Ceux qui ne se souviennent pas du passé…
McGonagall n'avait jamais vu Albus dans un était aussi… inquiet. Elle n'avait pas trouvé de meilleure manière pour décrire le directeur en cet instant précis. Il l'avait convoquée en ce samedi soir pour parler d'un sujet grave. Elle avait immédiatement pensé que cela était en rapport avec l'Ordre, mais après avoir relu la lettre, elle avait fini par suspecter qu'il y avait autre chose. Ses doutes se confirmèrent lorsqu'elle le surprit à faire les cent pas de manière frénétique.
'Au nom de Merlin, Albus!' S'exclama-t-elle irritée. 'Pourriez-vous s'il vous plaît vous asseoir et m'expliquer ce qu'il ne va pas?'
Albus s'arrêta de marcher mais ne s'assit pas.
'Minerva, vous est-il déjà arrivé d'être persuadé, convaincu même, d'avoir raison sur un sujet pour vous apercevoir qu'en fin de compte vous en aviez raté l'essence même?' Demanda-t-il d'une voix qu'il essaya de garder calme.
'Bien sûr que cela m'est déjà arrivé. Je dirais même que c'est arrivé plusieurs fois,' répondit-elle, surprenant le directeur par sa franchise. 'Mais tant que vous avez le courage de le reconnaître et la force d'avancer, je n'ai jamais considéré cela comme une faiblesse ou quelque chose dont il faudrait avoir honte.'
Elle commençait à deviner où le directeur voulait en venir. Cela faisait plusieurs années qu'un certain sujet les divisait tous les deux, et ce sujet était Harry Potter. Elle avait vu le garçon grandir et accomplir des exploits légendaires sous les couleurs de sa Maison. Comme pourfendre un Basilic ou survivre au Seigneur des Ténèbres. Deux fois. Il y avait beaucoup de secrets entourant le jeune Mr. Potter qu'elle ignorait, et elle le savait. Mais elle savait mieux que personne qu'il était vain de s'enquérir de leur nature auprès d'Albus Dumbledore, directeur de Poudlard, Gardien de bien trop de Secrets à son humble avis.
'Avez-vous remarqué des changements chez Harry ces derniers temps?' Demanda Dumbledore décidé à aller droit au but.
'Des changements…? Mais comment pouvez-vous me demander une chose pareille ?! Bien sûr que ce garçon a changé! À quoi vous attendiez-vous? Il a été témoin du retour de Vous-Savez-Qui, a été forcé d'assister au meurtre de Cédric Diggory, et a ensuite passé l'été seul à Privet Drive sans aucune autre nouvelle que celles qu'il arrivait à entendre au journal télévisé Moldu depuis les massifs de fleurs sous lequel il était forcé de se cacher!' Elle avait dit cela d'une traite. 'Je pourrais aussi parler de l'attaque des Détraqueurs et de la manière dont il a été traité pour s'être défendu. Ai-je besoin de continuer?'
'Ce n'est pas exactement ce que je vous ai demandé, Minerva,' répondit Dumbledore calmement. 'Je suis très au courant des récents évènements qui lui sont arrivés. Ce que je veux savoir c'est la manière dont ils ont changé son comportement et ce que vous en pensez.'
McGonagall soupira. Albus Dumbledore était un grand directeur et un sorcier qu'elle respectait considérablement. Mais parfois elle se demandait s'il se souciait sincèrement du jeune garçon.
'Plus les jours passent, plus il devient solitaire,' finit-elle par dire. 'Il est en train de redevenir un paria, comme l'année dernière, mais cette fois il ne fait même plus l'effort de garder ses amis proches de lui.'
'Il s'isole,' dit Dumbledore d'un ton catégorique.
'Il ne s'isole pas du tout,' rétorqua McGonagall sévèrement, 'c'est vous qui le repoussez!'
Dumbledore croisa le regard exaspéré de McGonagall. Elle avait raison, c'était indéniable, mais elle ignorait tout des raisons qui le poussaient à agir ainsi.
La directrice de Gryffondor observa le visage indéchiffrable du directeur. Après toutes ces années à travailler avec lui, elle était encore incapable de deviner la moindre de ses pensées. Depuis que Harry avait rejoint Poudlard, elle avait noté un changement dans l'attitude du directeur. Il semblait plus investi dans les affaires de l'école touchant les élèves. Elle l'avait même surpris plus d'une fois à sourire sincèrement en direction de Harry, et elle savait qu'il tenait au jeune garçon. Du moins, il y était très attentif.
'Et vous Albus?' Demanda-t-elle brusquement en soutenant son regard bleu perçant. 'Quels sont les changements qui vous poussent à fuir le garçon?'
'Fuir?' Pouffa Dumbledore. 'Minerva, seriez-vous en train de suggérer que je suis un couard?' Demanda-t-il sur le ton de la plaisanterie.
'C'est exactement mon propos.' Tout ceci n'avait rien d'une plaisanterie à ses yeux. 'J'imagine que vous avez vos raisons, comme d'habitude, et ce n'est certainement pas moi qui les questionnerai. Mais il y a clairement quelque chose que vous ne voulez pas affronter. Vous vous cachez dans l'ombre, reclus dans votre bureau, laissant le garçon se noyer dans ses questions et ses craintes. Et ne me lancez même pas sur l'état de cette école!'
Elle pouvait enfin exprimer la rancœur qui s'était accumulée au cours des derniers mois, et sa voix se fit plus forte et ferme.
'Mais là n'est pas la question!' Elle ajouta en chassant de la main son opinion sur Ombrage et ses méthodes. 'Nous parlons d'un jeune garçon, qui se trouve être dans ma maison, dont le talent est gâché à cause d'une Prophétie qu'il n'a jamais demandée.'
'Comment savez-vous pour la Prophétie ?' Intervint Dumbledore avec une lueur d'inquiétude dans les yeux.
'Je sais ce que renferme l'endroit que protège l'Ordre au ministère,' répondit-elle d'une voix froide. 'Et bien que vos choix de professeurs de Défense Contre les Forces du Mal m'inquiètent quant à votre capacité à en nommer, ce n'est rien comparé à votre décision de garder la divination dans notre programme et Sybille dans ces murs.'
Dumbledore acquiesça poliment et soupira brièvement. McGonagall n'était pas son bras droit pour rien. Ce qu'elle lui avait dit ce soir, aussi brutal soit-il, était vrai. Et il avait tort depuis le début. Il ne s'agissait pas seulement d'une Prophétie ou du destin du monde des sorciers. Destin qui en ce moment précis ne valait plus grand-chose aux yeux de Dumbledore. Il s'agissait de ne pas répéter les erreurs du passé qui lui avaient coûté une sœur et un ami... Plus qu'un ami. Il s'agissait de reconnaître qu'il avait eu tord et d'aller de l'avant. Il devait réparer ses dégâts avant qu'il ne soit trop tard.
'Je devrais peut-être me rappeler plus souvent pourquoi je vous ai nommée directrice adjointe de Poudlard, Minerva,' dit-il enfin à voix basse. 'Cela dépasse de loin tout ce que j'ai pu anticiper.' Il fit une pause de quelques secondes, profondément plongé dans ses pensées. 'Il a le droit de savoir.'
'Et il a le droit d'avoir quelqu'un pour le guider et le conseiller,' approuva McGonagall.
Enfin!
Elle le salua d'un mouvement de tête et se dirigea vers la porte menant aux escaliers.
'Minerva?' Appela le directeur alors qu'elle venait de poser sa main sur la poignée. 'Merci.'
'Je vous en prie, Albus.'
