Hermione avait sacrifié quelques heures de son précieux temps pour passer un dimanche tranquille chez les garçons. Ginny était absente, pour cause de garde aux urgences de Ste-Mangouste. Hermione leur donnait des nouvelles de leurs anciens camarades.
- Harry, je sais que tu as aperçu Neville l'an passé dans les serres du professeur Chourave quand il faisait son stage de botaniste. Il m'a écrit qu'il s'envolait pour le Sénégal avec un petit groupe pour étudier les plantes locales. Rencontrer d'autres personnes lui fera le plus grand bien. Et Luna Lovegood a intégré le journal de son père : elle fait quelques reportages et...
- Loufoca journaliste ? ricana Ron.
Hermione lui adressa un regard noir. Harry était plutôt d'accord avec Hermione : la jeune fille avait fait preuve d'un grand courage lors de leur cinquième année et malgré son attitude étrange, Harry l'aimait bien.
- Elle était à Serdaigle et c'était une bonne élève, poursuivit sévèrement Hermione. J'ai lu quelqu'uns de ses articles, et même si je ne suis pas toujours d'accord avec le contenu ( le journal de son père éditait des articles au contenu parfois loufoque ), elle écrit plutôt bien. Et elle a un métier, elle !
Ron fut piqué au vif et baissa la tête comme un petit garçon pris en faute. Il soupira et regarda la pluie s'abattre violemment sur les carreaux de leur salon.
- J'ai menti, personne ne m'a proposé de rejoindre une équipe de Quidditch...
Le ton désespéré émut Harry et Hermione.
- Je ne vois rien qui me plaise à part ça... Travailler au Ministère ? Bof ! Je me vois mal dans un bureau...
Harry approuva silencieusement.
- Guérisseur ? La vue du sang me fait tourner de l'oeil ! Si Rusard prend sa retraite, je serais peut-être bon pour prendre sa place...
Le ton était devenu franchement larmoyant et Harry se retint pour ne pas lui botter les fesses.
- Alors fais un métier en rapport avec le Quidditch ! s'écria Hermione exaspérée.
Ron leva vers elle des yeux de cocker pleurnichard.
- Quoi ?
- Je ne sais pas, moi ! Entraîneur, commentateur, journaliste...
Ron la regarda comme si elle venait de lui offrir du bonheur en élixir.
- C'est une bonne idée ça !
Hermione agita ses mains devant elle :
- Oh mais je disais ça comme ça ! Réfléchis...
Harry remplit leurs tasses de thé et constata que Ron semblait ragaillardi. "Elle lui dirait d'aller sur la lune, il le ferait..."
La fin de l'après-midi se passa en bavardages anodins, même si Ron exprima à nouveau son incrédulité quand Hermione annonça qu'une de leurs anciennes camarades de Gryffondor avait choisi de retourner à la vie moldue.
Harry observa avec un étonnement soulagé un Ron déterminé. Grâce à ses frères fans de Quidditch, il obtint un rendez-vous avec un ancien entraîneur. Le vieil homme lui communiqua diverses infos mais à sa connaissance, aucun poste de commentateur n'était disponible à la Radio par Transmission Magique. Quant à entraîneur, c'était souvent réservé à des anciens joueurs ayant beaucoup d'expérience. Et journaliste exigeait une bonne maitrise de l'écriture et Ron s'en savait dépourvu. Il revint à l'appartement de mauvaise humeur.
Harry le réconforta comme il put, mais lui aussi avait ses soucis : l'examen d'entrée à la formation d'Auror approchait à grands pas et il dormait mal. Quand par paresse ou fatigue il exécutait à la maison des tâches simples de ménage à l'aide de la magie, il en ratait un certain nombre et s'imaginait ridicule devant des Aurors aguerris.
Le lendemain matin, il reçut un hibou de Maugrey Fol-Oeil : l'ancien Auror souhaitait le rencontrer. Harry lui proposa une rencontre dans un pub tranquille du Chemin-de-Traverse. Le lendemain, Harry était attablé devant une Bièraubeurre et Maugrey devant une mixture embaumant violemment le whisky.
- Harry, j'ai su que tu t'étais inscrit pour devenir Auror. Il va de soi que j'approuve. Une seule personne a été admise l'an dernier et aucune les trois années précédentes. Je ne veux pas t'avantager mais je juge bon de te donner quelques conseils. Tu paniques un peu, hein ?
Harry approuva silencieusement.
- Bien sûr, on te demandera d'effectuer des sortilèges, tels le Charme du Bouclier ou l'apparition du Patronus. Mais lors de la fin de ma carrière, j'étais membre du jury d'admission et j'ai vu des candidats échouer sur des sorts bêtes comme troll. La déstabilisation du candidat est essentielle, afin de juger sa capacité à réagir à un imprévu. Je me rappelle ce candidat brillant à qui j'ai demandé d'exécuter un simple sortilège de Lévitation enseigné en première année à Poudlard. Il a été tellement surpris que le flacon d'encre placé devant moi a fini renversé sur mes genoux. Il n'a pas été admis.
Harry soupira en songeant à ces derniers jours.
- Ahhh ! Je vois que j'ai eu raison de te parler de ça... Reprends tes livres de première année et exécute quelques sortilèges simples.
- Monsieur, et les autres candidats ? J'ai un avantage sur eux maintenant, c'est déloyal !
Maugrey fit une grimace qui s'apparentait à un sourire.
- Toujours cette honnêteté, hein ? Rassure-toi, je connais quelqu'un des autres candidats. La soeur de Roger Banks a passé l'épreuve voici quelques années avec succès et elle a du le préparer mentalement. Quant à cette femme plus âgée, elle doit avoir suffisamment d'expérience pour se douter des pièges tendus.
Harry le remercia.
- Des nouvelles de Rogue ?
Maugrey grommela : l'ancien professeur de Potions était introuvable et semblait avoir survécu à son maître.
Ils se séparèrent et Maugrey assura Harry qu'il pouvait avoir bon espoir. Harry transplana pour l'appartement et trouva un Ron tout excité.
- Lis Harry, lis vite !
Harry reçut en pleine figure la Gazette du Sorcier.
- Page 8 !
Harry lut :"Les ridicules tentatives du Chicaneur pour faire concurrence à la Radio par Transmission Magique". Il s'assit confortablement tandis que Ron tournoyait autour de lui en gesticulant.
"Le Chicaneur, modeste concurrent de notre journal, a annoncé dans sa dernière édition qu'il créait sa version radiophonique, incluant des programmes musicaux, d'investigations et de sport. Même si nous respectons notre confrère, nous ne pouvons qu'être dubitatifs quant au sérieux des programmes au vu du contenu discutable des articles de ce journal. N'ont-ils pas été jusqu'à publier que..."
Ron arracha le journal des mains de Harry.
- Alors, tu as vu ?
- Quoi ?
- Ils vont diffuser du sport ! Du Quidditch !
Harry commençait à comprendre.
- Ecris pour demander si le poste est libre !
- Oui ! Et j'écris aussi à Louf... euh... à Luna pour lui demander de parler de moi à son père !
Harry fit la grimace :
- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Luna m'avait déjà fait remarquer que tu n'avais pas été toujours très gentil avec elle. Et si elle est parfois bizarre, elle n'est pas idiote : lui écrire pourrait te desservir.
Ron bougonna. Et il rédigea un cv, aidé par Ginny, venue le lendemain, profitant d'un après-midi de récupération. Ron prétexta des courses à faire Chemin-de-Traverse pour laisser les deux tourtereaux en paix : les voir disparaître dans la chambre de Harry le mettait toujours mal à l'aise.
La fin de semaine passa dans une atmosphère tendue : Ron attendait une réponse du Chicaneur et Harry s'énervait dès qu'il ratait un sortilège enfantin. L'épreuve était pour lundi. Le week-end passa en un éclair et Harry aurait été bien en peine de se rappeler ce qu'il avait fait pendant ces deux jours. Bien que n'étant pas fanatique de la télévision, il avait acheté un appareil et appris à s'en servir à un Ron plutôt intéressé. Mais l'emploi fréquent de la magie dans l'appartement créait des interférences telles que Harry avait débranché l'appareil et l'avait rangé dans un placard. Le dimanche après-midi, par contre, il assista à la performance de Ron commentant pour eux deux un match de Quidditch de première division diffusé sur la radio magique. Le garçon roux s'enthousiasmait pour les exploits des coéquipiers d'Angélina Johnson et bien que son style fut brouillon, Harry admit que son ami mettait du coeur à l'ouvrage. Il se demanda si Ron, admettant qu'il devienne commentateur, n'éprouverait pas perpétuellement un sentiment de frustation à commenter des matchs auxquels il aurait voulu participer. Cette question le hantait toujours et un sentiment de culpabilité apparaissait à chaque fois. En fin d'après-midi, Ginny passa en coup de vent lui souhaiter bonne chance et Hermione fit de même. Leur amie avait du renoncer à posséder un hibou, les animaux n'étant pas autorisés dans son campus moldu. Elle avait même du se séparer de Pattenrond qu'elle avait confié à ses parents. Quand elle recevait un hibou d'un ancien camarade de classe peu soucieux de savoir si cela la mettrait en difficulté à la résidence universitaire, elle griffonnait rapidement une réponse et renvoyait l'animal : aux locataires étonnés de la présence fréquente de rapaces autour de sa chambre, elle avait bien du mal à trouver une explication plausible. Elle assomma Harry de conseils et il eut grand-mal à décliner son offre de vérifier ses sortilèges de base. Ron et elle ne se chamaillèrent pas et elle l'encouragea même à persévérer dans son souhait de devenir commentateur. L'atmosphère se détendant, Ron lui posa même des questions sur ses études et écouta attentivement ses réponses, bien que Harry ne fut pas certain qu'il eut tout compris. Harry, un peu ragaillardi, songea que s'il avait été absent, la relation Hermione-Ron aurait pu prendre un tour plus romantique. "Il faudra vraiment que je lui parle..." se dit-il, amusé et un peu gêné.
Hermione partie, les deux amis retrouvèrent leurs angoisses et Harry mit du temps à s'endormir.
C'est les yeux gonflés qu'il se réveilla et découvrit avec plaisir que Ron lui avait préparé le petit-déjeuner, bien qu'il doutât d'avaler grand-chose.
- Tu veux que je t'accompagne ?
- Non, merci. C'est gentil mais je... enfin, il faut que j'affronte ça seul.
- Comme tu veux.
- Par contre, on manque de provisions. Tu peux aller en acheter ?
- Oui, mais pas dans ton maudit supramarchant !
- Supermarché...
- C'est ça... On fait vieux couple, non ?
Harry éclata de rire et la boule douloureuse dans son ventre diminua d'intensité. Il sortit quelques minutes plus tard et choisit de ne pas transplaner : il avait besoin de respirer l'air doux de ce jour de septembre. Il accéda au Ministère par la cabine téléphonique hors-service ( pour les moldus ) et dans l'atmosphère sombre et confinée du hall du Ministère, ses membres tremblèrent. Il se dirigea vers le lieu indiqué et retrouva six personnes aux mines déconfites. Les regards se posèrent sur lui - et sa cicatrice - et il fonça sur la main tendue de Roger Banks, l'ancien de Serdaigle.
- Il y a déjà un candidat d'entré. N'oublie pas les sortilèges de base, ils déstabilisent les candidats par ce moyen.
Harry l'avait appris de Maugrey mais il remercia quand même son interlocuteur. Celui-ci, loyal, comme beaucoup d'élèves de Serdaigle, n'était pas en compétition avec lui : il n'y avait pas de nombre limité d'étudiants à la formation d'Auror et Roger ne craignait rien à donner un tuyau à Harry.
La porte de la salle d'examen s'ouvrit et une voix provenant de l'intérieur appela :
- Banks, Roger Artémus !
- Bonne chance, Roger !
- Merci Harry, toi aussi !
La porte se referma et Harry, ne connaissant que peu des autres candidats, s'abima dans la contemplation de ses chaussures.
