Chapitre 10

Le mobil-home

Mardi 10 Novembre 1986. 23h25

« Salut les gars, rentrez bien ! » Agita de la main Eddie avant de fermer la porte du camion.

Personne n'avait parlé à Chrissy dans le camion, personne ne posa de question. Fallait dire que parler avec la Reine du lycée dans leur propre camion était incongru. Eddie lui indiqua son mobil-home et elle suivit sa direction. Elle nota que la lumière de la porte d'entrée était bleutée. Eddie se retourna vers elle, mal à l'aise : « Voici mon château votre Majesté. » fit-il en se baissant. « Bien moins accueillant que le tiens je présume. »

Effectivement. Chrissy voyait bien qu'elle se retrouvait très loin de ses beaux quartiers. Il y avait beaucoup de brume mais elle voyait très nettement ce grand mobil-home avec ce grand van garé devant. Le mobil-home semblait tout cabossé, tenir à peine debout. Il était blanc et en taule, très allongé.

Puis elle entendit la voix d'Eddie : « Oui, je sais qu'on dirait plutôt la citrouille que le carrosse, mais uh… je t'assure qu'on n'est pas si mal dedans. » fit-il en rigolant à son encontre. « Si son Altesse veut bien se donner la peine. »

Chrissy rigola, et décida surtout de ne pas rester trop longtemps dehors. La veste en jean ne suffisait vraiment pas. Elle se triturait la chemise avant de rentrer finalement chez lui. Et de se retrouver finalement au chaud.

Elle arriva dans un salon chargé et étriqué qui donnait sur une kitchenette dans le salon même. Des casquettes étaient suspendues partout sur les murs du salon. 'Définitivement un salon de garçons' pensa-t-elle en rigolant. Un petit canapé deux places se trouvait à sa droite, ainsi qu'un fauteuil noir. Elle était sur un vieux tapis très moche et très grand qui s'étalait sur tout le salon. Tous les meubles avaient des tonnes de choses dessus.

« Désolé pour le bordel, huh » dit-il, prenant quelques papiers en main, essayant de cacher la misère. « La bonne a pris une semaine de congé » plaisanta-t-il sarcastiquement à l'adresse de la jeune fille plantée au milieu de son salon.

« Euh… Tu vis seul ici ? » Tenta Chrissy.

« Avec mon oncle. Mais, hum, il travaille de nuit à l'usine. Ça ramène l'argent. »

'Bingo. Deux mecs. C'était sûr.' Se dit-elle en regardant encore une fois la décoration.

Au bout de quelques minutes elle lui demanda s'il était sûr d'avoir la drogue vu qu'il avait l'air un peu perdu.

« Non, non t'inquiètes, je l'ai, je l'ai…euh… »

Puis il la regarda pensivement.

« Quelque part. » Il tourna sur lui-même, les sourcils froncés, très concentré dans sa réflexion.

Il la fit rire nerveusement. Il galérait et n'arrivait pas à se concentrer, ça se voyait.

Mais ça se voyait aussi comme de l'eau de roche qu'ils étaient stressés tous les deux.

L'un se disait : 'Ho bordel de merde, j'ai la reine du lycée Hawkins dans MON SALON.'

L'autre se disait : 'je vais prendre de la drogue pour la première fois et dans la maison de Eddie Munson A l'AIDE.'

Ce qui était cocasse, c'est que leurs visages tentaient réellement de garder leur calme. Mais tout passait par le regard. Eddie qui essayait de trouver ce qu'il cherchait tout en regardant de loin la cheerleader en cheffe, plantée là, à attendre poliment. Et l'autre voyant deux grands yeux noirs du fond de son couloir en train de chercher puis de la regarder par intermittence.

Vraiment, le contexte vu de l'extérieur était vraiment drôle.

Mais pas pour Chrissy qui se demandait ce qu'elle foutait là.

Ah. Oui. La drogue.

La drogue pour dormir, enfin, cette drogue-là quoi.

La pauvre était vraiment gênée et perdue.

« Eddie, ce n'est pas grave si tu ne la trouves pas, d'accord ? »

Une voix sortant d'une pièce du fond lui répondit : « Non ! non t'inquiètes je vais la trouver ! »

« Euh…Uh Okay… »

Après quelques minutes qui parurent extrêmement longues à Chrissy, après lesquelles elle s'était mise à l'aise, -à savoir : enlever le blouson en jean et mit son sac à dos de côté-, elle entendit Eddie dire « Bingo ».

Ce qui fit réagir la jeune femme. Eddie revient vers elle, une sorte de petite boite noire fermée à la main, et se stoppa en la voyant.

Il n'avait pas l'habitude de voir Chrissy Cunningham habillée comme ça. Ses cheveux étaient détachés. Elle portait une chemise fleurie de couleur chaude, coupant visuellement avec l'environnement vert de son salon. Un jean taille haute à la mode en ce moment qui lui allait très bien. Maintenant qu'il la regardait vraiment, il remarquait même qu'elle avait mis une autre couleur sur ses yeux que celle de d'habitude.

Il la trouva extrêmement jolie.

Il tripota la boite. Il hésitait.

« Chrissy… ça te dérange si on discute avant ? » demanda-t-il apparemment tout d'un coup très mal à l'aise.

« Hein ? Euh… Non, bien sûr… »

Elle se dirigea tranquillement avec ses mouvements doux et discrets vers le seul fauteuil de la pièce. Elle avait laissé ses affaires dans l'entrée attendant du regard qu'Eddie se décide à bouger. Celui-ci tripota la petite boite noire qu'il tenait à la main, avant de finalement enlever son propre blouson. Se rappelant tout d'un coup qu'il puait la transpiration et la cigarette de l'Hideout. Il fit la moue et regarda Chrissy.

« Votre altesse, laisseriez-vous le temps à votre humble serviteur de prendre une douche rapide afin qu'il soit présentable à vos yeux ? » fit-il toujours avec une pointe d'humour sarcastique. Ce qui surpris la jeune femme qui ne s'attendait pas à ça. Elle rigola incrédule et lui répondu que oui.

« Merci votre Majesté. »

Puis elle le vit partir s'enfermer dans une pièce, certainement la salle de bain.

Elle se retrouva seule, un peu désappointée dans le mobil-home de ce garçon. D'abord il voulait parler puis ensuite se doucher ? Elle était à peu près sûre que les autres n'avaient pas le droit à ce privilège. Elle cogitait, ruminant ses pensées encore et encore, assise dans ce salon si bordélique. Il y avait des tas de bric-à-brac, un peu caché comme des trésors, de partout dans cette pièce. C'était incroyable. En fait, même sa maison était à son image…

Vivante.

Chez elle tout était carré, ordonné. Tout le temps. Si ce n'était pas le cas, sa mère piquait des crises énormes et utilisait ce ton autoritaire passif-agressif sur eux. Tout devait être exactement comme dans un magazine. Comme elle le voulait.

Un enfer.

Les cris de sa mère résonnèrent dans sa tête. Elle se cacha les oreilles de ses mains.

« Laisse-moi tranquille pour l'amour de Dieu… » chuchota-telle implorant sa mémoire de la laisser en paix. Les images de sa mère volant dans tous les sens. Elle commença à se prostrer sur le fauteuil d'Eddie et se plaqua le dos au siège.

Tout allait bien.

'Calme-toi.'

Pas de cris. Juste l'eau qui coule venant de la salle de bain. Tout allait bien.

Elle se détendit. Rien ne pouvait l'atteindre ici. Personne ne savait, à part Britney et les copains d'Eddie qu'elle était là. Elle n'avait aucune raison de s'en faire. Elle était loin de chez elle, et plus rien ne comptait que la liberté et le cocon dans lequel elle se trouvait maintenant.


Petit chapitre plus court, merci pour vos retours ! N'hésitez pas si vous aimez à vous abonner et à commenter ça me fait trop plaisir 3