Le défaut du plan
Ron et Hermione avaient rarement été seuls en présence du directeur de Poudlard. Harry les avait toujours accompagné et, de fait, lorsqu'ils se présentèrent devant la lourde porte de chêne menant à son bureau, une certaine appréhension les saisirent.
Ils avaient attendu deux jours avant de pouvoir rencontrer Dumbledore et c'est seulement lorsqu'ils avaient prononcé le nom de Harry que McGonagall avait accepté d'organiser la réunion. Elle désapprouvait la manière dont Dumbledore s'occupait du garçon, et maintenant que ses amis semblaient prêts à intercéder en sa faveur, ce ne serait certainement pas elle qui les en empêcherait.
'Miss Granger, Mr. Weasley,' salua Dumbledore joyeusement. 'Asseyez-vous s'il vous plaît.'
Deux fauteuils confortables faisaient face au bureau directorial, et deux tasses de thé fumantes les attendait. Ils s'installèrent, intimidés, mais dès que le directeur les regarda par-dessus ses lunettes en demi-lune, ils reprirent leur courage. Ils étaient là pour Harry.
'Que me vaut le plaisir de la visite des deux Préfets de Gryffondor?' Demanda Dumbledore sur le ton de la conversation.
Maintenant qu'Hermione y pensait, il y avait plusieurs choses dont elle aurait aimé discuter. Le scandale qu'était le curriculum de Défense Contre les Forces du Mal, le fait que les Serpentards semblaient avoir de nombreux passe-droits auprès de la Grande Inquisitrice, ou encore la multiplication des décrets qui gênaient les élèves dans leurs études plus qu'autre chose. Aucun de ses sujets n'était plaisant. Elle prit une inspiration et se reconcentra sur la raison de leur visite.
'Professeur, nous souhaiterions vous parler de Harry,' commença-t-elle.
Dumbledore s'adossa sur sa chaise. Il s'était attendu à ce que cette conversation ait lieu, et s'y était préparé. Ces deux étudiants étaient trop jeunes pour comprendre. Et puis, si Dumbledore devait un jour fournir une explication, ce ne serait à nul autre que Harry.
'Alors je serai concis,' dit le directeur gravement. 'J'ai de bonnes raisons de ne pas pouvoir recevoir Mr. Potter. Des raisons que je ne peux pas partager sans mettre l'Ordre du Phénix en danger.'
'Mais professeur,' intervint Ron, 'pourquoi ne pouvez vous pas au moins lui parler? Nous ne vous demandons pas de lui révéler les plans de l'Ordre.' Il commençait à être irrité de l'attitude irrespectueuse des adultes envers son ami. Parce que oui, pour lui, ignorer son ami qui avait traverser de nombreuses épreuves pour avertir le monde des Sorciers du retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom, était du manque de respect pur et simple.
'Écoutez,' ajouta t'il en tentant de trouver les mots justes. 'Hermione et moi, on essaie d'être là pour lui, mais on ne peut pas tout comprendre. Principalement parce qu'il ne nous dit pas grand-chose.'
'Et pourquoi pensez vous qu'il me dirait ce qu'il refuse même de partager avec vous?' Demanda Dumbledore paisiblement.
Sa question fut accueillie par un silence pesant. Les deux préfets étaient stupéfaits. Dumbledore avait toujours été le protecteur de Harry et il connaissait le respect que leur ami avait développé pour le sorcier légendaire au cours des dernières années. Harry et Dumbledore s'appréciait énormément et leur relation dépassait celle d'un élève et d'un directeur. Pourquoi abandonnait-il Harry maintenant?
'Parce qu'il croit en vous!' Finit par dire Hermione. 'Vous êtes celui en qui il a le plus confiance.'
Dumbledore leva un sourcil. Bien sûr que Harry lui faisait confiance, comment en aurait-il pu être autrement? Dumbledore savait cela, mais la manière dont la jeune sorcière l'avait exprimé laissait sous-entendre quelque chose de plus profond qu'une simple confiance. Dumbledore ne pouvait nier que lui aussi était affecté par la tournure des évènements. Ce n'est pas du tout l'année qu'il avait espéré ou voulu. S'il n'en avait tenu qu'à lui, il serait déjà en train d'entraîner Harry et de l'aider pour la tâche conséquente qui l'attendait. Ce n'est pas qu'il ne voulait pas parler à Harry, c'est qu'il ne pouvait pas.
'Croyez-moi quand je vous dis que je ne peux vraiment pas voir Harry pour l'instant,' dit Dumbledore d'une voix douce. 'C'est pour son propre bien.'
Un autre silence remplit le bureau. Ron jeta un œil à Hermione. Que pouvaient-ils faire de plus?
'Professeur,' dit Hermione d'une voix lente et dure, 'nous savons que vous prenez vos décisions basées sur des informations que Ron et moi ne possédons définitivement pas. Permettez-moi donc de fournir des renseignements supplémentaires qui, j'espère, compléteront ces informations.'
Ron dévisagea Hermione, impressionné et choqué à la fois du ton direct qu'elle employait avec le directeur de l'école.
'Il se passe quelque chose d'important. Nous ne savons pas exactement quoi car Harry refuse de nous le dire. Mais il est en train de changer.' Elle jeta un œil à Ron et hocha la tête. Il savait précisément ce qu'elle attendait de lui.
'Harry quitte le dortoir la nuit,' dit-il. 'Au début, il ne faisait que revenir très tard dans la salle commune et nous pensions que c'était à cause de ses retenues avec Ombrage' – Dumbledore se redressa à la mention des retenues – 'Mais maintenant je le vois partir toutes les nuits avec sa Cape d'Invisibilité.'
'Tous les matins il est fatigué et il ne nous a jamais rien dit au sujet de ses escapades nocturnes,' poursuivi Hermione. 'Il ne sait pas que nous les avons remarquées.'
Si Dumbledore semblait calme et serein, même détaché de ce qu'il venait d'apprendre, sa tête bouillonnait dans un tourbillon de pensées. Où allait Harry et pourquoi? Et qu'est ce que c'était que ces retenues avec Ombrage? Il avait choisi d'éviter Harry, mais cela ne voulait pas dire qu'il avait arrêté de prêter attention à ce qui arrivait au garçon. S'il avait manqué ces informations, c'est parce que Harry les dissimulait. Quelque chose se brisa à l'intérieur de Dumbledore. Le garçon s'isolait.
'Vous vous souciez de la sécurité des membres de l'Ordre,' dit Ron incapable de supporter le silence plus longtemps. 'Mais avez-vous considéré que Harry puisse être en danger lui-même?' Il ne saurait jamais où il avait trouvé cette audace.
Dumbledore les regarda, une lueur amusée dans les yeux.
'J'ai bien compris vos remarques,' dit-il finalement. 'Et je saurai en prendre en compte.'
Les deux préfets se levèrent, la rencontre était terminée. Dumbledore les observa quitter son bureau, et dés que la porte se referma sur eux, il se leva brusquement et commença à faire les cent pas.
Son plan allait droit dans le mur. Il le sentait. Il ne savait pas comment ni pourquoi, mais il avait à un moment donné pris l'une des pires décisions de sa vie, et cela commençait à se retourner contre lui. Mais avait-il vraiment le choix? Il laissa s'échapper un faible rire. Quelle ironie! Il y avait toujours un choix, c'est juste qu'il ne connaissait pas nécessairement toutes ses options.
Il s'arrêta devant la fenêtre. Quelle autre option aurait-il pu choisir? Confronter le garçon? Réveiller le monstre sommeillant en lui? Tout ceci n'était que des hypothèses, mais Dumbledore se trompait rarement. La vérité était qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire si Voldemort venait à posséder Harry. Il savait juste qu'il ne voulait pas perdre le garçon.
'Ah,' dit une petite voix dans sa tête. 'Voilà la faille.'
Il soupira et se tourna vers un reflet doré sur sa droite. Fumseck le regardait avec un regard inquiet.
'Mon cher Fumseck,' dit Dumbledore en levant sa main pour caresser l'oiseau de feu. 'Parfois la seule chose qui me permet de savoir que je n'ai pas mal tourné, c'est de voir que tu es encore là.'
