Chapitre 16

Starcourt

Samedi 14 Novembre 1986. 18h25

Ce soir, c'était le rendez-vous de la semaine avec Jason. Fast-food et cinéma, comme tous les samedis soir. Chrissy avait passé la matinée à réfléchir aux évènements de jeudi.

Etonnamment, les deux nuits qui avaient suivi le cauchemar de jeudi étaient redevenu le cauchemar habituel. L'ombre était bien présente, mais il était revenu à son rêve d'origine. Cette routine installée de cauchemar aurait dû faire peur à Chrissy. Mais pas cette fois, parce que c'était revenu à la 'normale'. C'était rassurant pour elle. Les cauchemars étaient bien là, sous la forme qu'elle connaissait.

C'était surprenant de voir à quel point les humains avaient une très bonne capacité d'adaptation.

Elle était toujours épuisée. Elle ne trouvait pas de solution. La chose semblait pourtant claire et évidente : tout jeter par les fenêtres et dire 'fuck' à tout. Si le problème de son mal être était les autres, il suffisait de tout jeter n'est-ce pas ?

Impossible.

Elle ne pouvait pas faire ça. Parce que ça signifiait la fin de tout.

Qu'était-elle supposée dire à sa famille ? Dire à sa mère de se taire et de la laisser tranquille ? Tout ce qu'elle récolterait serait qu'elle ne pourrait plus jamais sortir, être sous son emprise constante. Cette simple idée la fit frissonner.

Les seules raisons pour lesquelles elle réussissait à sortir, c'est parce que sa mère était fière de voir qu'elle se rapprochait des 'gens fortunés' d'Hawkins, qui 'saillaient à son rang' -Soyons clairs : ils n'étaient rien, même pas de grandes fortunes-. Mais sa mère avait clairement un souci à ce niveau. Elle, elle n'avait pas envie de ça. D'ailleurs elle avait bien conscience d'où elle se trouvait sur l'échiquier de la vie. La deuxième raison : sa fille se révélait être une élève studieuse, souvent dans le top tiers des cours et qu'elle avait même réussi à se hisser cheffe des cheerleaders. Troisièmement : Chrissy avait donné tout ce que sa mère attendait d'elle. Si d'un seul coup elle décidait de tout laisser tomber, c'était dangereux pour elle.

C'est son mérite et son travail acharné qui avaient fait sa liberté. Parce qu'elle avait donné à sa mère ce qu'elle voulait pour qu'elle puisse sortir, se faire des amis. Même si elle avait souvent un couvre-feu strict. Mais tout ça pouvait être enlevé d'un claquement de doigts.

Elle enverrait sa fille en pensionnat catholique, ruinant son futur et ses études. Elle le ferait, sans aucun doute. Avec son petit sourire figé hypocrite, la regardant partir en lui disant ''c'est pour ton bien ma chérie''. Si elle se rebellait du jour au lendemain, elle perdait tout : ses amis, sa famille, ses études, son futur.

Quoiqu'en y réfléchissant, elle ne savait même pas quelles études elle voudrait faire. Depuis le début tout ce qui avait compté, c'était d'être le soutien de Jason. A ses dépends, mais être présente pour lui et le supporter dans son sport. Ses victoires où ses défaites.

Mais aujourd'hui, si elle devait choisir, quel métier ferait-elle ? Et surtout est-ce qu'elle comptait avoir Jason dans sa vie sur le long terme ?

Elle refusait de continuer à être la bonne poire et à subir.

Britney avait eu raison sur un point : elle aussi voulait vivre sa vie pleinement.

Mais avec Jason ?

'Non.'

'Peut-être ?'

'Aucune idée.'

Elle souffla. Les réflexions se bousculaient dans sa tête sans savoir quoi penser. Tout cela était devenu si compliqué en si peu de temps… Et la fatigue d'aidait pas à réfléchir posément.

Elle était assise devant sa coiffeuse, se regardant dans le miroir. 'Tu dois être parfaite', résonna la voix de sa mère dans ses pensées. Parfaite… Elle en était loin en réalité. Elle vit son corps dans le miroir. Pour l'instant elle était en sous-vêtements et avait à peine pris le temps de se sécher depuis qu'elle était sortie de la salle de bains tout à l'heure. Ses pensées la tourmentant et l'ayant gelée sur place.

Il fallait qu'elle se dépêche : Jason arrivait toujours vers les coups de dix-neuf heures. Elle regarda sa penderie. Elle fit la moue. Tout était dans les couleurs pastel où vives. Elle arrivait à se demandait si elle aimait vraiment ces couleurs, ou bien si elle faisait comme tout le monde. Suivre la mode et se conformer. Mais elle, c'est surtout qu'elle n'avait pas vraiment le droit de porter du noir. C'était trop formel. Sa mère l'encourageait surtout à porter des couleurs claires. Malgré tout, elle avait envie de se faire jolie ce soir. Elle était fière en plus : son ventre était plat depuis ce matin. Aucun gonflement visible.

Elle prit un des ensembles en vogue qu'elle avait récemment achetée. Elle avait mis des collants noir transparents puis une jupe patineuse bleu pâle à taille haute qui lui descendait juste au-dessus des genoux. En dessous elle portait une sorte de sous-pull collé à la peau blanc très élastique et manche longue, pour éviter d'avoir froid. Elle ajouta, pour cintrer, une ceinture de cuire élégante et noire. Ce qui la mincissait encore. Elle n'avait que très peu de bijoux, elle garda son collier en or qu'elle mit au-dessus de son col roulé. Elle changea ses petites boucles d'oreilles dorées pour des boucles d'oreilles bleu foncé de forme ronde. Elle prit le temps de mettre son éternel fard bleu clair qu'elle mettait régulièrement.

Pour compléter son look, elle avait acheté un blazer bleu foncé avec des lignes bleu clair, noires et blanches dessinées dessus. Ce blazer oversize lui allait un peu au-dessus du haut des cuisses. Elle adorait la mode de ces épaulettes marquées, ça lui faisait une jolie silhouette.

Elle eût à peine le temps de finaliser son look en se remettant du volumes à ses boucles qu'elle entendit du bruit à l'entrée. Puis elle reconnut la voix de Jason. Elle prit un petit sac en bandoulière noir et chaussa de petits talons bleus. Elle était prête.

Elle aimait bien l'image qu'elle renvoyait dans le miroir.

Elle se mit un peu de mascara et descendit. Sa mère la regardant avec de grands yeux étranges qui semblaient lui dire 'Mais qu'est-ce que c'était que ça ?' Pourtant elle se trouvait jolie dans cette tenue. Plus mature, certes. Mais jolie. Elle avait même fait de jolies boucles dans ses cheveux pour aller avec sa tenue.

Jason lui, il lui souriait et paru ravi du changement. Il se tourna vers Laura Cunningham qui reprit une expression de fausse joie « Eh bien, nous y allons Madame. Passez une bonne soirée. »

« Oui Jason, passez une bonne soirée. » dit-elle en dévisageant froidement sa fille des pieds à la tête qui passait devant elle « Vous ne nous la ramenez pas trop tard ? Maximum une heure ? Où prévenez-moi si elle découche. »

« Comme d'habitude. Merci à vous. » Fit Jason qui se retourna pour prendre le bras de sa copine, soudain ravi qu'elle ait acquis le droit de découcher.

Elle fut surprise que le couvre-feu puisse être enlevé. Est-ce que ça avait un rapport avec le fait qu'elle était dans les pommes la dernière fois ?

Oh je vois.

Passer pour une gentille maman attentive à présent ?

Sa mère tenait vraiment à ''l'image'' hein ? Sauver les apparences ?

Elle lui donnait envie de vomir.

Une fois dans la voiture Jason la regarda en entier. Chrissy se sentait bien et jolie. Et Jason lui faisait savoir. « Regarde-toi comme tu es belle ! Ça te va très bien. Toutes les autres filles vont être jalouses de te voir arriver… et tu fais un peu plus âgée dans cette tenue. »

Chrissy fut rassurée qu'il la trouve jolie. Elle aussi, elle aimait bien.

Il démarra la voiture et elle remarqua que son regard glissait régulièrement sur ses jambes. Puisque sa jupe lorsqu'elle était assise remontait. Pourtant elle portait une jupe plus courte que ça au lycée, avec sa tenue de cheerleader. Elle ne comprenait pas trop, mais se contenta de regarder le décor défiler dehors.

Ils s'arrêtèrent à leur fast-food habituel dans le centre commercial Starcourt. Ils faisaient de grandes portions bien grasses dont Jason raffolait.

Elle, beaucoup moins. Mais elle ne dit rien, évidemment. Elle se contentait de lui sourire en retour, habituée à venir ici. Elle lui prit le bras qu'il lui offrait pour qu'elle puisse marcher sereinement même avec ses talons et ils avancèrent sans rien dire jusqu'à l'intérieur.

Les portes s'ouvrirent et les lumières néons du centre commercial les aveuglèrent une fraction de seconde. Toujours accrochée à son bras ils se dirigèrent en papotant vers leur endroit phare, passant devant une arcade de jeux, pas encore désertée.

Il y avait pas mal de monde le samedi soir. Et ce soir un nouveau film était à l'affiche : The Hitcher. Tout le monde en disait du bien. Il paraissait même que c'était le chef d'œuvre de la décennie. Pas étonnant qu'il y ait autant de monde ce soir. Ils descendirent et elle vit avec envie ces jeunes filles se prendre des boules de glace malgré la température de dehors. Elle les regarda jalouse. Elle ne devait pas. La glace c'était un calvaire. Tout le monde pensait qu'elle détestait le sucré. Mais c'était faux. C'est juste que le sucré lui donnait faim et la ferait grossir à coup sûr. Mais elle aimait le sucre, les glaces, les bonbons… comme tout le monde. Enfin, le temps où elle avait le droit d'y goûter, elle en avait un bon souvenir. Elle se reprit et marcha à côté de son copain en se mordant la lèvre inférieure.

Elle avait faim. La vue des glaces lui donnait faim. Les odeurs des restaurants lui donnaient faim. Même les couleurs pétillantes et attrayantes lui donnaient faim. Elle baissa la tête. 'Non. Le moindre écart et c'est fini'.

Quand ils entrèrent, tout de suite elle se sentit mal à l'aise. Elle ne rentrait pas dans le moule. Les autres filles étaient plus jolies, mieux habillées. Toutes avaient des jeans délavés, des baskets blanches où colorées. Des bobs. La mode chez les plus jeunes quoi. Pas elle, elle avait choisi de paraître plus mature. A tort. Elle se sentait à part, hors du lot normal des gens. Elle n'aimait pas ce sentiment de défaite et de frapper de côté comme elle l'avait fait. Elle voyait des femmes habillées comme elle, mais elles étaient plus âgées, ça se voyait. Et elles le portaient mieux. Elle se sentit difforme. Ce blazer était une idée horrible, comment avait-elle pu penser que ça irait ?

Pendant qu'elle progressait vers le comptoir pour commander, elle reconnut une tête qui lui était familière. Elle fut stupéfaite, jamais elle ne pensait qu'ils se croiseraient ici. Pourtant elle n'aurait pas dû être aussi étonnée de le voir : Hawkins était une petite ville. Les chances de croiser des personnes que l'on connaissait dans le seul et unique centre commercial de la ville n'était pas si exceptionnel.

Elle vu Eddie attablé avec toute la bande avec laquelle il trainait au lycée. Celui-ci était dans une discussion apparemment mouvementée et drôle puisque tous parlaient et renchérissaient. Eddie faisait rire vraiment tout le monde, dont elle. Bien qu'elle ne comprît pas leur discussion, elle voyait bien que c'est lui qui animait l'endroit. Elle le regarda si intensément qu'il s'arrêta de parler pour la regarder. Il avait dû sentir son regard sur lui. Elle le vit ouvrir légèrement la bouche, hébété et s'arrêter de parler. La regardant intensément en retour. C'était un sentiment très étrange qu'elle ressentit. Elle rougit et lui fit un petit mouvement de la main timide.

« Qu'est-ce que tu regardes babe ? »

'Oh merde'

« Hum ? Rien Jason. Tu as déjà commandé ? » Fit innocemment la jeune femme en se rapprochant de lui. Il fit un pas sur le côté pour voir ce qu'elle avait vu, sans qu'elle ait eu le temps de dire quoique ce soit.

Eddie Munson.

« C'est une blague ? Je peux savoir pourquoi tu regardais ce taré ? »

Son sang ne fit qu'un tour. « Ne parle pas de lui comme ça. Je n'aime pas quand tu dis ce genre de chose, tu le sais bien. » fit-elle sèchement en baissant la voix en s'étant rapprochée de lui.

« Ne me dis pas quoi faire. » Fit-il en s'énervant fit-il en faisant un pas de côté. Jason détestait vraiment être pris pour un con. « À quoi tu joues Chrissy ? Tu regardes d'autres gars maintenant ? T'as pas honte ? » se fâcha Jason. Sa voix ne s'était pas élevée. Mais la personne travaillant derrière le comptoir voyait bien que ça partait en embrouille juste sous son nez. L'employé recula d'un pas.

« Je t'en prie Jason, arrête, tu nous donnes en spectacle. » stressa Chrissy sous le coup de l'émotion, faisant semblant de sourire à la jeune personne qui travaillait. « Je le saluais juste parce que nous sommes du même lycée et que nos regards se sont croisés c'est tout… »

« Ah, parce que tu le salues en plus ? Je serai étonné de savoir ce qu'il t'a fait pour te rendre si aimable avec lui. »

Elle le regarda désabusée. Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Puis elle fronça les sourcils, faisant froncer le bout de son nez et se redressa pour lui faire face. « Rien. Mais au moins je suis sûre qu'il serait capable de mieux se tenir que toi, LUI. » Elle se tint droite et prit le bout de son blazer dans ses petites mains fines. « Qu'est-ce qu'il t'arrive pour l'amour de Dieu Jason, pourquoi tu t'énerves comme ça ? »

Jason en avait assez entendu. Il prit son plateau et demandant à ce qu'il soit mis à emporter. Il se tourna vers sa copine se penchant en avant pour arriver au niveau de l'oreille afin qu'elle seule puisse l'entendre.

« Si tu l'apprécies autant, t'as qu'à lui demander de te ramener. Je t'ai assez vue pour la soirée. »

Puis il prit le sac de nourriture pour laquelle il avait payé et lui tourna le dos, victorieux. Et il partit. Comme ça. La tête droite, fier comme un paon.

Il laissa Chrissy au milieu du fastfood, sous les regards curieux de toutes les personnes qui avaient assistées à la scène. L'employé la regarda, désolé, mais ne sût quoi dire.

Elle voulut mourir. Estomaquée par l'attitude extrêmement possessive de Jason. Il n'avait jamais agi comme ça avant. Puis elle fut mal à l'aise, sachant que tous les regards se portaient sur elle. Elle les sentait. Elle détestait que les autres la regardent. Et maintenant, que devait-elle faire ? Elle avait assez d'argent pour se payer le cinéma, pas pour manger. Que devait-elle faire ? Lui courir après ? Elle ne pouvait quand même pas rentrer à pied chez elle… Le seul soir où elle mettait des talons…

Quelle honte…

Que devait-elle faire ? se répéta-t-elle. Elle était là, debout, sidérée des actions de Jason. Absolument abasourdie par ce qu'il venait de se passer. Elle regardait obstinément le sol. Les larmes prêtes à tomber. Que devait-elle faire ? Elle se résolue à lever les yeux pour voir que Jason avait bel et bien disparu. Elle allait se mettre à le suivre, lui demander pardon. Il le fallait, il ne serait pas capable de l'abandonner quand même ?

Elle fut rattrapée par une voix familière :

« Euh…Salut Princesse. »

Elle se retourna.

« E… Eddie ? »

Elle était vraiment à deux doigts de pleurer. Toute cette scène n'aurait jamais dû avoir lieu. Elle ne ressenti que de la gêne envers Jason. Ce n'était pas la faute d'Eddie, mais la sienne pour l'avoir salué. Si Jason revenait maintenant et qu'ils les voyaient ensemble, peut-être qu'il se mettrait réellement en colère. Pourtant il apparaissait là, un peu comme un sauveur pour l'empêcher de ressentir cette gêne immense. Evidemment qu'il avait été témoin de toute la scène.

Elle avait tellement honte qu'il ait tout entendu.

« Je peux savoir ce qu'il lui prend à cet abruti ? Tu as besoin d'aide ? »

« Je…Je ne sais pas, quand je t'ai salué, ça…Oublie. Ce n'est rien. Je vais aller le chercher… »

Avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, Eddie la retint par le bras.

« Hey Princesse. Quoi qu'il se passe là-haut, sache que nous on est là d'accord ? » dit-il en pointant sa tablée « Si tu as besoin que je te ramène, je le ferais. Pas question de te laisser rentrer à pied parce que ce connard a soudainement pété un câble. »

Elle lui sourit, mais des larmes étaient prêtes à couler.

« On est là. On ne bouge pas. Si tu as un problème, tu n'auras qu'à nous rejoindre. » Puis il ajouta sur le coup de la rigolade. « Si notre présence est à votre goût bien sûr, Majesté. »

Elle le remercia chaleureusement et partit précipitamment rejoindre le parking où était garé Jason à la base. Elle n'eut pas besoin d'aller bien loin : sa voiture n'était plus là. En revanche elle voyait où était garé le van d'Eddie.

Elle prit cette réaction disproportionnée comme une insulte. Elle eut envie de crier. Alors Jason était réellement capable de l'abandonner à presque vingt heures dans un centre commercial ? C'était une blague ?

Elle prit le coup de plein fouet, la faisant se plier en deux. Elle étouffa un sanglot avec une main devant la bouche, les larmes dévalant son visage alors qu'elle essayait de les retenir. Le vent froid se fit plus fort, faisant se soulever sa jupe dans tous les sens.

Si la scène n'avait pas été si tragique, elle aurait pu être poétique avec le jeu des lumières et des couleurs, la jupe de Chrissy volant au vent et ses cheveux contrastant avec le bleu de la nuit.

Qu'avait-elle fait de mal ?

Elle n'avait fait que saluer Eddie. Aurait-il réagi pareil s'il avait s'agit de quelqu'un d'autre ? Elle sanglota, le bruit du vent masquant sa douleur.

Elle le savait.

Elle se rendait compte que Jason ne la rendrait jamais heureuse.

Elle en prit brutalement conscience en essayant de tenir debout en face de ce parking et de la nuit qui annonçait de la pluie, essayant de rester debout sans s'effondrer.


Samedi 14 Novembre 1986. 20h15

Ça faisait à présent une dizaine de minutes qu'elle attendait debout, pleine d'espoir le retour de Jason. S'entourant elle-même de ses bras pour tenir contre le froid. Mais rien. Alors elle décida de rejoindre les autres, toujours les yeux pleins de larmes.

Elle refit le chemin inverse, droit vers l'entrée du fastfood, espérant qu'ils n'aient pas bougé comme il le lui avait dit. Et c'était le cas. Son cœur s'allégea en voyant qu'il avait tenu parole. Quand il la vit, il se leva et alla la voir.

« Il est vraiment parti alors ? »

Elle fit 'oui' de la tête. Lui non plus apparemment n'en revenait pas. Chrissy avait pleuré, ça se voyait. Il fut désolé pour elle et la prit par l'épaule, la guidant vers sa table.

« Les gars, je vous présente Chrissy… qui va rester un peu avec nous ce soir. »

Personne n'eut rien à redire, tout le monde avait vu -et entendu- ce qu'il avait fait à la jeune fille. Personne n'était à l'aise, mais on ne pouvait décemment pas laisser une fille, seule, de nuit. Ils n'étaient pas comme lui. Un garçon qu'elle reconnut du lycée, lui fit un grand sourire très mignon, en montrant une drôle de dentition et lui laissa une place près de lui. Elle lui sourit timidement et s'assit en faisant attention de ne pas prendre trop de place. Il se présenta comme étant Dustin Henderson et il présenta un garçon de la même année que lui : Mike Wheeler.

« On se connaît depuis très longtemps ! » Fit Dustin à Chrissy, enchanté d'avoir une nouvelle amie. « Lui et moi on est comme des frères. Tu connais sûrement Lucas Sinclair d'ailleurs ? Bon ce soir il n'est pas là mais c'est notre pote aussi ! »

« Wheeler ? » demanda Chrissy. Elle fronça les sourcils, sûre d'avoir déjà entendu ce nom quelque part. Puis ça lui revint : « Oh ! Nancy Wheeler ! C'est ta sœur alors ? » Le jeune garçon acquiesça. Il n'avait pas l'air aussi bavard que son ami. « Vous ne vous ressemblez pas trop. » Fit remarquer honnêtement Chrissy. C'était vrai : ils ne se ressemblaient pas.

Dustin rigola : « T'as bien raison, Nancy est bien plus belle ! » Mike protesta et ils se chamaillèrent sous les yeux faussement excédés d'Eddie.

Cette énergie, c'était une énergie nouvelle qu'elle ne connaissait pas du tout. Elle était très touchée par ce rendez-vous improvisé bon enfant. L'énergie des plus jeunes et des petits échos de voix lui redonnèrent le sourire. Jason était un problème bien présent dans un coin de la tête cependant.

« Je suis désolé de vous embêter Altesse, mais il faudrait que vous vous commandiez à manger à un moment. » fit remarquer Eddie.

« Oh je… »

Eddie remarqua qu'elle avait encore ce regard embué de larme. Prête à craquer à tout moment.

« Je suis désolée » sourit-elle faiblement, gênée. « Mais je n'avais pris la monnaie que pour une séance de cinéma… C'était Jason qui était censé me payer le repas. Ce n'est pas grave, de toute façon il m'a coupé l'appétit. » Et c'était vrai. Pour le fait qu'il lui avait coupé l'appétit et que c'est lui qui voulait toujours payer le repas. Même si elle ne prenait qu'une salade et de la limonade maison, ce qui ne coutait pas bien cher, il voulait que ça soit lui qui paye. Ça allait dans la conception de comment il percevait le couple parfait. Chrissy se tenait le ventre sans se rendre compte. Elle sentait ses viscères se serraient et se contracter sur eux-mêmes, ressentant l'angoisse de leur hôte.

Eddie, à qui il restait quelques frites dans l'assiette, les lui passa. Elle le regarda avec de grands yeux interrogatifs. « Mange, Princesse. Je me vois mal manger devant toi alors que tu n'as rien à te mettre sous la dent. »

Elle ne savait pas si elle avait le droit de refuser. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre les seules personnes qui voulaient bien l'aider. Alors elle ne dit rien et mangea les quelques frites en silence. Très doucement pour se donner l'impression d'être rassasiée.


Hello ! Merci beaucoup pour vos gentils retours, ça me touche ! La suite arrive bientôt ! Bonne lecture !