Blabla bête de l'auteur : Huhu, il semblerait bien que je sois très très très en retard…Je m'excuse platement, deux mois d'attente, je crois que c'est le record ! Mais avec les cours qui ont repris et tout le reste, c'est un peu dur de tout concilier, eh oui…Surtout que j'ai des co-écritures en route avec mes coupines de Lukomax ! Allez, un petit coup de pub au passage, n'hésitez pas à aller jeter un coup d'œil à notre profil, pour voir nos fics, connaître nos auteurs et nos histoires préférées… : D
Sinon, un grand merci à ceux qui ont reviewé : Noeru, drakichou, mifibou et linasan. J'espère que l'attente ne vous aura pas tué, si vous êtes encore là, voilà la suite ! Pour info, je prévois encore un chapitre et un épilogue si j'suis de bonne humeur !
Genre : euh…biscornu ? Non, c'est pas possible comme réponse ? Bon alors univers alternatif massif Donc pas de magie et autres machins du genre, ni même de Poudlard sous sa forme 'conventionnelle'. Toutefois, j'aurais tendance à dire que c'est un joyeux mélange entre Matrix, la tour de Babel, Le Cinquième Elément, L'étrange Noël de Mr Jack, voire aussi du Seigneur des Anneaux (le côté champêtre probablement)…
Disclaimer : Non, Harry et ses copains ne sont ni à moi, ni à Ritsu ni à Maxoune. Tout ce que j'ai à moi, c'est le rêve bizarre et l'univers que j'ai pu en tirer…Donc interdit de me copier ! Et le sondage appartient à Ritsuko bien sûr !
Bonne lecture !
oOoOo Ninety Six oOoOo
Chapitre 2
Ce pays glacial dissimulé loin des regards
Les portes s'ouvrirent lentement sur un vaste hall totalement désertique. Avec hésitation, le jeune homme sortit de la cabine, dont les panneaux coulissants se refermèrent instantanément derrière lui avec un grincement sinistre. Son premier réflexe fut de rappuyer sur le bouton d'appel, mais visiblement, l'ascenseur ne voulait plus redescendre. De plus, la voix métallique ne cessait de répéter :
« Veuillez insérer votre clé dans le tableau de bord afin de permettre la descente… »
Comme Harry n'avait aucune clé sur lui hormis celle de son appartement (bizarrement, il doutait que ce fut celle-là dont parlait la voix), il ressortit de la cabine un peu effaré, après avoir essayé quand même de glisser sa clé dans la petite serrure en bas du tableau de commande, en vain. Maintenant qu'il y était, le brun décida qu'il fallait autant aller jeter un œil autour de lui. Rien de ce qu'il vit ne lui était familier en aucune façon. Ni le sol, taillé dans une pierre rose pâle veinée de blanc, qui n'avait rien à voir avec le béton grisâtre de ses étages à lui ou avec l'acier poli de celui des Mangemorts. Ni les larges baies vitrées qui donnaient sur une nuit calme. Ni les énormes lustres dont les breloques, faites d'un verre particulièrement étincelant, lui faisaient cligner les yeux quand il les regardait trop longtemps. Ni les plantes aux larges feuilles vertes et brillantes et aux immenses corolles multicolores, qui croissaient exagérément dans des pots de terre finement décorés. Ici, le cœur d'Harry fit un bond dans sa poitrine. Ces pots…C'étaient ceux que son père passait son temps à façonner dans son atelier, avec un soin tout particulier ! Mis à part cela, le brun admit vite qu'il ne reconnaissait rien, et que ce monde lui était totalement étranger.
Après s'être pincé pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, il se dirigea vers ce qui lui semblait être la sortie. Ses sandales de cuir semblaient résonner étrangement sur le sol carrelé, et il se sentait étrangement mal à l'aise. ''Je ne devrais pas être ici…Et si je me fais prendre ?'' Cependant, comme il ne semblait pas y avoir âme qui vive, il décida de poursuivre son périple, la porte d'entrée s'ouvrant d'elle-même à son passage sans qu'il n'ait à la pousser. Aussitôt, le vent lui fouetta cruellement le visage. Mais contrairement à ce dont il avait toujours eu connaissance, il s'agissait d'un blizzard glacial et mordant. D'ailleurs, ses pieds, juste chaussés de chaussures ouvertes, sentirent bientôt le contact d'une substance si froide que ses ongles d'orteils bleuirent instantanément. Harry se pencha, et ramassa une poignée d'une poudre blanche et scintillante, gelée au toucher. Bien sûr, il avait déjà mangé des crèmes glacées lors des fréquentes chaleurs intenses, mais il n'avait jamais vu de neige à l'état naturel. Personne n'en avait d'ailleurs jamais vu.
Il fit quelques pas qui crissèrent doucement sous lui, et avisa une grosse horloge rectangulaire accolée à un réverbère : il était un peu plus de dix heures, et comme dans les étages il n'y avait personne dans les rues. Car il ne s'agissait pas de couloirs ou de simulacres de rues comme il en connaissait en bas, mais bel et bien de rues à ciel ouvert, avec des trottoirs, une chaussée goudronnée, et des vitrines. De petits véhicules passaient de temps en temps sur la route, silencieux et rapides, la plupart ornés de petits drapeaux rouges frappés d'un sceau que le garçon ne put discerner. Cependant, aucune ne sembla s'intéresser ni même apercevoir le petit bonhomme perdu sur le trottoir enneigé en short et t-shirt. Craintif au début, son apparente transparence finit par le décontracter, et il s'intéressa de plus près aux échoppes et à leur contenu. Contrairement à tout ce qu'il avait connu, alors même qu'ils étaient fermés, les magasins étaient tous illuminés, et leurs devantures regorgeaient de denrées diverses et variées, et Harry devinait sans peine que tout ce qui y était exposé était d'un grand luxe. Les magasins de son huitième étage étaient bien miteux en comparaison. Des mouches volaient fréquemment au-dessus des étals de viande, aucun soin particulier n'était accordé à la présentation de la marchandise. Ici, tout semblait pensé et étudié dans les moindres détails, de l'éclairage clignotant mettant en valeur une robe d'un tissu particulièrement délicat et coupé à la perfection, jusqu'à la plaque tournante qui permettait d'admirer toute la finesse d'une bottine de cuir blanc ouvragé.
Harry resta un long moment à contempler chaque vitrine de la grande rue, jusqu'à ce que ses doigts commencent réellement à s'engourdir. Il comprit alors qu'il était grand temps d'entrer quelque part au chaud, mais il n'osait pas retourner dans le hall d'arrivée, de peur de se faire prendre, et il se sentait totalement perdu dans cet univers hostile, avec seulement sept Mornilles et quatre Noises en poche…Ça ne suffisait pas au onzième pour payer une chambre d'hôtel, alors ici, il ne préférait même pas y penser…
Il poursuivit toutefois son chemin, soufflant dans ses mains transies de froid et tapant des pieds pour tenter de les réchauffer. Il arriva enfin devant une entrée éclairée au néon bleu électrique, qui clignotait dans la nuit polaire. Il leva les yeux et vit six énormes affiches. Il s'agissait d'un cinéma ! Mais les films qui étaient à l'affiche ne devaient l'être dans son cinéma habituel que dans plusieurs mois…Intrigué, il se rapprocha de la caisse, et lut rapidement les tarifs : trois Mornilles la place. Il ne releva même pas qu'il payait trente Noises en bas (soit près de dix fois moins cher), et se décida à entrer voir un film, n'importe lequel, pourvu d'être au chaud pour les prochaines deux heures.
Il s'approcha du guichet, et bredouilla, la voix enrouée par le froid :
« Une place pour Pirates des Antilles 2 s'il vous plaît… »
La caissière, une jeune femme blonde au brushing impeccable, vêtue d'un élégant tailleur bleu marine et blanc, le dévisagea d'un air suspicieux, mais lorsqu'il tendit les trois pièces d'argent, elle eut un sourire éclatant et lui tendit un ticket du bout de ses doigts à la french manucure impeccable :
« Voilà monsieur. Le film commence dans douze minutes et se termine à minuit et demi. Bonne séance. »
Harry bredouilla un remerciement maladroit et s'engouffra dans la chaleur rassurante du hall de cinéma. Tout était encore une fois mille fois plus élégant que tout ce qu'il avait connu. Là où son hall d'attente de cinéma était constitué de trois chaises et d'un canapé défoncé, celui-ci était pourvu de gros fauteuils moelleux et de confortables banquettes, de tables basses en cristal, et même d'un élégant comptoir en ébène qui faisait office de buvette. Harry crut d'ailleurs reconnaître là la marque de son parrain.
Malheureusement, son entrée dans ce hall marquait aussi la fin de sa solitude. Un groupe d'une demi-douzaine de jeunes était avachi sur des sofas, et discutait avec animation. Harry écarquilla les yeux. S'il avait dû employer un mot pour les définir au mieux, il aurait sans nul doute choisi ''oisif''. Aucun des gens qu'il côtoyait n'avait ce genre-là. Mis à part peut-être Colin Crivey et ses insupportables clichés. Même Parvati, qui était pourtant issue de la bourgeoisie, n'était pas à proprement parler désœuvrée, car comme tout le monde à Poudlard, elle avait un travail : greffière. Mais ces jeunes gens-là n'avaient pas l'air de personnes qui travaillaient toute la journée.
Quand Harry rentra dans le hall, ils se tournèrent brièvement vers lui, lui jetèrent un bref regard interrogateur, puis continuèrent à parler entre eux sans plus lui prêter attention. Ils arboraient tous des vêtements comme ceux que le brun avait aperçu dans les vitrines des belles boutiques : les quatre garçons portaient des pantalons sombres à la coupe irréprochable ou des jeans savamment déchirés et customisés, des vestes de velours au-dessus de leurs pulls aux couleurs pastel, d'où dépassait le col d'une chemise bien repassée. Leur coupe de cheveux était également très étudiée, soit un peu dans le genre de Colin (un savant coiffé décoiffé) ou au contraire, une petite raie sur le côté et plaqués sur le crâne. Les deux filles qui les accompagnaient n'étaient pas en reste non plus. L'une avait de longs cheveux blonds cendrés, merveilleusement lisses, une raie sur le côté, et elle portait une jupe évasées et bleu marine sur des bas noirs quadrillés de blanc, avec aux pieds les même bottines de cuir blanc qu'Harry avait précédemment vues en vitrine. Un haut décolleté de dentelle blanche complétait l'ensemble. Elle portait sous son bras un lourd manteau de fourrure immaculée. L'autre avait des cheveux noirs coupés courts et les mêmes petites lunettes carrées que Colin ; un serre-tête plaquait les premières mèches alors que celles de derrière étaient soigneusement ébouriffées par du gel. Elle portait un jeans large, comme celui de Harry, à la différence que le sien était ostensiblement chargé de toutes sortes de motifs représentant le plus souvent une sorte de planète autour de laquelle était passée un anneau, et surmonté d'une croix, comme une couronne. Elle avait aux pieds des chaussures énormes d'une couleur rouge vif criard, et sous un sweat jaune canari à zip ouvert, on voyait un haut vert pomme avec des dessins argentés. Une écharpe de laine multicolore ornait son cou. C'était elle qui parlait :
« Non, quand je l'ai appelé tout à l'heure, il a dit qu'il irait juste boire un coup au Nine-Six ce soir. Il dit qu'il a déjà vu le film la semaine dernière avec cette truie de Parkinson…Une avant-première, son père avait pu leur avoir des places apparemment. »
Un des garçons haussa les épaules :
« Franchement, j'vois pas ce qu'il lui trouve, à Parkinson…Cette fille est stupide, c'est à peine si elle sait aligner deux mots sans faire une faute de grammaire… »
Un autre garçon suggéra d'un ton grivois qu'elle était peut-être chaude au lit. La blonde rejeta une mèche de cheveux d'or qui lui tombait dans l'œil et sourit d'un air dédaigneux.
« Il vaudrait mieux pour elle. Elle a de la chance d'être née parmi nous, sinon, en bas ils l'auraient envoyée chez les putes et les camés ! », cracha-t-elle.
Le groupe s'esclaffa bruyamment, surtout les garçons. Apparemment, la jolie blonde était très convoitée. Aux yeux de Harry cependant, elle paraissait aussi laide que si elle avait été une harpie. Il avait toujours détesté les gens qui salissaient les gens dans leur dos. Vaguement écœuré, il s'éloigna légèrement, et s'assit par terre devant la salle.
Il entendit vaguement que la conversation s'orientait vers quelque chose dont il n'avait aucune idée. Les jeunes gens (qui devaient avoir à peu près l'âge d'Harry) parlèrent de choses mystérieuses comme 'chargés de TD', 'putain de partiels', 'matière d'oral', et autres 'coefficients d'UV'. Il finit par en déduire qu'ils étaient en quelques sortes des écoliers, mais à leur âge avancé, cela parut vraiment étrange au garçon.
Enfin, au bout d'un moment interminable, les portes de la salle de cinéma s'ouvrirent, et Harry y entra, s'installa tranquillement dans un des fauteuils douillets, alors que les autres adolescents allaient se poser non loin de lui. Ils continuèrent de parler de leur école (qu'ils appelaient visiblement 'fac') ; apparemment, tous n'étaient pas dans la même, ce qui fournissait un débat très fourni sur les différents systèmes. Harry pour sa part les trouvait très ennuyeux ; il n'aurait jamais eu l'idée farfelue de parler boulot quand il était avec Ron et Hermione. Soudainement, une voix lui fit redresser la tête :
« Hé, toi, là, devant ! Le petit brun à lunettes ! »
Il se retourna. C'était un des garçons, un grand métis aux yeux verts, dont les cheveux crépus étaient savamment coiffés en tresses collées sur son crâne. Ayant capté l'attention de son interlocuteur, il poursuivit :
« D'où tu viens, toi ? Pourquoi t'es habillé comme ça ? »
Harry sentit une rougeur lui envahir les joues, alors que la blonde poursuivait :
« Il est habillé comme un de ces…gens qui vivent dans les étages inférieurs. »
Son ton lui rappela vaguement celui qu'avait employé Colin il y a quelques heures pour le mettre dehors. Le grand métis rigola :
« Arrête ça, Fleur, tu sais bien que les gens d'en bas ne peuvent en aucune façon monter jusqu'ici, ça leur est strictement interdit ! Il faut une clé pour accéder jusqu'au 96ème, que nous seuls on a ! »
Un petit brun mince, aux yeux d'un bleu délavé, approuva :
« Oui, Blaise a raison. Après tout, il y a toujours des tas de gens qu'on ne connaît pas… »
La grande blonde, qui répondait visiblement au nom de Fleur, eut un reniflement dédaigneux mais ne répondit pas. Le métis eut un sourire goguenard :
« Faut l'excuser, vieux, elle vient de la fac d'économie, et en troisième année, ils ont définitivement perdu tout sens de l'humour. Moi chuis en quatrième année d'ethnologie, et dans un mois je dois rendre un mémoire de recherche sur le mode de vie des habitants du septième étage, tu te rends compte ? »
Harry n'avait aucune idée de ce qu'était un 'mémoire de recherche', mais il savait que le septième étage était celui où logeaient les agriculteurs.
« Oh, euh…oui, c'est passionnant, l'agriculture ! », se força-t-il à articuler avec un sourire contraint.
Il ne savait pas vraiment si c'était ce qu'il fallait dire, mais en tous cas, le garçon eut l'air satisfait. Avant que le film n'ait commencé, il apprit encore que la petite brune faisait des études de journalisme, et que deux des autres garçons étaient en droit ; fort heureusement pour lui, la séance commença au moment où le petit brun aux yeux bleus lui demandait quelles études il faisait.
oOoOoOo
Un peu plus de deux heures plus tard, les lumières se rallumèrent, et Harry se faufila prestement à l'extérieur sans demander son reste. Le froid mordant l'assaillit dès qu'il fut sur le trottoir, contrastant singulièrement avec la chaleur ouatée de la salle de cinéma. Il frissonna, et continua d'avancer, inquiet à l'idée que les écoliers ne le rattrapent pour lui poser d'autres questions auxquelles il n'aurait aucune réponse à donner. Il arpenta un moment les trottoirs, de plus en plus glacé. Les rues étaient à présent mortellement vides. Il n'y avait quasiment plus de voitures qui passaient. Il passa bien sûr devant un hôtel qui paraissait incroyablement luxueux même de l'extérieur, et il eut un haut-le-cœur en voyant les tarifs de cinquante Gallions pour la plus petite chambre. Il serra instinctivement son porte-monnaie qui contenait quatre Mornilles et trois Noises, et poursuivit son chemin, de plus en plus lentement. Il ne sentait déjà plus ses pieds givrés, et ses jambes lui semblaient lourdes comme deux poteaux de fonte. ''Si je ne trouve pas rapidement un endroit où entrer me réchauffer, je crois que je vais mourir d'hypothermie'', songea-t-il avec désespoir. D'ailleurs, vu le climat qu'il avait toujours connu, il n'aurait jamais pensé avoir à se servir un jour du mot 'hypothermie', que Rogue les avait obligés à apprendre avec tout un tas d'autres mots inutiles comme palimpseste ou quote-part indivise.
Ayant de plus en plus de mal à avancer, Harry s'accorda une pause. Il était arrivé au niveau d'une enseigne lumineuse particulièrement éblouissante, et il décida de s'asseoir à l'entrée d'une petite rue non loin de là. N'ayant aucune expérience en matière de grand froid, il ne comprit pas qu'il n'aurait jamais dû s'asseoir, surtout dans l'espoir illusoire de se réchauffer. Il croisa ses bras contre sa poitrine, et remonta ses genoux contre lui, tentant de rassembler le peu de chaleur corporelle qui lui restait. Bientôt, une sorte de somnolence glaciale s'empara de lui, et il ferma les paupières, en essayant de ne pas claquer des dents.
oOoOoOo
Il régnait dans la salle enfumée une ambiance peu festive, comme un lendemain de match de foot perdu. Ça sentait le tabac froid et la canette de bière vide. On pouvait donc aisément deviner que le lendemain était un lundi, et que les fêtards étaient rentrés chez eux pour se reposer avant la semaine. Les seuls à être encore présents étaient les jeunes qui pouvaient se permettre de s'accorder encore un peu de bon temps. Mais même eux, à cette heure tardive, commençaient à rentrer à la maison.
Une jeune fille brune, aux cheveux courts, vêtue d'extravagants habits bariolés, se faufilait un passage entre les tables en jouant des coudes et en essayant de renverser le moins de verres possibles avec les pans d'un long manteau de toile kaki. Elle se dirigeait vers le fond, en direction de la rotonde la plus excentrée de la salle. Presque une alcôve. Quand la jeune fille fut à portée de voix, elle cria pour couvrir le bruit de la musique :
« J'étais sûre que t'étais là ! »
Elle évita encore une table et trois types autour, visiblement complètement saouls au vu des bouteilles vides qui traînaient devant eux, et elle se laissa glisser sur la banquette, aux côtés d'un garçon d'à peu près son âge, aussi blond qu'elle était brune ; lui portait un baggy en jeans et une simple chemise blanche. Elle tourna ses yeux noirs vers lui, et lui arracha la bouteille de Smirnoff Ice qu'il tenait encore à la main, jetant un regard réprobateur aux deux canettes de Despé qui jonchaient déjà la table.
« Drago, ça suffit, t'es déjà bien pompette, tu crois que ça suffit pas ? »
Le garçon leva ses yeux glacés sur elle, et rétorqua dans un demi-sourire :
« Enfin, tu sais très bien qu'il en faut beaucoup plus pour me faire quelque chose, depuis le temps que tu me connais, tu me déçois Millicent…Petite joueuse va ! »
La brune ignora la pique, et rétorqua d'un ton aigre :
« Tiens, Miss Pékinois n'est pas avec toi ? Elle est allée se repoudrer son nez écrasé aux chiottes ? »
Drago se renfrogna.
« Tiens, les décérébrés ne sont pas avec toi ? Tu les as laissés aux vestiaires du ciné? »
Millicent pointa son index sur la poitrine du blond :
« Je te signale que Vincent et Gregory sont aussi tes anciens camarades de lycée. »
« Je te renvoies le compliment pour Pansy. »
La brune capitula :
« Très bien, très bien. Mais à ta différence, j'ai jamais fait semblant d'apprécier Parkinson. En parlant de ça, j'espère qu'elle n'est pas là ? »
Elle jeta un regard autour d'elle, attendant la confirmation. Drago eut un petit rire :
« Allez, Milli, détends-toi. Pansy est à une réunion de famille ce week-end. Tu ne peux pas l'ignorer. Chuis seul. Et toi, pourquoi les autres ne sont pas avec toi ? Tu les as semé ? »
« Non. Vincent et Grégory ont tenu à raccompagner Fleur, Théo doit faire un devoir de droit commercial, et Blaise doit se coucher tôt car il doit descendre demain au septième étage pour un stage pratique d'une semaine…Comme je savais que t'étais au Nine-Six, je me suis dit que j'allais te rejoindre dans ta beuverie solitaire et pathétique. »
« Ça n'est pas une beuverie, et je ne suis pas pathétique. », trancha le blond. « Alors, au fait, ce film ? Ça t'a plu ? En plus, à cette heure-ci, vous deviez être encore seuls… »
Millicent lui raconta alors l'étrange garçon brun à lunettes qu'ils avaient croisés, qui était habillé d'une façon si légère. Comme s'il venait directement des étages inférieurs où régnait constamment une chaleur infernale.
« Bizarre. », fit juste Drago. « Encore un excentrique. Ou un ethnologue de la fac de Blaise qui a passé tellement de temps en bas qu'il en a oublié que chez nous il fait toujours froid… »
Millicent haussa les épaules, puis se releva :
« Allez, Drago, il est temps de rentrer maintenant. Il se fait tard, et t'es pas en état de conduire jusqu'à chez toi ! Je vais te ramener, passe-moi les clés de ta voiture, sois raisonnable ! »
Au bout de longues palabres, Drago finit toutefois par céder, et confia à la petite brune les clés de son bolide.
« Mais conduis pas vite, j'ai déjà eu pleins de contraventions, mon père est fou de rage… »
« Promis, Mister Malefoy ! », fit la jeune fille en mimant un garde-à-vous dérisoire.
oOoOoOo
Ils sortirent dans le blizzard glacé de la nuit. Drago avait remis sa longue parka noire, et Milli son manteau kaki.
« Où elle est garée, ta tire ? »
« Là-bas, à l'entrée de la ruelle, y avait plus de place devant la boîte… »
« Voilà pourquoi je préfère aller au Moulin Rose. Au moins, on a de quoi se garer là-bas… »
Le blond lui jeta un regard exaspéré :
« Milli, le Moulin est une boîte de nuit à la limite de la maison close de luxe, et faut être en smoking pour y entrer, tu crois vraiment que c'est là que je vais aller pour boire une bière un dimanche soir ? »
Milli essaya sans succès d'argumenter ; la discussion fut close quand ils arrivèrent à proximité de la petite berline gris perle du jeune Malefoy.
« En avant, mauvaise troupe ! », chantonna la brune en remettant ses lunettes carrées sur son nez.
Elle ouvrit les portes de la voiture, qui s'ouvrirent automatiquement dans un 'bip' strident. Drago était déjà monté dans l'habitacle, et elle s'apprêtait à contourner le véhicule pour grimper côté conducteur, quand quelque chose attira son attention. Comme un paquet de linge jeté à une quinzaine de mètres de là, contre un mur de la ruelle. Elle sauta sur le siège du conducteur, mit le contact et alluma les phares. Une aveuglante lueur blafarde éblouit instantanément l'allée sombre, et Millicent redescendit aussitôt.
« Qu'est ce que tu fous merde ? », s'écria le blond. « On a autre chose à faire qu'à jouer à un deux trois soleil avec mes phares, tu fais chier ! »
La jeune fille ne l'écoutait pas, elle s'était déjà précipitée dans le passage éclairé par les phares de la voiture, et était penchée sur quelque chose. Finalement, elle se redressa, et cria :
« Viens, viens voir ! »
Tout en pestant contre ces filles stupides qui n'arrêtaient pas de l'embêter, Drago se souleva péniblement du siège en cuir, et se traîna plus qu'il ne marcha jusqu'à son amie.
« Quoi ? Qu'est ce que c'est ? Des vieux cartons ? T'as décidé de faire les poubelles ? »
La jeune fille lui lança le énième regard noir de la soirée.
« Crétin ! Regarde ce que c'est, ton tas de cartons ! »
Elle s'écarta légèrement, et le blond aperçut avec stupeur un garçon. Ses cheveux d'un noir profond étaient parsemés de flocons, et ses lunettes rondes avaient glissé et reposaient contre sa poitrine, avec ses mains. Il était vêtu d'un simple t-shirt rouge à manches courtes, d'un short en jeans déchiré et détrempé par la neige, et ses pieds, simplement chaussés de sandales ouvertes, avaient une inquiétante teinte bleutée, tout comme le bout de son petit nez. Milli, à côté de lui, avait déjà ôté son manteau, et s'appliquait à lui en recouvrir les épaules.
« Drago, aide-moi à le porter dans la voiture, il est glacé…C'est le garçon qu'on a rencontré au cinéma… »
« Est ce qu'il est… ? »
La brune eut l'air agacé.
« S'il était mort, tu crois vraiment que je prendrai la peine d'essayer de le réchauffer ? J'ai tâté son pouls. Il est vivant, mais c'est tout juste. Dépêche-toi, plus tu glanderas, moins il a de chance de s'en sortir ! »
Sortant enfin de sa paralysie, Drago empoigna un des bras minces du congelé, alors que son amie se saisissait de l'autre pour le soulever. Alors qu'ils regagnaient péniblement la voiture, ils entendirent un ricanement menaçant à l'entrée de la ruelle. Drago se figea.
« Hé bien hé bien, qu'est ce que je vois là ? »
Millicent elle aussi avait l'air de quelqu'un qu'on a foudroyé sur place. Drago vit presque nettement ses cheveux courts, déjà pourtant ébouriffés sur l'arrière de son crâne, se hérisser.
« Rodolphus Lestrange… », souffla-t-elle.
L'homme, grand et inquiétant, sourit d'une façon prédatrice :
« Mais est ce que ce n'est pas la petite miss Bullstrode ? Dans les rues à cette heure pour une demoiselle, ça n'est pas très très correct tout ça…Et là, est ce que ce n'est pas mon cher petit neveu unique ? Encore tous soûls comme toujours, n'est ce pas, Drago ? »
Lestrange avait épousé Bellatrix Black, la sœur de Narcissa, qui était la mère de Drago. Cependant, le blond n'avait jamais aimé ni sa tante, ni son oncle. Il frémit :
« Je ne suis pas ivre, mon oncle… », rétorqua-t-il sèchement.
« Ah non ? Et ce petit gars-là que vous avez tant de mal à porter ne l'est pas non plus je suppose ? »
Il jeta un regard torve aux pieds d'Harry.
« Sortir en espadrilles par ce temps, il faudrait être fou…ou ivre mort… »
Millicent prit alors la parole d'une voix tremblante :
« Non, monsieur, c'est un pari. C'est un première année de médecine…Il…euh, c'est un bizutage, ils l'ont fait sortir dans la rue habillé comme ceux d'en bas. Seulement, ça aurait pu mal tourner, alors Drago, en tant que président du syndicat des élèves, a décidé de tout interrompre, et là, on allait le ramener chez lui… »
Drago approuva vivement, et loua en son for intérieur la vivacité d'esprit de sa camarade. La face de Lestrange sembla se renfrogner devant la cohérence de l'excuse.
« Je vois que miss Bullstrode ment toujours aussi bien, quelle brillante journaliste elle fera sans nul doute…Je n'ai aucune raison de vous retenir, mais sache, Drago, que la moindre petite incartade de ta part, et ton père aura à en connaître… »
Soulagés, les trois jeunes montèrent dans la voiture. Millicent installa le garçon brun toujours inconscient à l'arrière, le recouvrit de son manteau, et rajouta celui de Drago par-dessus. Aussi vite qu'elle le put, elle mit le contact et démarra pour s'éloigner au plus vite du sinistre personnage qu'était Rodolphus Lestrange.
Un silence tendu régnait dans la voiture. Finalement, la jeune fille se risqua :
« Drago, euh…qu'est ce qu'on va en faire ? »
Drago eut l'air boudeur :
« C'est toi qui l'a ramassé, c'est toi qui t'en occupes. »
Millicent poussa un soupir, et profitant que la voiture soit arrêtée à un feu, regarda son ami dans les yeux :
« Drago, ce garçon va peut-être crever si on sait pas s'en occuper. Moi tout ce que je sais à ce sujet, c'est qu'il est apparemment en hypothermie, mais je saurais pas le soigner ni rien. C'est toi qu'est en quatrième année de médecine, pas moi. En plus, t'as ton appart à toi, avec une chambre d'ami. Si tu veux, je t'aiderai pour t'en occuper, mais tu sais bien que je peux pas le prendre chez moi avec mes parents et mon petit frère…Sois cool pour une fois… »
Juste à cet instant, le passager arrière émit un léger gémissement de douleur. Milli fit des yeux de cocker martyrisé.
« Eh merde. », grommela Drago en se rencogna dans son siège.
oOoOoOo
Millicent avait aidé à transporter le garçon toujours inconscient dans l'immeuble où son ami avait un appartement. Fort heureusement, à une heure et demie du matin, ils ne croisèrent aucun voisin. Drago ne cessait de marmonner que si son père le voyait il le buterait.
« Heureusement alors qu'il ne le sait pas, et qu'il ne le saura jamais. » conclut Millicent en se dirigeant vers la chambre d'ami.
Après qu'ils l'aient déposé sur le lit, la jeune fille dut prendre congé.
« Encore une chance que j'aie garé mon scooter des neiges à côté de chez toi. », dit-elle en remettant son manteau. « Prends soin de lui, je passe demain après mon cours de 15h. » Elle jeta un œil dubitatif à sa montre. « Enfin, cette aprème. »
La porte d'entrée se referma sur elle, et Drago prit grand soin de bien la verrouiller derrière elle. Encore un peu étourdi par tous ces événements, il alla jusqu'à la cuisine et se fit une tasse de chocolat chaud. Armé de sa tasse brûlante, il rejoignit la chambre d'ami. Le petit brun était toujours étendu sur le couvre-lit, et semblait loin de se réveiller. Drago soupira. L'hypothermie n'était pas trop son rayon, mais il pensait qu'il savait au moins à peu près quoi faire. Il se pencha sur le brun, et lui ôta tout d'abord ses sandales. Ses pieds étaient humides, aussi froids que les glaçons de son congélateur. Drago s'empressa de les sécher à l'aide d'une grosse serviette éponge chaude. Puis il retira le short large, mais bizarrement, il n'osa pas en faire autant avec son caleçon ; en tant que futur médecin, il était pourtant habitué à la nudité de ses patients, mais là, quelque chose qui ressemblait à de la gêne l'en empêcha. Il procéda de la même façon qu'avec les pieds, et ouvrit le lit. Il y glissa délicatement le corps du garçon, mit une bouillotte dans les draps, qu'il rabattit jusqu'à son torse. Le blond constata avec satisfaction que le jeune inconnu avait cessé de grelotter convulsivement. Puis, il enleva doucement les lunettes, et contempla quelques secondes les traits fins du garçon.
« Bizarre, j'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part…Peut-être que c'est vraiment un étudiant de 1ère année, en fin de compte… » Il se pencha encore sur son visage, et marmonna pour lui-même : « Dans ce cas, si c'est un étudiant de ma fac, comment j'aurais fait pour ne pas remarquer un aussi beau mec sur le campus ? Impensable ! »
S'arrachant à sa contemplation et se rappelant que le beau mec en question avait les lèvres bleues, il s'attela à la tâche délicate de lui enlever son t-shirt détrempé sans trop le bouger. Après maints efforts (le tissu mouillé collait affreusement contre sa peau), Drago parvint à enlever le t-shirt. L'étoffe était grossière, vulgaire. Le blond n'avait jamais vu un tel vêtement ici. Il le posa dans le sac à linge sale de la salle de bain, et prit une autre serviette chaude, et revint auprès de son patient. Il commença à sécher précautionneusement le torse du garçon, et au fur et à mesure, sa respiration semblait se faire moins erratique. Drago s'appliquait particulièrement à le réchauffer, passant inlassablement la serviette sur les muscles engourdis du garçon, sur sa peau de couleur caramel…Caramel…Malgré lui, le blond haussa un sourcil. La peau du garçon était entièrement cuivrée, comme si elle avait été longuement exposée aux rayons du soleil. Or, ici, le soleil avait été banni depuis longtemps. La plupart des habitants avaient une peau très pâle comme lui-même ; même Millicent qui était brune avait une peau laiteuse, et Blaise, bien que métis, était très clair. Et une couleur aussi bronzée et uniforme ne pouvait résulter d'une cabine à UV…Cette peau si douce n'avait acquis cette couleur de pain d'épice que par une lente exposition au soleil…
Lentement, sans même se rendre compte de ce qu'il faisait, Drago passa ses doigts fins sur la peau dorée, qui frémit à ce contact. Et c'est alors que le blond se souvint. Il se redressa d'un coup, comme si on lui avait appliqué un tison sur les fesses. Ce garçon…non…impossible !
Il se rua dans sa chambre, située deux portes plus loin, et ouvrit en tremblant sa commode. Précautionneusement, il souleva plusieurs chemises qu'il avait empilées là pour cacher son trésor loin des regards –en particulier de celui particulièrement acéré de son paternel. Il sortit un carton à dessin, et l'ouvrit. Là reposaient, précieusement enveloppés dans un papier transparent, les plus beaux clichés que Drago n'avait jamais vus. Il en avait acheté plusieurs, cinq ou six en tout. Toujours du même modèle. Ce garçon si mince, à l'air si doux et rêveur, au corps fin et délicatement musclé que Colin aimait visiblement prendre toujours en photo nu. Aux cheveux d'un noir profond, constamment ébouriffés, aux yeux qu'on devinait pétillants malgré l'absence de couleur des images…
Comment ne l'avait-il pas reconnu tout de suite, ce garçon sur lequel il avait immédiatement flashé ? Bien sûr, cette obsession n'était pas passée inaperçue…
Flash-back…
Drago admirait un admirable portrait du mystérieux garçon brun. Pour la troisième fois, Colin exposait des portraits de lui. Etrange, quand on savait que le photographe se lassait très vite de ses modèles d'en bas. Cela faisait deux ans qu'il était descendu, pour des motifs officiellement 'artistiques' mais que Drago savait plus bassement lubriques qu'autre chose. Le jeune photographe n'avait, selon le riche blondinet, aucune espèce de talent, mais Drago se devait d'assister aux vernissages branchés et autres rétrospectives artistiques bidons. Cependant, depuis l'apparition dans les expos de Colin du beau brun, l'aspect torture de la chose était reléguée au second plan, car l'héritier Malefoy ne se lassait jamais de contempler les courbes parfaites du jeune modèle inconnu.
C'était encore ce qu'il était encore en train de faire, se demandant si ce serait raisonnable d'acquérir celui-là. Le brun était assis en tailleur sur un matelas aux draps défaits, et seule une zone d'obscurité bien placée évitait aux regards indiscrets d'en deviner trop. Il passait sa main dans ses cheveux décoiffés, souriant de toutes ses dents. Drago sentit un frôlement dans son dos, et il entendit une voix légèrement moqueuse demander :
« Il est magnifique, non ? J'ai remarqué ton…intérêt inhabituel pour mes œuvres, ces derniers temps. » Le blond fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec Colin Crivey. « J'ai remarqué aussi que tu n'avais acheté que des clichés qui représentaient Harry. »
Drago s'efforça de ne pas rougir.
« Bien sûr. Je suis amateur d'art, je suis curieux de voir comment tu fais évoluer tes modèles dans le temps. C'est bien le but de ton travail avec ce mannequin-là, non ? »
Colin eut un rictus que le blond identifia comme ironique.
« Bien sûr. Et Harry est un très bon modèle. Très expressif, très crédule. » Il eut un petit rire qui déplut fortement à l'étudiant en médecine. « Je crois qu'il pense que je suis amoureux de lui. »
Drago se retint de ne pas lui coller son poing dans la tronche.
« Pourquoi ça ? Tu…hummm…tu couches avec lui ? »
Le blond s'en voulut d'avoir posé la question. Il était de notoriété que Colin couchait avec la plupart de ses modèles, a fortiori ceux qu'il photographiait nus sur un lit. Crivey eut un autre ricanement, et replaça ses petites lunettes carrées sur son nez.
« Bien sûr. D'ailleurs, cette photo-là, je l'ai prise le lendemain matin d'une baise mémorable…C'est toujours à ce moment-là qu'il est le plus beau, après que je me le sois enfilé toute la nuit. »
Même si Drago était, une fois n'est pas coutume, révulsé par ses propos orduriers (qu'il lui arrivait d'employer en parlant de ses propres conquêtes), il ne put que mentalement approuver : le petit brun était d'une beauté à couper le souffle. Colin poursuivit :
« Ce petit a vraiment un corps à se damner…S'il n'était pas qu'un vulgaire berger, il aurait du potentiel. Enfin, quand j'aurais fini de le prendre en photo et au sens propre, je le renverrai chez ses moutons… »
Inconsciemment, le riche héritier avait serré les poings de fureur. Il jeta un dernier regard aux grands yeux pétillants du garçon prénommé Harry, et il regretta brusquement qu'il ne soit pas assis sur son lit à lui, après avoir passé une nuit torride avec lui –et non avec ce mollusque méprisable de Colin.
« Je vais prendre ce portait, alors. Avant que tu ne le renvoies chez les moutons… »
Fin du flash-back…
C'était le dernier portrait que Drago avait acheté il y a quelques mois. La prochaine exposition de Colin était prévue pour dans quelques semaines. Mais le cœur du blond s'était momentanément arrêté de battre. Celui qui hantait secrètement ses pensées et ses fantasmes depuis plus d'un an, et cela sans aucun espoir, était comme par miracle tombé dans sa vie !
Il remit les photos dans leur emballage, rempila les chemises par-dessus et referma le tiroir de la commode. Puis il revint à la chambre d'ami, où Harry (puisque c'était son prénom, selon Colin) s'était endormi d'un sommeil paisible, ses joues un peu plus roses qu'auparavant. Drago rajouta sous les draps une petite bouillotte, et le borda avec attention. Rassuré, il quitta la pièce en refermant la porte le plus discrètement possible…
oOoOoOo
Une douce chaleur avait engourdi tous ses membres. Il sentait contre sa peau quelque chose de soyeux, qui caressait son épiderme nu à chaque infime mouvement qu'il faisait. Harry papillonna doucement des paupières. Il ne reconnaissait pas contre sa peau le contact rêche de ses draps de coton grossier. Il ouvrit ses grands yeux verts, mais ne vit pas grand-chose dans l'obscurité totale qui l'entourait. La seule chose qu'il pouvait dire, c'était que la pièce était spacieuse, et n'avait rien à voir avec sa turne. De toutes façons, s'il avait été dans sa chambre, il aurait vu le jour filtrer par les minces rideaux accrochés à ses fenêtres. Or là, rien ne passait. Tout juste un mince rai de lumière sous la porte, loin du lit. Un peu étourdi, Harry se redressa sur les coudes. Il avait l'impression d'avoir hiberné une très longue période. Il se leva lentement. Tous ses muscles semblaient raides, comme s'il n'arrivait pas à bien les contrôler. Il tâtonna dans le noir jusqu'à la porte, guidé par le mince rayon de lumière qui passait dessous. Sa main rencontra une surface ronde, froide, parfaitement polie. Un peu hésitant, il tourna le bouton de la poignée, qui s'ouvrit dans un petit déclic mat.
Aussitôt, une lumière blanche et éblouissante l'aveugla, au point qu'il dut mettre sa main en visière quelques instants pour réhabituer ses yeux fatigués à la clarté du jour. Enfin, quand ses yeux furent adaptés à la luminosité, il s'autorisa à regarder autour de lui. Il se trouvait dans un vaste couloir, entièrement blanc, au bout duquel était percé une haute fenêtre à croisée. Par la vitre, il put voir de légers flocons de neige qui tombaient doucement dans la rue en contrebas. Un peu perplexe, il se gratta l'arrière du crâne. Il avait l'air de faire vraiment très froid dehors, mais pourtant, il n'en ressentait aucunement les affres. En fait, c'était comme s'il se trouvait dans un cocon de chaleur moelleuse, hermétiquement isolé du monde extérieur glacial.
D'un pas hésitant, il avança jusqu'au bout du couloir, qui débouchait dans un immense salon séjour. Tout y était impeccablement propre et ordonné. Un grand canapé de cuir, une table basse, un tapis richement ouvragé, un feu de cheminée qui crépitait allègrement dans l'âtre, et dans un coin, la plus grosse télé que Harry n'avait jamais vu. Même dans les magasins d'électroménager à l'étage de Parvati, il n'en avait pas vu de semblable. Totalement ébahi, le garçon ne put s'empêcher d'ouvrir la bouche dans une attitude qui lui aurait attisé la jalousie des carpes japonaises. C'est alors qu'il se rendit compte de quelque chose de primordial. Il n'était pas seul dans la pièce. Il sursauta violemment en voyant un garçon attablé au fond du salon, assis devant une pile impressionnante de papiers. L'étranger avait des cheveux très blonds qui retombaient en mèches désordonnées autour de son visage ; il portait un pantalon large de toile kaki, et un sweat à capuche bleu marine. Il mâchonnait d'un air dubitatif un stylo, mais quand Harry pénétra dans la pièce, il le lâcha, et se mit à détailler le nouveau venu. Lentement, un sourire éclaira son visage.
« Salut ! Tu t'appelles Harry c'est ça ? »
Le brun se raidit, referma et rouvrit plusieurs fois la bouche, incapable d'en faire sortir un son. Son cerveau était en train d'assimiler différentes informations capitales. Un, il était au quatre-vingt-seizième étage depuis la veille. Deux, il s'était endormi dehors, dans une rue. Trois, il se réveillait dans une demeure étrangère, et visiblement extrêmement luxueuse, vêtu en tout et pour tout de son caleçon. Quatre, ce garçon connaissait son prénom. Il avait beau y faire, Harry ne parvenait pas à connecter les éléments entre eux. Aussi, au bout de trente secondes, alors que le blond le scrutait toujours avec un sourire en coin, il parvint à balbutier un :
« Mais…comment ? Q…qui ? »
Le blond se leva de sa chaise, reposa son stylo tout mâchouillé, et se dirigea vers lui. Instinctivement, Harry se rencogna contre la porte, prêt à détaler au moindre signe hostile. Le blond sembla percevoir sa crainte, car il leva la main en geste d'apaisement :
« Ça va, ça va, je vais rien te faire. En fait, t'as même plutôt de la chance que ma copine t'ait trouvé hier soir dans cette ruelle. Sinon, soit tu serais mort de froid, soit les Mangemorts t'auraient attrapé…et t'aurais regretté de ne pas être mort de froid. »
Il s'était approché de lui, et Harry se rendit compte que l'autre devait être un peu plus âgé que lui, peut-être une vingtaine d'années, et qu'il le dépassait d'une courte tête. Il avait des yeux d'une couleur grise implacable lorsqu'ils se posèrent dans les deux jades étincelants du petit brun.
« Ma copine Milli m'a dit qu'elle t'avait croisée au cinéma. Elle pensait que t'étais un étudiant débile qui avait perdu un pari à la con et qui devait se promener en claquettes toute la soirée. » Il planta son bras juste à côté du cou du brun, de façon à l'emprisonner entre lui et le mur. « Mais moi je sais de source sûre que tu t'appelles Harry, que t'es berger, et que t'as rien à faire ici. Alors si tu voulais bien m'expliquer comment un petit berger comme toi se retrouve à la séance de 22h de Pirates des Antilles 2, tout seul, et qu'on le retrouve trois heures plus tard, tout bleu, en train d'agoniser dans une ruelle, ça serait bien, vois-tu ? »
Harry se sentit fléchir sous ce regard d'acier, et baissa les yeux le premier.
« Je…C'est pas ce que vous croyez…Je l'ai pas fait exprès…c'est une erreur, j'vous jure, m'sieur, s'il vous plaît, prévenez pas les Mangemorts… »
Il releva timidement le menton, et à son grand soulagement, les yeux orageux de l'inconnu semblèrent en cet instant s'adoucir considérablement, presque pour le considérer avec une certaine affection. Et lentement, un sourire réapparut sur le visage fin et aristocratique. Le blond ébouriffa presque tendrement les cheveux d'Harry (qui n'en avait pourtant pas besoin), et il tendit la main :
« Viens t'asseoir. Je te livrerai pas aux Mangemorts. Si j'en avais eu l'intention, tu serais déjà entre leurs mains. »
Il fit signe à Harry de s'asseoir dans le gros canapé de cuir, et lui tendit une couverture en laine épaisse, se privant à regret de la vue délectable du superbe garçon seulement vêtu d'un caleçon.
« Alors, vas-y, raconte. Comment t'es arrivé jusqu'à chez nous ? »
Harry regarda d'un air hébété autour de lui :
« Vous habitez vraiment au 96ème étage ? »
Le blond hocha la tête.
« Mais vous êtes qui ? »
L'autre écarquilla un temps les yeux, visiblement ne s'attendant pas à une question aussi directe, mais répondit néanmoins avant que Harry n'ait le temps de regretter son attitude.
« Je m'appelle Drago Malefoy. Et la raison pour laquelle je te livrerai pas aux Mangemorts, c'est que mon père est leur chef, et que je le déteste. »
Après s'être remis du choc causé par cette révélation –le fils du chef des Mangemorts !– Harry entreprit de raconter son histoire maladroitement. Comment il s'était retrouvé inexplicablement coincé dans cet ascenseur, l'horrible sensation d'oppression dans le tunnel entre le 34ème et le 96ème étage, et l'arrivée dans ce monde froid et étrange. Sa rencontre avec une bande de jeunes bizarres, et le film. Et puis le froid qui l'avait surpris dans cette ruelle. Durant tout son récit, le blond ne l'avait pas quitté des yeux, si ce n'est pour se faire deux tasses de café, dont une qu'il avait offerte au brun. Finalement, Drago désigna le petit sac de toile que Harry avait sur lui.
« Là-dedans j'ai trouvé une photo de toi en noir et blanc. Où est ce que tu l'as eue ? »
Le berger ne put s'empêcher de rougir.
« Oh, euh…en prenant l'ascenseur à vrai dire…je…euh…je revenais de chez un ami… »
Les yeux de Drago s'assombrirent dangereusement, et Harry crut qu'il avait dit une bêtise en voyant les jointures des mains pâles se crisper sur la poignée du mug de café.
« Tu revenais de chez Crivey, pas vrai ? »
Cette fois ce fut à Harry d'écarquiller les yeux derrière ses lunettes.
« Euh, oui…mais…comment vous le connaissez ? » Une lueur de compréhension horrifiée traversa son esprit : « Il…il est aussi d'ici ? »
Le blond eut un rire amer.
« Bien sûr, qu'il est d'ici. Il fait juste semblant d'habiter en bas. Il remonte ici dès qu'il le peut pour nous pourrir nos expositions d'art avec ses immondes croûtes. En sortant de ta petite sauterie chez lui, je suppose que tu as dû prendre l'ascenseur qu'il s'apprêtait lui-même à emprunter pour remonter dès que tu serais parti. »
Harry resta bouche bée, alors que Drago, visiblement et mystérieusement furieux, poursuivait :
« Il descend en bas pour trouver de l'inspiration, soi-disant. Mais quand il remonte, faute d'inspiration, c'est des histoires salaces qu'il trouve à raconter. Sale petit porc lubrique, un de ces jours, je te ferai bouffer tes lunettes carrées ! » Il sembla se calmer enfin, et se tourna vers Harry, qui était trop médusé pour piper mot. « C'est par lui que je sais que tu t'appelles Harry et que tu es berger. Bien sûr, il m'a raconté tout plein d'autres choses que je ne peux pas te répéter, je crois que ça risquerait de te heurter. »
Le brun baissa la tête d'un air préoccupé. Le garçon blond le fascinait et le terrifiait à la fois. Il releva timidement la tête :
« Alors, qu'est ce que vous comptez faire de moi ? Est-ce que vous allez me renvoyer en bas ? », demanda-t-il avec une note d'espoir, tandis qu'une partie plus profonde de son être semblait étrangement crier au fond de lui qu'il ne voulait pas être renvoyé comme ça, comme un malpropre. Comme un insecte nuisible.
Le garçon en face de lui haussa légèrement un sourcil, avec un air amusé :
« Je pourrais, bien sûr. Je pourrais t'aider à redescendre chez toi. Ça me surprend d'ailleurs que les Mangemorts ne se soient pas encore rendus compte de ton absence en bas…Mais je crois bien que j'ai pas trop envie de faire ça, en fait. »
Les yeux verts s'écarquillèrent de stupeur.
« Non, je serai plutôt pour te garder ici, au chaud, près de moi. Rien que pour moi, pour une fois. »
Harry ouvrit la bouche, commença à bégayer quelque chose qui lui parut à lui-même totalement inintelligible, et le blond coupa ses borborygmes :
« Vois-tu, ça fait maintenant un peu plus d'an que Colin nous gratifie de ta présence dans toutes ses expos, et de ses commentaires déplacés sur ce qu'il fait avec ses mannequins. Surtout avec toi, d'ailleurs. »
Le brun rougit violemment et fixa l'épais tapis Moghol au sol, comme si les entrelacs d'oiseaux et de fleurs qui y étaient tissés étaient soudainement devenus la chose la plus fascinante au monde. Il sentit la main pâle de Drago jouer avec ses mèches brunes, s'empourpra encore plus, mais ne releva pas les yeux.
« Et moi ça fait un peu plus d'un an que j'achète les portraits où tu figures, toi, et ça fait un peu plus d'un an que ça me met hors de moi d'entendre les saloperies de cette petite raclure de Colin. »
Harry continuait d'observer fixement le tapis, conscient que ses joues, brûlantes, devaient rougir de plus en plus. Il ne comprenait pas trop ce que lui voulait précisément le blond en lui disant qu'il achetait des portraits de lui, mais quelque chose lui disait que ce n'était pas très différent de ce qu'attendait généralement Colin quand il l'invitait chez lui. Le doigt fin de l'aristocrate glissa doucement sur sa joue, et Harry releva brusquement les yeux, incertain et terrifié.
« Est ce que tu ne voudrais pas rester ici quelque temps ? », demanda doucement le blond en voyant la lueur craintive affichée par les deux iris verts. « Je ne parlerai pas de ta présence. Tu n'as rien à craindre de moi. »
Harry essaya de scruter quelque chose, une intention, une émotion, dans les prunelles glacées, sans y parvenir. Comme sa mère avait toujours dit que rien n'était gratuit, et que les gens faisaient toujours preuve de bonté en attendant une récompense, il hésita un peu avant de demander :
« Euh, en contrepartie de votre silence, vous…vous voulez que je… »
Sans le laisser terminer, le blond éclata de rire :
« Quoi, tu crois que je te protègerai des Mangemorts à condition que tu acceptes de coucher avec moi ? Est ce que tu me prends pour Crivey ? »
Le brun ne savait pas trop où se mettre :
« Mais alors, vous acceptez que je reste là sans…sans contrepartie ? »
L'étudiant blond eut une moue amusée :
« Et quelle contrepartie voudrais-tu m'offrir ? Ma famille est l'une des plus riches ici, mon père dirige les Mangemorts, c'est le bras droit du Patron…Et toi, petit berger, tu voudrais m'offrir ton corps en contrepartie, c'est ça ? »
« Non ! », s'écria Harry. « Je veux dire, je pensais…je…enfin, que vous…vous vouliez… »
Drago se leva élégamment :
« Eh bien non, je ne veux pas. Ce n'est pas parce que je trouve que tu es certainement le plus beau garçon que je n'ai jamais vu que je te ferai chanter d'une façon aussi atroce. Considère-toi comme…une sorte d'invité. Je ferai en sorte que les Mangemorts ne se rendent pas compte de ton absence en bas. J'ai accès à leurs fichiers. Est ce que ça te convient ? Tu coucheras dans la chambre d'amis où tu t'es réveillé. Ça te devrait te convaincre que je ne suis pas un horrible pervers, non ? »
Harry hocha timidement la tête. L'autre eut un sourire satisfait :
« Dans ce cas, je te laisse un moment, le temps d'aller trafiquer les fichiers du Bureau Central des Mangemorts. Tu peux te servir de la télé, et de tout ce que tu veux dans le frigo. »
Il enfila une veste, prit un trousseau de clés posés dans une coupelle en porcelaine au-dessus du manteau de la cheminée, se pencha vers Harry et lui déposa un léger baiser sur le front.
La porte se referma sur l'élégant jeune homme, et la clé tourna dans la serrure trois fois avant que Harry ne reprenne ses esprits. Mécaniquement, il alluma le poste de télé, et resta quelque temps planté devant les programmes inintéressants du milieu de l'après-midi, quand une sonnerie stridente et insistante le fit sursauter. Après avoir pensé un moment que c'était le téléphone, Harry dut se rendre compte, avec un frisson glacé qui descendit le long de sa colonne vertébrale, que c'était bel et bien la sonnette de la porte d'entrée, lorsque quelqu'un se mit à frapper avec acharnement contre elle…
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Le sondage de Ritsuko !
À votre avis, qui frappe à la porte ?
A/ Lucius Malefoy, qui vient exprès emmerder son fils.
B/ Millicent, venue voir comment Harry s'en sort.
C/ La femme de ménage (oui Drago est un fils à papa, il ne passe jamais l'aspiro !).
D/ Colin qui fait du porte à porte pour essayer de vendre ses photos de portemanteaux.
