La naissance d'une amitié

'L'arrogance de ce garçon n'a d'égal que son manque de respect flagrant et croissant,' cria presque Rogue en faisant irruption dans le bureau du directeur. 'Je refuse d'avoir à lui apprendre quoique ce soit!'

Dumbledore réprima un soupir. Ce n'était pas la première fois que son maître des Potions l'interrompait à ce sujet. Mais cette fois-ci il était beaucoup moins disposé à l'écouter.

'Severus, vous êtes au courant de l'importance de cette mission,' dit-il doucement. 'Vous savez pertinemment qu'il est crucial que Harry soit capable de contrôler sa connexion avec le Seigneur des Ténèbres.'

'Il n'est pas à la hauteur!' Rétorqua Rogue. 'L'occlumancie demande de la discipline et de l'humilité. Il ne possède aucune de ses deux qualités.'

'Et comment pourriez-vous le savoir?' Demanda Dumbledore qui commençait à devenir impatient. 'Severus, j'ai toujours eu beaucoup de respect pour vous, et j'en aurais toujours pour le travail remarquable que vous avez effectué au sein de l'Ordre. Vous êtes d'un professionnalisme rare. Mais lorsqu'il s'agit de Harry Potter, pouvez vous en dire de même? Pouvez-vous me regarder dans les yeux et m'assurer que vous l'avez toujours traité équitablement et avec bienveillance?'

Rogue regarda le directeur l'observer de son regard bleu perçant par-dessus ses lunettes en forme de demi-lune. Il détestait la capacité que semblait avoir Dumbledore à voir au plus profond de son âme. C'était un regard pour lequel on ne pouvait avoir aucun secret. Il détourna les yeux, dégoûté.

'Mon cher Severus,' reprit le directeur en reportant son regard sur le rouleau de parchemin qu'il lisait, 'je vous l'ai dit plusieurs fois et je vais vous le redire maintenant. Vous voyez dans ce garçon seulement ce que voulez bien y voir. Je peux vous assurer que le jour où vous le considèrerez pour ce qu'il est vraiment, votre opinion changera.'

'Et qu'est-il au juste?' Siffla Severus.

Dumbledore releva la tête en direction de la fenêtre à côté de son bureau. Le Soleil se couchait à l'horizon.

'Un jeune homme talentueux, malmené par un flux d'événements qu'il n'a jamais demandé. Un jeune sorcier qui a rejoint son monde trop tard et qui a été négligé jusqu'alors. Peut-être même pire, j'en ai peur.' Il dirigea son regard vers Rogue. 'Quelqu'un à qui j'aurais dû dire la vérité bien plus tôt que je ne l'ai fait, et à qui vous devriez donner une chance avant qu'il ne soit trop tard.'

Le ton de Dumbledore était presque celui de la confession.

'Monsieur le directeur,' dit Rogue d'une si douce que c'était presque un murmure. 'Êtes-vous en train de dire que vous regrettez ce que vous aviez prévu au sujet du garçon?' Il ne connaissait pas tous les détails du plan de Dumbledore, mais il n'était pas stupide. Dumbledore était un génie stratégique qui ne disait ni ne faisait rien sans une bonne raison. Mais d'une certaine façon, le vieux sorcier semblait avoir des remords. Comme s'il avait fait... une erreur.

Ce fut au tour de Dumbledore de détourner le regard.

'Nous devons tout à ce garçon,' finit-il par dire. 'Au lieu de le juger ou de décider pour lui, nous devrions essayer de l'écouter, pour une fois.'

Le directeur se repencha sur son parchemin, la rencontre était terminée. Rogue ferma la porte du bureau derrière lui, perplexe. Il est vrai que le garçon avait une certaine façon que l'énerver et que cela avait peut-être obscurci son jugement une ou deux fois.

« Vous voyez seulement ce que voulez bien voir. »

Il savait pertinemment ce que sous-entendait Dumbledore. Alors qu'il descendait les escaliers, il vit son reflet dans l'une des fenêtres. Depuis quand ne s'était-il pas regardé dans un miroir? Il s'observa attentivement. Le visage qu'il voyait était le même que celui dont il se souvenait. Peut-être avec une ou deux nouvelles rides principalement localisées entre ses yeux. Il effleura la surface dure et froide de la vitre en ce demandant à quoi aurait-elle ressemblé aujourd'hui.

'Que te dirait-elle si elle voyait la manière dont tu traites Harry?' Murmura une voix dans tête.

Il tourna furieusement les talons et s'enfuit dans ses cachots.


Harry quitta la bibliothèque, chassé par Mme. Pince. Minuit approchait et il avait été tellement absorbé par sa lecture qu'il n'avait pas vu le temps passé. En escaladant les escaliers en direction de la tour des Gryffondors, il ne put s'empêcher de sourire. Hermione aurait été fière de lui. Il se demandait si elle avait rejoint les Weasleys à Grimmauld Place. Son cœur se serra. Pourvu qu'ils aillent tous bien.

Il prit immédiatement sa douche et s'enfouit sous ses couvertures. Il avait passé l'intégralité de son après-midi, et soirée aussi apparemment, à lire tout ce qu'il avait pu trouver à la bibliothèque. Il avait commencé par 'L'Histoire de la Magie' de Bathilda Bagshot avant de poursuivre avec 'Les Familles Magique d'Angleterre Vol.5' du même auteur. Ce livre se concentrait sur les dix-neuvième et vingtième siècles et il avait réussi à prendre pas mal de notes sur la famille des Gaunts.

Il se retourna dans son lit, espérant que le sommeil le prendrait vite. Il ouvrit les yeux soudainement quand il entendit un bruit inhabituel en provenance de l'autre côté du dortoir. Il était le seul cinquième année des Gryffondor à être resté et, de fait, il n'aurait dû y avoir personne d'autre que lui dans cette pièce. Il repoussa doucement ses couvertures et s'accroupit sur son lit. Il banda ses muscles et se prépara à sauter. Un second bruit résonna et lui permit d'identifier l'endroit où son adversaire se trouvait. Il s'approcha à pas de loup pour se rendre compte, perplexe, que le son provenait d'une plaque de ventilation en bronze fixée au sol.

'Dès que tu le sens, n'hésite surtout pas me filer un coup de main!' Harry reconnu immédiatement le sifflement et se rua vers la plaque.

'Diffindo,' il murmura en attrapant les bords de la plaque.

Une fois qu'il l'eu désencastré, un éclair noir jaillit de l'ouverture en direction de ses couvertures. Il reposa la plaque au sol et s'approcha du lit.

'Je ne mords pas tu sais?' Le sifflement était amusé.

Harry s'assit dans son lit, faisant face au Basilic qui prenait les trois-quarts du lit à lui tout seul. Il regarda autour de lui avec méfiance et agita sa main. Ses rideaux se refermèrent et il envoya mentalement tous les enchantements de protection auxquels il pouvait penser pour se protéger des oreilles indiscrètes.

'Muffliato, Cave Inimicum.'

Le serpent cligna des yeux. Le garçon n'avait pas dit un mot, mais il avait senti des changements caractéristiques des sortilèges de protection dans l'équilibre magique de la pièce.

'Je suis ravi de voir que ta formation a porté ses fruits,' susurra-t-il.

'Merci,' répondit Harry. 'Que fais-tu ici? C'est dangereux pour toi!'

'Pourquoi n'es-tu pas venu dans le Chambre ce soir?' Rétorqua le Basilic.

Harry était venu dans la Chambre tous les soirs depuis septembre. Il réalisa qu'aujourd'hui il venait de briser cette routine pour la première fois. Le Basilic avait dû l'attendre et, réalisant que Harry ne viendrait pas, il était parti à sa recherche. Bien qu'encore petit pour un Basilic, la créature n'en restait pas moins un serpent de taille considérable, et Harry avait oublié qu'il n'avait que trois ans. Il savait, grâce à ses cours de Soin au Créatures Magiques, que les créatures magiques atteignaient leur maturité beaucoup plus rapidement que les humains. Aussi, le savoir accumulé par ces espèces était intégré dans leur noyau magique. Mais il n'empêche que le serpent avait passé toute sa vie en présence de Salazar, et que c'était sans doute la première fois qu'il s'était retrouvé seul. Harry devrait se souvenir d'être un meilleur maître.

'J'ai été occupé dans la bibliothèque,' répondit Harry. 'Tu as raison, j'aurais dû venir te voir.'

Le serpent siffla d'un air approbateur. Pas de tergiversions, pas de vaines tentatives de s'excuser. Harry était allé droit au but en expliquant et reconnaissant son manque de considération. Le garçon avait beaucoup évolué depuis qu'il avait brisé la statue d'un de ses pairs.

'Qu'as-tu trouvé au sujet de la Maison de Gaunt?'

Harry considéra brièvement les yeux jaunes du Basilic et réalisa quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti auparavant. Le serpent n'avait pas la servitude des elfes mais une personnalité forte. Cela dit, il était son allié. Son indéfectible et fidèle allié.

« Il vous aidera car vous êtes maintenant son maître. »

'Les Gaunts,' répéta Harry. 'Une vraie famille de cinglés, surtout les derniers.'

'Un peu de respect! Il s'agit de la descendance de Serpentard!' Siffla le serpent indigné.

'Une de ses descendances,' rectifia Harry en levant sa main pour apaiser le Basilic. 'Et à mon avis, ceux-là n'étaient pas dignes de son Héritage.'

Il attrapa ses notes et les étala devant lui pour en partager le résultat avec le serpent qui écouta attentivement.

Les familles magiques d'Angleterre n'étaient rien d'autre qu'un enchevêtrement inextricable d'alliances. Mais grâce au nom du père de Voldemort, dont il se souvenait très bien pour avoir été enchaîné à sa tombe quelques mois auparavant, il avait réussi à trouver la branche des Gaunts l'intéressant. Tom Jedusor Senior était le seigneur de Little Hangleton au début du siècle. Grâce à ces informations, il avait pu retrouver les Gaunts habitant la région à ce moment-là. C'était un cas typique de famille noble désargentée vivant dans le souvenir des gloires du passé. Dans les archives, Harry avait trouvé la mention d'un raid du ministère contre eux qui avait envoyé le père, Marvolo, et le fils, Morfin, à Azkaban. Seule la fille avait été laissée en liberté.

'Donc Merope doit être la mère de Tom,' conclu Harry en se massant les tempes. 'Elle était alors la seule descendante à vivre dans la région. Mais je n'ai trouvé aucune trace relatant un potentiel mariage avec le père de Tom.'

Il soupira et sourit.

'Si Tom a été élevé dans cette famille, je comprends très bien qu'il soit devenu fou.'

'Tom Jedusor était orphelin,' dit le serpent dans un sifflement doux.

Harry failli lui demander comment il savait cela, mais se souvint que sa mère avait été les yeux et les oreilles de Salazar Serpentard pendant des siècles à Poudlard.

'Il quittait rarement Poudlard,' reprit le Basilic. 'Il appréciait beaucoup parler avec ma mère car cela lui permettait de converser en Fourchelangue. Apparemment, il aurait passé son enfance dans un orphelinat qu'il a vraiment haï. Poudlard a été le foyer qu'il n'avait jamais pu avoir.'

Harry comprenait parfaitement ce que le serpent voulait dire. Un orphelin donc… 'Comme moi!' Ne put il s'empêcher de penser.

'Salazar m'a dit que je trouverais l'anneau de sa famille dans leur maison,' finit-il par dire.

'On dirait bien qu'un voyage nous attends alors!' Siffla le basilic plein d'enthousiasme.

'Nous?' Répéta Harry dans sa tête. Il appréciait beaucoup l'idée et laissa échapper un rire.

'Qu'il y a-t-il de si drôle?' S'offusqua le serpent.

'Je ne me moque pas de toi,' répondit Harry. 'C'est juste que le seul autre sorcier que je connaisse à voyager avec un serpent n'est autre que celui qui veut ma peau. Je trouve cela un peu ironique.'

'Il a un serpent,' dit le Basilic avec orgueil, 'et toi, un Basilic!'

Harry hocha la tête. Pour une fois qu'il avait un avantage par rapport à Voldemort.

'Quand partons-nous?' Reprit le Basilic.

'Oh…' Harry réfléchit un instant. Son Éclair de Feu était enfermé dans le bureau d'Ombrage et il devrait prévoir de voyager avec un serpent qui aurait du mal à passer inaperçu. 'Je n'ai pas encore réfléchi à cette partie encore.'

'Transplanage?'

'Je ne sais pas Transplaner,' répondit Harry.

'C'est de la magie, non?' Demanda le Basilic. 'En plus il paraît que tu as déjà réussi à le faire quand tu étais petit.'

C'était un peu plus subtil que de la simple magie, mais le serpent n'avait pas tort dans le fond. Et c'est vrai qu'il s'en était déjà servi pour échapper à son cousin.

'On dirait que mon entraînement est loin d'être terminé,' dit-il enfin.

Le serpent siffla joyeusement, approuvant la conclusion du garçon.

'Mais ça peut attendre demain,' bailla Harry. 'Je suis épuiser.'

Il posa ses lunettes sur sa table de chevet et tira le peu de couverture qu'il pouvait atteindre à lui.

'Est-ce que je peux rester?' Demanda timidement le Basilic au bout d'un moment.

'Fais comme chez toi,' lui répondit la voix ensommeillée du maître.