Il était presque dix heures du soir quand Hermione revint à son appartement. Elle se laissa tomber sur le canapé, épuisée par sa journée et la répétition pénible.
Elle se souvint tout à coup qu'elle n'était peut-être pas seule. Entrant dans sa chambre, elle vit que le lit avait été refait et qu'il n'y avait pas trace de Snape.
« Bien ! » se dit-elle avec humeur. « Il est parti. » Elle se laissa tomber sur son lit et se mit à pleurer. Dix minutes s'écoulèrent, et elle ne parvenait toujours pas à arrêter le flot de ses larmes.
La porte de la salle de bains s'ouvrit en silence, et Snape se glissa dans la pièce. Il avança discrètement vers la jeune sorcière bouleversée. « Arrêtez votre mélodrame pathétique ! Pleurer ne changera rien à rien. Vous avez eu votre chance avec moi et vous l'avez laissé passer. »
Hermione sursauta et se redressa rapidement, essayant de réprimer ses reniflements. « VOUS ! Pourquoi est-ce que vous êtes encore là ? »
« J'étais sur le point de partir. Bonne fin de soirée. »
« Attendez ! Je ne pleurais pas à cause de vous ! »
« Ça n'a pas la moindre importance, je vous souhaite une bonne nuit. »
« Vous n'êtes pas curieux de savoir pourquoi je suis tellement contrariée ?
« Franchement, non. »
Hermione fit une petite moue, avançant les lèvres d'un air boudeur, que Snape trouva des plus irrésistibles. Il reconsidéra gracieusement sa décision.
« D'accord. Je veux bien vous écouter jusqu'au moment où vous m'ennuierez. Allez-y. » Il approcha de son lit.
« Je préférerais que vous vous asseyiez là-bas. » dit Hermione en désignant sa coiffeuse. Snape prit place sur le tabouret bancal rehaussé d'un coussin.
« Nous avons attendu pendant plus d'une heure, et Charlie n'est jamais arrivé. Pas de hibou, rien. Le pasteur avait un autre rendez-vous ensuite, alors Harry a dû le remplacer. »
Snape tressaillit. « Je préférerais que vous ne prononciez pas ce nom. »
« Vous avez la rancune tenace, Professeur. Vous ne changerez jamais. »
« Miss Granger, la blessure est encore fraîche. Le mois dernier je suis arrivé deuxième derrière Potter dans le sondage de Sorcière Magazine sur la Cicatrice la Plus Remarquable. » Snape la regarda d'un air interrogateur. « Pour qui avez-vous voté ? Potter ou moi ? »
« Ni l'un ni l'autre. J'ai voté pour le genou du Professeur Dumbledore. »
« Peu importe, continuez votre histoire. »
« C'était ça, l'histoire. Les Weasley ont passé leur temps à s'excuser, mes amis étaient désolés pour moi, et mes parents se sont sentis blessés. Apparemment, je passe en second derrière un Pansedefer Ukrainien, » se plaignit amèrement Hermione.
« Alors vous devriez verser des larmes de joie. Weasley vous a fourni l'excuse idéale pour annuler ce mariage – pourquoi n'en profitez-vous pas ? »
« Vous aimeriez ça, n'est-ce pas ? Ça cadrerait parfaitement dans vos plans sournois. »
« Je n'ai plus la moindre vue sur vous. Essayez de faire entrer ça dans votre petite tête dure et mal coiffée. Je ne voudrais plus de vous maintenant même si je devais y gagner un autre Ordre de Merlin en compensation. Je suis un homme fier, Miss Granger. Je ramperais pas, et je suis insensible à vos appas …douteux. Je ne vous laisserai jamais me blesser. »
Snape se pencha en arrière sur son tabouret. L'un des pieds céda sous son poids, et il s'étala par terre.
Après un instant de silence stupéfait, Hermione éclata d'un rire hystérique. Elle serra son oreiller contre son visage pour étouffer le bruit qu'elle faisait.
Quand enfin elle parvint à se maîtriser un peu, elle hoqueta, « Maintenant je peux mourir heureuse, Professeur. Je vous vois enfin exactement comme j'ai toujours rêvé de vous voir : le cul par terre ! »
Snape se releva sans hâte. Ramassant le tabouret avec beaucoup de dignité, il redressa le pied cassé et le reposa. Il s'avança jusqu'au lit pour se pencher vers elle, menaçant. « Je suis ravi d'avoir pu vous remonter le moral. J'imagine que vous vous amusiez également à mes dépens quand vous m'avez embrassé ! »
L'amusement d'Hermione disparut. Il avait peut-être affirmé qu'elle ne pouvait plus le blesser, mais elle pouvait voir dans son regard que ce n'étaient que des mots.
« Non, Professeur Snape, ce n'était pas le cas. J'ai une dette envers vous car vous m'avez sauvé la vie, et quoi que vous pensiez de moi en ce moment, je ne regrette pas de vous avoir embrassé. »
Elle eut l'impression qu'il la transperçait du regard. « Eh bien moi, je le regrette, ce baiser. Je le regrette tellement que j'ai décidé de vous le rendre ! »
Il lui attrapa les poignets sans ménagement, et l'attira dans ses bras. Il la serra contre lui et plongea son regard dans le sien. Elle ne se débattit pas. Il aurait presque préféré qu'elle le fasse, il n'avait pas vraiment de plan.
« Oh, et puis zut, » marmonna t'il. Comme au ralenti, il inclina la tête et se pencha vers sa bouche. Les pensées se bousculaient dans son esprit pendant que ses lèvres approchaient de celles d'Hermione.
Note pour moi-même : ne pas baver. Ne pas laisser deviner par mon comportement que je n'ai pas la moindre idée de ce que je suis en train de faire. Pencher la tête de côté pour ne pas lui faire mal par mégarde avec mon grand nez. Garder ma langue dans ma bouche tant que je n'ai pas reçu d'indication claire qu'elle était bienvenue dans la sienne. Essayer la tendresse. Si tout le reste échoue : Amnésier.
Leurs lèvres se rencontrèrent. A la surprise d'Hermione, si ce n'était pas transcendant, c'était tolérable. A l'incrédulité de Snape, si elle ne l'encourageait pas, elle coopérait. Finalement, il releva la tête.
« Alors, qu'en avez-vous pensé ? » lui demanda t'il comme s'il lui demandait une opinion scientifique.
« Je n'en suis pas sûre, » répondit-elle avec franchise. « Vous, qu'en avez-vous pensé ? »
« Je pense qu'il serait prudent de procéder à plus ample expérimentation avant de me prononcer sur les mérites de ce baiser. »
« Vous avez le souffle court, Professeur. »
« Vous croyez, Miss Gra… »
Avant qu'il ne puisse terminer sa phrase, Hermione pressa ses lèvres contre les siennes. Leur second baiser fut plus long et plus engagé. A la surprise de Snape, Hermione avait l'air – d'apprécier ? Au ravissement d'Hermione, Snape n'essayait pas de lui boxer les amygdales, comme le faisait souvent Charlie. Cette fois-ci, ce fut elle qui mit fin au baiser.
« Professeur ? » interrogea t'elle avec ménagement, « j'espère que vous ne prendrez pas mal ma question, mais est-ce que vous êtes vier… »
« Non, Miss Granger, je suis Capricorne. »
« Vous savez très bien que ce n'est pas ce dont je parlais. »
« Si vous attendez de moi que je vous fournisse la liste détaillée de mes ébats, alors je suis en droit d'attendre de vous la même franchise. Les dames d'abord. »
« Il n'y a eu que Charlie, » confessa Hermione.
« Comment ? Et le plus jeune de ces maudits Weasley ? »
« Non. Malgré toutes les rumeurs, Ron et moi n'avons jamais été plus qu'amis. »
« Et Krum ? »
« Trop morose. »
« Pucey ? »
« Il n'a pas su me convaincre. »
Il se regardèrent gravement l'un l'autre, toujours enlacés.
« A votre tour, maintenant, » insista Hermione.
« Je ne connais que l'Allée des Embrumes – mais j'ai beaucoup lu sur le sujet. Je ne suis peut-être pas expert en baisers, mais je suis familier avec… la suite des événements. »
« Ce qui veut dire ? »
« Ce qui veut dire que je maîtrise les bases, mais que mon champ de recherche a été confiné à… euh… aux sorcières de la nuit. »
« Mais vous étiez un Mangemort – pendant les Rassemblements de Mangemorts… »
« C'était un mythe, Miss Granger, une propagande des proches du Seigneur des Ténèbres pour attirer de nouvelles recrues. Il y a eu des rumeurs, bien entendu, concernant ce qui se passait derrière les portes closes, mais les assemblées de Mangemorts n'étaient pas les saturnales enfiévrées dont parlait le Ministère. »
Sans plus attendre, ils s'embrassèrent de nouveau et cette fois leurs langues firent plus ample connaissance. Les pensées se bousculaient dans l'esprit d'Hermione, essayant de lui faire entendre raison, alors qu'elle glissait lentement sa main le long du dos de Snape.
Il faut que je me ressaisisse ! C'est Snape que je suis en train d'embrasser ! Si papa et maman voyaient ses dents, ils… ils… oh… mmm… si sa langue peut me faire tant d'effet quand elle est dans ma bouche, qu'est-ce que ce serait si elle… NON ! Que penseraient les gens ? Je dois devenir Mrs Charles Weasley dans quatorze heures. Il faut que j'arrête ces bêtises et que je le mette dehors !
Snape ne s'était jamais montré si aventureux avec sa langue de sa vie entière. Il devint rapidement plutôt compétent et audacieux – enfin, une fois qu'il se souvint de respirer.
Quand Hermione était revenue chez elle, elle avait regardé l'heure, 21h58. Une bonne demi-heure avait dû s'écouler depuis, et elle se dit qu'il devait certainement être temps pour elle de se coucher. Elle leva les yeux vers sa pendule. Il était maintenant 3h14 ! Elle serait une femme mariée dans moins de dix heures ! A un moment, elle ne se souvenait pas exactement comment c'était arrivé, ils étaient passés de la verticale à l'horizontale, et ils étaient maintenant étendus en travers du lit.
« Je suis desséché, » haleta Snape. « Qu'est-ce que tu dirais d'une tasse de thé ? »
« Pas de thé, plus de baisers, » exigea t'elle.
Il s'exécuta, et ils reprirent de plus belle.
