Bonjour à tous !

Bien que je n'ai pas eu de retour de la part de lecteurs sur la fic, je reviens aujourd'hui avec un troisième chapitre qui, j'espère vous plaira. Merci à Oriane Wylte, ManaY. et Shadows of Samhain pour les lectures et corrections qu'elles ont faîtes sur cette histoire. Je vous dis donc à très bientôt pour la suite.

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Un coup d'œil au soleil leur dit qu'ils avaient encore un peu de temps avant de paraître impolis en allant voir quelqu'un. La nuit n'allait pas tarder, et avec elle, l'heure des monstres et des criminels, mais ils pouvaient aller voir ce Raymond avant d'aller se coucher. En quittant les quais, ils remontèrent la route le long du canal, longeant les habitations à leur gauche, avant de s'arrêter devant une maison avec une plaque en fer forgé d'un bureau de détective où ils frappèrent.

Ils entrèrent donc dans la maison quand une voix lointaine les invita à le faire. La porte donnait directement sur une cuisine salle à manger simple et sobre.

- Détective ? appela Geralt.

- En haut, leur répondit une voix au-dessus de leur tête.

Les deux sorceleurs se dirigèrent vers l'escalier pour arriver à un bureau, doublé d'une chambre, très encombrée. Il y avait une petite table encombrée de paperasse et des papiers partout par terre qu'ils durent enjamber pour atteindre Raymond. L'homme était assis devant la cheminée allumée, clairement perdu dans ses pensées, avant de réaliser leur présence et de se lever. La première chose que nota Ann, c'était son chapeau. Son chapeau de cuir était pour le moins original, un curieux mélange entre le stetson et le chapeau conique. Le reste était un simple long manteau fermé en cuir lui aussi. Rien qui puisse dire ce qu'il avait dessous.

- Voyez-vous ça, qu'avons-nous là, se contenta de dire l'homme en les voyant arriver.

- Je suis Geralt de Riv et voici ma camarade Portgas D. Anabela.

- Des guerriers comme on n'en voit plus beaucoup. Vos réputations vous précèdent, Sorceleurs. Que puis-je pour vous ?

- Nous cherchons des informations et vous nous avez été recommandé. Vous en sentez-vous capable ? il s'agit d'une affaire dangereuse.

- J'ai eu l'occasion de travailler pour les avocats Codringher et Fenn. Satisfait ?

Geralt regarda sa partenaire qui eut une mimique pour dire que ça ne lui disait rien du tout.

- Ces noms ne nous parlent pas, mais je suppose que c'est un atout.

- Vous vous doutez qu'en tant que professionnel, les informations ont leur prix.

- On paiera, assura Ann.

- Je suis tout ouïe, en quoi puis-je aider le Loup Blanc et le Chat Noir ?

- On est à la recherche de brigands qui portent l'emblème de la Salamandre, lui dit Geralt.

- Et il se pourrait que je sache une chose ou deux sur le sujet, leur répondit le détective. Mais avant que je m'engage, j'aimerais savoir pourquoi vous les cherchez.

- Le nom de Azar Javed vous parle ?

Une lueur de haine s'alluma dans le regard du détective, mais il resta calme et professionnel en répondant à Geralt.

- J'en ai entendu parler, pourquoi vous cherchez Javed ?

Vu son regard, il avait bien plus que « entendu parler » de lui.

- Disons simplement que ma botte a un rendez-vous avec son cul.

- Le genre de rendez-vous qui fera cracher du cuir à la descendance de ce mec sur une bonne dizaine de générations, renchérit Ace.

- Habituellement, je demande à être payé pour ces informations, mais je ferai une exception pour cette fois. Je me casse les dents sur cette affaire depuis un moment.

- Affaire personnelle, ça se voit dans vos yeux, devina la femme.

Le détective croisa ses mains dans son dos, les jaugeant du regard. Arrivant à une conclusion, il répondit :

- Je vais vous faire confiance. Laissez-moi vous raconter une petite histoire.

Et lentement, il se mit à faire les cent pas dans son semblant de bureau en la narrant :

- Il était une fois un couple heureux qui vivait à Wyzima. Sans histoires, comme on en trouve d'autres, avec un joyeux petit garçon de dix ans. Un jour, le père rentra chez lui et se retrouva perplexe de n'être salué ni par son fils, ni par le chien et de ne pas sentir le dîner cuisant dans la marmite. Il ne se douta de rien jusqu'à trouver son chien mort, la gueule transpercée par un carreau d'arbalète… enfin, il ne restait pas grand-chose pour confirmer que ce soit vraiment son chien.

Les poings du détective se fermèrent et se mirent à trembler, alors qu'il continuait son histoire en gardant une voix neutre :

- Puis, il trouva sa femme, épinglée à la porte de la cuisine par une lance. Il chercha son fils dans toute la maison mais en vain. Les coupables n'avaient laissé aucune trace. Au final, Vincent Meis a dû fermer l'affaire. Pas de preuve, pas de témoin. Seulement voilà, six mois plus tard, on trouva le corps d'un monstre parmi une montagne de déchets. Des yeux comme une plaie purulente. Pâle, la peau dure. Un corps avec une musculature difforme. Tout le monde avait oublié le meurtre et la disparition. Presque tout le monde

Raymond s'arrêta devant eux et leva un de ses petits doigts à proximité de son visage.

- Voyez-vous, le garçon disparu avait une intéressante particularité physique. Un sixième orteil. Seuls ses parents étaient au courant et ils avaient toujours eu du mal à trouver des chaussures pour leur fils. Et par le plus étrange des hasards, le monstre avait le même sixième orteil.

Le détective croisa les bras sur sa poitrine, la mâchoire crispée.

- Le père a consacré sa vie à traquer les meurtriers.

- Nos condoléances au père, souffla Ann en baissant la tête.

- Nous espérons qu'il les trouvera, compléta Geralt à voix basse.

Le détective se racla la gorge, les yeux suspicieusement humides.

- Revenons à nos affaires, demanda l'homme.

Il fouilla dans les papiers en désordre sur son bureau et finit par en sortir quelques-uns. Ann brandit ses propres prises de notes et ramassa un morceau de charbon dans le feu allumé sans prendre gare au risque de se brûler les doigts. Elle serra le charbon dans sa paume pour étouffer les braises et se prépara à noter. Voyant qu'elle était attentive, Raymond commença son résumé :

- Azar Javed est un mage Zerrikanien, et il est à la tête de la Salamandre. Il est plus dangereux qu'un nid de kikimores et malheureusement, hors de ma portée. Avec ses contacts et ses ressources, il peut faire quasiment tout ce qu'il veut dans la ville.

- J'ai déjà eu un avant-goût de ses capacités. Quelque chose de plus ? dit Geralt.

- Je soupçonne la Salamandre d'avoir monté une opération de grande envergure, l'or servant seulement à faire avancer tranquillement leurs ambitions politiques. Ils pratiquent des expérimentations génétiques, et elles sont risquées par-dessus tout. Des bandits classiques n'auraient ni le savoir nécessaire à ce sujet, ni les capacités de les mettre en œuvre.

- Qui travaille pour lui, vous savez ? demanda Geralt. Des suspects ?

- Il y a bien le capitaine de la garde qui a laissé tomber l'affaire. Il a l'habitude de disparaître la nuit on ne sait où, vous pouvez essayer de lui soutirer des informations.

- Mhmh… C'est tout ? demanda Ann en continuant sa prise de notes.

- Eh bien, j'ai entendu dire que la garde avait attrapé quelqu'un qui pouvait fournir des informations.

- Il serait enfermé dans les prisons de la ville ? se fit confirmer Geralt.

- Oui. Essayez donc d'interroger le prisonnier ou de tirer quoi que ce soit de la garde de la ville.

- J'ai l'habitude d'obtenir des informations, sourit froidement Ann.

Elle avait été la Chasseuse chez les Shirohige, les informations, elle savait comme les obtenir.

- Ces informations pourraient s'avérer capitales, bonne chance, souhaita le détective.

- Vous savez quoi que ce soit du prisonnier de la garde ? s'enquit le Loup Blanc.

- Il pourrait être un des leaders, mais j'en doute. La garde de cette ville ne peut capturer que des pions pendant que les gros poissons peuvent vagabonder librement. Nous serons fixés quand vous l'aurez interrogé.

- De Riv…. On pourrait… commença la sorceleuse en regardant ses notes.

Geralt regarda sa collègue qui lui adressa un air entendu en brandissant ses notes. Partager les informations, c'est ce qu'elle proposait ? Après ce que l'homme leur avait dit, ça pouvait toujours être ça de fait.

- Vous avez quelque chose à partager, pointa Raymond.

Ce n'était pas une question, seulement une constatation.

- Prenez de quoi noter, recommanda Ann.

En moins de deux, le détective avait déjà une plume en main et une bouteille d'encre ouverte à proximité. Penché sur un parchemin, il attendit qu'on lui dise de quoi il serait question.

- La Salamandre a attaqué Kaer Morhen, là où hiverne l'École du Loup, annonça Geralt. Donc, ils ne se concentrent pas sur la Temeria, ils sont capables d'attaquer à l'étranger, puisque notre bastion est quelque part dans les étendues sauvages de Kaedwen.

- Il faut être fou ou suicidaire pour attaquer un bastion des Sorceleurs, commenta Raymond. Ou alors, être à la tête d'une lourde et très large armée bien entraînée.

- Azar Javed était à la tête du groupe d'attaque, avec à ses côtés l'assassin qui se fait appeler le Professeur et un mage de bas-étage qui contrôlait un Epouvanteur. Qui est mort, je m'en suis assuré personnellement.

- J'ai entendu des rumeurs disant que ce Professeur travaillait avec Javed. Vous aviez fait quoi que ce soit pour les offenser ?

- Non, ils payaient pour nos têtes et nos biens. Ils nous ont volé nos recettes de mutagènes. Dans l'attaque, un novice a perdu la vie.

Raymond releva lentement les yeux pour fixer les deux sorceleurs.

- Me regardez pas, je n'étais pas là-bas quand ils ont été attaqués, informa Ann. Je suis tombée sur un groupe en traversant la frontière de Redania pour entrer en Temeria et disons que les entendre dire que leur chef payait cher pour une tête de Sorceleur a attisé suffisamment ma curiosité pour vouloir en apprendre plus. Sans eux, j'aurais passé mon chemin pour rejoindre Brokilion. Donc, ça confirme les activités internationales de la Salamandre.

- Il s'intéresse aux mutations, donc ? Ce qui explique les expérimentations et les étranges monstres, marmonna Raymond en mordillant sa plume.

- Dans notre malheur, nous avons eu de la chance, j'ai réussi à les empêcher de partir avec notre matériel de laboratoire, expliqua Geralt. Ils ont les mutagènes, mais pas le matériel adéquat pour les exploiter. Dans ce but, ils se sont tournés vers Kalkstein et ont essayé de faire pression sur lui pour avoir son aide.

- Mhmh, intéressant. Effrayant, mais intéressant. Kalkstein est connu pour des recherches scientifiques qui font de lui la risée de ses homologues d'Oxenfurt. Il ne ferait pas de mal à une mouche, mais il n'est pas tout à fait là dans son crâne. Mais ça vaut le coup de fouiller un peu.

- J'ai découvert que Javed faisait pression sur les habitants des faubourgs par l'usage de quelques bandits de seconde zone. Le Révérend devait leur fournir des enfants et on les laissait tranquille. Enfants qui servaient potentiellement pour leurs expériences, très certainement avec nos mutagènes. Ils étaient réunis, puis acheminés vers Wyzima.

- J'irai poser quelques questions à cet homme.

- Comme on dit chez moi, « Dead men tell no tales », cita Ann avant de traduire : Un homme mort ne parle pas. Le Révérend a été châtié pour ses actions.

- C'est peut-être quelque chose en moins pour notre enquête, mais un homme comme lui est mieux mort que vif. Quelque chose de plus ? approuva le détective sans demander le pourquoi du comment.

- On sait que Javed a fait sortir le Professeur en payant sa caution par la banque Vivaldi, qui, de ce qu'un ami m'a dit, est passée en mains humaines.

- Vous m'apportez des pistes nouvelles et intéressantes pour remonter jusqu'à ce monstre, sourit le détective.

- Portgas ? appela Geralt en voyant sa collègue se retourner.

Ann s'était tendue intensément, le regard fixant un point vers la rue en bas, au travers du plancher et des murs. Elle porta un doigt à ses lèvres pour inciter Geralt à ne rien dire et Raymond se rapprocha de sa fenêtre au-dessus de son lit pour jeter un œil dehors en restant discret. Son expression se renfrogna et il revint vers les deux sorceleurs.

- Je pense qu'on vous attend en bas, leur annonça tout bas le détective.

Et dire qu'il venait tout juste de sortir de prison, Geralt n'avait pas du tout envie de se retrouver impliquer dans une autre affaire qui l'y renverrait.

- La nuit, les patrouilles sont réduites et les gardes détournent les yeux, réfléchit Ann. On peut rester un peu ici ?

- Je vous en prie, faites comme chez vous.

- Surprendre ceux qui veulent nous faire une surprise, comprit Geralt. Nous partirons à minuit. En attendant, Portgas, j'aimerais savoir comment tu as fait pour les sentir d'ici. Particularité de l'école du Chat ?

- Non. C'est quelque chose que tous les Sorceleurs et les combattants dignes de ce nom possèdent, mais ne s'embarrassent pas à pousser plus loin. On en discutera à un autre moment.

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Une fenêtre menant sur les toits arrières servit de porte de sortie aux deux sorceleurs. En silence, marchant avec précaution sur les tuiles, ils s'éloignèrent de la maison de Raymond pour ensuite sauter dans la rue. Ils se cachèrent immédiatement à l'angle du mur d'une bicoque et tendirent l'oreille pour entendre ce que disait le comité d'accueil qui faisait le pied de grue devant chez Raymond.

- Le Sorceleur prend son temps, commenta une voix.

- Il a dû prendre une autre route, répondit une autre personne. Peu importe.

Geralt se retourna vers Ann et articula l'identité de la première voix : le Professeur. La Sorceleuse se pencha doucement hors de sa cachette et scruta la pénombre pour voir l'homme en question. Peau cireuse, cheveux noirs graisseux et lunettes de soleil aux verres fumés.

- Il semblerait bien. Le piège est en place ?

- En effet, vous pouvez retourner à vos affaires dans le Quartier Marchand.

- Dans ce cas, je laisse cette affaire à notre meilleur agent.

Et le Professeur s'en alla.

Ann revint auprès de Geralt, s'adossant au mur qui les masquait de la vue des glandus de la Salamandre et garda une main levée comme pour dire à son camarade d'attendre alors que le Loup Blanc avait déjà sorti sa lame en acier. La D. porta une main à son glaive en acier et hocha la tête. D'un même mouvement, ils sortirent de leur cachette et immédiatement, les gredins de la Salamandre passèrent à l'attaque.

Geralt forma un signe d'Aard et libéra la magie, envoyant leurs assaillants sur les fesses sous la poussée magique. Ann ne resta pas en arrière et fonça dans la mêlée, faisant tourbillonner son glaive autour d'elle en des mouvements amples et rapides, afin de choper un maximum de monde autour d'elle dans des grands cercles qui la faisaient parfois devoir poser un genou à terre pour mieux pivoter.

Il ne fallut pas longtemps pour qu'il ne reste désormais que des corps sur leur route.

- Ceci est fait, conclu Geralt.

- On aurait pu attraper le Professeur, non ?

- Non, il a une trop grande base de pouvoir et il nous aurait posé bien trop de difficultés. Sans parler que si on veut avoir Javed, capturer le Professeur n'est pas une bonne idée, il soupçonnerait l'affaire et changerait tous ses plans, rendant inutile tout ce qu'on aurait pu apprendre.

Ann lui accorda le point.

- Et maintenant ? demanda-t-elle.

- Nous avons un rendez-vous avec Meis à honorer.

La femme passa sa langue sur ses lèvres, comme si elle attendait ça avec impatience. Elle rangea son glaive dans son dos et suivit Geralt pour rejoindre le « bas-quartier » de la zone du Temple. Slalomant entre filles de joies et voleurs, ils arrivèrent jusqu'aux entrepôts en ruines qui croupissaient à proximité de la taverne de l'Ours Poilu.

- J'y vais ou tu y vas ? demanda Geralt.

Ann fouilla ses poches et sortit un orin qu'elle lança en l'air avant de le rattraper et de le poser sur le dos de sa main, le conservant masquer sous l'autre.

- Pile ou face ?

- Pile.

Ann dévoila la pièce. C'était face. Avec un sourire moqueur, elle remonta sa capuche sur sa tête et entra dans l'entrepôt, laissant son camarade derrière elle monter la garde. Elle trouva dans la grande pièce poussiéreuse Vincent Meis en tête à tête avec des voyous de toutes sortes, bien que l'un d'eux aborde le semblant d'uniforme de la Salamandre.

Pas de Zerrikanien en vue ou de Professeur. De simples sous-fifres.

Cela ne poserait pas de gros problèmes.

Bien entendu, son entrée ne fut pas des plus discrètes et l'homme avec le tatouage de la Salamandre sur le front se tourna immédiatement vers elle.

- Qui c'est ? C'était pas notre accord ! attaqua l'homme depuis derrière le foulard qu'il avait autour de la bouche.

- Relax, c'est juste un sorceleur, rassura Vincent sans perdre son calme.

On aurait pu presque croire que tout ça faisait parti de son plan.

- Tout le monde sait que les sorceleurs sont des golems. Pas de libre-arbitre, ils se contentent d'obéir. Rapide et efficace. N'est-ce pas, Ann ?

Elle avait envie de lui en mettre une pour les conneries qu'il racontait et l'usage de son prénom sans son autorisation, mais elle se retint. Jouer le jeu et elle apprendrait quelque chose.

- Vos ordres ? demanda-t-elle avec la voix la plus plate qu'elle puisse avoir.

- Tu vois, pas de quoi avoir peur. Sans parler que t'es pas non plus venu tout seul.

- J'ai pas confiance, on raconte que c'est un Sorceleur qui a tué une douzaine des nôtres, pointa le bandit. On sait rien de cette nana ! Rien ne nous dit qu'elle bosse pas pour l'autre monstre, là, avec ses cheveux blancs !

Ann détestait ce monde pour leur regard sur les femmes. Elle n'était pas un vulgaire pantin. C'était une raison de plus de haïr cette foutue magicienne qui l'avait mise dans ce pétrin et qui lui avait tout pris, même tout ce qui avait fait d'elle Portgas D. Ace. Profitant du fait que sa cape la masque suffisamment, elle porta ses mains à deux de ses coutelas le long de ses cuisses.

- Ne commençons pas au jeu de qui a tué qui. C'est le passé tout ça, et on est là pour le futur. Ton futur, surtout, qui risque de devenir rapidement déplaisant si Javed apprend que tu l'as doublé. Et crois-moi, il l'apprendra très vite si tu ne te mets pas à parler… appuya Vincent.

- Tu bluffes ! Tu me fais pas peur.

Ces idiots valaient-ils la peine qu'elle sorte le Haoshoku ?

Non.

- Très bien messieurs, vous voulez la jouer à la dure, on va la jouer à la dure, intervint Ann en brisant son rôle de « golem ». Alors, vous allez commencer à parler bien gentiment avant que je ne décide de vous découper en rondelle qui serviront de nourriture aux rats. Je peux aussi vous arracher les yeux et vous forcez à les bouffer. Alors ? Où est Javed ? Où est-ce qu'il s'est réfugié avec les secrets de Kaer Morhen ?

Le grand gaillard de la Salamandre recula d'un pas sous le regard de ses camarades qui s'agitaient nerveusement.

- Dis-lui de la boucler, Vincent ! Je sais rien moi ! J'étais juste l'assistant du comptable de la Salamandre ! Javed a arrêté de me faire confiance ! Je sais ni où il se cache, ni ce qu'il prépare !

Ann s'avança de deux pas, faisant reculer d'autant son interlocuteur. Vincent croisa les bras d'un air impassible et la laissa faire.

- Et pour ce qui est du Professeur ?

- Je… je sais pas… il est parti de son côté !

- Tu sais ce que je pense ? Je pense que tu racontes des conneries…

D'un geste de la tête, elle fit tomber sa capuche et sortit une de ses dagues de sa cape et mordilla le bout de la lame en souriant.

- Je pense que tu as besoin d'un encouragement pour te rafraîchir la mémoire, je me trompe ?

Son sourire aurait été parfait pour faire affluer le sang au sud de n'importe quel homme, si elle ne jouait pas avec une lame très tranchante. Son interlocuteur recula jusqu'à percuter la table derrière lui.

- Tu m'as promis une protection en échange de mon témoignage ! accusa l'individu en regarda Vincent d'un air effrayé. Sur la tombe de ma mère ! Je sais rien moi ! Arrête cette folle ! T'es un garde, tu vas pas regarder un meurtre se faire sans réagir !

Vincent le regarda, puis regarda la femme, restant suffisamment longtemps sur elle pour qu'elle lui prête attention. Il leva un sourcil d'interrogation et fit un bref geste de tête vers les brigands, l'air de lui demander si elle saurait gérer. En réponse, elle afficha un sourire dément.

Pas besoin de mots, Meis comprenait clairement que ce ne serait pas une difficulté pour elle.

- C'est exact, je ne vais pas rester là sans rien faire. En fait, je m'en vais, dit calmement le capitaine de la garde. De plus, je sais que vous êtes de mèches dans l'assassinat de la famille de Raymond. Sorceleuse, ne vous attardez pas.

- Dîtes à de Riv dehors que je fais un peu de ménage et que je le rejoins.

Elle décrocha sa cape de sa main droite, son coutelas dans la gauche et aisément, balança le tissu sur un des ennemis pour lui masquer la vue avant de prendre sa seconde dague.

Ils étaient cinq, elle était seule.

Elle était entraînée, ils n'étaient que des voyous de seconde zone.

Vincent ne resta pas pour regarder le spectacle.

Ann tournoyait sur elle-même, faisant de grands gestes de ses bras qui laissaient des cercles parfaits, faits de gouttes de sang, dans la poussière du sol. On ne pouvait pas l'approcher sans risquer de perdre un membre ou la vie.

Quand Meis sortit, Geralt entra et s'adossa au mur pour regarder sa camarade faire rapidement son affaire des voyous. Cela ne dura pas très longtemps. Le Loup Blanc n'eut pas le temps de s'ennuyer car elle en finit très vite. Tout le monde à terre, elle essuya sur une chemise ses lames, les rangea sur le côté de ses cuisses, avant de récupérer sa cape.

- Une bonne discussion avec Vincent est au rendez-vous, pointa le Sorceleur en ouvrant la porte.

- Il n'est plus là depuis longtemps, on verra demain matin, lui répondit sa collègue.

- On va voir si ce Boucanier est là ?

- Après toi.

- On dit pas les femmes d'abord ?

- Et un couteau sous la ceinture ?

Il ne valait mieux pas chercher à discuter avec elle sur quelque chose d'aussi futile que ça. Pour la énième fois de la journée, ils retournèrent à l'Ours Poilu. Cette fois, il y avait largement plus de monde. La serveuse blonde remarqua Ann et fit un geste de la tête vers l'arrière-salle. Apparemment, le Boucanier était là.

Les deux Sorceleurs se rapprochèrent de l'aubergiste et passèrent derrière le bar pour arriver dans l'arrière-salle où un vieux brigand dans une tenue orange flamboyante prenait un verre. Il avait une sale balafre sur le sommet de son crâne et un cache-œil recouvrant l'orbite gauche. Il leva le nez de son verre en les voyant venir, Geralt allant jusqu'à s'asseoir à sa table attitrée pendant qu'Ann s'y adossait sur un côté pour mieux le regarder, gardant les bras croisés.

- Vous voulez quoi, les monstres ? grogna l'homme en les regardant d'un œil méfiant.

- On a quelques questions pour toi, lui répondit Geralt alors qu'Ann serrait les mâchoires.

Leur interlocuteur eut un rire rocailleux et bien moqueur.

- Vous avez une petite idée d'à qui vous causez, les monstres ? Un mot, et avant même que vous puissiez compter jusqu'à trois, vous aurez deux douzaines d'assassins endurcis au cul.

- Tu seras mort avant d'avoir compté jusqu'à trois, lui dit froidement Geralt sans perdre son calme.

Finalement, Ann n'avait pas à lui apprendre tout de A à Z, elle en était heureuse. Il savait parler aux gars de ce genre. Ceux qui poussaient, jusqu'à ce que tu cèdes et qu'ils t'écrassent, ou que tu les pousses en retour. Ils avaient passé le test qui les signalait comme digne d'intérêt et non pas gêneurs à éliminer.

- On dirait bien que le chiot grogne, mais est-ce qu'il sait mordre ? Je pourrais bien avoir du travail pour toi, un de ces jours. Et pour toi aussi, ma jolie.

Le Boucanier voulut poser sa grosse main sur la cuisse d'Ann qui la chassa avant qu'il ne puisse finir son geste.

- J'y réfléchirai si t'as encore la tête sur tes épaules. Portgas est une sorceleuse, le premier qui la prendra pour une catin aura peu de chance de s'en sortir en vie. Et pas à cause de moi, lui dit clairement Geralt.

- Relaaax… c'était pour déconner, je vais pas faire une passe sur ta nana quand je sais comment tu as géré le cas de la bande des frères Provost et Michelet. Je vais répondre à vos questions… en gage de ma bonne volonté, ricana l'homme.

La mâchoire d'Ann se crispa mais elle garda son calme au maximum.

- Qu'est-ce que t'es exactement ? demanda Geralt.

De nouveau, le Boucanier ricana, avant de leur répondre en se resservant d'une bouteille sur sa table :

- Je suis le roi de la pègre, Loup. Catins, voleurs et assassins, ils répondent tous de moi ! Venez me voir si vous cherchez du boulot.

Il tendit de nouveau une main vers Ann qui la prit brutalement et la plaqua sur la table.

- Second avertissement. Troisième, je t'épingle la main sur cette table.

- On est allé faire un tour chez Thaler et on a trouvé quelques trucs là-bas qui appartiennent à quelqu'un qu'on cherche, enchaîna Geralt pour essayer d'éviter que ça ne parte en bagarre.

- Oui, et qu'est-ce que ça peut me foutre ?

- Ce sont les affaires de mon frère que vous avez récupéré et je veux savoir comment ça a fini chez Thaler, lui dit Ann.

Le Boucanier resta longuement silencieux, la fixant d'un air impassible.

- J'ai l'air d'une putain ? s'enquit le vieux brigand.

- Non, répondit Geralt avant qu'Ann ne relance les hostilités.

- Alors pourquoi ta minette essaye de m'enculer ?

Ann cessa de s'adosser à la table pour se tourner complètement vers l'homme et appuyer ses mains sur le bois pour montrer qu'elle n'avait plus envie de rire.

- Vous avez récupérez des affaires d'un Sorceleur, alors, si tu veux pas savoir pourquoi l'école du Chat est la pire de toutes, accouche et dis-nous comment tu les as eues.

- On les a trouvées. Votre pote s'est attiré des ennuis à fricoter avec la Salamandre. Voyez avec les habitants des marais, c'est là-bas qu'on a trouvé ses merdes. Aucun moyen que je t'embauche, beauté ?

Ann planta rageusement un de ses poignards sur la table, au travers de la chope du brigand, la rendant désormais inutilisable alors que l'alcool s'écoulait dans l'ouverture.

- Tu sais c'qu'on dit… les vieilles putes ont des ailes, connard.

Elle reprit son arme et s'en alla.

- Nous n'avons plus de question pour l'instant, lui dit le Loup Blanc

Geralt se leva et suivit sa collègue qui se frottait les bras et les cuisses en tirant la langue.

- La prochaine fois, je me chargerai de la discussion si on retombe sur un gars de ce genre, souffla l'homme.

- Je te laisse faire avec joie. Je me sens très sale à cause de son comportement.

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Ils étaient retournés à la planque d'Ann pour la nuit, en esquivant une patrouille de guignols de la Salamandre qui tournait dans le quartier. Ils s'étaient allongés dans leur couchage de voyage, se tournant mutuellement le dos, leurs glaives et autres armes facilement accessibles pendant que la nuit suivait son cheminement.

Et cette nuit encore, comme bien trop régulièrement depuis bientôt des décennies, Ann rêva de comment elle avait fini ici.

Elle se rappelait que très vaguement des combats de Marine Ford, et de la façon dont elle, ou plutôt encore il à l'époque, s'était effondré dans les bras de Luffy. De comment Portgas D. Ace avait commencé ses adieux.

Jusqu'à l'arrivée de la Chasse Sauvage.

Comment et pourquoi ils l'avaient sauvé de la mort, c'était une question sans réponse, tout comme pourquoi ils l'avaient pris. Tout ce qu'Ace gardait en souvenir de son séjour avec la Chasse, c'était cet emprisonnement constant, les tortures permanentes pour le briser afin qu'il rejoigne l'armée immortelle et difforme du Seigneur de la Chasse. Jusqu'à ce qu'il parvienne à fuir. Il ignorait encore comment. Il se rappelait d'avoir couru entre les arbres d'un bois, dévoré par la fièvre, avec l'impression d'être poursuivi, avant qu'il ne s'effondre. Il se rappelait qu'il avait tout oublié, jusqu'à son propre nom, outre ce sentiment d'être pourchassé. Et comme pour l'enfoncer quand il pensait être au fond du trou, il avait eu le malheur de tomber à proximité d'un des laboratoires clandestins d'une magicienne.

Philippa Eilhart, magicienne du Tretogor.

En un regard sur sa forme tremblante sous l'orage magique, et elle avait vu en lui quelque chose d'intéressant.

Et la célèbre et magnifique magicienne de la cour de Redania, mais aussi chef de la Loge des Magiciennes, avait pris tout son temps pour extraire la moindre chose utile de son corps malade, quand elle ne faisait pas des expérimentations sur sa personne par simple ennui. C'est ainsi qu'elle lui avait pris ses flammes, le mera mera no mi. Elle avait vu comment le feu agissait à son égard et profitant de son état de faiblesse et de la magie, elle avait torturé lentement son corps et son esprit, jusqu'à déverrouiller des souvenirs que la Chasse Sauvage avait scellé et qui pouvait l'aider à saisir le fonctionnement de ce don. Elle avait réussi à extraire ses souvenirs hors de son crâne puisqu'elle n'arrivait pas à lire ses pensées. Et ce qu'elle avait vu lui avait plu, d'où la raison pour laquelle elle avait volé son don.

Quand elle s'était lassée, Ace s'était retrouvé dans la peau d'une fillette de sept ans, plus morte que vive, qui avait été refilé à Schrödinger de l'Ecole du Chat quand la sorcière parvint à localiser la caravane de Dyn Marv, puisque les Chats avaient perdu depuis longtemps leur bastion suite à la colère de quelques nobles qui avaient fait lever une armée pour les tuer.

Elle aurait pu être un jouet pour les hommes frustrés de ce groupe errant, mais la bête sauvage qu'elle avait été enfant avait repris le dessus, laissant des Sorceleurs aux mutations à moitiée ratées morts sous ses mains. C'est ainsi qu'elle avait été forcée à subir les Epreuves et que le Chat Noir Portgas D. Anabela avait vu le jour. L'Ecole du Chat était connu pour être la plus incontrôlable de toutes à cause des maltraitances et des mutations. Ses Sorceleurs étaient des assassins à la demande et la neutralité ? Psscht ! Ils se mêlaient de tout et n'importe quoi. Ils n'avaient aucun code moral. Rien qui les empêchaient de forcer une fillette à devenir une Sorceuleuse, parce qu'ils jugeaient qu'elle avait beaucoup de potentiel.

En passant une seconde fois la barre des onze ans, elle était devenue une Sorceleuse ayant subi deux fois les mutations puisqu'on n'était pas certain de l'efficacité de la première tentative. Et c'était une pauvre adolescente qui était allée frapper aux portes de Kaer Morhen dans les montagnes de Kaedwen à treize ans. Malgré le sang qui avait coulé entre les deux écoles, Vesemir l'avait accueillie et prise sous son aile. C'était lui qui l'avait aidée à reprendre le contrôle de ses émotions amplifiées au point d'en être presque incontrôlable à cause des mutagènes. C'était lui qui lui avait appris le code d'origine des Sorceleurs. Qui lui avait offert un semblant de foyer. Si pour elle, Shirohige serait toujours son père, Vesemir était devenu un oncle en quelque sorte. La seule personne à qui elle s'était confiée sur son histoire et son passé. Et qui l'avait crue.

Ces mêmes évènements la hantèrent toute la nuit, la laissant épuisée le matin venu.

Quand elle en aurait fini avec ces conneries, elle se ferait une virée à la mer dès que possible. Ouais, une bonne idée.

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Après une vague nuit de repos, ils s'étaient décidés à retourner du côté du donjon pour savoir deux choses : à quoi jouer vraiment Meis et ce qu'il en était au sujet de l'homme de la Salamandre qui avait été arrêté.

Le capitaine se détourna de l'entraînement de ses hommes en les voyant venir, pas plus concerné que ça.

- Comment ça s'est passé après mon départ ? s'enquit-il d'une voix neutre.

- Rapide. Les Chats ne perdent pas leur temps, répondit Ann en se plantant devant Meis avec Geralt.

Son ton froid disait clairement qu'elle n'était pas d'humeur.

- Bien, approuva le soldat. J'admets que j'avais espéré quelque chose de plus… mais ce sont toujours quelques bandits de moins.

- C'est la dernière fois que vous nous utilisez, on n'est pas vos vengeurs personnels, l'avertit Geralt. Vous avez eu de la chance qu'on désire autant la tête de Javed, ou vous vous seriez retrouvé le bec dans l'eau.

-Je n'avais pas le choix, croyez-le. Ça ne se reproduira plus. Je présume que vous allez continuer l'enquête ?

- Comme vous l'avez dit, on n'a pas le choix.

- Je peux pas vous aider officiellement, mais je vous laisserai faire. Je serai heureux d'entendre tout ce que vous avez à dire sur le sujet.

- C'est ce genre de stupide hypocrisie qui fait que je me suis toujours opposée à mon grand-père quand il voulait de moi que je devienne officier, siffla Ann en se pinçant le nez d'agacement.

- Sans offense pour vos compétences, Sorceleuse, mais il n'y a que chez ces sauvages de Zerrikanien où on vous aurait laissé rejoindre l'armée sans vous rire au nez, lui dit le soldat.

La D. ne répondit pas.

- On a entendu dire que vous aviez un prisonnier de la Salamandre ? enchaîna Geralt.

- En admettant que ce soit le cas, qu'est-ce que ça change ?

- Eh bien, j'aimerais le savoir.

- Vous n'aurez aucune information de moi ou mes hommes.

- Donc, vous nous attirez dans la merde, vous nous demandez de partager nos informations, et de faire notre petite enquête sans appui de la garde, mais à côté, vous ne voulez rien nous dire ? Vous êtes pas en train de vous foutre de notre gueule ? demanda Ann dans un feulement de colère. Ou alors, vous êtes vert parce que vous avez perdu votre informateur à cause de la Scoia'tael ?

- De quoi vous parlez ? demanda le capitaine en fronçant les sourcils.

Même Geralt ne voyait pas à quoi elle faisait allusion.

- J'ai surpris une conversation entre Coleman et un de vos gardes sur les quais alors que je le cherchais au sujet d'une maison hantée qu'il m'avait demandé de nettoyer pour lui. Ce dealer de fisstech était en train de déballer tout ce qu'il savait au sujet de la Salamandre. Et malheureusement pour vous, maintenant que les rebelles lui ont fait la peau, il ne peut plus parler. Le Boucanier ne saura jamais qu'il avait un rat aussi proche de lui.

- Au moins, c'est une preuve irréfutable que vous n'êtes pas un des leurs, vous pourriez nous aider un minimum en échange, appuya le Loup.

Vincent claqua la langue avec agacement et retira un de ses gants de cuir solide, dévoilant que la cotte de maille qu'il portait lui descendait jusqu'au milieu de la main. Il retira la chevalière frappée d'une fleur de lys de son doigt et le donna aux Sorceleurs.

- Je ne peux rien faire de plus que vous donner ceci. C'est un anneau du chef de la garde de la ville, il devrait vous épargner beaucoup de désagrément.

- Et pour la Salamandre ? poussa Geralt.

Avec un air résigné, l'homme déballa ce qu'il savait :

- La Salamandre veut récupérer le monopole du commerce du fisstech. Il n'y a pas que l'argent que Javed a senti dedans, il y est accro lui-même.

- Merci pour l'information, remercia Ann en prenant l'anneau dans une de ses mains gantées.

Les deux Sorceleurs tournèrent les talons et allèrent rejoindre le donjon.

- Je peux savoir ce que vous faites ? demanda Meis en élevant la voix.

- Eh bien, on va voir si votre prisonnier de la Salamandre est en bas.

Vincent leva les yeux et se détourna d'eux. La signification était claire, le prisonnier n'était pas dans les cellules.

- De Riv.

Geralt regarda sa comparse alors qu'ils descendaient les marches de pierres. Elle lui tendit la chevalière de la garde qu'il récupéra dans sa main.

- Tu ne la veux pas ?

- Je ne porte qu'un seul anneau et c'est amplement suffisant pour moi, répondit la femme.

Le réflexe qu'elle eut de caresser du pouce son annulaire gauche disait tout.

- Tu as réussi à te marier en dépit de la longévité et de la stérilité ?

- C'est une longue histoire, Geralt. Très longue histoire, dit-elle doucement.

Et avant même qu'il ne puisse lui demander son contenu ou pourquoi elle l'appelait brusquement par son prénom, elle avait déjà rejoint la salle de garde. Comme toujours, Jethro était devant les cellules à éternuer et narguer les prisonniers.

- Bonjour Jethro !

Le soldat se retourna et éternua.

- Encore vous ? Vous voulez quoi cette fois ? Aaat-cha !

Il se frotta le nez et continua de les fixer d'un air vitreux.

- On a des questions au sujet du prisonnier de la Salamandre. Qu'est-ce que tu sais à ce sujet ? demanda Geralt.

- Pourquoi je devrais vous parler ? Le capitaine me tuerait s'il l'apprenait !

- Et je pense qu'il doit être particulièrement aveugle pour ne pas voir ton addiction au fisstech, pointa Ann.

- On peut aussi te persuader d'être plus loquace, appâta le Loup Blanc.

Il fouilla ses poches et présenta une petite boite en fer, plate et pas très épaisse, pas plus grande qu'une main. Le regard de Jethro s'illumina.

- Je ne dis jamais non à du bon fisstech !

Il tendit une main pour le réceptionner mais Geralt garda la drogue hors limite.

- Alors, le prisonnier de la Salamandre ?

- Mais… Aaaat-chooo ! Je sais quasiment rien !

- Commence déjà par nous dire où il est, intervint Ann.

- Ils l'ont emporté à l'hôpital Lebioda.

- Merci.

Et l'écrin de fer termina dans la main du garde junkie.

- Je t'imaginais pas te baladant avec du fisstech dans les poches, pointa Ann alors qu'ils faisaient demi-tour.

- Je l'ai ramassé sur un des gars de l'embuscade d'hier soir.

Il coinça un doigt de son gant entre ses dents et le retira, dévoilant une peau blafarde parcourut de légère cicatrice que sa vie de sorceleur lui avait laissée. Elles n'étaient pas bien méchantes par rapport à celles qu'il avait sur le torse ou le dos. Il passa la chevalière à son doigt et remit le gant.

- C'est très bien qu'il soit à Lebioda, j'ai quelqu'un à retrouver là-bas. Sans parler du jardinier.

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Les quartiers de la garde débouchaient directement sur les champs à l'arrière de St Lebioda. Quant au jardinier, il était facile à trouver puisqu'il s'occupait d'élaguer des arbres fruitiers. Le pauvre homme avait l'air usé jusqu'à la corde.

Il les regarda venir vers lui avec curiosité et posa ses outils.

- Je peux vous aider ?

- Beau jardin, complimenta Geralt.

- Il demande beaucoup de travail et de passion. J'aime m'en occuper. J'aime les plantes et je les connais bien. J'ai passé ma vie dans le sang, maintenant, c'est ma chance pour un peu de quiétude.

- Vous étiez un soldat ? demanda Ann.

- Non, un mercenaire. Mais c'est derrière moi tout ça, et j'en suis heureux.

- Nous, on est plus intéressé par des histoires au sujet de glaive d'argent. Comme celui dans mon dos, justement, lui dit Geralt en tapotant l'arme derrière son épaule.

Le jardinier soupira lourdement et retourna à ses plantes.

- Je savais que l'un de vous aller finir par venir me voir pour ça, éventuellement, répondit le jardinier.

- Tu as joué un glaive de sorceleur aux dés ?

- J'étais certain de gagner. Faîtes gaffes, il est sacrément retors ce gars.

- Où est-ce que tu l'as eu ?

Le vieil homme se massa la nuque, le regard perdu dans les profondeurs de ses souvenirs.

- Il y a cinq ans, j'ai participé à une bataille près de Brenna. La poussière venait tout juste de retomber. On avait vaincu l'armée Nilfgaardienne. C'est ce jour-là qu'on a cessé d'être une province impériale.

- Tu l'as eu pendant la bataille ? s'étonna Ann.

Pour avoir un sorceleur bien formé, les humains avaient besoin généralement de s'y mettre à plusieurs, presque une dizaine voire une vingtaine. Ou alors, les prendre en traître. Si cet homme avait vaincu en combat singulier un sorceleur durant la bataille, alors, c'est que son Haki avait besoin d'une nouvelle remise à niveau parce que le gars devant eux n'avait pas l'aura indiquant la force nécessaire à la tâche.

- Ouais, c'était pendant cette bataille. C'était un sorceleur du nom de Cöen. Un sympathique camarade et une rareté en son genre… pas très causant cependant.

Donc, non, il ne l'avait pas tué, mais ce Cöen était mort à proximité.

- Comme la majorité d'entre nous, pointa doucement Geralt.

- Je lui ai juré de confier le glaive à un autre sorceleur, raconta le jardinier. Sur son lit de mort, il a marmonné quelque chose au sujet de dents et de destin avant de se mettre à rire… il a ri de sa propre mort.

Les Sorceleurs avaient tendance à rire de leur destin et de leur mort, parce que leur vie leur avait échappé dès l'instant où ils avaient subi les mutations. Le cas de Cöen n'était donc pas une rareté.

- Et pourtant, vous l'avez perdu au jeu, pointa Geralt avec une légère réprobation dans la voix.

- Je l'ai gardé caché pendant cinq ans, se justifia le jardinier. Je pensais qu'il n'y avait plus aucune chance que je rencontre l'un d'entre vous. Si vous voulez la vérité, allez voir miss Shani à l'hôpital. Elle aussi a connu Cöen.

- Nous allons voir ça. Dîtes-vous qu'au final, la promesse a été tenue et merci pour les informations, lui dit Ann.

Les deux sorceleurs laissèrent le jardinier reprendre son travail.

Geralt montra l'hôpital du doigt à sa camarade en une question silencieuse et elle hocha la tête. Ils se dirigèrent donc vers la grande porte… malheureusement gardée.

- On ne passe pas ! leur dit le soldat en faction devant la porte.

- Et nous, on doit entrer, lui répondit Ann.

- Ce sont les infectés qui sont dedans, hors de question que je vous laisse répandre cette peste dans la ville.

Geralt retira son gant et montra l'anneau que leur avait donné Meis, agitant bien son doigt pour lui montrer. Si le capitaine leur avait refilé ça et que ça ne servait à rien, il allait les entendre. Mais apparemment, ce fut suffisant puisque le soldat leur fit signe de la main de passer les portes.

Par rapport aux hôpitaux qu'elle avait vu avant son incident qui l'avait envoyée ici, Ann avait plus l'impression qu'ici, ils étaient plus devant une église vide et sans meuble, plutôt qu'un centre de soins. Les alcôves étaient toutes occupées par des malades allongés sur des paillasses à même le sol où ils toussaient avec abondance, crachant du sang sur les tabliers portés par les bonnes sœurs de l'église du Feu Eternelle bien reconnaissables à leurs robes rouges. Il n'y avait aucune hygiène, rien pour empêcher la contamination. Et juste en face de l'entrée, tout au bout du bâtiment, une immense statue de pierre représentant les trois aspects de la Déesse Mère Melitelle : la jeune fille rêveuse ; la femme mature et enceinte ; l'ancienne et sage grand-mère. Trois représentations se tenant dos à dos, taillées dans du marbre, pendant que des nonnes rendaient hommage à la déesse.

- Geralt ?

Ann tourna la tête vers l'une des alcôves qu'ils avaient dépassée. Une jeune femme se releva de là où elle était agenouillée auprès d'un patient. Elle avait les cheveux très courts, dépassant tout juste ses oreilles et d'un roux si vibrant qu'il en paraissait rouge. Ses cheveux étaient coiffés sur le côté et tombaient légèrement sur ses yeux et son visage constellé de tâches de rousseur. Elle portait une robe courte de guérisseuse d'un vert printanier avec un col de chemise blanc. Sa tenue tombait en pointe entre ses genoux avant que des bottes ne montent sur ses jambes jusqu'en haut de ses mollets.

- Shani, salua le sorceleur avec un bref sourire.

- Geralt ! s'exclama la femme avec joie. Tu as réussi à sortir de prison ?

- J'ai réussi, mais ça n'a pas été facile.

La femme remarqua Ann qui se tenait derrière en silence, et fronça les sourcils.

- Je peux vous aider, mademoiselle ?

Réprimant une grimace, la brune secoua la tête.

- Portgas est une camarade sorceleuse, présenta Geralt. C'est l'une des deux personnes que Vesemir voulait que je retrouve, tu te souviens, je t'ai parlé de ma mission.

- Comme si je pouvais pas prendre soin de moi seule, soupira la brune en roulant des yeux. Il va m'entendre le vieux loup.

Elle se rapprocha et tendit une main à la rousse.

- Anabela D. Portgas. Ann, pour faire simple.

- Shani, se présenta la rousse en souriant.

Ann recula de quelques pas pour laisser un peu d'intimité à Geralt pendant qu'il discutait avec la demoiselle, jouant machinalement avec le médaillon métallique de tête de chat qu'elle avait au cou.

- Je ne savais pas que les femmes pouvaient devenir des sorceleuses, nota la guérisseuse en retournant se mettre à genou au chevet de son patient.

- L'école du Chat semble être le seul groupe de Sorceleur à engager sans distinction de sexe ou de race, lui répondit Geralt. Je me doutais que je te trouverai ici.

- Je suis en train de me battre contre la maladie, ce n'est pas vraiment le lieu pour discuter.

Bon, tant pis.

- On peut discuter où et quand ?

- J'ai une chambre dans le nord du quartier. Passe me voir en soirée, j'aurais plus de temps. Juste devant, tu trouveras un petit square avec une sculpture de serpent.

- Est-ce que tu peux répondre à une ou deux questions ?

La rousse roula des yeux mais sourit.

- Vite alors, je dois me remettre au travail.

- De Riv.

Le blanc se retourna à moitié et vit sa camarade montrer du menton quelque chose devant une alcôve un peu plus loin. Des gardes.

- Ils surveillent un blessé, informa Shani en voyant ce qui avait attiré l'attention. Ils ne m'ont rien dit, mais ils veulent qu'il soit rapidement remis sur pieds. Ce doit être quelqu'un d'important.

Ann s'avança un peu, comme si elle faisait les cent pas. Elle jeta un œil derrière les gardes qui la fixèrent d'un air méfiant, avant de revenir vers la rousse et Geralt. Un simple hochement de tête lui dit ce qu'il fallait. C'était le prisonnier de la Salamandre.

- Une idée de comment on peut s'y prendre pour lui parler ? se renseigna le Loup Blanc.

La rousse grimaça, mais répondit néanmoins.

- Revenez en soirée, les gardes seront plus loquaces, surtout si vous avez de l'alcool à leur donner.

- Merci pour le conseil. On peut aider en quoi que ce soit ?

- C'est gentil, mais vos compétences ne sont pas utiles ici.

- On peut faire autre chose que découper des monstres, pointa le Loup Blanc.

La femme se releva avec un air pensif.

- Il n'existe pas encore de remède contre la peste Catrional, mais… vous connaissiez Rusty ?

- Le nom me dit vaguement quelque chose, avoua Ann.

- Si je l'ai connu, je m'en souviens pas, répondit Geralt.

- Avant que la peste ne l'emporte, il avait découvert que des extraits de plantes ralentissaient la progression de la maladie.

- Donc, tu veux ces plantes.

- Oui. La chélidoine est ce qu'il y a de mieux. Malheureusement, c'est une plante des marais.

- Fraîche ou séchée ? se renseigna Ann.

- Peu importe. Si elles sont fraîches, je peux toujours les faire sécher.

- Je crois qu'il m'en reste, songea la D. avec une mimique. Je vais faire un saut rapide pour vérifier et je reviens. Si c'est pas le cas, eh bien, on ira en cueillir.

La brune tourna les talons et quitta l'hôpital sans attendre, surprenant légèrement la jeune guérisseuse.

- Elle est plus sociale que toi, nota Shani.

- Et plus vivante, acquiesça Geralt. Elle a laissé un mauvais souvenir à Lambert et Eskel.

- C'est tout ce que tu voulais savoir ? Si ce n'est pas urgent, il vaut mieux que tu passes me voir chez moi, l'hôpital n'est pas le meilleur endroit pour parler.

- Très bien, je passerai chez toi alors. Je te dérange pas plus, à bientôt.

Ann avait bien dit qu'ils avaient besoin de livres particuliers pour la Tour du Mage ? Il pouvait essayer de se renseigner à ce sujet. Et il ferait peut-être un tour du côté de chez Vivaldi.

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Ann ressortait tout juste de chez elle quand une catin vint vers elle, dans une courte robe mauve, ses cheveux bruns lui faisant comme une crinière couleur terre.

- Bonjour Carmen, c'est rare quand tu viens dans le coin pour bosser, salua la sorceleuse en souriant à la femme.

- Bonjour Ann. Je te cherchais.

- Ah ?

- J'ai… un service à te demander.

- De quoi s'agit-il ? Exorcisme ? Revenant ? Infestation ? Malédiction ?

- Non. Les monstres sont des hommes cette fois. Des malotrus ont pris la vilaine habitude de s'en prendre à mes filles. Et j'ai pas envie qu'ils poussent les choses et leur fasse mal.

- Je vois…

Généralement, elle cherchait une autre solution que l'acier contre les hommes, mais dans ce genre de cas, elle ne rechignait pas à faire parler le glaive.

- Tu veux bien leur faire comprendre de laisser les filles en paix ? demanda Carmen. J'ai de l'argent, ce n'est pas un souci.

- Oui, je peux faire ça, assura la sorceuleuse en haussant des épaules. Quoi que ce soit que je dois savoir pour leur botter le train ?

- Ils se manifestent durant la nuit et dans des zones précises, j'ai remarqué.

Elle entreprit de lui dire où trouver les hommes en question, jusqu'à ce que Geralt ne tourne à l'angle. Carmen remercia Ann, adressa un clin d'œil aguicheur au Loup Blanc, avant de se détourner pour s'en aller.

- Qui est-ce ? demanda Geralt en regardant la catin passée.

- Carmen. La matrone des filles du quartier, répondit Ann. Des idiots s'en prennent à ses filles, elle m'a demandé de les remettre à leur place. Tu as fini de discuter avec ta belle ?

- L'hôpital n'est pas l'endroit idéal pour ce genre de chose, je passerai la voir plus tard. Je suis allé faire un tour du côté du marché. J'ai trouvé l'antiquaire nain qui a pu me renseigner sur les livres dont tu m'as parlé hier soir.

- Ceux pour la Tour du Mage ?

- Oui. Tu m'as dit que tu savais où Vivaldi vivait, donc…

Ann regarda son bocal plein de chélidoines séchées et soupira.

- Faut remonter la rue, tu as dépassé sa porte. T'as repéré celle de Kalkstein ?

L'homme hocha la tête.

- Eh bien, elle est juste à sa gauche.

- Merci.

- De rien. Je vais faire cette livraison, tu me diras ce que tu as appris.

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Dire que le vieux nain était hostile était un euphémisme de la plus belle espèce. Il vivait dans un taudis du ghetto non-humain, loin du faste de la banque familiale, entouré par des racistes. Donc, voir ce qui ressemblait à un humain devant sa porte ne l'arrangea pas des masses.

- Salutation, nain, salua le Sorceleur.

- Deux mots et déjà on voit le racisme qui caractérise votre race ! cracha le vieux nain derrière sa longue barbe blanche.

C'était un bel accueil, oui.

- Vous voulez que je vous appelle comment ? demanda calmement le mutant.

Il voulait juste entré et ne pas avoir une conversation sur la Salamandre en pleine rue.

- Bah ! grogna l'ancien banquier. Vous êtes comme tout le monde, comme toute cette maudite ville ! A Wyzima, les humains ont tout et nous autres ? Rien !

- Je ne suis ni de Wyzima, et je ne suis pas non plus un humain, explicita le Sorceleur avec patience.

Vivaldi adressa un regard dubitatif à Geralt.

- T'es quoi alors ?!

- Un Sorceleur, un mutant.

La compréhension s'installa sur le visage de l'ancien banquier qui ouvrit la porte de sa maigre et pauvre habitation.

- Dans ce cas, je suis désolé. Je suis Golan Vivaldi, entre.

Et il invita le Loup Blanc à entrer dans la maison. Deux sacs de couchage étaient installés près de l'âtre vide et les maigres effets de valeurs du propriétaire des lieux étaient dans quelques caisses en bois.

- Mon cousin, Vimme Vivaldi, a rencontré un Sorceleur une fois. Un collecteur de dette apparemment.

N'ayant aucun mobilier, il montra le sol à Geralt pour qu'il s'installe et poussa une caisse pour se poser lui-même dessus, se rapprochant ainsi un peu plus de la hauteur de son interlocuteur.

- Je suis Geralt et je ne suis pas un collecteur de dette.

- Tant mieux. Qu'est-ce que t'amènes ici ?

- Plusieurs choses. Notamment un livre. J'ai cru comprendre que vous aviez une copie du livre Les Portes Secrètes de Ransant Alavro.

- C'est le cas, mais je préfèrerai ne pas m'en séparer.

- Et j'en ai besoin pour un contrat. Donnez-moi votre prix ou au moins la possibilité de vous l'emprunter.

- Et il servira à quoi, hein ?

- A pouvoir trouver une méthode qui mettra un terme à la production de monstres presque infinies et difformes dans les marais.

Ce n'était pas tout à fait la vérité, mais ce n'était pas loin.

- Et qu'est-ce qui me dit que je le reverrai ?

- Parce qu'il n'aura plus aucune utilité à mes yeux par la suite.

- J'vais y réfléchir. Quoi d'autres ?

Bon, c'était mieux que rien, avec de la chance, il parviendrait à l'obtenir.

- Je cherche aussi des informations au sujet du chef d'un certain groupe de malfaiteurs.

- Tu me suspectes moi parce que je suis un nain ?! gronda Vivaldi en se mettant debout sur sa caisse.

- J'ai beaucoup de suspects et pas parce que ce sont des nains. Ce sont tous des humains, même, jusqu'à présent.

- Alors qu'est-ce que tu veux !

- Je veux discuter avec vous de la Salamandre.

- Et pourquoi moi ?!

- J'ai appris que l'argent qui a servi à payer la caution d'un des hommes de cette organisation, le Porfesseur, venait de votre banque…

Voyant Golan sur le point de s'énerver, Geralt leva une main pour qu'il le laisse finir.

- Mais je sais que vous avez perdu le contrôle de votre banque au profit des humains, et qu'il est donc fort probable que ce soit eux qui aient fait ça. Je cherche à les coincer et vous savez peut-être quelque chose sur eux, ou sur la tête derrière la Salamandre : Azar Javed.

Toute la colère s'échappa de Vivaldi qui se laissa de nouveau tomber sur sa caisse en soupirant.

- C'est sympathique de ta part d'être aussi franc avec un nain.

- C'est normal, lui dit Geralt.

Il s'en fichait que son interlocuteur soit un nain ou quoi que ce soit d'autre. Ils pensaient tous les deux, c'étaient suffisant.

- J'ai en effet des informations sur Javed qui peuvent être utiles, lui dit le nain.

- Même les plus petits détails peuvent être importants.

- J'ai vu son nom dans de vieux dossiers. Il payait pour une éducation à l'école de magie de Ban Ard. Il a été expulsé après avoir pris un intérêt pour la magie noire. Il a arrêté de payer et c'est la dernière trace de lui dans notre système Vous avez affaire à un renégat, et un dangereux en plus de ça.

Ban Ard. La seconde école de magie du continent, dédiée à l'éducation des Mages et donc exclusivement masculine, contrairement à Aretuza qui était réservée aux femmes.

- Merci beaucoup pour l'information.

- T'as besoin du livre dans l'immédiat ? demanda le nain.

- Il me manque des informations, mais je devrais rapidement en avoir besoin.

- Reviens me voir quand tu auras besoin de lui, je te le prêterai.

- Merci infiniment.

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Geralt retrouva Ann en quittant le quartier non-humain, la brune revenant lentement vers lui en jouant avec un de ses dreads d'un air absent.

- Tu as eu quelque chose de nouveau ? demanda immédiatement la Sorceleuse.

- Javed a été expulsé de Ban Ard pour avoir été un peu trop intéressé par la magie noire, résuma Geralt. Quant au livre Les Portes Secrètes, il nous le prêtera quand on en aura vraiment besoin. Je pense qu'on devrait essayer de trouver un exemplaire de Ain Soph Aur avant de lui emprunter son bien.

- Hm. C'est une idée, oui. Donc, Javed a appris la magie sur les bancs d'une école. Cela veut dire qu'il est loin d'être un con, qu'il a eu de l'argent, parce que ce genre d'éducation coûte très cher, et qu'il a une formation donc… Tout ceci en fait un adversaire redoutable.

- Et un renégat. L'affronter sera loin d'être une partie de plaisir. Je propose qu'on aille dans le marais, histoire d'en voir un peu plus sur cette fameuse tour.

- En me renseignant, j'ai appris que Leuvaarden avait un problème de monstres, on pourrait s'en charger au passage, si on a le temps, avant de revenir poser quelques questions à l'hôpital à notre suspect.

- Allons-y.