t'elle, « je croyais que vous étiez inconscient, peut-être même mort. Si j'avais su que vous étiez éveillé, jamais je ne vous aurais embrassé. »

« Je vois. » Snape se leva. « Merci pour ce petit-déjeuner, Miss Granger… et pour votre franchise. Je ne vous ennuierai plus. » Il se dirigea vers la porte.

« Je suis désolée. Sincèrement, » murmura Hermione.

Snape s'arrêta et se retourna vers elle. « Vraiment ? »

Elle acquiesça, les yeux fixés sur son assiette pour éviter son regard.

« Splendide. Le Chaudron Baveux, à une heure, pour le déjeuner. La ponctualité est souhaitée, mais pas imposée. »

Hermione releva la tête et le dévisagea, incrédule. « J'ai des courses de dernière minute à faire, cet après-midi ; il faut que je voie le fleuriste, les fournisseurs – et la répétition a lieu à cinq heures. J'ai bien peur que ce ne soit pas possible. »

« Rien n'est impossible – c'est inopportun, tout au plus. »

« Donnez moi une seule bonne raison de venir. »

« Je vais vous en donner trois : vous êtes flattée, vous êtes intriguée par ma persévérance, et vous êtes impatiente de voir la bague. »

« Vous m'avez acheté une bague ? »

« Pas encore, mais j'ai l'intention de m'en procurer une avant que nous ne nous revoyions. »

« Vous feriez mieux de garder votre argent, Professeur. » Hermione se leva pour le raccompagner à la porte.

« Pour notre lune de miel ? »

« Pour vos vieux jours. »

« Pour nos vieux jours, » corrigea Snape. « Nous vieillirons ensemble, et pourrons nous remémorer nos études, recherches et expérimentations… »

« Dans votre laboratoire de Potions ? »

« Dans notre chambre à coucher, Miss Granger. » Snape lui fit un signe de tête et sortit.

Hermione le regarda s'éloigner au bout du couloir. Jamais je n'ai vu homme si vaniteux, si présomptueux… Mmm. C'est assez flatteur, quand on y pense. Et je me demande quel genre de bague un homme comme Snape pourrait bien choisir. J'imagine que je pourrais passer une heure en sa compagnie, par simple gentillesse. Après tout, s'il n'avait pas été là, raisonna t'elle, nous n'aurions peut-être pas gagné la guerre.

« Professeur Snape ? » appela t'elle.

Il s'arrêta, et se retourna pour lui parler. « Miss Granger ? »

« Je ne vois pas comment je pourrais arriver au Chaudron avant deux heures moins le quart. »

« J'aurai fini de manger à cette heure-là, mais il se peut que je m'attarde – brièvement, » répondit-il avant de disparaître dans les escaliers.