Sont condamnés à le revivre.
Nous étions dimanche soir, et dans le couloir menant au bureau du directeur, un jeune homme semblait immobile, les yeux rivés sur la pierre froide de la Gargouille protégeant le passage secret. Harry avait reçu un message dans la journée lui annonçant qu'il était autorisé à se présenter dans le bureau du directeur dans la soirée et, dans un premier temps, cette nouvelle l'avait rempli de joie. Mais alors qu'il se dirigeait vers la Gargouille, l'idée avait commencé à le rendre de plus en plus nerveux jusqu'à ce qu'il se retrouve devant la statue, ne sachant plus si accepter l'invitation avait vraiment été une bonne idée.
De quoi parleraient-ils?
De Cédric? Voldemort? Ou encore l'attaque des Détraqueurs d'Azkaban? Peut-être avait-il eu vent de ses retenues à répétition avec Ombrage? Instinctivement, il tira la manche de sa robe de sorcier pour couvrir le dos de sa main blessée. Il avait beau avoir fait d'innombrables effort, elle trouvait toujours un moyen de lui infliger ses retenues. Cela en était rendu à un point où il se demandait si la cicatrice s'effacerait un jour.
'Je ne dois pas dire de mensonges.'
Une vague de colère submergea sa nervosité. Oui, peut-être qu'ils pourraient discuter de cette injustice? Comment Dumbledore avait-il pu laisser une créature aussi vile à l'intérieur des murs de Poudlard ?! Pourquoi Dumbledore la laissait-il détruire son foyer sans rien dire?
Se souvenant du conseil de Salazar, Harry se força à prendre plusieurs grandes respirations afin de réprimer sa rage grandissante. Cette colère ne pouvait pourtant pas être celle de Voldemort quand même?
Il soupira et donna le mot de passe à la Gargouille.
Il referma la porte du bureau derrière lui et s'avança dans la pièce. Apparemment, Dumbledore n'était pas encore arrivé. Il laissa son regard flotter sur les murs. Plusieurs portraits semblaient endormis, et d'autres lui jetèrent un bref coup d'œil avant de retourner à leurs occupations. Harry aurait donné beaucoup pour que les élèves de l'école se comportent de la même manière.
Il sentit sa rage monter à nouveau, le surprenant presque. Il s'énervait sur des portraits! Il fallait vraiment qu'il apprenne à maîtriser sa colère, car ce n'était plus possible.
Il décida de reporter son attention sur les fragiles instruments d'argent posés soigneusement sur des tables aux pieds effilés, lorsqu'il entendit une voix s'élever qui le fit presque sursauter sur sa gauche.
'Bonsoir Harry,' dit le directeur de sa voix paisible. 'J'espère que je ne te dérange pas trop en te faisant venir ici ce soir.'
'C'est vrai que ça fait longtemps que vous ne m'avez pas dérangé,' répondit Harry presque immédiatement. Les mots s'échappèrent de ses lèvres avant qu'il n'ait le temps de les retenir. Pourquoi avait-il dit cela? D'où sortait cette insolence traditionnellement réservée à Rogue, Malefoy ou les Dursleys?
'Excusez-moi,' ajouta-t-il rapidement. 'Vous ne me dérangez pas, non.'
Il se tourna vers Dumbledore et s'aperçu qu'il était dos à une fenêtre. Avec la luminosité de la pièce, il était à moitié dans l'ombre et Harry ne pouvait pas distinguer les traits de son visage.
'Que puis-je faire pour vous professeur?' Demanda-t-il aussi poliment que possible.
La réaction de Harry intrigua Dumbledore. En le voyant pénétrer dans son bureau, il avait caressé l'espoir de s'être tromper à son sujet. Peut-être que son lien avec Voldemort n'était pas aussi grave que ce qu'il s'était imaginé. Mais son emportement lui confirma qu'il avait vu juste. Le garçon avait de nombreuses raisons d'être en colère et Dumbledore savait qu'il en était une. Mais cette rage-là n'appartenait pas à Harry. Pas entièrement. Il pouvait encore renvoyer le garçon dans son dortoir après une banale conversation qui réconforterait peut-être un peu Harry, ou il pouvait suivre le conseil de Minerva. Il était temps de le provoquer un peu.
'Comment se passent tes cours?' Demanda-t-il d'un ton plaisant comme s'il s'apprêtait à converser autour d'un thé et quelques biscuits.
'Heu… Pas trop mal,' répondit Harry perdu. Est-ce que le directeur l'avait vraiment convoqué un dimanche soir pour discuter de ses cours?
'J'ai entendu dire que tu t'étais beaucoup amélioré dans plusieurs domaines dernièrement,' continua Dumbledore en ignorant l'inconfort grandissant de Harry. 'Le professeur Rogue lui-même me vantait tes mérites la semaine dernière.'
'Vraiment?' Répondit Harry automatiquement.
Les yeux de Harry balayèrent rapidement la pièce. Il devait faire attention aux détails. Ces indices qu'il n'aurait normalement jamais remarqué mais qui maintenant lui sautaient aux yeux. Le directeur avait attendu qu'il baisse la garde avant de lui adresser la parole, comme s'il avait cherché à le surprendre. Il ne lui avait pas offert de s'asseoir, le laissant se tenir debout dans la lumière tandis que Dumbledore restait dissimulé dans l'ombre. Il empêchait ainsi Harry de voir ses réactions et de deviner ses intentions.
'Excusez-moi professeur,' dit-il d'une voix qu'il essaya d'affermir, 'mais vous m'avez convoqué uniquement pour parler de mes cours?'
'Il y aurait-il autre chose dont tu souhaiterais me parler?'
'Non… Enfin…' Et le voilà qui balbutiait encore. 'Je ne sais pas, professeur, mais peut-être que vous pourriez m'expliquer pourquoi j'ai dû attendre aussi longtemps avant que vous acceptiez de me recevoir?'
Le directeur ne répondit pas et Harry commençait à s'énerver de ne pas pouvoir voir au moins son visage.
'Je reconnais que j'aurais sans doute dû organiser cette entrevue un peu plus tôt,' dit enfin Dumbledore comme s'il accordait un point à Harry. 'Cela dit je serais curieux de connaitre les raisons pour lesquelles tu voulais absolument me rencontrer.'
'Je voulais vous voir,' pensa Harry. Mais cette fois, il s'interdit de prononcer ces mots à voix haute.
'Qu'est qu'on fait pour arrêter Voldemort?' Demanda-t-il impatiemment. 'Pourquoi tout le monde refuse de me dire quoique ce soit à ce sujet? Est-ce qu'il va y avoir une guerre?'
Il continua, question après question, serrant ses poings au fur et à mesure sans qu'il ne s'en aperçoive. Lorsqu'il se tu, il restait une question qu'il avait omis de poser : pourquoi m'avoir abandonné? Alors qu'il reprenait son souffle, il réalisa que le fait qu'il soit seul dans la lumière alors que le directeur était dans la pénombre le rendait vulnérable. Il se sentit à nouveau une proie. La proie de Dumbledore.
'Et vous?' Siffla-t-il en oubliant sa politesse, 'pourquoi m'avoir demandé de venir dans votre bureau que maintenant?'
'Je voulais simplement te voir,' répondit Dumbledore calmement. 'Je sais à quel point ce n'est pas facile pour toi.'
'Vous ne savez rien!'
'Je te demande pardon?' Demanda Dumbledore sans élever la voix. Harry pouvait deviner le sourire que le vieux sorcier devait avoir en ce moment même. Cela acheva de le pousser à bout.
'Vous n'avez pas la moindre idée de ce que je vis depuis juillet,' dit Harry en serrant ses poings plus fort que jamais.
'Harry, qu'est-ce que tu as sur la main ?' Demanda soudainement Dumbledore en le coupant.
'Rien,' répondit Harry rapidement.
Mais avant qu'il ait eu le temps de tirer à nouveau sa manche pour recouvrir sa main, Dumbledore l'avait rejoint si vite que Harry resta figé de surprise. À la vue de la cicatrice de Harry, Dumbledore avait immédiatement oublié son plan. Il lui prit sa main sans rencontrer de résistance, et inspecta la blessure. Horrifié, il lut les mots rouges gravés sur la chair de Harry.
'Harry, je…' murmura-t-il d'un air absent.
Il leva ses yeux vers le visage du garçon, insouciant de ce qu'il pouvait provoquer. La situation lui avait échappé de la pire des manières. Harry fuyait son regard et tenta de retirer sa main de celle de Dumbledore. Malheureusement pour lui, la poigne du directeur était bien trop ferme.
'Qu'est ce qu'est c'est que ça, Harry?' Demanda Dumbledore d'une voix étranglée. Il avait peur de déjà connaître la réponse.
'Qu'est-ce que ça peut bien vous faire?' Grogna le garçon en tournant son regard vers celui de Dumbledore. Pour la première fois depuis juillet, il put enfin croiser le regard bleu clair de Dumbledore.
Ils étaient si proches l'un de l'autre que Harry pouvait distinguer tous les détails du visage qui avait été cachés dans la pénombre quelques secondes auparavant. Ils étaient si proches qu'il n'avait qu'à approcher sa tête de quelques centimètres à peine et il serait à portée. Il sentit quelque chose remuer avec force au fin fond de ses entrailles. Comme un serpent qui se dressait prêt à l'attaque. Dumbledore le relâcha et se dirigea vers son bureau. La sensation s'évanouit avec la même soudaineté qu'elle était apparue.
'Beaucoup plus que tu ne le penses,' murmura le vieux sorcier en se dirigeant vers son fauteuil. Il posa ses deux mains sur son bureau, fixant un point invisible qui semblait situé directement derrière Harry. Encore choqué de ce qu'il venait de se passer, Harry se força à se calmer.
'Hem hem!' Entendit-il derrière lui. Harry songea un instant à sauter par la fenêtre.
Dumbledore se redressa. Il s'était demandé combien de temps il pourrait la laisser dans l'ignorance de sa rencontre avec Harry et, de toute évidence, ce n'était pas assez. Il devrait prendre plus de précautions la prochaine fois.
'Je ne savais pas que les simples élèves pouvaient demander un tête-à-tête avec le directeur,' susurra Ombrage. 'Voulez-vous m'éclairer sur l'objet de cette rencontre? ' Son sourire s'agrandit.
'Je voulais demander au directeur si je pouvais quand même revenir dans l'équipe de Quidditch de Gryffondor,' intervint Harry avant même que Dumbledore ne puisse répondre à la question.
'Vraiment?' Jubila Ombrage. 'Mais vous comprenez sûrement la raison pour laquelle vous avez été expulsé de votre poste d'Attrapeur? Les mauvais comportements méritent d'être punis. N'êtes-vous pas d'accord avec moi M. Potter?'
Dumbledore sentit son cœur se serré lorsque Harry acquiesça poliment. Il ressentait cette humiliation comme si c'était la sienne et, le pire, c'est qu'il ne pouvait rien y faire. Le moindre faux-pas lui vaudrait d'être renvoyé de son poste de directeur. Il ne pouvait pas se permettre de s'éloigner de Harry.
Alors qu'Ombrage restait pour s'entretenir avec Dumbledore, Harry quitta le bureau le plus vite possible et se dirigea immédiatement vers la Chambre des Secrets. Ses pensées se bousculaient dans sa tête. Est-ce qu'Ombrage était la raison pour laquelle Dumbledore ne pouvait pas le voir? Non, sinon ils se seraient parler pendant l'été. Le Ministre pensait-il que lui et Dumbledore préparaient un coup comme le Prophète semblait le suggérer? Il se maudit de ne pas avoir pensé à ces possibilités plus tôt. Peut-être que Dumbledore avait ses mains liées.
Il regarda l'entrée du passage vers la Chambre s'ouvrir et soupira. Il y avait au moins un point sur lequel il ne s'était pas trompé, il ne pourrait compter que sur lui-même.
