À la croisée des chemins

'Tu vas encore nous dire que tu étais parti prendre l'air?' Harry entendit une voix dire dès qu'il pénétra dans la salle commune des Gryffondors.

Hermione l'attendait avec un air inquisiteur, ses bras croisés devant elle. Ron se trouvait à côté d'elle, un peu gêné, mais il avait le même regard accusateur. Le silence tomba rapidement dans la salle quand les élèves s'aperçurent de la dispute qui était sur le point d'éclater.

'On a tous besoin de le faire de temps en temps,' répondit Harry d'un ton dégagé.

Hermione leva les yeux au ciel et l'attira dans un coin à l'abri des oreilles indiscrètes.

'On sait que tu sors du dortoir en douce depuis au moins novembre Harry,' murmura-t-elle d'un ton irrité.

'Et alors?' Demanda Harry avec colère. 'Je suis sous surveillance ou quoi?'

'Ne le prend pas comme ça,' tenta Ron pour l'apaiser. 'Hermione et moi, on se fait du souci pour toi. Tu es tellement distant depuis quelques temps, on ne sait plus comment t'aider.'

'Je vais bien,' répondit Harry d'un ton acide. Il ne supportait pas d'être acculé, et l'idée que ses amis aient pu l'espionner l'irritait au plus haut point.

'Harry,' dit Hermione d'une voix timide. 'On ne sait pas ce qu'il passe chez toi et on ne peut qu'imaginer à quel point ça doit être dur. Mais… tu as changé et… Écoute on veut juste être là pour te soutenir. Mais tu ne nous laisse même plus le faire.'

'Ce qu'elle essaye de dire,' continua Ron alors que la voix d'Hermione se faisait si basse qu'on ne l'entendait plus, 'c'est que tu nous manques.'

Harry sentit son énervement grandissant s'évanouir d'un coup. Hermione avait vraiment l'air au bord des larmes et Ron semblait épuisé… Harry n'aurait jamais imaginé entendre Ron prononcer ces mots un jour. Il laissa son sac tomber au sol et se frotta les yeux.

'J'aimerais vraiment pouvoir vous dire ce qu'il se passe,' dit-il enfin. 'Mais si je le fais, je vous mettrai en danger. Je ne peux pas vous laisser faire, vous comptez trop pour moi. Plus je vous laisserai me suivre, plus je prendrai le risque de vous perdre.' Il regarda ses meilleurs amis tout à tour. 'Je suis désolé mais cette fois-ci c'est quelque chose que je dois faire seul.'

Il ramassa son sac et se dirigea vers son dortoir, ignorant Hermione qui l'appelait. Elle essaya de le suivre mais Ron la retint.

'Est-ce qu'on est en train de le perdre?' Murmura-t-elle alors que Harry disparaissait dans les escaliers.

'Il pense nous protéger,' répondit Ron d'un air inquiet. 'Harry ne nous ferait jamais de mal, tu le sais bien.'

'Tu le crois?'

'Pas toi?'

Hermione tourna son visage vers la fenêtre. Une larme coulait sur sa joue et elle ne voulait pas que les autres élèves la voient pleurer. Ron eut soudainement très envie de caresser sa joue pour essuyer la larme, mais il se contenta de rester auprès d'elle à côté de la fenêtre, pressant gentiment son épaule.

Harry rentra dans son dortoir le cœur plus lourd que jamais. Il n'avait jamais voulu blesser ses amis. Mais ils ne pouvaient pas les laisser s'attacher à lui. Ils ne savaient pas qu'à la fin il devrait mourir. Il aurait pu décider d'attendre. Attendre et voir si quelqu'un finirait bien par l'aider. Attendre et voir si Dumbledore réussirait à le sauver. Mais il ne pouvait pas. Il avait choisi de ne plus laisser les autres décider pour lui. Et pour pouvoir protéger le plus de personnes possibles, il devrait agir seul.

Enfin… il n'était pas vraiment seul. Il avait… il fallait vraiment qu'il trouve un nom pour son Basilic. Et il avait aussi Tom.

Quand Ron arriva à son tour, Harry feignit de dormir. Le lendemain matin, il se leva avant tout le monde et n'attendit même pas ses amis.

Il marqua sur son parchemin le sujet de la dissertation à rendre pour la semaine prochaine, et extirpa de son sac un autre morceau de parchemin sur lequel il travaillait depuis quelques temps. Il ne reviendrait pas sur sa décision concernant Ron et Hermione. Mais ça ne voulait pas dire qu'il les abandonnait. Lors du cours de Sortilège et observa les élèves pratiquer un enchantement qui n'avait plus aucun secret pour lui. Il réalisa que si la guerre atteignait Poudlard, aucun de ses camarades de classe ne serait capable de se défendre correctement. Ce serait un massacre.

Il leur laissait déjà Dumbledore, mais il prit la décision de leur donner encore plus. Le parchemin sur lequel il travaillait était son héritage qui, il l'espérait, donnerait aux élèves qui le souhaitaient, suffisamment de connaissances pour se défendre le jour où ils en auraient besoin.

Il avait encore quelques corrections à y apporter mais il avait encore du temps. Il devait encore trouver le diadème de Serdaigle dans la Salle sur Demande.

Il restait cinq Horcruxes. Le diadème était à Poudlard et la coupe de Poufsouffle avait été placée sous la protection de Bellatrix Lestrange. Harry avait fini par deviner que Nagini était aussi un Horcruxe. Selon lui, c'était la raison pour laquelle il avait pu assister à l'attaque de M. Weasley à travers les yeux du serpent. Il y avait ensuite l'anneau et enfin… lui-même.

Mais chaque chose en son temps. Harry décida de passer l'après-midi dans la Salle sur Demande pour chercher le diadème. Il prit la direction du septième étage et atteignit le mur que lui avait indiqué Tom.

'J'ai besoin de cacher un objet,' pensa-t-il en faisant les cent pas devant le mur. 'Et j'ai besoin qu'on ne puisse plus jamais le trouver ensuite.'

À son troisième passage, une porte se matérialisa devant lui. Harry s'en approcha doucement et jeta un coup d'œil aux alentours avant d'en tourner la poignée. La salle qu'il découvrit derrière était la plus grande pièce qu'il ait jamais vu de sa vie. Il avait l'impression d'être entré dans une cathédrale immense dont les hautes fenêtres laissaient passer une étrange lumière illuminant les tours d'objets oubliés par le temps. Harry était abasourdi. Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits, et il se concentra.

Il devait atteindre l'Horcruxe de la même manière qu'il avait atteint l'anneau. Mais il ne devait pas aller trop loin. Il voulait juste le trouver et non le réveiller. Il s'assit par terre et ferma ses yeux. Il laissa son esprit voguer dans la pièce, laissant libre cours aux émotions qu'il partageait avec Tom.

Au début il n'entendit qu'un gémissement. Comme un écho provenant d'un autre âge. Puis, il s'amplifia jusqu'à devenir un cri de douleur. Harry ouvrit ses yeux juste à temps. Il se leva et se dirigea vers la troisième tour sur sa gauche. Sur un mannequin de couture, se trouvait un diadème brillant incrusté de pierres ciselées et transparentes qui semblaient plus précieuses que le diamant le plus pur.

Harry le prit délicatement et le contempla à la lumière magique en provenance des fenêtres. Sa pureté étincelante n'était qu'une illusion, car, à l'intérieur des pierre précieuses, Harry reconnu les ombres familières de l'Horcruxe. Il cacha le diadème dans sa robe de sorcier et quitta la pièce.

En descendant les escaliers, il eut l'idée de décrire la Salle du Demande dans son parchemin. Si elle était capable de procurer ce dont les gens avaient besoin, elle pourrait s'avérer très utile dans le cas où des étudiants seraient à la recherche d'un endroit discret où s'entraîner.


'N'oublie qu'il exploitera le moindre de tes doutes,' dit Tom alors que Harry posait le diadème sur le sol de la Chambre. 'Ne le laisse pas t'atteindre. Ferme ton esprit.'

Harry respira lentement pour se concentrer.

'Ça va bien se passer,' encouragea Tom. 'Courage Gryffondor!'

Harry aurait pu sourire s'il n'avait pas été aussi nerveux.

Il resserra sa poigne sur le crochet du Basilic et fixa le bijou.

'À trois,' pensa-t-il. 'Un, deux, tro…' Il frappa le diadème de toutes ses forces. Il senti l'ombre se dresser tentant de piéger son esprit, mais il était prêt. Il pressa le crochet au cœur de la brèche qu'il avait créé dans la pierre principale. La voix se fit perçante, essayant de le déstabiliser. Mais son esprit était fermé. Personne ne passerait. Il n'était plus un faible garçon mais un jeune homme qui avait été entraîné par Salazar Serpentard.

Il se redressa, pantelant. Cette fois, il ne chancela pas.

'Alors ça c'était…' Effrayant, impressionnant… brutal. Plusieurs adjectifs se bousculèrent dans la tête de Tom. 'Extrêmement efficace,' dit-il finalement. Son ton était admiratif. Il n'avait jamais une telle démonstration de détermination de sa vie.

'Un Serpentard frappe une fois et frappe juste,' répondit Harry avec un sourire.

Tom acquiesça et sourit à son tour.

'Pour un Gryffondor tu en sais beaucoup ce que c'est d'être un Serpentard.'

'J'ai eu un bon professeur.'

Ils contemplèrent les éclats des pierres détruites du diadème qui gisait au sol.'

'Plus que quatre,' dit Tom.

'Je vais devoir quitter Poudlard.'

'Alors c'est décidé?' Demanda Tom surpris de l'air résolu de Harry. 'Tu es sûr de ne pas vouloir attendre cet été?'

'Je ne suis pas sûr d'avoir jusqu'à l'été,' dit Harry en frottant sa cicatrice.

Il se tourna vers son Basilic.

'Je ne sais pas encore quand je vais partir, mais c'est pour bientôt,' siffla-t-il. 'Je dois encore mettre mes affaires en ordre, mais quand le moment viendra, j'aimerais que tu m'accompagnes. Qu'en dis-tu?'

'On va encore enfreindre le règlement?' Siffla le serpent avec satisfaction. 'Où es ton sac?'

Harry le tendit vers le serpent qui se réfugia au fond du sac avec plaisir. Harry en avait arrangé l'intérieur pour qu'il soit plus confortable. La magie n'avait de cesse de le fasciner.

Il se tourna ensuite vers Tom et ramassa l'anneau.

'Donc je ne peux pas le mettre, c'est bien ça?' Demanda Harry en contemplant la pierre. Il avait fouillé la bibliothèque mais n'avait toujours pas trouver son origine. Son mystère la rendait d'autant plus envoûtante.

'Non,' répondit Tom. 'Mais je suggère que tu le garde constamment caché sur toi.'

Lorsque Harry releva son regard vers Tom, mais le jeune homme avait disparu. Il jeta un dernier coup d'œil à l'anneau et le glissa dans une poche d'intérieure qu'il avait magiquement conçue sur les conseils de Tom. Hormis lui, personne ne pouvait la voir ou l'atteindre.

Il regarda la Chambre se fermer derrière lui et soupira. Il se souvint de l'appréhension qui l'avait saisi lorsqu'il l'avait vu s'ouvrir trois ans auparavant. Il avait espéré pouvoir en sortir vivant. Aujourd'hui son seul espoir était de la voir se rouvrir un jour.