Des rayons de soleil jouaient contre les rideaux qui oscillaient le matin du 19 juillet de la même façon qu'ils le faisaient chaque matin. En cette occasion particulière, cependant, ils éclairaient une scène particulièrement touchante : une jeune femme, à quelques heures à peine de son mariage, qui se réveillait entre des bras de… son ancien Professeur de Potions ?
A quel moment est-ce que toute idée de bon sens et de raison était passée par dessus bord ? A quel moment entre le crépuscule et l'aube est-ce que le train de la logique avait déraillé ? Quand est-ce que toute formalité avait disparu ? Quand est-ce que 'Miss Granger' était devenu 'Hermione, ma vie, mon amour', et 'Professeur Snape' s'était transformé en 'Severus, ma sangsue affectueuse' ? »
Hermione s'étira ; Snape renâcla. Ouvrant les yeux, elle réalisa dans un moment unique d'épiphanie sans gloire ce à quoi ressemblerait sa journée : à un chaos indescriptible.
Elle tournait le dos à Snape, et elle sentait son haleine chaude sur sa nuque. Elle lui donna un petit coup de coude. « Severus, réveille-toi. »
« Lily… ma déesse, » murmura t'il, tout ensommeillé.
Elle lui donna un autre coup de coude, plus vigoureux cette fois, et il s'éveilla en sursaut.
« Qui est Lily ? » demanda Hermione.
« Bonjour, » répondit Snape avec prudence, gagnant du temps.
« Bonjour. Qui est Lily ? » répéta t'elle.
« Non, pas 'qui est ?', mais 'qu'est ?'. J'étais en train de rêver de toi, et de combien tu serais magnifique le jour de notre mariage, vêtue de blanc crème, avec à la main un bouquet de… euh… lilas. »
« Est-ce que c'est vraiment ce que tu as dit ? »
Snape frotta son nez contre l'oreille d'Hermione, joueur. « Sur mon honneur de Serpentard, » jura t'il.
Hermione décida de ne pas chercher plus loin, elle avait des choses plus urgentes à régler.
« Severus ? »
« Hmm ? »
« Qu'est-ce que je vais faire ? »
« Pourquoi pas du thé ? »
Hermione regarda l'horloge. « Est-ce que tu as oublié que je suis supposée me marier dans à peine quatre heures ? »
« C'est la meilleure nouvelle de la journée. »
« Je te demande pardon ? » Elle se retourna pour le regarder en face.
« Je parlais de tes doutes, pas de la situation. Tu as dis que tu étais supposée te marier. Ça me laisse penser que tu n'es plus si sûre. »
« Eh bien, si je tiens compte de cette nuit… »
« Je n'ai rien d'autre en tête que cette nuit, mais en dernier lieu, c'est à toi que revient le choix : épouser Weasley ou m'épouser, moi. Maintenant, qu'est-ce qu'il faut que je fasse pour avoir droit à une tasse de thé ? »
« Je trouve que ton attitude concernant la situation est bien cavalière. Peut-être que les choses sont bien telles qu'elles sont. »
« Comme tu le voudras. Je suis prêt à rester ici avec toi pour aussi longtemps que tu le désires – avec ou sans thé. »
« Je voulais dire que je ferais tout aussi bien de ne rien changer et d'épouser Charlie. Ce serait certainement plus simple. »
Snape roula sur le dos et fixa le plafond. « Si le but principal de ta vie est d'atteindre la simplicité, alors il n'y a pas de doute à avoir, Weasley est l'homme qu'il te faut. Si au contraire tu désires une quelqu'un qui puisse suivre des raisonnements complexes, si les potions te passionnent plus que les poussettes, et si tu souhaites un partenaire infiniment passionné et empressé, alors je serai le meilleur candidat. »
Hermione y réfléchit sérieusement. « Même si j'envisageais de t'épouser, » dit-elle finalement, « et je ne te dis pas que c'est le cas – comment est-ce que tu proposes que j'annonce la nouvelle à tout le monde ? Le fleuriste est probablement en train de livrer ses fleurs à l'église de Wynbridge au moment où nous parlons. »
« L'église de Wynbridge ? Tu as prévu une cérémonie moldue ? »
« Oui. Ce sont mes parents qui payent, et ils ont insisté. Ce sont des dentistes adventistes du septième jour. »
« Je suggère que nous prenions un Portoloin vers un paradis lointain et que nous prévenions tout le monde par hibou une fois arrivés ? Ça simplifierait le problème. »
« Je croyais que tu étais en faveur de la complexité, Severus. »
« Seulement dans le domaine de la pensée. Quand il s'agit d'assumer mes… indiscrétions… Je choisirais plutôt d'éviter de venir avec toi jusqu'à l'église pour me retrouver en butte à un tas de sortilèges hostiles. »
« Oui, je peux comprendre ton point de vue, » concéda Hermione.
« Est-ce que Weasley attend de toi que tu vives en Roumanie, pour peupler le Bucarest sorcier de bébés ? »
« Non. Charlie a acheté une propriété adjacente au Terrier. Il prévoit d'importer des dragons pour faire de l'élevage. La convention des sorciers de 2003 à levé l'interdiction. »
Snape eut un reniflement moqueur. « Et pendant ce temps tu t'occuperas d'élever des Weasley. Il ne te faudra pas longtemps pour avoir les hanches aussi larges que celles de Molly. »
« Tu ne veux pas d'enfants, Severus ? »
« Je ne souhaiterais à personne d'être le résultat de la combinaison de nos gènes. » Snape la regarda avec gravité. « Est-ce que ta vie serait incomplète sans enfants ? »
« Je ne sais pas. Je crois que j'aimerais en avoir un, peut-être. »
« Dans ces conditions, si j'étais toi, j'y penserais à deux fois avant de devenir une Weasley. »
« Où vivrions-nous ? » demanda Hermione.
« Cet appartement me paraît tout à fait convenable, » décida Snape. Je peux Transplaner ici tous les soirs et les week-ends. Où, si tu préfères, nous pourrions prendre un cottage à Pré-Au-Lard. »
Snape pouvait dire à son regard rêveur que l'idée du cottage lui plaisait. L'attirant contre elle, il l'embrassa tendrement. « Dis-moi oui, Hermione. »
« Severus, j'ai pris ma décision. Il est désormais clair pour moi que celui que je veux épouser est… »
Un grand coup frappé à la porte interrompit ses révélations.
« Oh, merde ! » marmonna Hermione. « Reste ici et ne fais pas un bruit, » avertit-elle. « Qui que ce soit, je vais m'en débarrasser. »
Elle se traîna jusqu'à l'entrée. « Qui est là ? » demanda t'elle.
« Une livraison spéciale pour Miss Granger. »
Pensant que c'était un cadeau de mariage d'une relation qui ne pourrait pas se déplacer, elle ouvrit la porte sans se poser de question. Trois individus masqués s'emparèrent d'elle. Elle se retrouva bâillonnée, un bandeau sur les yeux, et entraînée dehors.
Snape, écoutant depuis la chambre, entendit un cri étouffé, et une porte qui claqua. Avec angoisse, il se précipita hors de la chambre, pour se retrouver nez à nez avec Molly Weasley.
« Oh, bonjour, Severus. Tu es encore là ? Tu te sens mieux, au moins ? »
« Où est Her… Miss Granger ? » interrogea t'il.
« Oh, ne t'en fais pas pour elle. Elle s'est fait enlever par ses demoiselles d'honneur. Elle lui réservent une visite surprise dans un salon de beauté avant le mariage. Est-ce que ce n'est pas attentionné de leur part ? »
« C'est vraiment prévenant, » concéda t'il, dissimulant sa rage avec beaucoup de mal.
« Je suis passée chercher sa robe de mariée. » Avec un sourire joyeux, elle l'abandonna là pour aller chercher la robe et les accessoires d'Hermione dans la chambre à coucher.
Snape était livide. Il commença à faire les cents pas en se tenant la tête. Molly revint peu de temps après, les bras chargés d'affaires d'Hermione.
« Si ce n'est pas trop éprouvant, tu veux bien rétrécir ses bagages ? Je vais m'occuper du reste. »
« Sans problème, » grommela t'il, avec une amabilité feinte. Il appliqua un Sortilège de rétrécissement, et mit la valise dans sa poche.
« Bon, nous ferions mieux d'y aller. Il y a tant à faire ! Tu apportes ses bagages à l'église avec toi, n'est-ce pas, Severus ? » Molly soupira. « Ah, un jeune amour, c'est si beau. J'adore les mariages, tout simplement. Les enfants grandissent tellement vite, tu sais. Bill est toujours libre, mais tous les autres ont trouvé l'âme sœur. Les jumeaux ont de nouvelles petites amies, elles seront au mariage avec eux. Et bien entendu, Ronald a été le premier de tous à se marier – tu savais qu'il était marié, n'est-ce pas ? »
« Non, les nouvelles de la vie sociale des Weasley arrivent rarement jusqu'à mes cachots. »
Où est Hermione ? Il faut que je la retrouve ! Lequel d'entre nous a t'elle choisi ? Perdu dans ses pensées, Snape n'entendit pas un mot de ce qu'elle disait.
« Oui, » continua à babiller Molly, « Ronald a épousé Eloïse Midgen un an après la guerre. Elle s'est révélé être une vraie beauté. Et Ginny et Harry attendent un enfant. Je suis tellement contente pour eux. »
« Où est l'église de Wynbridge ? »
« J'y vais tout de suite, justement. Tu peux m'accompagner, si tu veux. J'ai un Portoloin dans mon sac. » Molly farfouilla dedans et en sortit un objet en forme de U, orné de dentelles.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? »
Molly rit. « C'est un fer à cheval. Mrs Granger m'a dit que c'était une tradition moldue pour la mariée de l'avoir sur elle pour qu'il lui porte chance.
Snape laissa échapper un lourd soupir de pressentiment. « Très bien. Je suppose que c'est ce qu'il y a de plus simple. »
Sortant dans la rue, ils trouvèrent une allée déserte et touchèrent tous les deux le fer à cheval. Molly s'exclama « Portus ! » avec enthousiasme, et ils disparurent.
o o o
Hermione était assise dans un salon de beauté magique, en train de se faire faire une manucure, ses ravisseuses bien intentionnées rassemblées autour d'elle. Pourquoi se sentait t'elle comme un prisonnier condamné ?
« Hermione, » demanda Ginny. « Maman a dit que le Professeur Snape t'avait rendu visite. Qu'est-ce qu'il te voulait, ce vieux grincheux ? »
« Ce n'est pas un grincheux ! » protesta Hermione, sur la défensive. « Je vous l'accorde, il est vieux, mais ce n'est pas un grincheux. Il m'a sauvé la vie, vous vous en souvenez ? Celle de Harry aussi, à plus d'une reprise. Il passait dans le quartier et il a décidé de venir me dire bonjour, c'est tout. »
« Ça ne ressemble pas à Snape de faire des visites de courtoisie, » observa Eloïse.
« Je parie qu'il est plus méchant et plus moche que jamais, » ajouta Cho Londubat.
« Maman l'a invité au mariage, tu ferais mieux de prévenir Neville, » conseilla Ginny.
Hermione fit de son mieux pour les ignorer. Elle pensait avoir pris sa décision, mais elle doutait plus que jamais.
Les dragons ou les cachots ? Les Dents de Vipère du Pérou, ou les potions ? se demandait Hermione, pendant que ses amies continuaient à se moquer de Snape. Des mains calleuses ou de longs doigts sensuels ? Des baisers gloutons et maladroits ou… délicieux ? Elle ferma les yeux, revivant la nuit passée.
Ses rêveries furent interrompues par Cho qui lui demanda, « Est-ce qu'il est toujours aussi pâle qu'un cadavre ? »
« Taisez-vous, toutes autant que vous êtes ! » s'écria Hermione. « Il y a d'autres côtés à sa personnalité que je n'ai découverts que récemment, et que peu de gens connaissent. C'est vrai, il est difficile, arrogant et qu'il se conduit en imbécile par moments, mais il peut aussi être… amusant. »
« SNAPE ? » se moquèrent-elles en chœur.
« Oui, Snape ! » insista Hermione.
« Calme-toi, Hermione, » lui conseilla Ginny. « On finirait par croire qu'il t'a tapé dans l'œil. »
« C'est seulement les nerfs qui lâchent avant le mariage, » expliqua Cho avec assurance. « Ce n'est pas comme si elle avait envisagé de s'enfuir avec lui ! Ce serait tout aussi probable que de voir Ron s'enfuir avec… Oh, je suis désolée Eloïse. »
« Et qu'est-ce que tu entends par là, au juste ? » répliqua Eloïse. « Regarde-toi avec Neville ! Voilà bien un couple sur lequel personne n'aurait parié une noise ! »
Pendant que la dispute s'échauffait, Hermione leva les yeux au ciel, se boucha les oreilles, et décida d'accorder son attention aux lutins qui appliquaient du vernis à ongles sur ses orteils.
