Les promesses qui nous lient

L'odeur de l'herbe mouillée… Il faut que… dégage de là. Pourquoi est ce que mon corps est aussi lourd? Qu'est ce que c'est que ce truc rouge sous moi? Ça va salir mes vêtements. Il faut que je me repose.

'Non, je n'ai pas envie d'aller à la Coupe du Monde de Quidditch, j'ai besoin de dormir Ron.'

Pourquoi mon nombril me démange-t-il? Où suis-je?

'Le sol tangue beaucoup trop, j'aurais dû dire à Sirius que le Whisky Pur-Feu n'était pas une bonne idée.'

Mais c'est si confortable ici. Quelle est cette chose blanche et douce? Est-ce que je peux m'en servir comme couverture?

Puis, les ténèbres le submergèrent.

Quand il ouvrit les yeux, il resta immobile dans la douceur de son lit. Le plafond du baldaquin était rouge. Il sourit. Tout cela n'avait été qu'un mauvais rêve! Il était encore à Poudlard et dans quelques minutes, il prendrait son petit déjeuner dans la Grande Salle avec ses amis!

Il essaya de s'asseoir mais une puissante brûlure lui paralysa l'épaule gauche, propageant une vague de douleur dans son corps. La réalité le rattrapa, lui faisant l'effet d'un cognard dans la figure. Cela n'avait pas du tout été un rêve.

Mais alors… où était-il? En cherchant ses lunettes, il entendit une voix paisible qu'il aurait pu reconnaître entre mille, s'élever de l'autre côté de la pièce.

'Bonjour, Harry. J'espère que tu as bien dormi.'

Dumbledore le regardait calmement. Quelques mois auparavant, Harry aurait ressenti le désir de lui arracher son visage. Quelques jours auparavant, il aurait tenté de le fuir le plus loin possible. Mais en ce matin ensoleillé de mars, il ne ressenti rien d'autre qu'un immense soulagement. Il était en paix jusqu'au plus profond de son être.

Il était avec Dumbledore.

Il était en sécurité.

'La tempête,' marmonna Harry. 'C'était vous?'

'En effet, ça l'était mon garçon. Quelques minutes avant l'attaque des Aurors, j'étais à Poudlard lorsque je reçu un message de Shacklebolt avec d'intéressantes informations te concernant. Je ne cacherai pas le soulagement que j'ai ressenti en recevant enfin des nouvelles à ton sujet,' dit-il avec un petit sourire en regardant Harry par-dessus ses lunettes en forme de demi-lune. Harry sentit la honte lui brûler les joues. 'Dès que je fus informé du plan du ministère et de l'endroit où tu te trouvais, je suis immédiatement passé à l'action. Lorsque je suis arrivé, j'ai aperçu à l'horizon quatre Aurors qui avaient l'air trempé et assez désemparé, mais j'ai rapidement repéré ta trace magique. Tu étais gravement blessé et en danger. Je n'avais pas une minute à perdre.'

Dumbledore avait tout expliqué de sa voix habituelle. Calme et posée. Mais Harry avait l'habitude des émotions cachées. Spécialement lorsqu'elles étaient puissantes. Dumbledore avait eu peur.

'Est-ce que je suis tombé de mon balai?' Demanda-t-il soudainement inquiet pour son Éclair de Feu.

'En effet,' répondit Dumbledore. 'Mais j'ai réussi à te rattraper à temps. J'ai maintenant un assez bon entraînement dans ce domaine grâce à un évènement dans des conditions similaires survenu il y a maintenant trois ans. Mais cette fois, j'ai fait encore mieux,' ajouta-t-il avec un sourire en pointant le précieux balai de son doigt long et fin. Il était posé sur un buffet à côté du mur.

Harry laissa échapper un soupir et essaya de s'asseoir péniblement. Il passa sa main sous sa chemise pour vérifier ses blessures. Elles étaient fraîchement pansées.

'Merci professeur,' murmura-t-il.

'Je t'en prie, Harry.'

Harry demeura silencieux, évitant les yeux bleus clairs. Il ne savait pas quoi dire. Il n'avait jamais imaginé revoir le vieux sorcier un jour. Sa gorge se serra un peu.

'Pourquoi êtes vous venu à ma rescousse? Est-ce que vous me cherchiez?' Demanda-t-il enfin.

'Aurais-tu voulu que je le fasse?'

Harry n'avait aucune réponse à fournir à cette question. Il n'en savait rien.

Dumbledore se pencha en avant et posa ses coudes sur ses genoux.

'Je n'ai pas été à la hauteur lors de ces dernières années. D'abord en te laissant aux mains d'une famille inapte et cruelle alors que tu n'étais qu'un nourrisson, et ensuite en omettant de te dire la vérité.'

'La Prophétie?' Demanda Harry. Si seulement Dumbledore savait que la Prophétie était le cadet de ses soucis.

'Tu n'as jamais mérité cette manipulation, peu importe le bien fondé de mes intentions,' répondit Dumbledore en acquiesçant. 'Je me souciais tant de toi, je pensais t'épargner. Toutes ses années où je n'ai pas réussi à te protéger correctement, je n'ai jamais trouvé le bon moment de te parler de tout cela.' Il soupira. 'C'est pourquoi, lorsque tu as quitté Poudlard, si j'ai d'abord pensé à partir à ta recherche, j'ai réalisé que ce n'était plus mon droit ni ma place.'

Harry soutint le regard du directeur. Il pouvait voir le remords qui rongeait Dumbledore.

'Tu as beaucoup changé,' dit Dumbledore à voix basse. 'J'aurais aimé m'en rendre compte avant qu'il ne soit trop tard. Lorsque je t'ai vu t'envoler au loin, je n'avais plus pour option que de respecter ta décision. À cause de mon comportement, j'avais perdu le droit d'avoir un choix.'

Harry réalisa que Dumbledore savait qu'il lui avait caché quelque chose alors qu'il était encore à Poudlard. A quel point le fossé entre eux deux s'était-il élargi pour qu'il n'ait même plus confiance en la sagesse du vieux sorcier ?

'Qu'est ce que vous allez faire maintenant?' Demanda Harry, ignorant la douleur grandissante qu'il ressentait dans le fond de sa gorge.

'Je vais profiter du bonheur de savoir que tu es en sécurité pour l'instant,' répondit Dumbledore en se levant et en s'approchant de la fenêtre.

'Je voulais dire par rapport à moi, professeur.'

'Est-ce que tu veux que je fasse quelque chose à ton sujet?' Demanda Dumbledore en tournant son regard vers Harry.

'Dis-lui pour les Horcruxes,' dit une voix dans la tête de Harry. 'Dis-lui que tu dois mourir. Dis-lui à quel point tu as peur…'

'C'est… c'est juste que je n'avais pas prévu de vous revoir, professeur,' murmura Harry.

'Me revoir avant quoi?' Demanda Dumbledore en s'approchant du lui.

'Espèce de sombre idiot!' Dit la voix dans la tête de Harry. 'Ça sert à quoi de cacher ce que tu sais si tu n'es même pas capable de le faire correctement ?!'

Il y eut tellement de confusion dans les yeux de Harry que Dumbledore regretta immédiatement sa question.

'Tu me cache quelque chose Harry,' dit-il d'une voix douce. 'Je ne te forcerai jamais à me révéler ce que c'est, mais je veux te rappeler la promesse que je t'ai faite avant Noël.'

Harry hocha la tête. S'il parlait, il n'était pas sûr du son qu'il ferait et pleurer n'était pas une option.

Dumbledore sourit gentiment.

'Je vais te laisser tranquille maintenant, Harry,' dit-il enfin. Ses yeux étaient si brillants. 'Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n'as qu'à appeler et je serai là. Je n'ai pas touché à ton sac, mais j'ai pris la liberté de nettoyer tes habits.' Il agita sa main et les vêtements fraîchement lavés et repassés de Harry apparurent au bout du lit. 'Ils étaient tâchés.' Sa voix vacilla presque.

Dumbledore se dirigea ensuite vers la porte.

'Je voudrais tellement pouvoir vous le dire! Je vous le jure!' S'écria presque Harry alors que Dumbledore posait sa main sur la poignée.

'Alors pourquoi ne le fais tu pas?' Demanda Dumbledore en tournant son regard apaisant vers le garçon tourmenté.

Harry s'était entièrement redressé dans son lit, son visage crispé de douleur. Mais il faisait de son mieux pour l'ignorer. Dumbledore aurait tant voulu le rejoindre pour le réconforter. Il aurait tant voulu lui dire qu'il ferait tout en son pouvoir pour protéger le garçon et que tout irait bien. Mais cela aurait été un mensonge.

'J'ai… J'ai fait une promesse,' commença Harry. Mais il ne finit jamais sa phrase. Il ne pouvait pas parler de son marché avec Salazar Serpentard. Il ne pouvait pas dire à Dumbledore, Champion de la Lumière, que Tom méritait une chance. Il ne pouvait pas confesser, après tout ce qu'il avait appris, qu'il ne voulait plus tuer Voldemort.

'Je comprends, Harry,' dit Dumbledore d'une voix triste. 'Prends tout le temps dont tu as besoin.'

Et avant que le garçon ne puisse ajouter quoique ce soit, il ouvrit la porte et s'en alla.

Le souffle de Harry était frénétique et il tenta tant bien que mal de le calmer. Dumbledore était partit. Il l'avait abandonné encore une fois.

'Il ne t'a pas abandonné,' réprimanda la voix. 'Tu l'as repoussé. Tu l'as repoussé parce que tu es incapable de lui pardonner.'

Harry sentit ses larmes lui brûler les joues.

'Parce que je ne peux pas me le pardonner,' murmura-t-il en essuyant rageusement ses larmes.

La douleur dans son épaule était maintenant insupportable et il se laissa tomber sur ses oreillers.

Lorsqu'il rouvrit ses yeux, le soleil se couchait à l'horizon. Il réussit à se lever et s'habilla. Il avait une faim de loup et avait besoin de manger quelque chose. Il se demanda si Dumbledore était encore dans la maison mais se décida à trouver la cuisine par lui-même. En passant à côté de son sac, il en caressa la surface doucement.

'Je reviens vite,' siffla-t-il aussi bas que possible.

Il a senti le tissu du sac frémir sous ses doigts et sourit. Il se dirigea vers la porte et l'ouvrit.

Le couloir était vide et il remarqua des escaliers au bout de celui-ci. Il les descendit et se retrouva dans un salon confortable. Des braises rougeoyantes craquaient doucement dans la cheminée et deux grands fauteuils rouges lui faisaient face. Le parquet était recouvert d'un tapis duveteux dans lequel ses pieds s'enfonçaient et les rideaux étaient à moitié tirés le long des fenêtres. Il se trouvait dans un petit village anglais qu'il ne connaissait pas. Les murs étaient recouverts de bibliothèques remplies de livres variés. Harry sentit la chaleur de la pièce l'envahir. Il se serait presque cru dans la salle commune des Gryffondors. Il traversa la pièce et arriva dans un autre couloir.

Une des portes était entrouverte et Harry pu voir qu'elle menait dans la cuisine. Il soupçonna Dumbledore d'avoir fait exprès de la laisser ouverte. Ses doutes se confirmèrent lorsqu'il découvrit que la table principale était dressée pour une personne avec un dîner digne de ce qu'il aurait pu avoir à Poudlard. Il s'assit timidement et commença à manger.

Où étaient Ron et Hermione en ce moment?

Il se demanda ce qu'il allait faire. Une partie de lui voulait impliquer Dumbledore. Mais il devait sauver Tom. Il l'avait promis, mais avec le temps, cette promesse envers le vieux fondateur était devenue une promesse envers lui-même et envers Tom. Sauver Tom lui permettrait d'entretenir l'espoir de le revoir dans l'au-delà. Même si cela ne serait que pour lui dire adieu.

Lorsqu'il eut fini son repas, il se leva et reparti en direction du salon. Il sentit les premiers picotements dans le couloir. En entrant dans la pièce chaleureuse, c'était devenu une brûlure intense. Harry fut surpris car cela faisait longtemps qu'il n'avait pas senti sa cicatrice lui faire mal. Il ne parvint jamais de l'autre côté du salon et s'effondra sur le sol.