Un niveau au dessus
Décembre était en chemin, doublant la masse de travail des élèves et l'épaisseur du manteau blanc enveloppant Poudlard. Avec la fin du semestre approchant, beaucoup de professeurs avaient donné aux cinquièmes années plusieurs dissertations sur le travail accompli depuis la rentrée. Fatigué des rumeurs qu'il entendait à son sujet aux quatre coins de l'école, Harry se réfugia de plus en plus dans la Chambre. Salazar observait son apprenti étudier et n'hésitait pas, occasionnellement, à commenter son travail ou apporter des détails sur ses sujets de cours. Ils finissaient souvent par une discussion autour des études de Harry qui buvait les paroles du vieux maître. Cela se refléta sur ses notes, au point qu'Hermione en fut jalouse. Elle voulait savoir quel livre Harry lisait pour avoir un travail d'une telle qualité, car ses parchemins contenait souvent des détails ne figurant dans aucun des livres officiels de leur curriculum. Elle le savait car elles les avaient tous dévorés.
Il y avait quand même une autre pièce dans laquelle Harry se rendait encore, et c'était la bibliothèque. Il n'y restait cependant jamais très longtemps, se contentant de récupérer les volumes conseillés par Serpentard.
Lors du dernier samedi de novembre, Harry pratiquait des sortilèges qu'il avait trouvé dans l'un de ces livres. Il procédait méthodiquement. D'abord il lançait le sort de la manière traditionnelle, puis passait à la manière informulée pour enfin le lancer silencieusement et sans l'usage de sa baguette.
Salazar devait l'admettre, il était fier de son apprenti. Il était toujours aussi étonné que ce jeune homme ne fasse pas partie de sa maison. Il était talentueux, ingénieux et sa présence dans la Chambre confirmait un certain mépris du règlement qui était loin d'être déplaisant. De plus, Harry n'enfreignait pas les règles pour le plaisir de le faire, mais pour servir son propre intérêt.
Lorsque Harry finit de maîtriser le dernier sort de sa liste, il s'assit pour se reposer un peu. Il n'avait plus besoin du philtre de Revigoration et était maintenant capable de gérer son effort pendant ses entraînements. Il jeta un œil à sa liste. Demain il en aurait sans doute une encore plus grande à travailler.
'Comment on fait pour se souvenir de tous ces sorts?' Demanda t'il soudainement. 'J'ai lu quasiment tous les livres que vous m'avez conseillé, mais je ne vois pas comment c'est possible de retenir ces sorts en plus de ceux que je dois apprendre pour mes cours. Est-ce qu'on supposer se balader avec une liste sur soi?'
'Vous souvenez vous de ce que je vous ai dis au sujet des sortilèges lors de notre première rencontre?'
'Qu'ils étaient des limitations à notre magie?' Risqua Harry en fouillant sa mémoire.
'Précisément, jeune homme,' dit Salazar. 'Savez vous pourquoi nous formulons nos sorts en latin?' Il donna quelques secondes à Harry pour répondre. Il ne s'attendait pas à ce que le garçon en trouve une, et c'est donc à sa grande surprise, qu'il dissimula bien évidemment, qu'il l'entendit dire :
'Je me souviens que vous avez parler d'affinité à la magie,' commença Harry avec hésitation. 'J'imagine que de la même manière, le latin est la langue qui convient le plus à la magie?'
'Excellent Mr Potter,' répondit Salazar satisfait de la concentration de son apprenti. Toutes les langues diffèrent par leurs racines, la richesse de leur vocabulaire et la difficulté de leur grammaire. Le consensus est que le latin est la langue possédant le plus d'affinité avec la magie. C'est pour cela que nous enseignons aux jeunes sorciers et sorcières des sorts qui ont été élaborés à partir du latin. Ces sortilèges et enchantements ont pour objectif premier de fournir des exemples de l'impact magique que nous pouvons avoir sur notre environnement.
Lorsque vous quittez Poudlard, vous êtes supposés posséder une bonne connaissance des sorts les plus connus et utiles. Vous devez aussi avoir de bonnes compétences en magie informulée sans l'usage de baguette, quoiqu'il ne soit pas attendu que cette magie soit très puissante. Mais c'est après l'école que les choses deviennent vraiment intéressantes.'
Si on avait demandé son avis à Harry, il aurait dit que ce qu'il écoutait était déjà fort intéressant.
'D'ailleurs,' continua Salazar, 'quelle voix souhaiterez-vous poursuivre après l'école?' Ses yeux brillaient de curiosité.
'Oh... Heu,' balbutia Harry surpris par la question. 'Je ne sais pas, je pensais devenir un Auror ou quelque chose dans ce genre-là.'
'Un Auror, vraiment?' Répéta Salazar amusé de la réponse. 'C'est une carrière qui correspond à vos idéaux? Êtes vous fier des Aurors de ce pays?'
Harry réfléchit aux questions du fondateur. S'il devait répondre aujourd'hui, il dirait qu'il avait plutôt honte des Aurors.
'Votre silence en dit long,' sourit Salazar d'un air moqueur. 'Qu'ont-ils fait pour que vous en soyez à ce point déçu?'
Cette fois-ci, Harry n'attendit pas pour répondre, et les mots vinrent aisément.
'Ils suivent aveuglément les ordres du Ministre, sans questionner sa légitimité ou sans s'inquiéter de savoir si ce qu'il dit est vrai!' Dit-il amèrement en pensant aux mensonges circulant à son sujet. 'Enfin pas tous,' rectifia-t-il en se rappelant de Shacklebolt. 'Mais tous ceux qui questionnent le système doivent cacher leur opinion et n'ont pas d'autre choix que de suivre les ordres sous peine de se faire virer.'
'Harry Potter, êtes vous quelqu'un du genre à suivre aveuglément les ordres?'
Le silence du garçon suffit à Salazar qui se redressa et sourit avec satisfaction.
'Vous n'êtes peut-être pas mon Héritier, jeune homme,' dit-il gravement, 'mais mon héritage vit en vous. Et je ne parle pas de la Marque que vous avez reçue il y a quinze ans. Avez-vous déjà songé à tracer votre propre chemin? Trouver le but de votre vie en découvrant de nouvelles choses, en étudiant et en poursuivant les mystères de ce monde?'
'Je pense que j'ai eu suffisamment d'aventures pour une vie,' pouffa Harry. 'Pour être honnête avec vous, j'aimerais beaucoup pouvoir de rien faire pour la première fois de ma vie sans avoir à m'inquiéter de qui veut m'assassiner. Ce serait déjà pas mal.'
Le sourire de Salazar grandit. Ce jeune sorcier n'avait aucune idée de l'avenir grandiose qui l'attendait et il aurait souhaiter pouvoir vivre pour le voir. Mais pour l'instant, la réponse du garçon suffisait amplement. Il avait réalisé que le mythe qu'il s'était construit autour de l'ordre prestigieux des Aurors n'était pas aussi prometteur qu'il le paraissait de prime abord.
'Revenons à notre sujet si vous le voulez bien,' dit finalement Salazar d'une voix doucereuse. 'Souhaiteriez-vous que les choses deviennent intéressantes maintenant au lieu d'avoir à attendre après l'école?'
Harry, un sourire éclatant aux lèvres, admira le petit lion qui s'ébrouait dans la longue salle et serpentait autour des statues. Il venait d'élaborer son premier propre sort en décidant de métamorphoser le Basilic en lion. Il lui avait demandé son autorisation avant, bien évidemment. Salazar lui avait interdit de consulter ses livres pour l'aider dans la construction du sort et il n'avait pas non plus le droit d'utiliser sa baguette. Il avait fouillé son esprit pour rassembler tout le vocabulaire latin dont il se souvenait et s'était lancé.
Lion… Leo. Cette partie était simple. Mais qu'en était-il de la transformation en elle-même? Rien qu'en français, il y avait un vocabulaire immense pour décrire une transformation. Adapter, muer, transmuer, déformer, changer, transsubstantier, modifier, convertir, métamorphoser, la liste pouvait être longue. Il avait tenté plusieurs associations mots dans son esprit et une s'était finalement distinguée. Peut-être existait-il de meilleurs sorts pour accomplir son objectif. Mais ce qu'il avait trouvé sonnait tellement juste qu'il avait décidé de le lancer sans en discuter avec Salazar au préalable.
'Quel est le sort auquel vous avez pensé?' Demanda Salazar.
'Leo Conflatorum,' répondit Harry.
'Je vois,' dit Salazar en observant le lion, autrefois Basilic, qui semblait heureux de pouvoir courir. Il avait donné à Harry carte blanche pour cet exercice mais n'avait pas imaginé une telle métamorphose. 'Vous avec un sens de l'humour bien particulier jeune homme. Maintenant auriez-vous l'obligeance de bien vouloir lui rendre sa forme originale? Mais cette fois vous n'utiliserez aucun sort.'
'Comment suis-je censé faire?'
'Vous devriez avoir une bonne idée de ce qui constitue un Basilic. Comme je vous l'ai déjà dit, vous devez visualiser ce que vous désirez faire. Vous savez métamorphoser un être vivant et vous savez à quoi ressemble un Basilic. Cela devrait être suffisant.'
Harry se concentra sur le lion, se rappelant du Basilic qu'il avait été quelques minutes auparavant. Il était hors de question pour lui d'échouer. D'une part il ne voulait pas décevoir Serpentard, mais il ne voulait pas non plus blesser le Basilic pour lequel il s'était pris d'affection. Son regard s'intensifia et il commença à décrire la transformation mentalement. L'ordre dans lequel les membres changeraient, à quoi ressemblerait la métamorphose. Lorsqu'il fut prêt, il regarda le lion et prit sa respiration. Il n'aurait droit qu'à un seul essai. Il ne savait pas vraiment ce qu'il faisait et, comme d'habitude, il choisi de suivre son instinct. Il projeta mentalement la scène qu'il avait construit dans son esprit vers le fauve et, sous ses yeux hypnotisés, il vit le lion se changer en Basilic exactement de la manière dont il l'avait imaginé.
Le serpent secoua ses anneaux pour faire tomber les dernières touffes de crinière et émis un sifflement d'approbation en direction de Harry.
'Excellent,' dit simplement Salazar. Le vieux sorcier était encore plus avare en compliment que ne l'était McGonagall, et Harry l'apprécia d'autant plus.
Il était si content de lui qu'il ignora complètement le regard des élèves sur son passage alors qu'il se dirigeait vers la tour des Gryffondors. Il n'avait même pas remarqué l'ombre qui l'observa refermer la Chambre derrière lui avant de quitter les toilettes.
Il se laissa tomber sur un fauteuil à côté de ses amis.
'Ah te voilà,' dit Ron heureux de voir que Harry les avait finalement rejoints. 'Où étais-tu? Je pensais que tu nous rejoindrais pour réviser dans la bibliothèque.'
Harry compris que la véritable plainte était qu'il l'avait abandonné aux mains d'Hermione dans la bibliothèque pendant une après-midi entière.
'Je suis désolé Ron,' dit-il en cherchant une excuse. 'J'avais besoin de prendre l'air.'
'Avec tout l'air que tu prends, tu feras attention à ne pas développer une aérophagie,' remarqua Hermione avec un ton accusateur.
'Ça me fait du bien,' se défendit Harry. 'Écoutez, j'apprécie vraiment ce que vous faites pour moi. Vraiment. Mais ces moments sont les seuls que je peux passer sans qu'on me regarde comme un conspirationniste taré.'
Il vit qu'il n'avait réussi à convaincre aucun de ses deux amis, mais ils eurent la délicatesse de plus insister, à son grand soulagement. Il aurait été bien incapable de leur mentir sur l'endroit où il se rendait.
'Comment se passent ces cours supplémentaires de Potions?' Demanda Hermione en changeant de sujet.
Harry la regarda avec gratitude et leur expliqua que franchement ce n'était pas si mal – eh oui Ron – et comme cela lui permettait d'améliorer ses notes, il ne voyait pas de raison d'arrêter.
'Je ne sais pas comment tu fais pour supporter d'être enfermer dans une pièce avec Rogue deux fois par semaine,' dit Ron en secouant la tête.
'Honnêtement l'ambiance est vraiment différente de celle de nos cours avec Serpentard,' répondit Harry. 'On n'est jamais plus que trois ou quatre. Et en plus… Je ne sais pas, mais j'ai vraiment l'impression que Rogue fait un effort avec moi pendant ces périodes. Ce n'est pas désagréable.'
'C'est vrai que depuis que tu y vas, il a tendance à te laisser tranquille pendant les cours,' reconnu Hermione. 'Ce qui est assez drôle, car ça a vraiment l'air de beaucoup perturber les Serpentards,' finit-elle en riant.
Son rire fut contagieux et bientôt les trois amis furent secoués d'un fou rire incontrôlable. Harry hésita à défendre les Serpentards pour expliquer que certains d'entre eux étaient différents, mais il était tellement heureux de pouvoir partager un bon moment avec ses amis qu'il décida que cela n'en valait pas la peine.
