La dernière réunion de l'Ordre
Lorsque Dumbledore s'extirpa de ses pensées, Harry était parti depuis longtemps et l'embrasure de la porte était vide. Il tourna les talons et se dirigea vers le feu mourant. Bientôt, il s'embrasait d'une flamme nouvelle de couleur verte.
'Douze Grimmauld Place,' murmura le vieux sorcier.
Il émergea de la cheminée donnant dans la salle de réunion du quartier général de l'Ordre du Phénix. Autrefois la pièce avait été une des salles de réception les plus célèbres du monde des Sorciers. C'était une grande salle dotée de larges fenêtres qui montrait magiquement n'importe quel paysage au choix. Deux chandeliers massifs étaient suspendus au plafond et ils avaient pendant longtemps éclairé le parquet d'ébène. Seul un expert aurait pu deviner les réceptions somptueuses qui avaient dû avoir lieu ici. Car maintenant, une immense table de chêne se tenait au milieu de la pièce, entourés de chaises faites du même bois. La table était recouverte de cartes et de rouleaux de parchemins de toutes sortes. Contre les murs se trouvaient de nombreuses étagères croulant sous les documents et artefacts récupérés par les membres de l'Ordre au cours de l'année passée qui en occupaient les rangées.
Dumbledore sortit de la cheminé en s'époussetant soigneusement, et la porte de la salle s'ouvrit pour laisser rentrer les membres de l'Ordre qui le rejoignirent autour de la table. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu leurs visages avec des traits aussi tirés. Il jeta un coup d'œil à Sirius. Depuis que Harry avait disparu de Poudlard, il avait été très dur de garder le contrôle sur cet homme. Il était constamment en alerte, à l'affût de la moindre information qui aurait pu le renseigner sur la position de son filleul. Dumbledore n'avait pas encore décidé s'il devait lui apprendre sa récente rencontre avec le jeune homme. Il détacha son regard de Sirius et attendit que tout le monde soit assis avant d'en faire de même. Il fut un temps où il aimait être celui qui connaissait tous les indices et qui les utilisaient pour le bien commun. Mais plus il vieillissait, plus il considérait cela comme un fardeau de plus en plus lourd. Devenait-il sentimental?
Une fois que tout le monde fut correctement installé, il tourna son regard vers Shacklebolt qui se racla la gorge avant de parler. Il était aisé de voir qu'il n'apportait pas de bonnes nouvelles.
'Le ministère a décidé d'ignorer votre demande de renfort à Poudlard,' dit-il d'une voix maussade.
'Cela m'attriste presque de dire que je n'en attendais pas moins de Cornelius,' répondit Dumbledore. Il sortit une lettre de sa poche. 'Quelques minutes après avoir envoyé mon message, j'ai reçu un hibou du ministère m'informant que je dois me présenter à une audience la semaine prochaine devant le Conseil des Gouverneurs.' Il fit une pause en contemplant la lettre d'un air de dégoût mêlé de déception.
'J'imagine que la bonne nouvelle est que le ministère ne sans doute plus là la semaine prochaine,' dit Sirius d'un ton acide.
'Même si le Ministre avait accédé à la requête de Dumbledore,' continua Shacklebolt un peu honteux, 'il n'aurait pas été en mesure de réunir les forces nécessaires.' Il soupira. 'Je n'ai jamais vu le bureau des Aurors aussi vide. Depuis que Potter a été repéré non loin des falaises des Cornouailles, tout le monde est déployé. Sans mentionner l'évasion d'Azkaban qui ne nous aide absolument pas.'
En entendant le nom de Harry, un silence pesant tomba sur l'assemblée.
'J'ai entendu dire qu'il avait neutralisé… Combien déjà?' Demanda Arthur Weasley en faisant semblant de compter sur ses doigts. 'Sept Aurors?'
Plusieurs sourires éclairèrent les visages des membres de l'Ordre et Sirius rayonna de fierté.
'Donc si mon compte est bon,' reprit Arthur en souriant, 'il a réussi à mettre hors-jeu la Grande Inquisitrice de Poudlard et sept Aurors en moins de trois mois. Pas étonnant que le Ministre ne l'apprécie pas beaucoup.'
Molly leva les yeux au ciel mais ne pu s'empêcher de sourire à la tentative de son mari de détendre l'atmosphère. L'Ordre avait traversé des temps sombres et difficiles au cours de l'année passée. Et Arthur était probablement l'un de ceux qui en avait le plus souffert. Mais elle était impressionnée par sa capacité à tirer le meilleur de toute situation. Sa vivacité d'esprit était précisément ce dont l'Ordre avait besoin en ce moment. Juste avant que la guerre n'éclate pour de bon.
'Au moins,' dit Dumbledore, 'les meilleurs Aurors sont de notre côté. J'espère que Cornelius entendra raison avant qu'il ne soit trop tard.' Il prit une profonde respiration. Il fallait maintenant planifier la défense de Poudlard.
'Sirius, Remus, je veux que vous restiez ici et que vous vous assuriez que tous les membres qui nous rejoindront au cours des prochaines heures soient au courant des détails de ce qui les attendent. Je veux que vous vous teniez prêts à rallier Poudlard lorsque Fumseck vous le signalera. Tonks je voudrais que vous vous rendiez dans notre repaire à Manchester pour informer Emeline et Deladus qu'ils sont attendus à Grimmauld Place dès que possible. Alastor, j'ai besoin que vous trouviez Fletcher et que vous le rameniez ici par n'importe quel moyen.' L'œil magique de Fol-Œil sembla s'illuminer et un sourire effrayant apparut sur son visage. 'Arthur, Kingsley je souhaiterais que vous retourniez au ministère. Vous y serez mes yeux et mes oreilles. Essayez de rassembler discrètement autant de partisans que possible et qu'ils soient prêts à rejoindre Poudlard à mon signal. Suivez les mêmes règles que d'habitude mais gardez à l'esprit qu'il s'agit d'une urgence. Donc je ne pense pas qu'il y ait besoin d'être aussi subtil que d'habitude.' Il laissa son regard peser sur les deux employés du ministère qui acquiescèrent d'un air grave. Il se tourna ensuite vers Molly. Il n'aimait pas du tout ce qu'il était sur le point de demander, mais chaque baguette compterait. 'Molly je dois vous demander de contacter vos fils, Charlie et Bill. La décision de le faire vous revient, mais leur aide sera grandement nécessaire.' Molly soutint le regard de Dumbledore et conserva un air sévère. Dumbledore ne pouvait qu'espérer qu'elle serait d'accord avec lui.
'Quant à moi,' ajouta-t-il enfin. 'Je pars pour Poudlard immédiatement pour organiser la défense de l'école. Remus, Alastor, je souhaiterais entendre votre avis à ce sujet avant de commencer votre mission.'
Le directeur de Poudlard se redressa et regarda chacun des membres. Aucune question ne fut posée. Il agita sa main et la porte s'ouvrit. La réunion était terminée.
Sirius se leva lentement et quitta la pièce d'un pas lourd. Comme d'habitude il avait la mission la plus ingrate, bien qu'il comprenne son importance. Au moins cette fois, il aurait Lunard pour lui tenir compagnie. Mais il était plus inquiet pour Harry. Depuis qu'il avait été vu sur ces falaises, il avait dû combattre de toutes ses forces son envie de se transformer en chien pour partir à sa recherche lui-même. Il avait toujours sur lui la deuxième partie du miroir qu'il avait donné à Harry avant le début de l'année scolaire. Pas une journée n'était passée depuis sa disparition sans qu'il espère voir son filleul apparaître de l'autre côté du miroir.
Il s'assit dans la cuisine et observa d'un œil torve les membres de l'Ordre s'en aller. Arthur croisa son regard et le salua d'un mouvement de tête avant de disparaître dans la cheminée. Bientôt, la cuisine devint silencieuse.
'Je comprends parfaitement l'attrait que peuvent avoir les endroits sombres, spécialement lorsque l'on désire se cacher,' dit une voix moqueuse derrière lui. 'Mais si tu me le permets, je préfèrerais avoir un peu plus de lumière.'
Sirius grogna et agita sa main. Des chandelles s'allumèrent et Lupin attrapa une chaise pour s'asseoir devant son ami. Il resta silencieux, attendant que Sirius prenne le temps dont il avait besoin pour parler.
'C'est juste que je sais qu'il a besoin d'aide,' soupira enfin Sirius. 'Et ça me tue de ne pas savoir où il est.'
Lupin acquiesça. S'il avait eu une mornille à chaque fois que sa patience avait payé, il ne serait pas aussi pauvre.
'Harry est le garçon le plus ingénieux que je connaisse,' répondit lupin d'un ton apaisant. 'Il aurait eu sa place parmi les Maraudeurs!' Sirius eut un petit rire. 'Je suis sûr qu'il va bien. Et je sais qu'il nous contactera dès qu'il le pourra.'
'Aaaah mon cher Lunard,' dit Sirius en se frottant les yeux. 'J'aimerais être aussi optimiste que toi.'
'N'as-tu pas confiance en Harry?'
'Ce n'est pas ça!' Répondit Sirius avec précipitation en fronçant ses sourcils. 'Je… Je lui ai dit quelque chose que je n'aurais jamais dû dire. Et même si je me suis excusé auprès de lui lorsqu'il est venu à Noël, je ne suis pas sûr qu'il m'ait pardonné… Et je ne pourrais pas lui en vouloir.'
'Je t'assure qu'il l'a fait,' dit Lupin d'un ton ferme en levant un de ses sourcils. 'Je l'ai observé pendant les vacances, Sirius. C'est vrai qu'il semblait parfois ailleurs, comme plongé dans ses pensées, mais je peux t'assurer qu'il t'admire énormément. Quoi qu'il fasse en ce moment, tu peux être sûr qu'il le fait pour venir vivre avec toi le plus vite possible.'
'Alors pourquoi ne nous laisse-t-il pas l'aider?' S'exclama Sirius irrité.
'Tu sais aussi bien que moi que demander de l'aide n'est pas toujours aussi simple que ça,' dit Lupin avec un regard brillant.
Sirius secoua la tête et fixa la table. 'Alors pourquoi les choses sont-elles toujours aussi compliquées ?!' Voulait-il demander. Il savait que cette question était stupide.
'Tu as raison,' finit-il par dire. 'Comme d'habitude.'
'Aie foi en Harry, Patmol,' dit Lupin d'un ton compréhensif. 'On sait tous que c'est dur pour toi. Aie juste un peu de patience et aie confiance en Harry. Tout ira bien.'
Sirius eut un faible sourire, mais il était sincère. Remus avait toujours été le plus sage de la bande et Sirius voulait vraiment le croire. Ils se regardèrent pendant quelques minutes et Lupin se leva finalement pour faire du thé. Bientôt le reste des membres de l'Ordre du Phénix arriverait, et une boisson chaude serait plus que bienvenue compte tenu de l'ampleur de la tâche qui les attendait.
