Bonjour à tous ! En cette merveilleuse journée d'avril, je vous offre un nouveau chapitre du Witcher, dans l'espoir qu'il vous plaise. Avec, on fini le second chapitre du jeu. A partir du suivant, on fera un bon pas en avant sur l'intrigue de la Salamandre avec une invité que beaucoup (ou pas, tout dépend de votre Team) attendaient.
En attendant, je dédicace encore une fois ce chapitre au créateur de Neroc Tomer et du meilleur personnage de tout les temps qu'il m'a permis d'utiliser. Merci encore Ewan pour ce moment de pure délice d'écriture.
Sur ce, j'espère que vous apprécierez la lecture. Amusez-vous, mais restez chez vous et à l'abri.
Bises
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L'autopsie pouvait révéler beaucoup de chose, Geralt en était certain ; c'est pour ça qu'il alla voir Shani à l'hôpital pour lui en parler. La première chose qu'il remarqua, c'était que quelqu'un sifflotait quelque part dans le bâtiment.
- Bonjour Shani, salua Geralt en trouvant la rouquine.
- Oh, bonjour Geralt, je peux quelque chose pour toi ?
Le sorceleur allait répondre quand une note particulièrement perçante lui fit tourner la tête à la recherche du siffleur qui le déconcentrait.
- C'est le Dr Tomer. Il est toujours très content, très… fasciné par son travail de croque-mort. Il a l'habitude de siffloter pendant qu'il prépare les corps pour les enterrements, et je pense que toi et Ann lui avait donné bien assez de travail ces derniers temps.
- Portgas vient de quitter la ville, elle t'envoie son bon souvenir.
- Oh, dommage, souffla la rousse. Elle était bien sympathique, j'espère la revoir.
- En attendant, j'ai un service à te demander. Je peux t'en parler en privé quelques instants ?
Shani regarda son malade puis Geralt et leva trois doigts, l'air de lui demander trois petites minutes. En réponse, le mutant s'éloigna et alla voir la statue de Melitèle pour passer le temps. D'après les notes de Kalkstein, si on rendait hommage à une divinité, il était possible qu'on trouve un sephirot, mais comment une prière sans foi pouvait-elle le permettre ?
Il se retourna en entendant Shani le rejoindre. Ils sortirent par une porte latérale proche pour se retrouver dans les jardins et les champs à côté de l'hôpital.
- J'ai besoin de ton aide pour une autopsie.
- Une autopsie ? Depuis quand tu t'occupes de ce genre de chose ? s'étonna la rousse.
- Depuis que j'ai commencé à m'intéresser à la Salamandre.
- Je veux bien, mais je ne suis pas légiste. C'est le Dr Tomer qui gère ça. Pourquoi ne pas lui demander ?
- Raymond ne semble pas vouloir lui faire la demande, soi-disant qu'il la refuserait.
La moue de la jeune femme disait qu'elle trouvait ça étrange. Elle lui fit signe de se joindre à elle et ils revinrent dans l'hôpital pour passer dans la salle attenante. Il y avait des bancs et des chaises le long des murs, avec des placards à médicaments, une paillasse pour leur fabrication et des tas de livres consacrés à la médecine dans de longues étagères. Au centre de la pièce, le médecin de la peste de l'autre soir sifflotait un air entrainant en recousant une blessure du corps d'un des hommes que Geralt avait passé sous son glaive.
- Quoi encore ? Vous ne pouvez pas voir que je suis occupé ? Qui ose me déranger ? demanda l'homme en se redressant avec une voix très froide et sèche montrant qu'il était vraiment très énervé.
D'après sa taille, sa posture et sa voix, Geralt lui aurait donné la quarantaine.
- Geralt, je te présente le Dr Neroc Tomer, il était avec moi, Rusty et le Guérisseur Newgate à Brenna. Dr Tomer, voici Geralt de Riv.
- Ah, le Loup Blanc. J'ai entendu parler de vous, oui… c'est une rencontre fascinante, oui, de vous voir en face à face. J'ai eu l'intéressante expérience de disséquer le sorceleur Coën, de l'école du Griffon si je ne me trompe pas. Il est mort à Brenna, mais j'ai appris énormément de sa dépouille, c'était une expérience très fascinante que j'ai pu partager avec ce cher Rusty et le Guérisseur Newgate. Je me demande si physiologiquement parlant, il y a vraiment des différences entre les mutations des écoles.
Un autre Kalkstein. Au moins celui-ci avait déjà eu sa curiosité de satisfaite.
- Très certainement, répondit Geralt. Si je me compare à Portgas, de l'Ecole du Chat, qui vient de quitter la ville, il est clair que nous n'avons pas subi le même genre de mutation.
- Exact ! Par rapport à Coën ou pire, Geralt… commença Shani.
Le susnommé adressa un regard noir à son amie.
-… Portgas est plus chaleureuse et plus vivante, moins statue de glace. Mais aussi plus prompte à réagir. Donc, c'est qu'au niveau de la fabrication des hormones qui dictent l'émotion, il y a une grosse différence.
- Très intéressant, très… fascinant.
Le mutant fit de son mieux pour ne pas montrer qu'il était agacé. La façon dont l'homme prit bien son temps pour ajuster son gant avant de lentement, en prenant tout le temps du monde, lui tendre la main… c'était irritant. Insultant. Mais il avait un semblant de bonne éducation, même s'il n'en faisait pas souvent usage. Alors, il la lui serra en retour.
- Geralt aurait besoin de quelqu'un pour lui faire une autopsie pour une enquête qu'il mène, expliqua Shani.
- Oh ? Quelle fascinante créature vais-je bien pouvoir disséquer ? s'enquit Neroc.
- Un humain, répondit laconiquement Geralt.
- Ah.
La déception était claire dans la voix du médecin même si son attitude resta neutre et froide.
- J'espérais quelque chose de nouveau, de plus intéressant, de plus… fascinant…
Il allait lui faire bouffer ses fascinants s'il continuait.
- Je soupçonne qu'on ait aidé un témoin à passer l'arme à gauche. Cela pourrait m'aider à découvrir qui se cache derrière l'attaque contre le bastion des Loups, expliqua vaguement Geralt.
- Moui, je peux faire ça. Où est le corps ?
- A vous de me le dire. Vous êtes le croque-mort et jusqu'à il y a peu, c'était un patient de l'hôpital.
- Celui que tu voulais interroger ? devina Shani.
Geralt hocha la tête.
Neroc était retourné à son travail quand il apprit de quel corps il s'agissait. Il se redressa en une pose pensive, une de ses mains gantées appuyant son menton.
- Le corps n'est pas passé entre mes mains pour retrouver sa beauté avant l'enterrement. Il faut vérifier auprès du fossoyeur s'il l'a vu. Si ce n'est pas le cas, quelqu'un s'en est débarrassé et alors, effectivement, cela confirmera que quelqu'un l'a bel et bien aidé à passer l'arme à gauche.
- Je vais me renseigner.
- Parfait. Quand vous aurez le corps, je ferai son autopsie. J'ai tendance à rester tard ici le soir, donc, n'hésitez pas. Si vous le permettez, je vais me remettre au travail.
Et avec un geste assez dédaigneux de la main, il les invita à le laisser.
- Je dois retourner à mes patients, et toi, tu as un corps à récupérer.
Merveilleux.
En soupirant, Geralt quitta l'hôpital et prit la route du cimetière pour voir le charmant et vieux fossoyeur qui avait aussi la tâche, apparemment, de construire les cercueils. Soit. En le voyant arriver, le vieil homme se redressa de sa tâche :
- Qu'est-ce que ça sera ? Du pin ? Du chêne peut-être ? Ou une entière crypte ? Voyons voir… cinq coudées de large…
Vu la façon dont il regardait le mutant, celui-ci était certain que l'homme était occupé à mesurer la taille du cercueil et du trou dont il aurait besoin.
- Je n'ai pas besoin de cercueil, je n'ai pas l'intention de mourir sous peu, lui dit
- Logique, mais on peut toujours faire affaire. Peut-être pour autrui, on sait jamais, accorda le vieillard.
Mais qu'est-ce qu'il marmonnait ?
- Quelles affaires ?
- Un partenariat. Avec ces glaives, vous devez découper quelques têtes de temps à autre. Si vous réglez le compte de quelqu'un, dîtes-le moi et je vous offrirai une part sur le cercueil !
Geralt se décida d'ignorer les commentaires et lui posa des questions pour avoir son corps :
- Un prisonnier est mort récemment, j'en ai besoin pour une autopsie.
- Je vous le laisse contre une bouteille d'alcool nain !
Le mutant soupira profondément.
- Je vais aller vous chercher ça, dit froidement le sorceleur pour cacher sa lassitude.
Et il courut jusqu'à la taverne pour acheter la bouteille en question, avant de revenir et de la lui donner. L'homme se fit un plaisir d'en prendre une bonne rasade avant de lui dire que le corps serait à l'hôpital dans la soirée.
- Pourquoi le cimetière est fermé ? demanda Geralt en montrant les grandes portes menant au cimetière.
- Ordre du capitaine, trop de monstres, les morts n'ont pas de repos. Et ça s'est aggravé récemment.
- Il y a un moyen que je puisse entrer et peut-être… régler ce problème.
Que la situation se soit aggravée ne présageait rien de bon, il devait voir ça.
- Faut l'autorisation du Commandant.
Il avait du temps à tuer avant de se charger de l'autopsie, il pouvait bien aller demander une autorisation à Vincent.
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Neroc arrangea ses gants alors que le clair de lune et les bougies étaient la seule lumière qui éclairait le corps. Shani et Geralt se tenaient à proximité de la paillasse où le corps commençait déjà à être attaqué par la décomposition.
- Prenez note, Miss Shani, ordonna le médecin en dépliant une trousse, contenant tous les outils nécessaires à un chirurgien.
- Oui, Docteur, confirma la rouquine en prenant appui sur une planchette de bois pour soutenir son parchemin et écrire à la plume.
- Bien, commençons.
En humant doucement, le médecin commença à découper les vêtements déchirés du prisonnier. Mais rapidement, la bonne humeur laissa place à de l'agacement au vu de la façon dont ses épaules se raidirent. Il dégagea les vêtements pour avoir meilleur accès au reste du corps. Geralt retint une grimace en voyant que la virilité du mort avait été arraché par ce qui ressemblait à un coup de dents.
- Donc, nous avons un humain de sexe masculin qui nous avait été apporté suites à de multiples blessures, annonça Neroc avec une voix froide. Il est mort il y a quatre jours. Miss Shani, regardez ces blessures. Les zones tendres ont été arrachées, sans parler des os et de la moelle épinière qui ont été extraits en partie du corps pour être sucés.
Shani leva le nez de sa prise de notes et suivit du regard les blessures que le médecin lui montrait, allant jusqu'à soulever légèrement le corps pour lui dévoiler la colonne vertébrale massacrée.
- Il a été mis en pièces, conclut le médecin. Diagnostic ?
- Hmmm… des charognards ? Le cimetière est plein de goules et d'algoules.
- Vous êtes sur la bonne voie. Vous voyez ces marques sur les os, la façon dont ils ont été écrasés ? Cette force dans la mâchoire, seul les Graveirs l'ont.
- Je prends note.
- Ces blessures-là sont donc post-mortem. Continuons. Il a des traces montrant qu'il a été poignardé, mais les traces de soins autour de la blessure montrent qu'il les avait déjà avant de mourir.
- Il nous a été apporté parce qu'il était grièvement blessé, c'est peut-être l'une de ces blessures.
- Nous confirmerons demain auprès de l'infirmière qui l'a soigné.
Neroc recula de la table, sous le regard perçant de Geralt, et regarda le corps d'un air plus général.
- Miss Shani, c'est vous, non, qui avez signalé son décès.
- Il était mort depuis quelques heures quand je l'ai trouvé, répondit la rousse.
- Fascinant… regardez ses muscles du cou et des paumes. A ce stade de la décomposition, ils ne devraient pas être aussi rigides, le rigor mortis se prolonge beaucoup trop. Alors, soit nous avons une erreur dans l'estimation de l'heure du décès, soit il n'est pas mort suite à ses blessures. La réponse…
Il posa son bistouri juste sous la gorge du cadavre.
- … est dedans. Ouvrons notre ami.
Et il trancha d'un geste expert la peau en se remettant à siffloter, avant d'en écarter les pans.
- Je m'en doutais. Les blessures étaient bien trop simples comme explication pour dire pourquoi notre ami est mort. Il y avait bien quelque chose de plus. Le foie est tout bonnement méconnaissable. Si c'était la cirrhose, il aurait dû mourir de ça il y a déjà bien un an ou deux.
Shani se pencha vers le corps et recula en grimaçant. Elle toussa et agita sa main devant son nez.
- Ça pue l'alchimie. Un puissant poison semble en être la cause.
- Il n'y a qu'une façon de le confirmer, pointa Neroc.
Il se tourna vers la tête, comme pour ouvrir la bouche du mort vu la façon dont il posa sa main sur la mâchoire, avant de s'immobiliser et de se pencher un peu plus vers le visage du défunt pour mieux l'examiner.
- Je m'en doutais, c'était bien trop simple. Miss Shani, nous allons ouvrir le crâne.
- Toujours un plaisir, assura la rousse avec une tête qui laissait présager qu'elle avait avalé un citron.
- Allons ! Un peu de cran ! Vous êtes médecin ? Ce genre de chose ne devrait pas vous rebuter ainsi ! Nous avons vu pire à Brenna ! rabroua Neroc en allant changer d'outil pour prendre de quoi couper l'os.
- Oui, Docteur.
Mais déjà, le croquemort avait recommencé à siffloter pendant qu'il ouvrait le crâne, repliant la peau de celui-ci comme une grotesque couverture, sur le reste du visage, avant de s'attaquer à l'os en lui-même. Bientôt, le cerveau était à l'air libre, dévoilant d'étranges masses blanches le parsemant.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? souffla Shani avec perplexité.
- La cause de la mort. Des larves de mouches Tsétsé de Zerrikani, présenta presque fièrement le croquemort. Je comprends pourquoi on ne m'a pas laissé le corps en premier lieu, on ne voulait pas que je les découvre.
- Mais comment elles ont fini dans le cerveau ?
- Dans le cycle de leur développement, intervint Geralt pour la première fois de la soirée. Si nous étions en Zerrikani, j'aurais dit qu'une mouche s'est introduite par le nez pour pondre ses œufs.
Une violente toux agita le médecin qui se détourna des deux autres pour continuer de tousser un moment. Il fouilla ses poches pour prendre un mouchoir qu'il utilisa pour tamponner sa bouche sous son masque, bien que l'odeur de sang n'échappa pas au sorceleur en dépit de l'odeur de tabac et de plantes aromatiques qui enrobait l'homme mystérieux sous sa tenue de docteur de la peste.
- Il n'empêche que notre climat est bien trop froid et sec pour les mouches Tsétsé. Et même si quelqu'un a acheté des œufs, comment les mettre dans le nez de quelqu'un sans alerter tout le monde, dont la victime ? pointa le mutant.
- La réponse est dans le nez, informa d'un ton sans réplique Neroc en rangeant son mouchoir. Miss Shani, notre homme devait souffrir, est-ce que vous avez essayé d'apaiser la douleur ?
- J'ai employé la méthode du Guérisseur Newgate à Brenna en lui donna un peu de fisstech, répondit la jeune femme. Nous n'avions pas d'autres anesthésiants. Pourquoi cette question ?
- Les œufs de mouches sont petits et légers, comme de la poudre, de la farine… commença à énuméra Geralt.
- Ou du fisstech, conclut Neroc.
Il reprit son bistouri pour aller racler très légèrement l'intérieur d'une des narines du mort et en ressortir avec un semblant de poudre blanchâtre.
- Je… j'ignorais que le fisstech que je lui ai donné était contaminé, réalisa la rouquine en portant une main à sa bouche. Je pensais qu'il était sans danger et j'avais respecté le dosage minimal !
- Où l'as-tu eu ? s'enquit Geralt.
- De votre ami détective à toi et Ann, expliqua Shani. Il m'a dit qu'il le sortait de son stock personnel.
- C'est donc ce cher Raymond qui a contaminé le fisstech. Il a dû venir durant la nuit pour planter les autres blessures et brouiller les pistes. Ce qui explique pourquoi il ne voulait pas que ce soit moi qui fasse cette autopsie, conclut Neroc en réunissant son matériel pour le laver.
Et cela confirmait tristement le soupçon que Geralt avait et sur lequel, Portgas l'avait orienté.
- Ce n'est pas dans ses habitudes, pointa néanmoins le médecin. Je pense que nous avons un usurpateur.
- Oh, pire que ça. Nous avons un mage puissant renégat à la tête d'une organisation criminelle qui se fait passer pour Raymond, lui dit le mutant. Ce qui voudrait dire que le vrai Raymond n'est plus de ce monde, malheureusement.
- Mais je l'ai vu hier ! s'étonna Shani.
- Azar Javed est un mage zerrikanien. Il doit utiliser une illusion pour essayer de me manipuler. Merci, Docteur Tomer. J'ai la preuve qu'il me manquait pour confirmer un soupçon.
- A moins que vous ne trouviez le corps du vrai Raymond, personne ne vous croira, lui dit le médecin d'un air détaché en continuant de ranger son matériel.
- Je ne peux pas le chercher, ça attirerait trop l'attention. Mais je sais qui peut s'en charger.
Ann s'était bien glissée incognito dans la ville, sans que personne ne le réalise. Elle pouvait bien le refaire et essayer de voir si le corps du détective était toujours entre les murs de Wyzima. Et en y repensant, Geralt était certain que c'était toujours le cas.
Le fossoyeur avait dit que le nombre de monstres avaient augmenté récemment dans le cimetière. Un corps frais était l'une des explications.
Si c'était Javed qui avait essayé de le manipuler, il aurait une sacrée surprise. Il allait toucher quelques mots à Kalkstein, ça l'aiderait à se préparer à cette affaire.
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Ann avait trouvé un endroit parfait pour se poser dans une grotte des marais.
Pourquoi parfait ? Eh bien parce que dedans, il y avait un sarcophage dont la pierre servant à le fermer avait été brisée en deux et le corps à l'intérieur n'était plus que poussière. Et coup de chance, elle avait même trouvé un autre Sephirot. En partant, elle avait récupéré tous les Sephira qu'ils avaient récoltés avec Geralt pour commencer à les mettre en place dans les obélisques. En réponse, ceux-ci s'étaient illuminés.
Ils en avaient déjà cinq en place.
- Grrrr…
Ann soupira alors qu'elle installait son couchage dans le sarcophage et se tourna à moitié vers la troupe de loups qui venaient de l'encercler et qui se rapprochaient d'elle en grognant.
Pas le moins du monde impressionnée, elle se saisit de son glaive d'acier et se tourna pour leur faire face, les dents dévoilées par un rictus féroce, un grognement sourd jaillissant de sa gorge.
Après avoir vécu dans la jungle pendant toute sa vraie enfance, puis en ayant subi les folies que les Sorceleurs considéraient comme de l'entraînement, ce n'était pas des loups qui lui feraient peur.
Elle fit un pas en avant, faisant remonter légèrement à la surface son Haki pour les intimider. Ses yeux s'allumèrent en réponse et les loups commencèrent à reculer, comprenant qu'elle était un prédateur plus féroce qu'eux. Doucement, ils baissèrent la tête, la queue entre les jambes, dans une attitude soumise. Ann cessa son cinéma et se redressa, plantant la lame dans la roche du sol.
- J'ai pas l'intention de vous faire de mal si vous me foutez la paix. Capiche ?
Les loups se redressèrent avec prudence et se rapprochèrent de nouveau, cette fois, sans hostilité, simplement de la curiosité.
- Je suis un chat, pas un des vôtres, soyez pas bêtes.
Et elle soupira, recommençant son installation, avant de mettre son sac dans le sarcophage en guise de coussin et y étaler sa cape qui la dérangerait plus qu'autre chose dans les marais.
Bien.
L'installation faite, elle pouvait désormais aller voir les bucherons dont elle avait entendu parler. Ils auraient peut-être un travail pour elle.
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Ann était assise à une table en bois qu'utilisaient les briquetiers pour se restaurer le midi pendant qu'ils travaillaient dans les puits. Elle soupira et croisa les bras sur la table en regardant le ciel. La lune était haute, formant un beau croissant. Encore quelques jours et elle serait pleine.
Elle avait bel et bien eu un contrat de la part des bucherons. Même si elle avait envoyé le nain sur les roses au sujet des fleurs de bidents (elle savait très bien que ça servait à la fabrication du fisstech, pas question qu'elle les aide à alimenter le marché de cette drogue), le chef des bucherons avait tout de même besoin d'aide pour une affaire un peu plus grave. La route qu'il empruntait généralement pour rejoindre le quai et de là, Wyzima, était devenu dangereuse. Surtout à causes de noyeurs, bloedzuigers et d'ékynopses. Mais il y avait un autre souci dans tout ça.
Les hommes-poissons.
Les Vodyanois.
Rien à voir avec les gyojins de son monde.
Certes, dans les deux cas, ça restait une race humanoïde sous-marine intelligente qui partageait des caractéristiques avec les poissons, mais là s'arrêtait toute ressemblance. Les vodyanois avaient leur culture, leur croyance et leur langue. Ils vivaient à l'écart et généralement, vu leur impossibilité de respirer hors de l'eau, ne s'aventuraient pas du côté des humains. Sauf que ces cons avaient inventé les masques à oxygène, ce qui leur permettait de s'en prendre aux humains sur la terre ferme si le besoin s'en faisait sentir.
Cependant, dans ces marais, il y avait une tribu de vodyanois qui acceptait d'avoir des rapports avec les humains. Certes, Vaska et ses camarades étaient des fous qui vouaient un culte à ces créatures, les rapports n'en restaient pas moins pacifiques. C'est pour ça qu'Ann était allée la voir pour conseil afin d'avoir une idée de comment résoudre pacifiquement le problème avec les bucherons. C'était le seul qui n'avait pas forcément besoin de son glaive d'argent pour être résolu.
Et elle était contente de son initiative.
D'après Vaska, il suffisait que Yaren, le nain à la tête des bucherons, offre sa hache aux hommes-poissons, en gage de paix, et elle serait acceptée. C'est pour ça qu'à bientôt minuit, Ann attendait dans les puits d'argiles pour voir la réponse des Vodyanois.
Elle tourna la tête en entendant du mouvement dans l'eau.
Un individu bipède à la peau verdâtre venait de sortir de l'eau. Il était couvert d'écailles sur le ventre et avait une peau lisse, comme celle des dauphins, sur le reste du corps. Il possédait une queue et ses mains et pieds étaient palmés. On retrouvait des nageoires noires de sa tête à son dos, sur ses bras et ses jambes et aussi le long de la queue. Pour le visage, il avait un gros masque à oxygène relié à des bouteilles dans son dos.
La première fois qu'elle avait vu des Vodyanois, l'anachronisme évident l'avait fait rire.
Elle vit l'homme-poisson s'approcher de l'autel où elle avait posé la hache du nain. Il pencha la tête comme s'il réfléchissait, avant de s'emparer de la hache et de replonger à l'eau.
Maintenant, il ne manquait plus que la réponse.
Elle soupira et croisa ses bras sur la table pour y appuyer son menton.
C'est dans ces moments-là qu'elle regrettait sa narcolepsie. Elle bailla.
Elle tuerait pour une bd ou un manga. A ce stade, elle serait même heureuse pour de la paperasse !
Elle soupira profondément.
Elle ferma les yeux. Elle allait reposer ses paupières juste un instant.
Un tout petit instant.
…
Quelque chose la secoua et elle ouvrit les yeux, dégainant un de ses poignards, effrayant le pauvre briquetier qui l'avait touchée.
Elle cligna des yeux.
Il faisait déjà jour ?
- Merde, l'autel !
En jurant, Ann se leva et se précipita vers l'autel des vodyanois. La hache n'était plus là. A la place, il y avait un collier fait avec des fibres d'algues et des pierres verdâtres lisses et brillantes. Cela ressemblait fort à une amulette.
Elle soupira de soulagement. Même si elle s'était endormie, l'offrande avait été acceptée. Ils acceptaient de laisser tranquille les bucherons.
Elle tourna les talons et reprit la route vers le camp des tailleurs d'arbres, serrant dans son poing l'amulette avec son odeur de mer.
Ce fut le bruit des haches qui l'accueillit dans le campement des hommes. Elle trouva assez vite le nain qui donnait des directives à un groupe de travailleurs.
- J'ai la réponse, annonça clairement Ann pour attirer l'attention du petit homme.
Le nain se tourna vers elle et écarquilla les yeux en la voyant.
Quoi ? Il pensait vraiment qu'elle allait laisser tomber le contrat ?
Elle lui tendit l'amulette.
- Ils ont accepté l'offrande. Avec ça, ils vous laisseront en paix.
- Merci Sorceleuse. Tenez, voici l'argent.
Il fouilla ses poches et tendit une bourse à Ann qu'elle soupesa pendant que le nain mettait l'amulette à son cou. Elle devait en avoir pour bien quatre cents orins.
- Juste une question… les fleurs dans les cheveux, c'est une tactique pour le combat contre les monstres ?
- Les fleurs ?
Elle passa une main sur ses cheveux et sentit en effet des fleurs sous ses doigts. Perplexe, elle en piocha une et cligna des yeux. Qui s'était donc amusé à lui mettre des fleurs de faenwedd dans les cheveux ?
- Bonne journée.
Ann se détourna et se dirigea vers l'ilot où elle savait que vivaient les wyvernes sauvages, tout en retirant les fleurs de ses cheveux. Elle avait faim et la viande de wyverne lui semblait une bonne idée. Ou alors, une omelette si elle trouvait un de leurs œufs. Et elle réfléchirait en chemin à qui lui avait mis ces fleurs dans les cheveux.
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Des aboiements tirèrent Ann de son sommeil. En soupirant, elle rejeta sa cape qui avait fait office de couverture et se leva du sarcophage de pierre pour aller voir ce qui agitait les loups ainsi. Elle les vit venir en courant vers elle et se réfugier derrière ses jambes.
- Range ton arme, de Riv ! appela Ann en reconnaissant le chant du glaive.
Et elle siffla pour rappeler vers elle tous les loups. Bientôt, elle vit Geralt venir dans la chambre mortuaire de la grotte où elle avait élu domicile et il leva un sourcil en voyant les loups qui lui montraient les dents bien à l'abri derrière la sorceleuse.
- Tu es de l'école du Chat et tu te fais des amis parmi les loups ? s'étonna le Loup Blanc.
- Pas tant que ça. Je leur ai fait comprendre que je ne les attaquerai pas s'ils ne m'attaquaient pas et qu'en cas de bagarre, s'il y avait des morts, ça serait de leur côté. Qu'est-ce qui t'emmène ici ?
- Eh bien, j'ai consulté Vaska au sujet de la Tour du Mage et plus précisément le sujet de la Sentinelle. Elle m'a raconté un peu plus de l'histoire du mage. Apparemment, il vivait seul avec un apprenti, jusqu'à ce qu'une femme n'entre dans sa vie. Elle l'a charmé et a profité de ses dons pour voir tous ses rêves et désirs se réaliser. C'est cet amour qui a causé sa mort. Il a fait appel à des forces trop grandes et il en est mort.
- Eh ben putain, elle lui avait demandé quoi pour qu'il en meurt ?
- Aucune idée. Là où ça devient intéressant, c'est que la femme pouvait lire l'avenir apparemment et c'est pour cela qu'il lui a fait un jeu de Tarot divinatoire extraordinaire. Chaque carte était capable d'illustrer un évènement du futur. Elle m'a dit que le plus puissant des golems qui sont figés dans le temps, au cimetière, est la sentinelle. Et elle m'a donné ceci.
De son sac, Geralt sortit une carte de Tarot montrant la foudre s'abattant sur une silhouette massive ressemblant effectivement à un golem d'argile. Mais il y avait aussi un homme avec une couronne.
- Donc, la foudre pourrait réveiller le Golem ? devina Ann.
- Exact. Je vais retourner à Wyzima, afin d'avoir l'avis de Kalkstein.
- De mon côté, je vais examiner les golems. Le cimetière est au centre du marais.
- J'ai autre chose pour toi. J'ai pratiqué l'autopsie du prisonnier avec le Dr Tomer et Shani, la nuit dernière. L'homme est mort parce que quelqu'un qui se fait passer pour Raymond a donné à Shani du fisstech dans lequel on a caché des œufs de mouches Tsétsé de Zerikani. Elle a utilisé cette drogue comme anesthésiant et l'homme en est mort.
- Ow ! grimaça la pirate.
- Le faux Raymond doit être Azar Javed, caché par une illusion. C'est un mage très puissant, l'attaquer ainsi ne nous mènera à rien. Cependant, si on prouve que ce n'est pas Raymond, on peut avoir de l'aide.
- Et tu attends quoi de moi ?
Geralt ouvrit sa besace et lui donna un parchemin d'allure officielle.
- Ceci est un laissé-passé pour le cimetière qui devrait convaincre le fossoyeur de te laisser entrer. Depuis peu, les goules et algoules sont apparemment plus actives.
- Un corps frais doit les attirer, comprit la brune en prenant le papier. Tu penses que c'est celui de Raymond ?
- Très certainement. Si on me voit fouiner dans le cimetière, Javed pourrait avoir des soupçons. Mais comme tu l'as dit, tu es discrète, donc, il ne devrait pas te remarquer.
- J'agirais à la faveur de la nuit. Tu aurais pu t'épargner cette peine, j'avais pas besoin de clef pour entrer dans le cimetière.
- Ah, et j'ai discuté de Javed avec Kalkstein. Il est spécialisé dans la magie de feu, un mage du chaos et de la destruction. Si on veut le vaincre, il faut le planter dans un endroit où il sera affaibli.
- Il faut qu'on l'attire dans la tour du Mage. Je suis très bien placée pour savoir comment gérer le feu, en l'entourant d'eau, il aura du mal à puiser sa source. Sans parler que la tour a un champ qui lui est propre et qui rend instable la magie. Il ne pourra pas faire des grosses démonstrations.
- J'ai réussi à trouver presque tous les sephira qui nous manquaient. Il nous en manque plus qu'un dernier, mais d'après Kalkstein, c'est celui qu'on trouvera par hasard, parce que le destin en aura décidé ainsi.
- Ça n'aide pas des masses, commenta la pirate. Tu me fais signe quand on lance l'assaut sur Javed.
- Compte sur moi. Cherche le corps de Raymond.
- Compte sur moi, sourit la D.
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Geralt ne savait pas si le nain était vexé ou non au final qu'il lui demande un paratonnerre, mais il avait l'objet, c'était déjà ça. Mais il devait avouer qu'il devait avoir l'air absolument ridicule à marcher au travers la ville avec ce grand truc de métal.
Kalkstein et ses idées stupides.
Pendant qu'il laissait le forgeron travailler, il alla voir Azar Javed. S'il s'y prenait bien, il ne saurait pas qu'il avait découvert le pot aux roses, et ainsi, il trouverait comment l'attirer dans un piège. Il devait être prudent, il était clairement plus puissant que Triss. Il ne devait pas l'alerter pour l'appâter dans le piège qu'ils cherchaient à lui tendre.
Le mage était toujours sous l'illusion qui laissait croire qu'il était Raymond. Et Geralt savait ce qu'il attendait. Les résultats de l'autopsie. Il s'invita sans toquer dans le domicile du détective disparu et retrouva « Raymond » à l'étage à lire des papiers mystérieux.
- J'ai les résultats de l'autopsie, annonça le Loup Blanc.
- Alors ? demanda le faux détective en essayant de masquer son impatience.
- Cela n'a donné aucun résultat.
L'humain fronça les sourcils.
- Comment ça se fait ?
- Sans parler des charognards qui n'ont presque rien laissé, j'ai fait une mauvaise manipulation et j'ai versé un produit corrosif sur le corps. Nous n'avons rien pu tirer de ce qu'il restait de la dépouille.
- Rien du tout ?
Le mutant secoua la tête.
- Tout le monde fait des erreurs, Raymond.
- J'ai besoin de réfléchir, lui dit froidement l'homme. De trouver d'autres pistes, d'autres indices. Revenez un autre jour.
Geralt quitta la maison sans se faire prier. Il se ferait un plaisir de tendre le piège à cet usurpateur et de venger le vrai Raymond.
.
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Ann était la commandante des chasseurs. L'infiltration, le vol, l'assassinat et la traque, c'était ses spécialités. Alors, cette affaire était simple à réaliser. Elle se glissa dans les ombres de la ville qui s'embrasait sous le soleil couchant et alla rendre visite à un vieil ami.
- C'est fermé, si t'as pas remarqué, le putain d'soleil est en train d'se coucher, maugréa le receleur alors qu'il passait le balai devant son comptoir.
La mutante referma la porte derrière elle et laissa tomber sa capuche de sa cape, se dévoilant à l'homme huileux.
- Bah tiens, j'me disais bien que c'était bizarre qu'tu quittes la ville quand des gars qui veulent ta p'tite tête, et celle de ton putain de pote, ont clairement fait leur nid ici, marmonna Thaler en la reconnaissant. Qu'est-ce que tu veux ?
- Je suis ici pour discuter, sourit d'un air malsain et gourmand la brune.
- Je fais pas la causette, j'ai une boutique à faire tourner.
- Mais comme tu l'as dit, c'est l'heure de fermeture, donc, tu peux me recevoir et te taper la causette avec moi.
Et sans attendre, elle traversa la distance entre la porte et le comptoir pour s'asseoir dessus.
- Beh vas-y, fais comme chez toi.
- Ce qui tombe bien, je suis un chat de gouttière, un chez moi, j'en ai plus.
Elle s'assit en tailleur sur le comptoir pour regarder l'homme continuer à faire son ménage.
Cela dura un temps. Un bon bout de temps. Avec Ann qui le regardait faire en souriant et lui qui essayait de l'ignorer.
- Bon, ça suffit ! Tu veux quoi ? bougonna Thaler en se redressant pour lui faire face.
- Un petit oiseau m'a raconté quelque chose d'intéressant à ton sujet, sourit-elle malicieusement.
- Et qu'est-ce que ton putain d'oiseau t'a dit, hein ?
- Monsieur aurait essayé de charmer la belle rousse qui porte le nom de Shani ? Vieux renard, tu m'impressionnes !
- Oh, va te faire voir ! Et on est pas tous des connards ! Parfois… on… on y est à fond…
- C'est juste trognon, le chef des services secrets de Temeria amoureux d'une petite demoiselle qui lutte bec et ongle contre la maladie…
- De quoi tu parles ?
Ann perdit son sourire pour une mine vexée.
- Thaler, bordel, sois pas stupide. C'est pas parce que je suis une mutante que je ne sais pas faire des additions. Sans parler que tes gars, franchement, ils sont pas discrets. Tu sauras que la prochaine fois que j'en prends un la main dans le sac à me suivre, je lui découperai son costume trois pièces pour le lui faire bouffer. En attendant, j'ai une petite pièce d'information pour toi. Si tu veux une preuve irréfutable, par contre, il faudra que tu me donnes quelques minutes voire une heure, parce que je suis pas encore allée la chercher.
- Mais qu'est-ce que tu racontes, bordel de merde ?
- On a découvert que Javed se fait passer pour Raymond grâce à des illusions, c'est pour ça que j'ai quitté la ville, pour le forcer à me chercher et donc relâcher sa surveillance sur de Riv. Il a manigancé tout un plan pour qu'on s'en prenne pour lui à Leuvaarden, Vincent, le Boucanier et Kalkstein. Surtout les deux derniers, je crois qu'il les a au travers de la gorge. Ah, et bien entendu, tu fais partie du nombre, ne t'en fais pas.
Thaler se redressa en appuyant vaguement son coude sur son balai.
- Putain de bordel de merde… qu'est-ce que je peux dire devant ça… Et c'est quoi ta preuve irréfutable ?
- Le corps de Raymond. Il est fort probable qu'il soit caché dans le cimetière qui est actuellement interdit d'accès. A moins que tu veuilles me suivre.
- Non, je vais t'attendre. Heureusement que vous êtes là. Contrairement à ce que tout le monde dit, on a encore besoin des sorceleurs pour sauver nos culs quand on est dans une merde de ce genre. Vous allez en finir comment avec ce fils de putain ?
- On a déjà notre idée. On va l'attirer dans un piège. Je peux déposer le corps de Raymond chez toi ? Le croquemort est au courant.
- C'est pas une morgue chez moi.
- C'est temporaire, le temps qu'on chasse Javed des environs. Avec de préférence, sa tête séparée de son cou.
- Eh bien, amusez-vous bien. Je peux fermer maintenant, miss la mutante ?
- Si tu fermes à clef, viens pas pleurer si je te force la serrure.
Agilement, Ann sauta de son perchoir et remit sa capuche sur son crâne.
- Fais passer le message pour tes gars.
Et elle referma la porte derrière elle. Elle regarda autour d'elle et escalada le mur pour finir sur le toit. Marchant courbée sur les tuiles, elle se rapprocha du bastion où logeait une partie une garnison de l'Ordre, se rapprochant du portail qui menait au quartier commerçant. Elle sauta sur la muraille, courant dessus malgré l'équilibre nécessaire pour ne pas tomber. Aucun garde, aucun chevalier ne leva le nez vers elle. Elle finit par arriver au niveau du portail du cimetière.
De son perchoir, elle voyait les goules se baladaient entre les tombes, creusant la terre pour trouver les cercueils et des corps à consommer. De ce qu'elle voyait, des corps de bandits ou de péons parsemaient le sol. Comme quoi, il y aurait toujours quelqu'un pour dire que les lois, les interdictions et les emmerdes, c'étaient pour les autres.
Un bruit de métal l'interpela.
Elle tourna la tête pour voir la crypte à proximité où les riches se faisaient enterrer. Ils croyaient ainsi se mettre à l'abris des charognards.
Des naïfs, tous autant qu'ils étaient.
C'était juste offrir un toit permettant l'évolution des goules et algoules en graveirs et décharneurs. Et vu ce qui venait d'en sortir, son enseignement se montrait vrai encore une fois.
En silence, elle se faufila le long de la muraille pour arriver jusqu'à la crypte d'où était sorti le monstre à la peau veineuse. Elle sélectionna deux dagues d'argents sur ses jambes et se jeta sur la créature, la prenant par surprise, mettant assez de Haki dans ses lames pour qu'elles s'enfoncent comme du beurre dans la chair du nécrophage. Le monstre ouvrit la tête pour hurler sa douleur, mais un autre coup de dague la fit sauter. Avant que quiconque ne puisse venir l'embêter, elle s'enferma à l'intérieur, usant de Yrden pour sceller la porte. Elle décrocha sa besace de sa taille qui contenait un peu de changes, de quoi faire les élixirs les plus essentiels et ses élixirs. Dans la pénombre, là où ses yeux de chat luttaient pour voir malgré les mutations, elle chercha à l'aveuglette un élixir. Elle en prenait un pour retirer le bouchon et sentir l'odeur afin de l'identifier, avant de le ranger, jusqu'à en trouver un avec l'odeur qu'elle cherchait. Elle l'avala et ferma les yeux pour retenir la légère douleur qui lui brulait les veines et qui lui remontait jusqu'au cerveau et aux yeux. Quand elle les rouvrit, elle y voyait comme en plein jour.
- Loué soit celui qui a inventé l'élixir du Chat, chuchota-t-elle.
Elle rangea le flacon dans sa besace et se débarrassa de sa cape. Ici, il n'y avait personne pour lui reprocher d'être une mutante alors qu'elle ne l'avait pas choisi.
Doucement, ignorant le médaillon qui vibrait contre sa gorge, elle s'avança dans le hall d'entrée de l'immense crypte qui s'étalait sous la ville. En s'approchant du couloir, elle pivota hors du chemin d'une goule qui venait de jaillir de terre et la décapita d'un mouvement expert de son sabre d'argent.
Lentement, elle reprit sa route, regardant les murs de briques vieillis à la recherche de l'endroit où elle trouverait sa cible. C'est là qu'elle trouva un mur qui avait été visiblement condamné récemment. Et pas correctement. Elle se rapprocha pour observer les failles dans le mur de pierre. Certains trous étaient si larges qu'elle pouvait y passer son bras entier.
Elle colla son œil par l'ouverture pour voir l'intérieur, son médaillon l'avertissant d'un danger un peu plus important que dans le reste de la crypte.
L'élixir lui permit de voir un graveir penché sur un corps qu'il était en train de dévorer. Et impossible de ne pas reconnaître le chapeau conique.
Raymond.
Elle recula du mur et passa sa main de libre devant pour former le signe d'Aard.
Le mur de fortune explosa, envoyant voler les pierres un peu partout, attirant l'attention des monstres dans la chambre.
Plusieurs goules jaillirent du sol et une noctule se laissa tomber du plafond, immense chauve-souris humanisée et imberbe tout droit sortie des cauchemars d'un enfant. Bientôt, la D. se retrouva encerclée, mais elle ne se laissa pas perturber. Au lieu de concentrer la danse de son glaive d'argent sur un monstre, elle fit un prix de groupe, changeant ainsi sa garde et sa prise, faisant tournoyer autour d'elle et au-dessus de sa tête la lame pour tuer tous les monstres, contrant leurs tentatives pour la frapper en augmentant le rythme de sa danse.
Quand les charognards tombèrent enfin à terre, elle se redressa avec une respiration sifflante.
L'endurance serait toujours un problème désormais. Même après tout ce temps, elle avait toujours mal à la poitrine quand elle devait jouer sur l'endurance et la durée. Tuer ces monstres rapidement, sans un moindre mal, avant de se faire chopper. Garp lui boxerait les oreilles et le crâne s'il voyait à quel point elle avait perdu en souffle.
Akainu paierait très cher pour ça.
Toujours haletante, elle s'approcha du corps qui, bien que dévoré en bonne partie depuis qu'il avait commencé à pourrir, restait amplement reconnaissable, surtout avec ce qu'il restait des vêtements. En soupirant, depuis longtemps devenue indifférente à l'odeur de chair morte, elle ramassa le corps et le hissa avec précaution sur son épaule.
Thaler serait content de son colocataire.
Ça faisait toujours plaisir de faire plaisir.
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Geralt était content qu'il pleuve.
Vraiment content.
Parce qu'au vu des nuages et du grondement en fond, il savait qu'il n'aurait pas besoin de demander de l'aides aux druides pour animer le golem.
Il y en avait qui n'avait pas été totalement pris par l'argile, la vase, la terre et la saleté. Un que le temps avait très bien conservé. La magie autour de ce spécimen au milieu du cimetière des golems disait que ce devait être la sentinelle.
Haut comme trois hommes et larges comme deux, la créature était éternellement figée au travers du temps, à moins qu'on ne la réveille en agitant la magie dans son corps. Et pour ça, rien de mieux que la foudre. Agilement, Geralt escalada le colosse de pierre et lui planta la longue tige d'acier dans le creux qui séparait la tête du reste du corps, donnant une apparence bossue à la créature. Puis, il sauta sur le terrain étrangement plat et désherbé. Il prit une distance de sécurité pour ne pas se faire foudroyer lui-même et attendit.
Pas longtemps, parce qu'une belle décharge tomba sur le golem, le secouant avec tant de force que de la poussière s'éleva de son corps de pierre.
Par précaution, le mutant tira son arme et se mit en garde. L'ancienne du village lui avait parlé des pillons électriques. Cela faciliterait le travail, mais il fallait qu'il soit prudent.
Lentement, les membres craquants et roulant à cause de l'inactivité, le golem se retourna dans un grondement de pierre. Deux yeux semblables à des pierres semi-précieuses d'une apparence vert-laiteuse servaient d'yeux à la création magique. Et ces yeux tombèrent sur le Loup Blanc.
Il concentra son énergie dans son attaque et envoya une énorme boule de feu sur le golem, le forçant à reculer. C'était tout ce dont il avait besoin. Il se précipita vers les pilons, gardant son Haki sur le golem comme il avait appris à le faire, et se jeta sur l'un des trois pillons qui avaient auparavant encerclé la création d'argile.
Il toucha le premier, qui se dressait aussi grand que lui sur le terrain et l'activa. Sans perdre un instant, surtout en sachant que bien que lente, la créature avec tout de même de plus grandes jambes que lui, il se précipita vers le second pilon qu'il activa, avant de s'avancer vers le troisième, plus lentement, afin de s'assurer que le golem serait bien au milieu de la zone avant de l'activer. La foudre tomba sur la création d'argile, droit sur le paratonnerre toujours coincé dans la roche, l'immobilisant pendant un instant alors que de la pierre et de la terre tombaient de son corps.
Alors, il recommença de nouveau, veillant à toujours rester hors du cercle pour ne pas se faire avoir.
La seconde décharge lui fit perdre un bras.
La troisième et le golem tomba totalement en morceaux.
- Tu aurais pu m'inviter pour la fête, tu sais.
Geralt rangea son glaive en se tournant vers l'extérieur du cimetière des golems pour voir Ann venir vers lui, sa cape la protégeant un minimum de la pluie. Le Loup Blanc ne lui offrit aucune réponse et se pencha vers les restes de la créature, éparpillant les fragments du pied jusqu'à trouver la pierre qu'ils cherchaient. Il la fit sauter dans sa main et la lança à Ann qui la rattrapa au vol.
- Va mettre ça en place, je sais où trouver la dernière pierre. On va en finir avec Azar Javed aujourd'hui même.
- Le plan reste le même ?
Le Loup se contenta de hocher la tête. A son plus grand amusement, Ann se mit à miauler, avant de se détourner.
- Je vais gentiment demander aux druides si je peux laisser mes affaires avec eux et on se retrouve à la tour.
Elle se tourna et disparut de nouveau dans les marais.
Son camarade la regarda partir, adressa un dernier coup d'œil aux restes de la Sentinelle, et se détourna. Il traversa le marais au pas de course. Il avait un rendez-vous important à Wyzima.
Ainsi, quand il arriva dans le quartier du Temple, ses pas le portèrent vers la maison du détective où il trouva « Raymond » qui lui sauta presque dessus.
- Vous tombez bien, Loup Blanc ! s'exclama le détective.
- Ah ?
- Ecoutez, j'ai tout découvert. Kalkstein et le Boucanier bossent ensemble, j'ai des preuves irréfutables.
- Et que faisons-nous avec ces informations ?
- On leur tend un piège, mais ça risque d'être dangereux. Préparez votre matériel et revenez quand vous serez prêt à botter quelques fesses.
- Et pour ce qui est du Commandant Vincent Meis, de la garde royale ?
- Je l'ai vu il y a peu en ville, en train de poursuivre des pervers pour les passer au fil de sa lame.
- Comment ça ?
- Je vois pas ce qui choque, après tout, tout le monde sait que le commandant déteste tout ce qui peut passer pour déviant à ses yeux.
- Tout le monde sait mais peu sans préoccupe. Sinon, je suis prêt pour votre piège. On commence par qui ? Boucanier ou Kalkstein ?
- On va commencer par les jambes. Il conduit les forces armées de la Salamandre, nous allons donc devoir le tuer.
- Pas facile mais je le ferai.
- Reviens me voir quand tu en auras fini, on parlera du cerveau.
Le mutant tourna les talons et tranquillement, quitta le domicile du détective. Il prit tout aussi paisiblement la route vers les bas-fonds. Il descendit vers la tanière du Boucanier pour voir deux nouveaux videurs remplaçant ceux qu'il avait déjà tués. C'était l'occasion de tester ce que Portgas lui avait montré avec Axii.
Il regarda dans les yeux l'un des malabars.
- J'ai la clef, je peux entrer, n'est-ce pas ?
Et il concentra sa magie dans ses doigts pendant qu'il enchainait les signes. Ses yeux ambrés s'allumèrent brièvement alors que son interlocuteur clignait des yeux.
- Oui, tu peux rentrer, lui dit l'homme.
- Le chef a dit qu'il ne voulait voir personne ! protesta l'autre garde.
- Il a déjà la clef, donc, il peut, pointa le premier.
C'était une réussite.
Lentement, le sorceleur commençait à retrouver ses capacités oubliées. Il passa entre les deux malabars qui se disputaient et ouvrit la porte pour entrer dans la planque, alertant l'occupant.
- Qu'est-ce que tu veux cette fois ? grogna le chef de la pègre.
- Je me suis dit que tu aimerais connaître les derniers ragots au sujet de la Salamandre.
- Tu sais où il se cache ? C'est parfait, mes gars ont besoin d'enculer quelqu'un.
- Il vaut mieux que tu meurs.
- Pardon ?
La voix du Boucanier perdit dix degrés en un seul mot et sa main se dirigea vers son gourdin clouté.
- Avant de lever ton arme, écoute-moi. Javed a tué Raymond et se fait passer pour lui grâce à la magie. Il a essayé de me manipuler pour que je te tue. Ta mort lui serait très avantageuse. Je peux lui dire que je t'ai tué, mais il faut que toi et tes hommes, vous jouiez le jeu. Donc, profil bas pendant un temps, jusqu'à ce que l'illusion saute, sinon, il va prendre la fuite et tout ça ne servira à rien. Raymond sera mort pour rien.
- D'accord, tu vas donc le prendre par surprise, apprécia le bandit en retirant sa main de son arme. Mais il n'empêche que tu vas l'affronter seul, et qu'il m'a pas l'air d'un mage de pacotille.
- J'ai déjà un plan de préparer et je ne serai pas seul. Fais ce que je te dis et joue le jeu.
- Ton arme.
Sans hésitation, Geralt lui donna son glaive d'acier tranchant sur lequel le Boucarnier s'entailla la main. Il la fit courir sur toute la longueur pour mettre assez de sang dessus, avant de retirer son cache-œil qui dévoila une orbite vide. Prenant les preuves de son acte, Geralt tourna les talons et ressortit dehors où les deux costauds se disputaient encore. Il changea son glaive de main pour le cacher un minimum de la garde, et accéléra le pas. Rapidement, il arriva dans la maison de Raymond pour voir son occupant descendant les marches.
- Des nouvelles, Loup Blanc ? demanda l'imposteur.
- De bonnes nouvelles, vous serez ravi… Raymond.
- Le Boucanier est mort ?
En tendant bien l'oreille, Geralt percevait la joie et la satisfaction dans la voix de son interlocuteur. Alors, pour toute réponse, il lui montra son arme et le cache-œil. Il était temps de voir si sa proie allait s'approcher de l'appât.
- Il ne nous embêtera plus. Mais ce n'est pas tout, nous allons bientôt pouvoir nous occuper du compte d'Azar Javed. J'ai un plan pour ça. Votre famille sera bientôt vengée.
Et Geralt jeta sur la table le cache-œil.
- Quel est le plan ?
La proie fit un pas de plus vers l'appât.
- Je voulais m'en charger personnellement, mais si vous voulez aider…
- Bien entendu que j'en suis. Vous me payez, après tout. Et surtout, nous sommes amis maintenant…
La proie renifla l'appât.
- Oui… amis… Maintenant que nous avons coupé les griffes de Javed en nous débarrassant du Boucanier, nous pouvons avoir Kalkstein et Javed en nous basant sur ce qu'ils désirent tant.
- Et de quoi s'agit-il ? s'enquit le détective avec curiosité.
Elle mordilla doucement un bout de l'appât.
- Les secrets dans la tour des marais. Je sais comment l'ouvrir, et j'aimerais votre aide à ce sujet.
- Bien sûr, quoi donc ?
- Venez avec moi dans les marais, et quand je l'aurai ouverte et que j'aurai pris les livres secrets qu'elle contient, cachez-les loin de moi. Nous ne pouvons pas laisser Javed s'en emparer.
- Quand partons-nous ?
Elle venait à présent de mordre à pleines dents dans l'appât sans réaliser le piège.
- Maintenant.
Être un mutant sans émotion était un avantage dans ce genre de situation pour garder une poker-face à toute épreuve.
- Nous devons protéger tout ce qui est dans la tour, tous les livres et les parchemins. Les utiliser pour appâter notre cible, dit Raymond.
- Il y a un accroc dans ce plan. Je n'ai pas encore déverrouillé la porte.
Et comme il s'en doutait, le sephirot manquant lui fut donné par l'usurpateur lui-même.
- C'est là que j'entre en scène. J'avais cette pierre avec moi depuis quelques temps déjà, et je sais qu'elle est la clef de la tour, ou du moins, une partie de la clef. Assurez-vous d'intéresser Kalkstein, comme convenu.
- Je propose qu'on ouvre d'abord la tour, qu'on mette le tout en sécurité, avant d'avertir Kalkstein. Avec lui et Javed sur place, la tâche ne sera que plus ardue.
- C'est un bon point. Retrouvons-nous dans les marais pour cela avant de nous tourner vers l'alchimiste.
Geralt tourna les talons en rangeant son arme et sortit de la maison. Sans attendre, il courut aussi vite que possible vers le quai, passant les portes à toute jambe. Il descendit sur le ponton de bois pour trouver le pauvre homme qui se chargeait de l'aller-retour.
- Vite ! Au marais !
- D'accord m'sieur, mais l'argent…
En faisant un effort pour ne pas s'agacer, Geralt lui mit les cinq orins du voyage dans la main. Et ainsi, la barque fit la traversée.
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Geralt revenait de la clairière des druides où il avait vu qu'Ann avait en effet déposé ses affaires. C'était là-bas aussi que le dernier sephirot avait l'obélisque associé. Pataugeant dans l'eau croupie, ne prenant même pas la peine de s'arrêter pour affronter les monstres sur sa route, le Loup Blanc esquiva le moindre obstacle pour parvenir à rejoindre sa destination au cœur des marécages.
La Tour du Mage.
Il finit par trouver un chemin de terre ferme et solide qui le mena à la petite pente artificielle qui s'élevait jusqu'à l'entrée de la grande tour de pierres moussues.
Raymond n'était pas encore là.
Parfait.
Il poussa la porte et son médaillon se mit à vibrer contre sa gorge.
Mais aucun signe de monstres.
En levant la tête vers les étages, le sorceleur remarqua rapidement que l'escalier continuait de monter en hauteur en longeant le mur, dépassant aisément la taille extérieure de la tour, avec un plafond qui se perdait dans l'obscurité.
C'était donc la magie qui faisait se manifester son médaillon
Mais outre la pierre des éléments qui représentait le symbole de Axii qu'Ann lui avait réapprit et les étagères pleines de livres et de parchemins, ce qui attira l'attention du sorceleur fut le livre du un pupitre juste derrière la pierre des éléments. L'ouvrage était ouvert et ne semblait pas avoir souffert du temps ou quoi que ce soit. En jetant un œil sur les pages ouvertes, le mutant constata qu'il était question de quelque chose se nommant le Bouclier d'Alzur. Sans s'attarder plus, il prit le livre et le referma, regardant les étages. Sans réfléchir davantage, il monta quatre à quatre les marches qui permettaient d'accéder à d'autres bibliothèques, montant toujours plus haut vers le sommet, avant de décider qu'il était assez loin. Il glissa le livre dans une étagère au hasard et redescendit. Bonne chance à Javed pour le retrouver.
Il sauta l'escalier pour finir agilement sur le sol de l'entrée de la tour. Il se releva et s'approcha de la porte avant de s'immobiliser.
Il sentait le danger au-dehors. Comme un frisson qui lui faisait dresser les poils sur ses bras.
Javed était là.
Il fallait espérer que l'eau des marais et la magie de la tour rendent les dons de l'homme assez instables pour qu'il ne puisse pas se défendre trop farouchement.
Il ouvrit sa besace et sélectionna trois élixirs. Hirondelle et Chat-Huant étaient toujours la base. Il hésita sur la suite, avant de prendre un flacon au contenu rouge orangé, tirant presque sur le marron. L'élixir du Loup était un bon compromis quand on ne savait pas de quoi était capable l'adversaire en face, tout en restant très utile, puisque ça affectait la précision. Sans parler qu'avec son taux de toxicité, il lui restait un peu de marge encore pour consommer une potion importante comme une Décoction de Raffard le Blanc qui l'aiderait à retrouver assez de vitalité afin de ne pas mourir s'il avait un pied dans la tombe.
Il avala les élixirs les uns après les autres en grimaçant quand les toxines se répandirent dans ses veines en les colorant temporairement de noir. La douleur s'effaça, mais laissa derrière des tâches rougeâtres sur le bord de son champ de vision. Il devrait être prudent dans sa consommation d'élixirs dans les huit prochaines heures.
Il rangea les fioles vides dans sa besace et sortit de la tour, se retournant pour fermer correctement la porte derrière lui.
- Excité de connaître la vérité ? demanda Raymond dans son dos.
Il entendit des pas qui se voulaient discret sur le sol de terre et le bruit d'une épée qu'on tire de son fourreau.
- Plus que tu ne le penses, répondit Geralt sans se retourner.
Qu'il approche, un peu plus, encore un peu plus.
- Juste une question… continua le mutant.
Là, il le sentait. Il était juste derrière lui.
En rassemblant toute sa force et sa vitesse, Geralt tourna sur lui-même et son poing frappa l'usurpateur en plein visage, lui faisant cracher du sang et perdre l'épée qu'il cachait auparavant dans sa canne. Légèrement sonné, il se redressa alors que le sorceleur se rapprochait, reculant sur ses fesses pour mettre de la distance entre le mutant en colère et lui.
- Comment t'as eu l'idée de prendre l'identité de Raymond ?
Raymond s'illumina pendant un instant d'une lueur orangée et un autre homme apparut à sa place, se remettant debout. Grand, musclé, la peau foncée, parcourue de scarifications et de piercings cabalistiques. Il portait des vêtements de cuir exotique, décorés de chaînettes d'or et d'argent et un gros foulard bigarré autour du cou. Sur son visage étrangement ridé pour un mage capable d'une telle magie, il portait une demi-cagoule de cuir qui lui prenait le sommet du crâne et juste le contour de l'œil gauche avant de remonter par-dessus l'oreille qui était percée de trois anneaux de métal.
- Brillant… surtout de ta part, complimenta le mage de sa voix profonde avec un soupçon de moquerie. Il se rapprochait, et toi et cette minette lui faisiez confiance. J'aurais été stupide de ne pas profiter d'une telle situation.
Le sorceleur s'arrêta nez à nez avec la montagne de muscle qui le dépassait légèrement en taille.
- As-tu oublié que ça te mettrait face à face avec un sorceleur ? Eh bien, je serais stupide de ne pas utiliser l'avantage d'une telle situation.
Et il tira son glaive d'acier.
- On a assez discuté comme ça, maintenant, conduis-moi jusqu'aux objets que tu as volés à Kaer Morhen.
Javed garda une main sur la hanche en caressant son collier de barbe brune, suivant des yeux l'arme dans la main du mutant. Usant de toute sa vitesse, Geralt fit voler sa lame pour attaquer son adversaire qui disparut juste sous ses yeux dans un crépitement électrique. Il réapparut juste derrière le mutant, dos à la porte de la Tour, avant de marmonner quelque chose dans sa barbe et de bouger ses mains pour lancer une vague électrique que le sorceleur esquiva en se baissant sur ses jambes. Mais tout autour, des flammes s'élevèrent, et d'elles, sortit un gros ver volant, avec des petites mains, une tête et des yeux disproportionnés, qui vola vers Geralt. La forme éthérée en dépit des flammes qui la composaient ne voulait dire qu'une chose : Ifrit. Il sauta en arrière pour s'éloigner de la créature qui fonçait vers lui et tira sa lame d'argent. Il sauta par-dessus la larve quand elle l'attaqua de nouveau et se retourna pour faire face à la tour et Azar, tout en gardant son adversaire en vue. Le sourire du mage et sa façon de croiser les bras disaient qu'il espérait voir son invocation faire le boulot à sa place. Serrant les dents en se préparant aux brûlures, Geralt dessina Yrden sur le sol et recula légèrement. La créature tomba dans le piège et se retrouva immobilisée par le signe, permettant au sorceleur de le passé au fil de sa lame d'argent. Chaque coup taillait le feu sans laisser de marque, mais dans le métier, il fallait apprendre que même si ça ne laisse pas de trace, ça ne veut pas dire que ça ne sert à rien. Après tout, les hurlements de la créature et sa façon de se recroqueviller étaient des preuves de son efficacité.
Il y eut un flash de lumière, mais rien ne l'aveugla alors qu'il détournait la tête par instinct pour se protéger. Un second flash apparut, plus puissant que le précédent, venant de l'Ifrit. S'il avait continué de le regarder en face, il aurait été momentanément paralysé par l'éblouissement. De derrière son bras, il attendit que la lumière se calme avant de repartir à l'assaut, finissant au bout de deux petites minutes par défaire le monstre. Une moue agacée apparut sur le visage sombre de Javed qui leva les mains pour faire apparaître un portail de téléportation magique dans l'arène de flammes. Le Professeur en jaillit alors que le mage traversait les flammes comme si elles n'existaient pas après s'être fait apparaître deux épées.
- Je réponds à votre appel, maître, annonça l'assassin en s'arrêtant à quelques pas de Javed tout en faisant face au mutant. J'écoute et j'obéis, tel un génie.
- Arrête tes conneries, Professeur et tue-le !
Où était Ann ? Elle aurait dû l'aider, normalement !
- Vois-tu, sorceleur, il y a trop d'eau autour pour le confort de Azar, pointa le Professeur en dégainant son arme. Les mages de feu sont… limités. Il a besoin de moi pour faire le sale boulot.
- Parfait. Deux asticots avec une même pierre, rétorqua Geralt.
Une forme tomba du ciel juste au-dessus de Javed qui dut pressentir quelque chose puisqu'il se téléporta à l'autre bout du terrain.
- C'est bien pour ça qu'on a choisi cet endroit pour organiser cette petite sauterie, commenta Ann en se redressa, deux dagues en main.
- Je me doutais que tu ne devais pas être bien loin ! gronda Javed avec un rictus.
- La seule façon pour moi d'avoir été loin, c'est si les boulets qui servent de chair à canon pour ton organisation n'avaient pas eu l'idée de m'attaquer. Mais quand le maître est stupide, les chiens le sont tout autant.
Elle rangea ses dagues et tira son glaive d'acier qui semblait enduit d'une huile brunâtre.
- Odorimasho ka, anta-tachi ? demanda-t-elle en souriant.
Geralt tourna sur lui-même et s'attaqua à Javed, laissant Ann gérer l'escrimeur qu'était le Professeur.
Qui découvrit rapidement que la substance huileuse du glaive n'était pas là pour des prunes puisqu'une simple coupure sur son épaule fit couler le sang à flot pendant quelques secondes. A côté, elle semblait avoir du mal à éviter les coups, même si en se concentrant sur la vitesse, elle empêchait son adversaire d'attaquer énormément. Geralt reconnut cela comme la potion de Tonnerre. Elle se concentrait sur l'offensive pour en finir vite. Il aurait pu en faire autant, mais devant les deux épées de Javerd, il était content de son choix pour l'élixir du Loup. L'homme était brutal, comme une création infernale cherchant à le tuer. Mais le mutant était agile, rapide, et même s'il avait perdu la mémoire, il avait l'habitude des modes de combats avec des adversaires imprévisibles.
Sans même le réaliser, pourtant, les deux mutants se rapprochaient l'un de l'autre, le Professeur ayant apparemment changé de tactique pour revenir vers son chef. Et quand les deux sorceleurs furent quasiment côte à côte, l'assassin tira un objet de sa tunique noir et le jeta à terre.
- ABUNAI ! hurla Ann en se protégeant le visage.
Pas assez vite, une petite bombe éclata entre les pieds des mutants et les deux chefs de la Salamandre reculèrent. Un gaz sortit des débris du sol et de la bombe. Trop tard pour retenir leur respiration, ils en avaient respiré juste assez pour avoir du mal à rester debout, laissant les deux hommes qu'ils avaient voulu piéger libres de fuir.
- Azar, espèce d'idiot ! incendia le Professeur en portant sa main à une coupure sur sa poitrine qui saignait abondamment, là où Javed n'était pas non plus en meilleur état. Tu as laissé ses sorceleurs prendre le dessus ! Tu as failli me faire tuer !
Geralt s'effondra et Ann tomba à genoux, sa manche plaquée sur son visage alors qu'elle toussait.
- Silence !
Il regarda la D. dans les yeux et leva le menton en frissonnant quand celle-ci lui lâcha une bonne rasade de Haoshoku à la gueule qui fit remonter un frisson le long de son échine. Et elle s'effondra.
- Retournons à notre base dans le Quartier Marchand. Avant qu'ils ne se réveillent.
Et il invoqua à la hâte un portail magique dans lequel il disparut, le Professeur le rejoignant à reculons, son arme toujours devant lui et sa main essayant de lutter contre l'hémorragie de sa poitrine.
- Nous nous reverrons, abominations.
Et il disparut à son tour dans le portail.
Les flammes s'éteignirent, laissant les deux mutants inconscients sur le sol, mais ce n'est pas pour autant que les marais retrouvèrent leur paix.
Une bataille dans les marais débuta à cet instant même, loin de la tour.
Une bataille qui n'était que le début d'évènements qui allaient bientôt secouer la Temeria tout entière.
Pressentant le conflit en approche, les deux adversaires étaient désireux de tester les limites de l'ennemi. Une simple attaque de routine d'une patrouille se transforma en une bataille rangée entre les non-humains et l'Ordre de la Rose Ardente.
Les Scoia'tael étaient déterminés, leur désir de liberté était puissant, et cela les mena à la victoire. L'Ordre de la Rose Ardente apprit de cela que les elfes et les nains étaient des ennemis bien plus dangereux que ce qu'ils pensaient.
Azar avait exclu de cette bataille les sorceleurs, volontairement ou non.
A leur réveil, ils ne pourraient rien voir d'autres que des piles de corps jonchant les marais.
Et comme le futur le leur prouverait, cela aurait été la dernière occasion se présentant à eux pour rester neutre. Dans le futur, ils seraient obligés de choisir leur camp.
