L'humour du Destin

Parler avec Tom avait été épuisant, mais malgré cela, le sommeil continua de fuir Harry alors qu'il s'allongeait sous ses couvertures. Il était surpris du nombre d'expériences et d'émotions que lui et Tom partageaient. Il en était conscient depuis sa seconde année et Serpentard lui-même l'en avait averti. Mais le savoir et le réaliser étaient deux choses sensiblement différentes.

Mais il y avait autre chose dont il s'était rendu compte. Quelque chose qui l'embêtait beaucoup.

Tom n'était pas le meurtrier de ses parents pour la simple raison que Tom et Voldemort était deux personnes différentes. Le jeune homme n'était cependant pas une bonne personne. Son innocence avait été piétinée pendant son enfance et l'avait mené à faire les pires choix possibles. À partir du moment où il avait commencé à diviser son âme, il s'était perdu de plus en plus jusqu'à devenir un étranger.

Harry voulait haïr le garçon qu'il avait extrait de l'Horcruxe, mais il ne pouvait s'y résoudre. Pour être honnête, si ses parents l'avaient traité de la même manière que ceux de Tom, il n'était pas sûr qu'il aurait fait de meilleurs choix.

Il n'aurait peut-être pas combattu la décision du Choixpeau de l'envoyer à Serpentard. Il ne serait sans doute pas devenu l'Attrapeur le plus jeune de ce siècle, et n'aurait donc jamais connu cette impression de liberté unique qu'il ressentait à chaque fois qu'il volait et qui l'avait réconforté tant de fois.

Il n'aurait jamais rencontré Ron et Hermione.

Mais il aurait quand même refusé de serrer la main de Malefoy, pensa-t-il avec un sourire. Cette petite fouine.

Il ne pouvait pas nier qu'il n'avait jamais songer à s'échapper. À fuir Merlin seul savait où. Mais le fait qu'il avait toujours pu compter sur ses amis avait été déterminant. Tom n'avait jamais connu ça.

Il se retourna dans son lit et partit à la recherche de son sommeil. Demain serait une longue journée.


Tom resta immobile un long moment après le départ de Harry. Lorsque son regard finit par se porter sur le Basilic, ce dernier siffla d'un air de défi. Harry Potter était un garçon singulier et clairement pas le type qu'il aurait imaginé à Gryffondor. Il avait un passé aussi douloureux que le sien et savait parler le Fourchelangue, l'héritage de Serpentard. Il ne comprenait pas comment quelqu'un qui n'appartenait pas à la lignée du fondateur puisse posséder ce pouvoir. Aussi, il avait un Basilic. Il lui jeta un autre coup d'œil et reconnu certains de ses traits, comprenant qu'il faisait partie de la même famille du Basilic qui l'avait servi autrefois. Le serpent semblait jeune. Il était fort possible que son Basilic ait été sa mère.

Il observa les restes de son serpent avec tristesse.

Il réalisa qu'il s'était comporté comme un idiot. Il s'était tellement cru au-dessus des autres. Plus intelligent, plus fin, destiné à un brillant avenir où il pourrait montrer à tous cette supériorité. Et, de ce qu'il avait comprit, il avait réussi. Mais cette partie était brumeuse dans son esprit, comme tout ce qui s'était passé après qu'il ait placé une partie de son âme dans la bague des Gaunts. Il essaya de se souvenir des parents de Harry. Il se voyait en route vers un cottage, convaincu qu'il y trouverait l'enfant de la Prophétie. Cet enfant constituait une menace à son pouvoir grandissant. Ensuite, un éclair vert et puis plus rien. Le sort s'était retourné contre lui.

Il se leva et commença à faire les cent pas, plongé dans ses réflexions. Le serpent l'observa d'un air courroucé. Ce garçon était épuisant.


Lorsqu'Harry se réveilla, il se précipita dans la Chambre à nouveau. Le Basilic siffla avec joie en le voyant déambuler entre les statues pour le rejoindre.

'Salut toi,' sourit Harry en l'apercevant. 'J'espère qu'il ne t'a pas trop embêté?' Ajouta-t-il en montrant Tom qui les observait avec curiosité.

'J'ai eu un Basilic aussi je te rappelle,' intervint Tom. 'Les gens pensent que les serpents sont de nature traître. En vérité ils sont parmi les compagnons les plus fidèles que l'on puisse trouver. Il ne me serait jamais venu à l'esprit de défier ton Basilic.'

Harry hocha la tête, constatant que Tom semblait plus calme.

'Je voudrais savoir quelque chose,' reprit Tom. 'Comment as-tu survécu?'

Harry tourna son regard vers lui et Tom continua : 'Comment se fait-il qu'un nouveau-né ait pu survivre au plus puissant sorcier de tous les temps?'

'Ah, c'est une discussion que j'ai déjà eue avec un autre de tes Horcruxes,' dit Harry. 'Dumbledore est le sorcier le plus puissant de tous les temps. Mais là n'est pas la question.'

Il entreprit d'expliquer à Tom comment le sacrifice de sa mère lui avait octroyé une protection si puissante que même le Sortilège de la Mort n'avait pu l'atteindre. Il avait rebondi sur lui, frappant Lord Voldemort de plein fouet. Tom écouta patiemment mais un détail l'avait alerté.

'Un autre de mes Horcruxes? Combien en as-tu détruit?'

'Je ne savais même pas que s'en était un,' ricana Harry. 'J'ai détruit ton journal il y a trois ans.'

'Comment as-tu réussi?'

'Venin de Basilic,' répondit Harry en pointant les restes du Basilic. 'Combien en as-tu créé?'

Tom ignora la question. Donc c'est pour ça qu'il avait échoué. À cause de l'amour d'une mère pour son enfant. Il laissa un petit rire s'échapper.

'Qu'il y a-t-il de si drôle?' Demanda Harry.

'Rien. Je trouve juste ironique que ce qui m'a détruit a été la chose que je n'ai jamais pu avoir. Je ne sais pas, j'imagine que le destin a un étrange sens de l'humour.'

Il soupira et regarda Harry. À présent, c'était inutile de cacher sa tristesse.

'J'ai pris le temps de réfléchir à tout ce que tu m'as dit hier,' reprit Tom. 'D'une certaine manière, tu as raison.'

'D'une certaine manière?' Releva Harry.

'Ils n'étaient pas tous innocents,' expliqua Tom avec dégoût. 'Je peux regretter d'avoir tué Myrtle, mais pas mon père…'

'Je comprends.'

'Vraiment?'

'Il t'as trahi,' commença Harry. 'Lorsque j'ai appris le nom de celui qui avait trahi mes parents en donnant leur position à Voldemort, je voulais me venger. Je voulais le tuer. Et je ne l'aurais sans doute pas épargné si on ne m'en avait pas empêcher.'

Il se regardèrent en silence. Toute animosité avait quitté leurs regards.

'J'étais si sûr de moi,' dit Tom. 'J'étais convaincu qu'il n'y avait ni bien, ni mal…'

'Mais que le pouvoir et ceux qui sont trop faibles pour le rechercher.' Finit Harry avec un sourire.

Tom plissa ses yeux.

'Combien de fois nous sommes nous rencontré au juste?'

Harry lui décrit leur première rencontre devant le miroir d'Erised et leur combat pour la pierre Philosophale. Il continua avec sa seconde année et sans s'en apercevoir, il commença à étayer son récit de détails qu'il avait même caché à ses amis. Ses doutes, ses peurs, ses colères. Sa troisième année aurait été cependant plus calme si son parrain ne s'était pas échappé d'Azkaban. Puis il y avait eu le Tournois des Sorciers et le complot qui l'avait entrainé dedans contre sa volonté.

'Ainsi, il est de retour?' Demanda Tom lorsqu'Harry eu fini son récit.

« Il »? Tom progressait.

'Tu ne voulais pas plutôt dire « Je suis de retour »?' Demanda Harry d'un air malicieux.

'Tu es insupportable, tu le sais ça?' Répondit Tom. 'Je savais que créer des Horcruxes me permettrait d'assurer ma survie, et je connaissais aussi le risque lié à la fragmentation de mon âme. Je pensais pouvoir le maîtriser. Tout ce que je désirais… c'était me venger de ceux qui m'avaient trahi. Et je voulais m'assurer que le temps ne serait pas un obstacle.' Il plongea ses yeux noirs dans ceux de Harry. 'Je me rappelle quand j'ai tué Myrtle ainsi que mon père. Ensuite tout est confus dans ma tête. Comme un livre dans lequel il manquerait des pages. Mais si je suis vraiment devenu le genre de personne capable d'assassiner un enfant pour protéger mon pouvoir…' Il secoua sa tête. 'C'est qu'au final je n'ai pas été capable de me contrôler.'

Ils s'assirent sur le rebord de la fontaine et contemplèrent l'anneau sur lequel dansaient les reflets des torches.

'Alors comme ça tu parles le Fourchelangue?' Demanda Tom.

'La nuit où le sort de Voldemort a rebondit contre lui, il m'a donné cette cicatrice,' répondit Harry en montrant son front de la main. 'Apparemment il m'a aussi transféré une partie de ses pouvoirs.'

'Ce n'est pas possible,' dit Tom en fronçant ses sourcils. 'Le Fourchelangue n'est pas un simple pouvoir.'

'Qu'est ce que tu veux dire?' Demanda Harry surpris.

'Le Fourchelangue est inhérent à l'Héritage de Salazar. Ce n'est pas juste une langue, cela représente notre alliance avec les serpents. Si quelqu'un arrivait à apprendre le Fourchelangue, ça ne veut pas dire que les serpents l'écouteraient.' Il se tourna pour faire face à Harry. 'Mais toi non seulement ils t'écoutent mais en plus tu es le maître d'un Basilic!'

'Je préfère le voir comme un allié,' dit Harry rapidement.

'Allié, serviteur, ami, peu importe,' reprit Tom. 'Si tu ne faisais que réciter des mots, il ne t'écouterait pas. L'Héritage de Serpentard vit en toi. Il fait partie de toi.'

Harry n'était pas sûr d'apprécier ce qu'il entendait.

'Je n'y connais pas grand-chose en magie sacrificielle,' dit Tom après une courte hésitation. 'En revanche, j'en sais énormément sur les Horcruxes.' Il fixa Harry qui fuyait son regard. 'Notamment les Horcruxes vivants.'

Harry était paralysé. Son cœur se serra et il avait l'impression d'être sur le point de faire une attaque. Mais le pire, c'est que tout cela était peut-être vrai. Il savait que sa cicatrice n'était pas juste une connexion. C'était en vérité la marque laissée par le fragment d'âme de Voldemort qui s'était logé en lui.

'Les Horcruxes,' récita Tom, 'sont les parties dormantes de l'âme d'une personne. Mais ils n'en restent pas moins en vie. J'imagines que tu as dû avoir des visions étranges et faire l'expérience de sautes d'humeur parfois inexplicables?'

Harry avait à peine la force d'acquiescer. Il tremblait. La Prophétie prit soudainement tout son sens et un sourire horrible apparu alors sur son visage.

'Qu'il y a-t-il?' Demanda Tom inquiet.

Harry récita la Prophétie et Tom sursauta presque.

'C'est elle! C'est la Prophétie qui nous a lié !' S'exclama-t-il.

'Elle a lié nos destins, certes,' corrigea Harry, 'mais ça ne veut pas dire qu'ils devaient obligatoirement se rencontrer.' Il enfouit sa tête dans ses mains. 'Aucun d'eux ne peut vivre tant que l'autre survit! Je comprends maintenant! Si je suis en vie, je garde une partie de son âme et il ne peut pas être entièrement lui-même. Et de la même manière, s'il vit, je ne pourrai jamais être complètement moi-même.'

'C'est correct,' approuva Tom. Mais il s'empêcha d'ajouter l'évidence qui suivait ce raisonnement.

'C'est pour cela que seul moi ait le pouvoir de le vaincre. On peut détruire ses Horcruxes et le tuer. Mais seul moi aurait le mot final.' Il ferma les yeux, finissant le raisonnement. 'Je dois mourir.'