Chapitre 19

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Lundi 16 Novembre 1986. 12h05

« Okay mec, je peux savoir par quel miracle on a pu passer une soirée avec Chrissy Cunningham comme si de rien n'était samedi soir ? » Chuchota Dustin auprès de la tablée de Hellfire Club, lors de la pause de midi, en posant bruyamment son plateau. « Je peux savoir comment c'est possible ? Comment ça se fait que tu aies pu l'approcher comme ça ? »

Tous regardèrent le bout de table où se trouvait leur maître du jeu qui commençait à faire la gueule. « Bonjour à toi aussi Dustin » fit-il avec un sourire cynique. « Et…Non, je regrette » fit-il en souriant « tu peux pas. » rajouta-il sarcastiquement, montrant ses canines, prononçant chaque mots distinctement.

« Allez mec, dans aucun monde c'est possible ça normalement… » Essaya quand même Dustin.

« Cherche pas » coupa Gareth. « Y'a une semaine elle était venue nous voir en concert. Et il n'a rien voulu lâcher. » Dit-il suspicieux en regardant Eddie qui le regardait maintenant méchamment.

Dustin cru s'étrangler avec son eau. « Attends quoi ? » Fit-il dépité. Puis il regarda Eddie qui roula des yeux et remonta ses lèvres, tordant sa bouche signifiant quelque chose comme 'ah putain mais la ferme' à l'attention de Gareth.

Dustin continua quand même, un sourire enfantin sur le visage

« Tu sors avec elle et tu nous l'as pas dit ? »

Mike sentit la fatigue l'envahir à son tour.

Eddie quant à lui, ferma très fort les yeux, les doigts calés sur les tempes. Quand il faisait ça, tous les plis de la peau apparaissaient. Lui donnant un air beaucoup plus âgé.

Dustin sentait qu'il avait fait une bourde, parce que quand il réfléchissait comme ça, c'était pas bon. La vérité, c'est surtout qu'Eddie se demandait avec qui il pourrait bien les remplacer pour la campagne contre 'le grand sorcier Vecna' s'il les butait maintenant. Comme Eddie n'avait pas envie d'aller en prison pour avoir péter les dents de ses amis, il décida de les faire taire pour de bon, avec des moyens… moins violents.

Il se pencha sur la table avec un grand mouvement brusque, captant l'attention de tous ses potes et commença à murmurer menaçant :

« Alors de un les mecs : vous arrêtez de parler d'elle. Moins les autres en savent quelque chose, mieux on s'en portera. Vous avez vraiment envie d'être le centre d'attention de tout Hawkins et de vous faire harceler par la bande de Jason ?» Commença Eddie en regardant Gareth qui blanchissait, « De deux » dit-il en s'adressant brusquement à Dustin « On n'est, -évidement-, pas ensemble, je lui ai juste rendu un service à un moment après le concert, et ce week-end, c'était du pur hasard. » Puis il plaqua ses mains, faisant vibrer la table sous le coup de ses bagues en argent. Captant l'attention d'autres élèves dans la foulée, qui le prirent pour un fou, il continua. « De trois. Le prochain qui cause se verra handicapé lors de la campagne contre Vecna. Le. Premier. Qui. L'Ouvre. » Puis il se rassit, un sourire goguenard au visage, le regard méchant, ravi de son effet. « Vous avez tous oublié que je suis votre maître du jeu à D les gars ? A partir de maintenant vous oubliez la Princesse, c'est pas vos oignons. Pigé ? »

Le message était clair. Et comme, clairement, aucun d'eux ne voulait se retrouver avec un malus lors de cette campagne qui durait depuis plusieurs semaines, ils se la fermèrent illico. Eddie sourit méchamment. Le pouvoir avait du bon.

Maintenant qu'il savait qu'ils garderaient tout pour eux, Eddie, rassuré, s'adossa à sa chaise. Son regard cherchant, par reflexe, une petite nana blonde à la tablée des basketteurs à laquelle il y avait habituellement toutes les cheerleaders.

Toute sauf une.

La petite princesse manquait à l'appel. Par contre il vit cette tête de con qu'était Jason en train de faire la gueule, le regard mauvais dirigé contre lui. Eddie rigola et continua à la chercher du regard. Eddie se surprenait à penser à elle assez régulièrement, naturellement, sans faire attention. Il remua la tête, désapprobatrice de ces propres pensées.

Sous le sourire enfantin de Dustin qui le regardait, amusé et attendrit par son maître du jeu. Dustin était une petite fleur bleue avec un cœur d'artichaud. Ne pouvant rien faire ni rien dire, il n'ajouta rien. Mais il n'en pensait pas moins. Son sourire sans dents s'agrandit.


Lundi 16 Novembre 1986. 12h45

L'ambiance était nettement moins d'humeur joyeuse là où s'était réfugiée Chrissy. Elle s'était posée sur les gradins des tours de piste, pour éviter de croiser Jason. Il l'avait évité toute la matinée alors qu'ils partageaient les mêmes cours. Le groupe était habitué à voir les deux amoureux se disputer. Alors personne ne s'était inquiété. De toute façon, jamais personne ne la rejoignait elle, pour savoir si elle allait bien. Jason prenait toute la place dans les conflits. Même ses copines cheerleaders ne se souciaient pas vraiment d'elle. Elle se sentit délaissée.

Et bien entendu, ses fichus cauchemars ne s'arrêtaient pas. Elle avait voulu retourner voir la psy, mais elle n'était pas sûre de ce qu'elle aurait pu lui apprendre de plus qu'elle ne savait pas déjà. L'ombre. Il fallait travailler dessus.

Mais comment faire ?

Elle se mordit la lèvre inférieure. Elle cherchait désespérément des réponses pour s'en sortir. Et les réponses qui lui venaient ne lui convenaient pas. C'était devenu une évidence pour elle : pour se sortir de tout ça, il fallait qu'elle laisse de côté Jason et sa mère.

Soit les deux piliers les plus importants de sa vie.

Ses yeux se voilèrent de larmes. Alors elle chercha un mouchoir dans sa poche en prévention et elle toucha un drôle d'objet qu'elle ne reconnut pas. Surprise, elle le sorti : le briquet noir qu'Eddie lui avait donné. Elle ne se souvenait pas l'avoir mis dans sa poche.

Eddie.

Samedi soir il l'avait reconduite chez elle au couvre-feu de ses parents, elle l'avait salué et remercié. Et puis il était reparti, juste comme ça. Elle voulait lui rendre la monnaie de sa pièce. Il avait tant fait pour elle, même sans le vouloir. Elle se sentait redevable envers lui.

Elle y réfléchissait, mais c'était chez lui qu'elle avait réussi à dormir sans faire de cauchemar. C'était grâce à lui qu'elle avait eu une nuit de repos.

Bon pas 'grâce à lui', mais un peu quand même non ?

En y réfléchissant bien : elle ne savait même pas si c'était grâce à lui, le fait qu'elle n'ait pas dormi chez elle ce soir-là ou la drogue. Tout était très confus. Mais n'empêche : C'est lui qui l'avait écouté et conseillé. Même soutenue. Et c'est encore lui qui l'avait sauvée samedi. Alors c'était dû au hasard, mais quand même.

D'ailleurs elle ne lui avait pas dit que la drogue n'avait eu aucun effet bénéfique quand elle en avait pris seule la deuxième fois. Elle était tentée de refaire l'expérience pour être sûre, mais elle était terrorisée que le deuxième rêve -bien plus effrayant que l'habituel- ne recommence une seconde fois sous l'effet du cannabis. Elle ne voulait plus jamais y faire face.

Elle tortilla son pull. Sûrement qu'Eddie n'en aurait rien à foutre de savoir que sa drogue ne l'avait pas aidé. Quel intérêt pour lui ? D'ailleurs maintenant qu'elle y pensait, elle ne lui avait rien dit du tout à propos de ses cauchemars. Devait-elle lui en parler ? Peut-être que lui aurait une solution ? Peut-être qu'une autre drogue lui conviendrait ? Elle n'avait pas essayé la K, peut-être que c'était sa solution au final.

Elle réfléchit. Son raisonnement lui paraissait logique. Elle espérait juste que Eddie s'intéresse à son histoire. Elle avait même quelque chose à lui proposer en échange, qui l'intéresserait sûrement. Elle sourit en regardant le ciel d'un bleu très intense. Encore une fois, le ciel avait été dégagé quelques instants lui permettant de sortir prendre un peu le soleil.

Elle regarda le briquet. Devait-elle lui rendre ? Si elle ne fumait plus, il n'y avait pas de raison de le garder. Elle regarda le petit objet et le plus délicatement contre son cœur, se recroquevillant sur l'objet, comme s'il s'agissait du plus précieux des cadeaux.


Lundi 16 Novembre 1986. 18h37

Les cours de la journée étaient finis pour Britney, elle se dirigeait vers la bibliothèque. La plupart des élèves qui restaient au lycée à cette heure faisaient partis de club. Tous les soirs de la semaine, à des jours différents, certains clubs pouvaient rester. Par exemple : la team de basket avait le terrain de sport pour s'entrainer uniquement le jeudi soir. Elle, elle pouvait occuper la bibliothèque quand elle le voulait, l'école fermait à 21h. Son professeur de littérature lui avait donné l'autorisation. Elle avait quelques heures pour lire et continuer ses recherches personnelles sur l'économie en générale. Elle avait décidé d'étudier Marx et son livre 'le capital'. Elle trouvait cela fascinant. Elle voulait en écrire un essai elle aussi, et pour ça, elle avait eu besoin de la bibliothèque. Elle se posa à une table, étudiant l'endroit vide. Tant mieux, elle pourrait se poser comme elle en avait envie.

Elle quitta l'école comme elle l'avait dit. A 21h pile quand le personnel de ménage était venu lui dire de partir. Puis elle se posa sur le parking, une cigarette à la main. Ne réfléchissant à rien, se contentant de regarder les étoiles. Il commençait à faire vraiment froid maintenant. Les arbres autours donnait l'impression de renforcer ce vent glacial qu'elle sentait.

Elle tira sur sa cigarette.

Ça faisait maintenant une semaine qu'elle avait tenté de trouver des indices sur l'infidélité de Jason. Elle n'avait pas arrêté de chercher. Tout ce qu'elle trouva en le regardant tous les jours, c'est qu'elle le trouvait de plus en plus infect. Et dernièrement, Chrissy avait disparu de son bras.

Elle était persuadée que c'était lui la dernière fois. Plus elle y pensait, plus elle en était sûre. Mais sans cette fichue preuve… Britney soupira. Elle ne pouvait pas rien faire en restant les bras croisés.

Au prochain match qui aurait lieu jeudi soir, elle décida qu'elle passerait à l'action.