La Maison des Gaunts

Harry se dépêcha de retourner à son dortoir pour récupérer la cape la plus chaude dont il disposait, et s'éclipsa de la salle commune des Gryffondors. Le château était calme en cette soirée enneigée, et il n'eut aucun problème à rejoindre le miroir derrière lequel se trouvait le passage secret. Ce n'était pas la première fois qu'il violait plusieurs pans du règlement à la fois, mais cette fois-ci la sensation était différente. Plus que jamais il avait l'impression de prendre son destin en main et cela le grisait.

Dès que le miroir se fut refermé derrière lui, il sentit quelque chose ramper près de ses pieds. Il se baissa et caressa brièvement la tête du serpent qui siffla de satisfaction. Après une grande inspiration, il emprunta le tunnel silencieusement. Après une bonne demi-heure, il estima être suffisamment loin du château, et remua sa baguette pour invoquer une boule luminescente qui lui permis de mieux voire où il mettait les pieds. Il n'avait jamais pris ce passage auparavant et n'était pas sûr vers quelle partie de Pré-au-Lard il menait.

Soudain, le passage s'arrêta abruptement et il se retrouva face à un mur. Avait-il raté un carrefour?

'Revelio,' murmura-t-il.

Il sentit une pulsation magique provenir d'au-dessus de sa tête, et orienta la lumière dans cette direction. Cachée par la végétation proliférante, une trappe se dissimulait au plafond.

Ils émergèrent dans ce qui semblait être un abri rempli d'outils de jardinage. Harry en ouvrit la porte précautionneusement et se détendit. La cabane était située au bout d'un champ à l'extrémité du village. Ils se trouvaient au pied d'une colline et leur position surplombait le village. L'air froid lui mordit presque le visage et Harry resserra sa cape autour de ses épaules. Il s'aventura en dehors de l'abri, faisant crisser la neige sous ses pas. Le Basilic observa son maître s'avancer et c'est seulement lorsqu'il fut certain que la substance blanche au sol n'était pas dangereuse qu'il se décida à le suivre. Il glissa hors de l'ombre protectrice de l'abri et suivi Harry avec appréhension.

Harry guida le serpent derrière la cabane effaçant leurs traces derrière eux. En quoi métamorphiserait-il le Basilic?

Le lion qu'il avait réussi à obtenir dans la Chambre était si petit que seul un enfant aurait pu s'asseoir dessus. Harry avait besoin d'une créature suffisamment robuste pour voler en portant son poids. La solution se présenta à lui comme une évidence.

'Un Sombral,' murmura-t-il.

'Pardon?' Siffla le serpent.

'Je vais te transformer en Sombral.'

Le serpent était méfiant et Harry entreprit de lui expliquer la nature de ces créatures volantes. Il avait hésité avec un Hippogriphe, mais l'aspect reptilien des Sombral le convainquait que cela rendrait la métamorphose plus simple. Il leva sa baguette, imaginant la transformation du Basilic en un cheval squelettique doté de longues ailes noires, et l'abaissa avec fermeté.

Le Basilic resta immobile un court instant, puis, doucement, de longues pattes effilées commencèrent à apparaître. Sa tête s'étira en une forme plus dragonesque, et pour finir, deux ailes gigantesques en formes de celles de chauve-souris émergèrent de son corps. Hormis la queue qui était encore très reptilienne, la métamorphose fut un franc succès. Le Basilic tourna sur lui-même en produisant un son entre un hennissement et un sifflement. Il semblait content du résultat. Harry s'approcha pour monter sur son dos et s'aperçu que le Basilic avait gardé ses yeux, lui donnant un air encore plus sinistre.

Le cheval se baissa pour permettre à Harry de s'installer et s'éleva dans les airs avec tant de force que le garçon fut presque projeté par-dessus sa croupe.

'Désolé,' siffla le cheval. C'était très curieux d'entendre un Sombral produire un tel son et Harry se félicita d'avoir eu la lucidité de choisir une créature avec les caractéristiques nécessaires pour parler le Fourchelangue. 'C'est tellement nouveau pour moi!'

'Pas de problème,' répondit Harry en flattant son encolure. 'Tu t'en sors super bien.'

Il prirent la direction du sud et Harry observa le château se rapetisser au fur et à mesure qu'ils s'en éloignaient. Son cœur se serra.

Ainsi, ce serait une trahison.

'Qui est ce Dumbledore,' Demanda le serpent alors que Poudlard disparaissait derrière un nuage.

'Le directeur de Poudlard,' répondit Harry machinalement.

'Je n'ai pas demandé sa fonction au sein de l'école,' siffla le serpent en retour. 'Je te demande ce qu'il représente pour toi. Ta loyauté envers lui t'a permis de survivre face à ma mère, mais ce que nous faisons ce soir ne me semble pas très loyal.'

Le Basilic était fin et rusé. Après tout il avait passé toute sa vie avec nul autre que Salazar Serpentard. Il soupira.

'C'est quelqu'un que je n'aurais jamais imaginé tromper un jour,' dit-il avec amertume. 'Quelqu'un en qui j'avais confiance.'

'Mais plus maintenant?'

'Plus trop,' répondit Harry après quelques secondes.

'Mais tu aimerais bien pouvoir lui faire confiance à nouveau.' Le serpent essayait de comprendre cette relation qu'il trouvait bien compliquée. 'Tu sembles avoir des remords.'

Harry resta silencieux.

'Excuse-moi,' dis le Basilic. 'Je ne voulais pas t'attrister.'

'Tes questions ne me gênent pas,' dit Harry d'un ton apaisant. 'C'est juste que je ne suis même pas sûr de pouvoir y répondre moi-même.'

Des lumières apparurent à l'horizon et Harry s'assura que sa Cape d'Invisibilité le couvrait entièrement. Il remarqua un détail auquel il n'avait pas fait attention. Il pouvait être invisible, mais sa Cape n'était pas assez grande pour recouvrir le Sombral. Il enfouit ses mains dans la crinière et lança silencieusement le sort se rapprochant le plus de l'invisibilité qu'il connaissait.

'C'était quoi ça?' Renâcla le Basilic.

'Le Charme de Désillusion,' répondit Harry. 'Je sais que ce n'est pas très agréable comme sensation, mais cela va te permettre de passer inaperçu. On ne va pas tarder à survoler des zones habitées par des Moldus et je ne pense pas qu'ils soient prêts à voir un cheval squelettique voler dans le ciel.'

'Et on n'a pas vraiment envie de se faire attraper pas certains sorciers non plus,' approuva le Basilic.

Il prit un peu d'altitude et bientôt le silence le plus total les enveloppa. La nuit était calme et claire et Harry s'aperçu que les Sombrals était des êtres d'une rapidité étonnante car il reconnu les maisons familières de Little Whinging alors que minuit n'avait pas encore sonné.

Ils prirent la direction de l'ouest et le Sombral se rapprocha du sol. Harry avait vu une image du village qu'ils recherchaient mais n'avait pas plus de détail quant à sa localisation. Mais la chance était de leur côté car, au bout de deux heures de vol, Harry reconnut le clocher du village.

Ils se posèrent dans les bois alentours et Harry rendit sa forme au Basilic.

Il savait que la maison des Gaunts se trouvait dans la forêt mais hésita quant à la direction à suivre.

'C'est par là,' dit le Basilic en lui passant entre les jambes.

'Comment est-ce-que tu le sais?' Demanda Harry surpris de son assurance.

'Cet endroit est rempli de magie,' répondit le Basilic. 'Et nous autres, Basilics, y sommes très sensibles.'

Sans plus attendre, Harry suivit le serpent. Il y avait beaucoup de créatures magiques capables de ressentir et de résister à la magie. Les Basilic étant l'une des plus puissantes d'entre elles, il était logique qu'il en soit d'autant plus sensible et résistant.

Ils débouchèrent dans une clairière et le serpent se dressa, observant les alentours avec méfiance. Il n'eut pas besoin de dire à Harry pourquoi car le garçon sentait aussi qu'il y avait quelque chose d'étrange avec cet endroit. Il sentit le bracelet d'argent lui picoter le bras.

Dès qu'il s'engagea dans la clairière, l'air se fit plus lourd. L'endroit était protégé par des sorts et des enchantements qu'il ne connaissait pas et son intrusion faisait craquer la magie autour de lui. Il battit en retraite et la quiétude revint.

'L'Horcruxe est là,' déclara Harry. 'Mais je n'arrive pas à traverser la barrière de protection.'

'Moi je peux,' répondit le serpent avec un petit sifflement moqueur. 'Que dois-je aller chercher?'

'Un vieil anneau. Quelque chose de la même nature que l'Émeraude que tu gardais pour Salazar.'

Harry regarda le serpent se glisser dans la clairière et disparaître dans l'herbe. Il s'assit au pied d'un arbre et s'abîma dans le calme silence de la forêt. Il fut un temps où il n'aurait jamais osé ce genre d'imprudence, mais il réalisa qu'il n'éprouvait aucune peur. Il n'était pas complètement serein et sûr de lui, mais il prenait ses propres décisions et cela lui plaisait beaucoup. Ce n'étaient peut-être pas les choix les plus judicieux mais qu'importe. C'étaient les siens.

De plus, il avait maintenant un Basilic de son côté.

'Je l'ai trouvé.'

Harry ouvrit ses yeux et se trouva nez à nez avec le Basilic donc les yeux brillaient de fierté. Harry lui sourit et baissa son regard. Sur le sol, devant lui, se trouvait un anneau d'argent surmonté d'une étrange pierre. Il le prit dans ses main, hypnotisé par les détails et la profondeur du joyau. Il n'en avait jamais vu de tel et était certain qu'il était d'origine magique. Mais contrairement à l'émeraude de Salazar, il ne sentait pas la pierre vivante. Il leva l'anneau à la lumière de la lune pour l'étudier. Les reflets argentés dansèrent devant ses yeux et Harry réalisa que l'Horcruxe était en fait l'anneau en lui-même. La pierre n'était qu'un artefact serti dessus. Il considéra mettre l'anneau mais l'idée le révulsa. Cet objet avait été créé au prix d'une vie humaine. La simple sensation du métal touchant sa peau le dégoûtait et il enfouit rapidement le bijou dans une de ses poches intérieures.

Il se tourna vers le serpent pour le féliciter et réalisa soudain quelque chose.

'Je ne t'ai jamais demandé ton nom!' S'exclama-t-il un peu honteux.

'Je ne te l'ai jamais donné non plus,' répondit calmement le serpent. 'Mais c'est parce que je n'ai pas de nom.'

'Salazar ne t'en a jamais donné un?'

'J'étais le seul être auquel il s'adressait. Je suppose il n'a jamais trouvé cela nécessaire.'

'Tu aimerais que je t'en trouves un?' Demanda Harry.

'Absolument!' Répondit le serpent. Il ne savait pas pourquoi, mais avoir un moyen unique d'être reconnu par son maître lui plaisait beaucoup.

'Je ferais attention d'en trouver un à la hauteur, alors,' dit Harry joyeusement. 'Tu mérites quelque chose de digne!'

Le Basilic émit un sifflement d'approbation et bientôt il fut à nouveau changé en Sombral. Revigorés par leur victoire, ils s'envolèrent vers Pré-au-Lard. Harry ne put s'empêcher de remarquer que c'était la première fois qu'une de ses aventures était un véritable succès sans aucune victime.