Le Calme Après la Tempête
Il ne voulu pas ouvrir les yeux tout de suite. Il s'accrocha de toutes ses forces aux paisibles ténèbres dans lesquelles son esprit voguait. Cet apaisant et calme océan noir qui l'avait emmené au large de l'étrange blancheur. Avec réticence, il laissa ses sens lui revenir. La première chose qu'il sentit fut les vibrations du sol sous sa joue. Il entendit ensuite une rumeur lui remplir les oreilles. Des pleurs étouffés et des murmures éplorés. Mais au-dessus de ce bruit, un sifflement triste et désespéré qui lui brisa le cœur.
Il ouvrit les yeux et vit… le néant. Une sorte de mur gigantesque vert foncé qui lui barrait la vue. Ce mur semblait vivant. Cela lui prit quelques secondes pour comprendre qu'il s'agissait du corps de Supra qui le protégeait du reste de la foule. Il avait dû se ruer aux côtés de Harry en le voyant tomber sous le Sortilège de la Mort, et il défendait maintenant la dépouille de son maître.
Harry leva une main et la pressa gentiment contre la peau douce et froide du Basilic.
'Tout va bien Supra, je suis là.'
Le Basilic se tourna brutalement vers Harry et se figea. Ce dernier était sur le point d'ajouter quelque chose quand la tête de Supra fondit sur lui. Pendant un court instant, Harry cru qu'il allait mourir. Mais le nez du serpent le poussa gentiment et il se retrouva assis sur les anneaux de la créature. Le sifflement de Supra était presque un grondement.
'Tu es têtu petit!'
'Je suis désolé,' dit Harry d'un ton apaisant. 'Ce serait trop compliqué à expliquer, mais il le fallait.'
'Comment as-tu survécu?' Demanda le Basilic en se calmant.
'Disons que j'ai fais le choix de revenir,' sourit Harry en levant sa main vers la tête de son ami.
Le serpent regarda la main et pressa le bout de son museau contre la paume tendue. Son sifflement ressemblait maintenant à un ronronnement.
'Je suis heureux que tu sois revenu.'
Ils restèrent comme ça quelques secondes jusqu'à ce que Harry réalise quelque chose d'assez embarrassant. Le silence. Un silence pesant et assourdissant.
'J'espère qu'il te reste quelques forces,' dit le Basilic qui l'avait remarqué aussi. 'Tu es bon pour une ovation.'
'C'est bien ce que je craignais,' répondit Harry avec un sourire crispé.
'Cet homme téméraire dont tu m'as parlé,' reprit Supra. 'Ce Dumbledore. Il tient vraiment à toi, tu sais? Comme Salazar te l'as dit, il ne tient qu'à toi de lui faire confiance à nouveau. Je ne pense pas que ce serait une erreur de le faire, bien au contraire.'
'Téméraire?' Questionna Harry en levant un sourcil
'Je pense que ça correspond bien pour décrire un homme prêt à approcher un Basilic tel que moi,' répondit Supra avec une pointe d'orgueil dans son sifflement.
Harry s'esclaffa et contempla son Basilic encore quelques secondes, savourant ces derniers instants de paix. Quand il se leva enfin, Supra indiqua d'un mouvement de tête le corps sans vie de Tom Jedusor. Harry s'en approcha lentement. Le Sortilège avait rebondi une fois de plus.
Mais il n'eut pas le temps de réfléchir à la mort de Tom car il entendit des pas précipités dans sa direction et fut happé dans une étreinte étroite et forte. Il sourit en reconnaissant les deux personnes qui avaient couru vers lui.
'Vous m'avez manqué,' dit-il d'une voix étouffée. 'Hermione, je crois que ton bras est sur ma gorge.'
'Tais-toi,' murmura son amie qui avait sa tête enfouie dans son épaule. 'Non mais… quel idiot.'
Mais elle finit par le relâcher. Elle ne pleurait pas mais ses yeux étaient rouges.
'T'es vraiment dans un sale état.'
'Ça me fais plaisir de te voir aussi, Ron,' sourit Harry.
Cela faisait longtemps que Ron et Hermione n'avait pas vu un sourire sincère sur le visage de leur ami. Une vague de gens les submergea et le silence pesant fut remplacé par des acclamations joyeuses et des rires soulagés. Tout était terminé, et ce grâce à Harry Potter. Encore une fois.
Harry réussi à s'extirper du chaos enjoué sous l'œil bienveillant de son Basilic, et remarqua que certaines personnes se tenaient en retrait de la célébration improvisée. Les employés du ministère étaient rassemblés de l'autre côté de la clairière, fixant la foule allègre d'un regard mortifié. Cornelius Fudge était en grande conversation avec Albus Dumbledore qui avait l'air de beaucoup apprécié la conversation, à l'inverse de son interlocuteur. Fudge avait l'air de vouloir en finir au plus vite.
Harry s'approcha d'eux, ignorant complètement le groupe d'Aurors. Fudge se tut immédiatement quand il remarqua que Harry les avait rejoints.
'Excusez-moi,' dit Harry d'un air mutin, 'est-ce que je vous dérange?'
'Pas le moins du monde Harry,' sourit Dumbledore. 'Le ministre m'informait juste que mon audience prévue la semaine prochaine venait d'être annulée et qu'il me recevrait une fois que le ministère aurait repris la situation en main.'
'De quelle situation parlez-vous?' Demanda Harry d'un ton innocent.
Dumbledore tourna son attention vers Fudge, attendant poliment sa réponse.
'Eh bien, nous avons un corps sur les bras et nous devons ouvrir une enquête,' répondit nerveusement le Ministre en fuyant le regard de Harry.
'Auriez-vous l'amabilité de nous dire de quel corps il s'agit?' Demanda Dumbledore d'un air candide.
'Vous savez très bien de qui je parles!' S'exclama Fudge d'un air mauvais.
'En effet,' répondit Dumbledore. Il n'avait plus du tout l'air candide et son ton était acéré. 'Vous excuserez mon manque de subtilité mais le moins que vous deviez à ce garçon est de lui dire de qui nous parlons. Et je veux un nom, Cornelius.'
Fudge fixa Dumbledore mais il ne put soutenir le regard bleu clair qui semblait le scruter au plus profond de son âme.
'Lord… Lord Voldemort,' dit en fin Fudge comme si chacun des mots lui brûlait la langue. Il soupira et se tourna vers Harry, n'osant toujours pas regarder directement le garçon. 'Au nom du ministère je souhaite vous adresser nos remerciements ainsi que nos excuses les plus sincères.'
'Bien,' sourit Dumbledore. 'J'espère que nous aurons le plaisir de lire un discours un peu plus élaboré dans le Prophète demain matin.'
Fudge maugréa des mots inintelligibles et tourna les talons pour rejoindre ses Aurors. Les yeux de Harry le suivirent avec une satisfaction féroce. L'humiliation du Ministre de la Magie devant ses subordonnés serait suffisant pour l'instant. Fudge adressa un signe de tête à quatre Aurors qui s'approchèrent du corps de Voldemort avec précaution. Une fois qu'il furent prêt, ils transplanèrent dans un bruit sonore et Harry devint subitement conscient de la présence du directeur à ses côtés.
Autour d'eux, les membres de L'Ordre du Phénix continuaient de célébrer en savourant la douce saveur de la victoire. Mais Harry avait l'impression d'être piégé dans une bulle de silence qui étouffait tous les sons provenant de l'extérieur. Il trouva enfin le courage de se tourner vers Dumbledore et rencontra immédiatement le regard fier et rassuré de son directeur.
'Avant toutes choses,' commença Dumbledore, 'je tiens à ce que tu saches que quoique tu décide de faire, je respecterai ton choix. Poudlard te sera toujours ouverte, mon garçon.' Sa voix trembla légèrement. 'Mais si tu décide de partir, je ne me mettrai pas en travers de ton chemin et je ferai en sorte que personne ne le fasse.'
Une forte exclamation de joie résonna dans la clairière et Harry se sentit soudainement très fatigué. Tout ce désordre l'empêchait d'ordonner correctement ses pensées. Il regarda ses amis sans vraiment les voir. Leur bonheur le réchauffait mais il réalisa qu'il n'en voulait pas. Il ne voulait pas de la gratitude de personnes, même de celles qui lui étaient chères, qui n'avaient aucune idée de ce qu'il s'était réellement passé ce soir. Pendant un moment il pensa à s'en aller. Partir droit dans la forêt et disparaître à jamais. Ça n'avait aucune importance que personne ne comprenne pourquoi. Ça n'avait aucune importance que ça les blesse car ils étaient maintenant libres.
Aucune importance.
Il soupira et se tourna vers Dumbledore à nouveau. Ses yeux bleus le fixaient patiemment. Et aussi simplement que ça, le doute qui avait assailli l'esprit de Harry s'évanouit comme si une brise tiède l'en avait chassé. Dumbledore avait respecté toutes les promesses qu'il lui avait fait et avait continué à veiller sur lui malgré tout. Harry compris qu'il était fatigué d'en vouloir au monde entier. Il avait tant pris sur lui au cours des derniers moi, peut-être était-il tant de laisser son mentor prendre la relève. Peut-être qu'il était maintenant temps pour lui de reposer enfin.
'Je crois que je suis prêt à tout vous dire,' dit-il enfin. Dès que les mots franchirent ses lèvres, il se sentit immédiatement plus léger d'un poids qu'il ne savait même pas qu'il portait.
'Me dire quoi précisément?' Demanda gentiment Dumbledore, ignorant complètement l'allégresse ambiante.
'Tout ce qu'il s'est passé,' répondit Harry. Il regarda son directeur et réalisa qu'en ce moment précis, la seule place où il désirait se trouver était le bureau de Dumbledore. Un refuge calme dans lequel il serait en présence du seul sorcier qui s'était toujours tenu à ses côtés. Le seul en qui il avait eu entièrement confiance. Il ne savait pas où mènerait leur discussion, mais il s'en fichait. Tom avait eu raison. Si Harry pouvait trouver le courage de rétablir cette confiance, cela vaudrait toutes les peines.
