Le Rugissement de la Lionne

Harry éclata soudainement d'un rire sans joie et Tom le regarda, consterné. C'était un rire sauvage qui lui fit presque froid dans le dos.

'Tu viens de découvrir que tu allais mourir et ça te fais rire?'

'Désolé,' répondit Harry en tentant de se calmer. 'C'est juste que… Ah, comment j'ai pu être aussi stupide!' Il gloussa encore un peu avant de reprendre sa respiration. 'Si j'ai bien compris, je suis un élève de quinze ans pourchassé par le mage noir le plus terrifiant de tous les temps. J'ai récemment appris qu'il était pratiquement indestructible à cause de ses Horcruxes, mais malgré tout… malgré tout l'idiot que je suis s'était quand même imaginé pouvoir s'en sortir indemne. Et maintenant, je me rend compte que même si je fais tout correctement et que j'arrive à survivre, il faudra quand même que j'y passe!'

Tom resta silencieux. Peu importe ce qu'il avait à dire, ce n'était pas le moment. Il jeta un coup d'œil à Harry dont le regard absent survolait la Chambre.

Le garçon était innocent et à cause de lui, il devait maintenant faire face à une fin inéluctable que même lui, Tom Jedusor, ne se serait pas penser capable d'affronter.

'C'est si injuste…' Murmura Harry. 'C'est totalement, complètement et définitivement injuste!' Il cracha chacun des mots avec dégoût. 'Il y a-t-il un moyen?' Demanda-t-il finalement en se tournant vers Tom.

Le garçon devait vraiment être désespéré pour lui demander son aide. Mais ce n'est pas comme s'il avait vraiment le choix.

'Le seul moyen de détruire un Horcruxe,' dit Tom douloureusement, 'c'est d'en détruire le réceptacle au-delà de toute réparation… ou résurrection possible.' Il fit une pause. 'Quant à Voldemort… le pouvoir est une drogue. Une drogue hautement addictive. Comme tu le sais, une fois qu'on y a goûté, on ne peut plus s'arrêter.'

'Je m'en fiche un peu, pour être honnête.' Répondit Harry brutalement.

'La possibilité d'avoir tout ce dont tu n'as jamais rêvé. Plus de limite… Plus d'obstacle ou de barrière, plus… plus rien pouvant entraver ta route.' Tom ne comprenait pas que l'on puisse refuser une perspective si grisante. 'Le pouvoir c'est la liberté.'

'Je ne suis pas d'accord,' dit Harry avec fermeté. 'De plus si j'ai besoin de me sentir libre, je n'ai qu'à monter sur mon balai. Je n'ai jamais recherché le pouvoir et je ne pense pas que je le ferai un jour. De ce que j'ai pu observer jusque-là, le pouvoir est source d'ennui. Et j'ai déjà eu suffisamment d'ennui pour une vie entière.'

Le garçon marquait un point.

Le silence remplit la salle à nouveau et ils restèrent assit un long moment. Harry finit par se lever et quitta la Chambre sans un mot. Le Basilic reprit immédiatement sa place au côté de l'anneau.

Il laissa ses pas le guider au travers des couloirs de l'école. Il avait oublié de remettre sa Cape d'invisibilité en sortant de la Chambre mais il n'en avait rien à faire. Il était complètement engourdi, et tous les couloirs étaient flous.

Il se retrouva en haut de la tour d'Astronomie où il pu contempler les alentours de Poudlard qui étaient recouvert de neige. C'était simple et magnifique à la fois. Il se pencha contre la rambarde et laissa son regard flotter au-dessus de la Forêt Interdite. C'était là qu'il avait rencontré Voldemort pour la première fois alors qu'il était en train de boire le sang d'une Licorne. Si Firenze ne l'avait pas sauvé ce soir-là, c'est une histoire qu'il n'aurait jamais pu raconter. Sa colère monta d'un coup. Il avait frôlé la mort tant de fois et avait toujours réussi à s'échapper. C'est ça qui l'énervait autant.

Tout ça pour rien.

Son regard tomba au sol au pied de la Tour. Après tout, s'il n'y avait aucun espoir, pourquoi ne pas en finir maintenant? Sa respiration se fit rauque. Juste un saut. Juste un peu d'élan et tout serait fini. Il pourrait se reposer. Il pourrait rejoindre ses parents!

Ses yeux étaient fixés sur le sol enneigé. Le vide était si attirant.

Il entendu un craquement provenir de la Forêt et releva brusquement son regard. Au-dessus des bois, deux silhouettes ailées noires se distinguaient de l'immensité blanche, volant vers les montagnes à l'horizon. Des Sombrals. Harry plissa ses yeux. Apparemment, le plus grand enseignait au plus jeune à chasser.

Il laissa échapper son souffle qu'il avait retenu jusque-là et secoua la tête.

Il n'avait pas vraiment eu des pensées très joyeuses jusque-là. Mais là… Il avait vraiment touché le fond. Il s'éloigna du bord de la Tour et se concentra sur sa respiration. Sa mère s'était sacrifiée pour lui et c'est comme ça qu'il voulait la remercier?

Il se redressa et chercha du regard les deux créatures, mais elles avaient déjà disparu.

Il ne retourna pas dans la Chambre et décida se s'attaquer à la pile de devoirs qu'il n'avait toujours pas commencé. Il avait besoin de normalité et d'oublier tout le reste. Il récupéra sa liste de dissertations et la parcourue du regard. Métamorphose, Sortilèges, Divination… Au diable la Divination! Défense Contre les Forces du Mal… Il ricana. Non mais quelle blague.

Il choisi de commencer par la dissertation à rendre en cours de Sortilège. Le sujet portait sur le sort de Réduction qu'il maîtrisait très bien. Il trempa sa plume dans son encrier et commença à gratter la surface de son parchemin.

Il alla se coucher la tête remplie d'exemple d'utilisation du sort et cette fois-ci, il n'eut aucun mal à s'endormir. Il n'avait même pas eu le temps de se rappeler de la nouvelle effroyable qu'il avait appris plus tôt avant que la nuit ne l'emporte.

Cependant, le lendemain, la réalité le frappa de plein fouet. Il s'habilla et alla prendre son petit-déjeuner dans la Grande Salle de manière complètement automatique. Il ne remarqua même pas le hibou qui essayait désespérément d'attirer son attention.

'Je pense que ce hibou serait extrêmement heureux que vous lui accordiez ne serait-ce qu'une fraction de votre attention Mr. Potter,' dit une voix sévère derrière lui.

Il se retourna brutalement vers le professeur McGonagall, se demandant depuis combien de temps elle l'observait.

'Heu… bien professeur,' répondit Harry. Il attrapa le message que lui tendait le hibou qui s'envola presque immédiatement après avoir ébouriffé son plumage. Les élèves n'avaient plus aucune manière.

Harry remarqua avec embarras que le petit déjeuner était fini depuis un certain temps car il n'y avait plus que lui dans la Grande Salle. Il se leva, marmonnant des excuses.

'Asseyez-vous Potter,' dit McGonagall en tapotant son épaule.

Il obéit et attendit sagement ses réprimandes. Elle s'assit à côté de lui et prit une grande inspiration.

'Que se passe-t-il Potter?' Demanda-t-elle enfin.

Harry la regarda avec un air surpris.

'Ne me regardez pas comme ça,' dit-elle irritée. 'On ne vous voit presque plus à l'heure des repas, vous n'êtes jamais dans la pièce commune et lorsque vous daignez vous montrer, vous avez toujours l'air ailleurs.' Elle le regarda avec un regard presque compatissant. 'Je ne peux que deviner à quel point c'est dur pour vous en ce moment, mais votre absence ne passera pas inaperçue encore longtemps.'

Harry appréciait beaucoup qu'elle ne prétende pas savoir ce qu'il ressentait. Personne d'autre n'avait eu cette délicatesse. Cela dit, elle avait raison. Même Dumbledore avait dû intervenir pour protéger l'entrée de la Chambre afin qu'il ne se fasse pas remarquer. Il se demanda si McGonagall était au courant de ses allées et venues.

'Je suis désolé, professeur,' dit-il enfin un peu honteux.

'Ne soyez pas désolé Potter,' répondit McGonagall. 'Soyez là. Vous être libre de faire ce que vous voulez de votre temps libre, et je ne veux pas le savoir. Mais soyez-là quand ça compte. Montrez-leur que vous n'avez pas peur de vos mensonges ou des rumeurs qu'ils lancent pour vous nuire.'

Harry leva ses yeux vers son regard brillant. Il n'avait jamais remarqué qu'elle aussi avait des yeux verts.

'Je sais que je vous en demande beaucoup, et Merlin seul sait que vous avez gagné le droit qu'on laisse tranquille,' reprit-elle. 'Si cela ne tenait qu'à moi, je peux vous assurer que les choses seraient bien différentes.'

Harry pouvait sentir sa colère très Gryffondorienne bouillir dans ses veines. Cela le réchauffa de savoir qu'il y avait des adultes qui trouvaient la situation aussi scandaleuse que lui. Et le fait que McGonagall soit l'un d'entre eux signifiait énormément pour lui.

'Mais je ne peux rien y faire,' ajouta-t-elle les yeux brillant d'intensité. 'En revanche je peux choisir la manière d'y réagir.'

'Vous voulez dire que je devrais me défendre?' Demanda Harry, un peu incertain de ce qu'elle voulait dire.

'Exactement. Un Gryffondor se bat pour ce qui est juste. Nous ne sommes pas des lâches et nous sommes ceux qui nous dressons pour ceux qui ne le peuvent pas. Vous n'êtes pas un lâche Mr. Potter.' Ce n'était pas une question.

'Mais j'ai essayé, professeur,' dit Harry. 'J'ai vraiment essayé. Mais elle vient du ministère et il n'y a pas grand-chose que je puisse faire pour la convaincre.'

'Le ministère,' répéta McGonagall en grinçant des dents. 'Je ne parle pas de Mme. Ombrage ou du ministère Mr. Potter.' Harry remarque qu'elle avait délibérément omis d'utiliser le titre de Professeur en parlant d'Ombrage. 'Je vous parle de vos pairs. Des élèves. Ils n'ont pas le droit de vous traiter ainsi. Et vous ne pouvez pas les laisser faire.'

Harry acquiesça. Il avait pris énormément sur lui depuis le début de l'année scolaire, et avec son silence face aux brimades, il les avait encouragés à continuer. Pire que ça, ceux qui étaient indécis avaient commencer à douter de lui. S'il avait raison, alors pourquoi ne répondait-il pas aux accusations?

'Être seul, c'est être vulnérable,' dit finalement la directrice de la Maison. 'Être seul, c'est laisser Vous-Savez-Qui l'emporter. Si vous restez isolé, vous n'êtes plus une menace pour personne. Ai-je été claire?'

'Oui professeur,' répondit Harry.

'Bien.'

Elle se leva et pressa amicalement son épaule en passant derrière lui. Harry l'observa partir, méditant ce qu'elle venait de lui dire. Il s'était rarement senti aussi fier d'être un Gryffondor.

Il se sentit submergé par une vague d'énergie. Voilà un combat qui valait la peine d'être mener. S'assurer que ce genre de personne survive à la prochaine guerre. Faire en sorte que coûte que coûte, l'ascension du Seigneur des Ténèbres ne réduise pas à l'esclavage ces personnes fières et valeureuses qui faisaient leur possible pour rendre ce monde meilleur.

Il se leva à son tour. Que la Mort vienne donc le chercher. Il lui ferait un accueil dont elle se souviendrait longtemps. En attendant, il savait ce qu'il avait à faire.