Salut à tous !

Nous voici dans un nouveau chapitre et je vais planter un truc qui va grave jouer plus tard dans l'histoire, SURTOUT pour le jeu 3. J'ai des tas de projets, des tas d'idées, des trucs foireux en tête, des omakes sous le coude (pour l'instant, j'en ai un de prêt et un deuxième en cours avec un troisième en projet) pour répondre à des chtites questions. Mais on est pas ici pour ça, aujourd'hui !

Aujourd'hui, on a affaire à celui que beaucoup de youtuber voit comme un "Bro" (même le Lennon c'est pour dire) : Vernon Roche. Et... il a des choses pour nous. Mais ça ne sera pas gratos.

Avant de vous lâcher, je veux remercier Mai96 pour sa review et lui adresser un petit message :

Tu le vois bien, là, le Marco. Eh bien, profite, parce qu'on le revoit plus avant un moment (je peux pas dire qu'il est mort, c'est pas la bonne fic et je veux pas finir lapider).

Donc, sur ce, soyez prudent avec le Covid dehors et restez en bonne santé. Bonne lecture et à bientôt !

Bises !

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Six ans.

Six ans depuis la mémorable bataille de Brenna où l'empire du Nilfgaard avait dû s'incliner, suite à une lourde défaite, devant les Royaumes du Nord. Et quelle victoire. Depuis, le nord n'était plus que famine et maladie, pendant que les elfes, les halfelins et les nains, las de vivre dans des ghettos, fuyaient vers les forêts pour grossir les rangs des Scoia'tael.

Mais alors qu'il s'éloignait à tire d'aile du château La Valette, Marco se disait que quelque chose de plus sombre se préparait à l'horizon.

Comment Iorveth arrivait-il à faire confiance à cet homme ? Cela le dépassait.

D'abord on cherchait à faire tuer Foltest, puis Demavend disparaissait ? Sans Geralt de Riv, la première tentative d'assassinat aurait réussi, et les Scoia'tael n'auraient pas eu à s'impliquer. Ils auraient pu rester en retrait, sur le banc de touche, à regarder les humains se déchirer dans une nouvelle guerre qui se profilait à l'horizon, et ensuite frapper le vainqueur affaibli.

Mais non, l'elfe avait accepté d'aider l'assassin du souverain d'Aedirn. Connaissant Isengrim, Marco était certain que Iorveth l'aurait senti passer si son ancien supérieur dans la brigade Vrihedd avait été sur place.

Il plissa les yeux en repérant la masse écailleuse d'un dragon qui volait bizarrement dans le ciel, un peu sur sa droite. Il poussa un puissant sifflement qui perça le bruit du vent. Le dragon l'entendit et cessa de faire n'importe quoi pour virer de bord vers les montagnes proches. Là, sur un plateau, à l'abri des regards, les deux créatures ailées se posèrent et le Phénix reprit forme humaine, retrouvant sa silhouette camouflée de sa longue cape à capuche couleur forêt.

- Arrête de faire ta chochotte, tu es une grande fille, alors tiens-toi tranquille, yoi, rouspéta l'oiseau à l'adresse du dragon gémissant.

Comment ne pas comprendre la douleur du reptile quand il avait une épée en argent en travers du palais. Sans crainte, Marco posa un pied sur la langue du dragon qui avait pourtant une gueule aussi grande que lui et observa la blessure en s'éclairant d'une poignée de flammes turquoises, à moitié penché dans le gosier.

- Prête ?

Un grognement sourd lui répondit.

D'un geste rapide, l'épée fut arrachée du palais, tirant un hurlement de douleur à la pauvre créature qui commença à s'agiter.

- Hey ! Calme-toi ! L'épée est dehors, je vais te soigner ça, mais si tu bouges, tu vas me compliquer la tâche, yoi !

Il appliqua sa main de libre sur la blessure dans le palais et regarda sa régénération accélérer la cicatrisation, avant de reculer et laisser le grand reptile refermer sa mâchoire.

- Là. Tu vois, ce n'était pas si terrible, yoi.

La petite gerbe de flammes qu'il manqua de recevoir en pleine figure lui offrit sa réponse.

- Évite pendant quelques jours de te passer la langue sur le palais, d'accord ? Rentrons.

Il se tourna une dernière fois vers le château que le roi Foltest était en train d'assiéger. Il ne pouvait pas se permettre de surveiller ce sorceleur inquiétant qui avait pris contact avec Iorveth, il avait plus important à faire. Un projet utopique rendu possible par la mort de Demavend, raciste notoire. Il fallait seulement espérer que le prince Stennis, l'héritier du royaume, ne soit pas aussi stupide que son père, ou lui aussi finirait dans la tombe. Parce que pour voir ce projet prendre racine, Marco ne reculerait devant rien.

C'était tout ce qui lui permettait de tenir dans sa quête infructueuse pour retrouver son époux.

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Encore une fois, la Chasse Sauvage avait envahi ses rêves. Il était certain que cela devait être important, mais pourquoi ? Il l'ignorait.

Sauf que cette fois, ce ne fut pas le corps nu de Triss qui se révéla à lui quand il ouvrit les yeux. Il était dans un des cachots du donjon La Valette, suspendu au plafond par les poignets, le dos brûlant et saignant après le passage du fouet. Pour seul vêtement, on lui avait juste laissé son pantalon de cuir qui lui collait à la peau, laissant ses plaies et ses cicatrices au grand air. Et comme compagnie, deux soldats témériens jouant aux dés à la lueur d'une bougie, devant sa cellule. Deux hommes fort sympathiques qui prirent grand plaisir à lui rapporter, entre deux coups de poing dans le visage ou dans le ventre, tout ce qu'on disait sur les sorceleurs. Des fils de putains ; des orphelins enlevés par les mages passant au bord des routes pour qu'on puisse conduire des expériences sur eux ; des vicelards qui enculaient des sorcières à l'équinoxe et obtenaient ainsi leurs yeux bizarres.

En ayant assez, Geralt usa du Haki pour durcir son ventre.

Craaac

Le garde hurla quand ses doigts se brisèrent.

- Assez !

La voix claqua dans le cachot, coupant court au bizutage du mutant.

Vernon Roche.

L'homme était donc toujours vivant.

- Conduisez-le en salle d'interrogatoire, ordonna le chef de la division des forces spéciales témériennes.

- Je te croyais mort, souffla Geralt avec une voix rendue rauque par la soif.

Du mieux qu'ils le purent, les deux soldats le détachèrent et lui lièrent les mains dans le dos, avant que le blessé ne se remette à se lamenter sur sa main cassée qui avait été un sacré handicap dans la tâche.

- On ne me tue pas aussi facilement, rétorqua Roche en tournant les talons.

C'est ainsi donc que Geralt se retrouva bien vite assis dans une pièce en pierre, face à face avec le chef de force spéciale Témérienne. Entre eux, une simple table de bois.

- Je ne pense pas que nous ayons été présentés. Je suis Vernon Roche, se présenta l'homme dans sa lourde tenue bleue et blanche.

Et il tendit une main à Geralt, comme pour lui serrer la pince.

Avait-il oublié que le Loup Blanc était son prisonnier et qu'il avait les mains liées dans le dos ? Getalt devait-il être injurieux envers Vernon Roche ou juste pointer les faits ?

Allez, il aurait tout le temps de lui dire le fond de sa pensée plus tard.

- Il va falloir faire le tour si tu veux que je te serre la pince.

Vernon se redressa en se traitant d'idiot pour avoir oublié. Il se tourna vers la porte en bois renforcée qui fermait la salle d'interrogatoire :

- Cyn !

Quelques instants plus tard, une femme entra. Une combattante, à n'en pas douter. De très courts cheveux blonds, un visage buriné par les combats, un pantalon et une lourde veste cloutée aux couleurs de la Temeria. Intéressant, une femme dans les forces spéciales, donc ?

- Détache-le.

Sans poser de question, elle fit le tour de la table avec le bruit de ses bottes et de ses protections de métal résonnant sur la pierre. Elle défit les menottes de Geralt avant d'aller se tenir sur le côté de la table, attendant certainement d'autres ordres.

Le sorceleur se leva et se présenta à son tour auprès de Roche :

- Geralt de Riv.

Et ils se rassirent après s'être serrés la main. Le blanc montra la femme qui devait avoir entre vingt et trente ans, demandant s'il était possible d'avoir des présentations.

- Sans façon, refusa la jeune blonde.

- Apporte-nous quelque chose à boire, on ne peut pas rester ici avec le gosier sec, demanda Roche.

Et comme un bon soldat, elle s'en alla, refermant la porte à clef derrière elle. Roche s'appuya sur la table, jetant un regard perçant de dessous son turban à Geralt.

- Tu vas me dire tout ce dont tu te souviens de l'assaut… et tout ce qu'il s'est passé dans le temple.

- Et si je refuse ? demanda Geralt en croisant les bras sur sa poitrine parcourue par un immense réseau de cicatrices.

- Eh bien, je serais obligé de te tirer les informations par la force. Cela fait un moment que je dirige les forces spéciales, tu peux donc en déduire que je suis bon pour ce qui est d'obtenir des informations. A côté, tu es un sorceleur, tu as déjà enduré beaucoup…

- Tu ne crois pas si bien dire.

Quelques souvenirs lui revenaient depuis le soulèvement de Wyzima. Il se rappelait notamment de l'Épreuve des Herbes. Si Vernon arrivait à faire pire que cette étape de la formation des Sorceleurs, il voulait bien se faire fermier.

- Dans le pire des cas, tu subiras la torture, retourneras à ta cellule et demain… Tu seras mené sur la place publique pour être éventré, écorché et pendu, dit froidement l'humain.

- Comme ça ? Pour rien ?

- Non. Pour la Temeria.

- Glorieux.

Puisque Vernon voulait l'écouter, autant le satisfaire et sauver sa peau.

- Je commence par quoi ?

- Cela a été une longue journée, contente-toi des passages importants.

Alors, Geralt commença :

- Que nous soyons bien clairs, j'étais le dernier à vouloir aller me battre ce matin-là. Mais on ne dit pas non à Foltest…

Alors, il lui raconta tout ce qu'il avait fait et ce qu'il s'était passé jusqu'à ce qu'il rejoigne les remparts.

- Ah, et cette tour de siège était tout bonnement ridicule, commenta le mutant.

- Elle a été conçue de façon à briser le moral des rebelles, lui répondit Roche.

- Ce que j'ai vu, c'est surtout une brochette de seigneurs qui se pavanaient sur les murs pendant que la vraie armée se battait et mourrait en bas dans la merde et dans les rues qui empestent la pisse.

- Si mes longues années de service m'ont appris quelque chose, c'est que ce sont toujours ceux qui ont la meilleure naissance qui ont les meilleures places et les meilleures tenues. Que ce soit au bal ou à la guerre. Mais c'est pas le moment de discuter de ces conneries, sorceleur. Continue ton histoire.

- Eh bien, les choses se sont déroulées assez tranquillement une fois qu'on est sortis de cette stupide tour. Jusqu'à ce que l'on se retrouve nez à nez avec Aryan La Valette…

Et il lui raconta ce qu'il s'était passé au sommet de la tour.

- Tiens donc, Aryan La Valette a déposé les armes, nota le chef des Stries Bleues. Eh bien…

- Vous lui avez parlé ? demanda Geralt.

- Brièvement, juste avant qu'ils ne l'embarquent dans la salle de torture. Le prix de la traitrise. Poursuis.

- Tant que j'y suis, qu'est-ce qu'il en est du phénix et du dragon ?

- Eh bien, à eux deux, ils ont détruit la quasi-totalité du château, tué des tas et des tas de soldats, avant de prendre le large.

- Vers où ?

Roche haussa des épaules.

- Dans la direction générale de Aedirn, lui dit le soldat.

- Dire qu'ils ont presque failli nous tuer, soupira le mutant. Ce qui est très étrange parce que les phénix sont des créatures pacifiques.

- Cela fait combien de temps qu'on en a vu un pour la dernière fois ? Deux, trois siècles ? Alors, qui peut dire s'ils n'ont pas décidé autre chose entre-temps. Ne change pas le sujet et continue.

Donc, Geralt lui raconta la suite. L'intervention des deux bêtes rares et la fuite.

- Ces foutues bestioles ont failli changer l'issue de cette guerre, grommela Roche.

- La bataille aurait dû les effrayer, ils n'auraient pas dû se retrouver là.

- Oublie-les, je dois savoir comment cette histoire s'est finie.

- Tu es resté à mes côtés presque tout le temps après que le pont se soit effondré.

- Presque, justement. Parle-moi de comment tu as réussi à infiltrer le monastère.

N'ayant rien de mieux à faire, Geralt raconta. Jusqu'au cloître et la mention des elfes, où Roche l'interrompit.

- Les Scoia'tael… Le puzzle commence à s'assembler. Soit tu dis la vérité, soit tu es un menteur très convaincant. Mais je veux entendre la suite. Où sont les bâtards de Foltest ? Que s'est-il passé dans le monastère ?

- Eh bien, je pense qu'on aurait pu y arriver à temps si ça n'avait pas été Tailles.

- Soit plus spécifique, sorceleur.

- Eh bien, l'archiprêtre a dit la vérité…

Alors, le reste de l'histoire continua, avec la rencontre avec le prêtre et le nobliau, la traversée du pont durant laquelle ils avaient été séparés à cause du dragon. Puis, les retrouvailles avec les deux enfants de Foltest et l'assassin caché sous le froc d'un moine. Son incapacité à sauver le roi, ou même arrêter l'auteur des faits. Puis, pour conclure, son arrestation.

Roche resta de marbre tout du long, attendant que le mutant cesse de parler.

- Je suppose que c'est tout ce que tu pourras me donner, conclut le chef des Stries Bleues.

Il n'y croyait pas des masses, mais Geralt devait quand même essayer :

- Est-ce que ça veut dire que je suis libre ?

Vernon se pencha un peu plus sur la table et articula soigneusement pour que le blandin puisse bien comprendre sa situation :

- Foltest, Roi de Temeria, a été assassiné. Et dommage pour toi, tu es le seul suspect.

- L'assassin a été plus intelligent que toi, donc, c'est moi qui dois pourrir en cellule, grommela le mutant.

- Oh, je te rassure, aucune chance que tu y pourrisses, tu seras pendu.

Merveilleux. Que disait toujours Vesemir ? Ah oui, si on doit se faire pendre, toujours demander un verre d'eau juste avant, parce que nul ne peut savoir ce qu'il peut se passer pendant qu'on la puise et qu'on l'apporte. Il devrait peut-être mettre l'astuce au défi.

Ou peut-être pas.

- Convaincs-les de ne pas le faire.

- Je n'ai aucune influence sur la cour.

De plus en plus probable qu'il doive mettre en œuvre l'astuce de Vesemir. Il pouvait essayer de jouer la montre sinon. Allez, faire parler Roche. Tant qu'ils parlaient, Geralt vivait et il pouvait trouver une idée pour s'en sortir.

- Foltest a parlé de toi, commença le mutant.

Le respect du soldat pour son défunt roi était évident.

- Sans lui, je serais un ivrogne ou un mendiant. Sa Majesté Foltest en a fait plus pour moi que mon propre père. Après, c'est assez facile, puisque mon père n'a jamais rien fait pour moi. Je l'ai jamais connu.

Le ton de l'agent spécial se fit encore plus dur.

- Je ne trouverai pas la paix tant que je n'aurais pas trouvé et puni son assassin.

- Tu faisais quoi pour lui, exactement ? Thaler m'a vaguement parler de toi, mais sans plus.

- Thaler est un espion. Moi, j'exécute les ordres que d'autres ne peuvent accomplir.

Ce qui pouvait correspondre à presque tout et n'importe quoi. Ne voulant pas laisser la conversation retomber, Geralt enchaîna :

- Quelle est la situation en Temeria ?

- Le Conseil des Régents est intervenu pour rétablir l'ordre. Ce qui signifie trois choses : le pays va rester dans le chaos le plus total ; Wyzima va se retrouver à sec pour tout ce qui est vin et alcool fort ; et les catins vont avoir beaucoup de travail.

- Est-ce que Triss participe aux réunions ?

- En effet.

La lueur d'espoir s'éteignit immédiatement.

- Seulement pour se voir annoncer que ses services n'étaient plus nécessaires.

- Comment tu le sais ?

Vernon haussa des épaules.

- C'est mon travail de savoir ce genre de choses.

Geralt avait du mal à en croire ses oreilles. Les Nordiens avaient une culture très, si ce n'était trop traditionnelle. Et on avait toujours au moins une magicienne au conseil. Et Foltest, en plus de Triss, avait deux autres conseillers magiques, normalement. Ou peut-être pas… il avait vaguement entendu parler d'un magicien, mort durant le soulèvement de Thanedd, mais il y avait une femme, Keira Metz, s'il ne se trompait pas (le nom lui semblait en tout cas très familier) qui devait encore siéger.

- Keira Metz ?

- Remerciée depuis cinq mois pour avoir donné des conseils matrimoniaux à Sa Majesté Foltest.

Ah. Au moins il avait vu juste.

- Donc, on veut diriger un pays sans magicienne, conclut le mutant.

Vernon se contenta de hausser les épaules.

- Ils ont déjà un pays sans roi, ils font donc tout ce qu'il faut pour se débarrasser des gêneurs. Et Triss Merigold fait partie du lot.

- Que dit la succession ?

Vernon soupira et se massa le front devant le nid à problèmes qu'était la question.

- Les meilleurs partis sont le Comte Maravel et le Baron Kimbolt qui se disputent déjà le contrôle du château La Valette.

- Et concernant les enfants de Foltest ?

- Ils ont du sang royal dans leurs veines, donc, oui, ils sont mieux placés dans la succession que des nobliaux baveux.

- Je présume donc que si Triss plaide en ma faveur, personne ne l'écoutera ?

Le changement de sujet ne dérouta pas le moins du monde le soldat.

- Si elle n'était pas ta maîtresse, peut-être que ça aurait pu changer quelque chose. Malheureusement, votre relation est connue de tous.

- Comment va-t-elle ?

- Elle se porte plutôt bien.

Et le silence se fit.

Vernon le laissa durer, attendant quelque chose de Geralt, avant de finalement renoncer. Il ouvrit la bouche pour appeler quelqu'un quand la frustration du mutant éclata, prenant de court le soldat qui avait été face à un mur de glace durant toute la conversation :

- Bordel ! Tu es le Chef des Stries Bleus ! Fais quelque chose ! Le vrai assassin est là, dehors, à s'éloigner d'heure en heure pendant que tu perds ton temps ici !

- Disons que je trouve cette histoire de moine-assassin pas très convaincante, lui pointa Roche.

- Je n'ai pas dit que c'était un moine, j'ai dit qu'il portait une bure, nuance. Et il a pris le large dans une barque avec des Scoia'tael.

- Tu le reconnaîtrais ?

- Sans le moindre problème. Une montagne de muscles. Jamais vu quelqu'un de plus énorme.

Il ne précisa pas qu'il s'agissait très certainement d'un sorceleur, possiblement de l'école de la Vipère. Autant ne pas aggraver son cas.

Vernon fixa intensément Geralt, avant de se lever de son tabouret. Il marcha un peu, les bras croisés en se tenant le menton dans un geste pensif, se dirigeant vers un coin du mur face à Geralt. Il jeta un œil suspect à la porte renforcée, puis retourna à ses pensées. Arrivant à une décision, il retourna à la table. Il appuya ses deux mains dessus et se pencha vers le mutant en parlant le plus bas possible :

- Que ferais-tu si tu t'échappais ?

Le mutant lui adressa un regard pas du tout amusé.

- J'irais boire une bière.

- Est-ce que tu essayes de m'agacer ? siffla le soldat en se rasseyant.

- Vernon, si je m'échappais, tu serais le dernier à connaître mes projets, lui dit le chasseur de monstres avec exaspération.

Surtout quand il était question de retrouver Ace et d'avoir son avis. Le Chat Noir avait une mémoire intacte et un talent pour savoir des choses qu'il devrait normalement ignorer. S'il y avait bien une personne qui devait avoir une idée derrière l'assassin de Foltest, c'était lui.

Vernon se releva, fit quelques pas en rond derrière son siège et, calmement, reprit la parole.

- Laisse-moi te raconter une histoire.

- Je déteste les histoires, grommela Geralt en croisant ses bras sur sa poitrine.

- Il était une fois un sorceleur qui était accusé d'avoir assassiné un monarque…

- A tort. Accusé à tort.

- … Les charges contre lui étaient lourdes et très sérieuses. Et un seul homme pouvait l'aider…

- Laisse-moi deviner, un beau prince, ironisa le mutant.

- Le Commandant des Stries Bleues. Malheureusement, le sorceleur refusa son aide et fut pendu.

- Je préfère les fins heureuses.

- Alors aide-moi, Geralt, lui demanda Roche en se rasseyant.

Le mutant se pencha vers l'avant.

- Qu'est-ce que tu veux de moi, Roche ? Je t'ai déjà dit que ce n'était pas moi ! Sans compter que je ne sais pas qui est derrière tout ça et que franchement, j'en ai rien à foutre.

Il était le boucher de Blaviken, qu'on lui mette ou non l'assassinat de Foltest sur le dos ne changerait pas grand-chose à sa vie. Il était un mutant, un sorceleur. A un moment ou à un autre, on leur rattachait toujours une sale réputation et même les titres les plus populaires de Jaskier ne pouvait lutter contre ça.

- Pour moi, ça pourrait être n'importe qui, continua Geralt. Le roi Demavend aurait pu commanditer ça, par exemple.

- Demavend est mort, lui apprit Roche.

Le sourcil de Geralt s'arqua d'un micro millimètre.

Le souverain d'Aerdin était mort ?

- C'est vrai ?

- Il a été assassiné.

Ce qui laissait le jeune prince Stennis pour diriger le pays. Bien qu'il soit légèrement plus âgé que Radovid, il était moins expérimenté. Le roi Henselt devait se frotter les mains de l'occasion en or qui s'offrait à lui.

Cependant Geralt n'avait pas fini de faire tourner Vernon en bourrique pour cet emprisonnement.

- Ah, c'est vrai. C'est moi qui l'ai tué.

- Tu étais à Wyzima à ce moment, j'ai vérifié, lui dit le soldat en passant dans son dos avec un pas agacé.

Le Loup Blanc tourna vaguement la tête pour suivre le mouvement.

- Alors c'est un de mes Doppelganger qui était à Wyzima, j'en ai trois.

- Je ne suis pas un idiot.

- Eh bien, tu agis comme tel.

- Je veux savoir qui a tué le roi, et je le saurai.

- Et je t'ai dit que ce n'était pas moi. Mais tu as besoin de prouver quelque chose.

D'agacement, Roche s'enfonça dans la salle d'interrogatoire.

- Les fils de putains dans ton genre préfèrent pendre un innocent plutôt que d'admettre qu'ils ont échoué.

Vernon revint vers Geralt et sa voix dégoulinait littéralement sous la menace :

- Ne me traite jamais plus de fils de putain.

Le mutant sentit qu'il avait mis le pied sur la limite. Alors, il le retira.

- Très bien, coopérons, accepta avec regret le mutant.

- Sage décision.

Vernon revint s'asseoir à la table et regarda froidement le prisonnier.

- Je pourrais partir à la poursuite du Tueur de Roi, proposa Geralt.

- Tu saurais où le trouver ?

- La piste des Scoia'tael. Ils l'ont aidé à fuir. C'est par là que je commencerai. Et je suppose que tu dois les connaître.

- Et qu'est-ce qui te fait croire ça ?

Geralt croisa les bras. Il y avait brièvement vu comment marchaient les Scoia'tael en côtoyant Yaevinn, puis Toruviel. Leur façon de s'identifier entre eux. Ceux à la rivière avait des masques de tissu bien particuliers.

- Ils portaient des masques en tissu. Avec des stries bleues. Comme des trophées.

Vernon plissa les yeux avec un étrange éclat dans le regard tout juste visible sous son chaperon.

- Le commando de Iorveth. Je sais où le trouver. Il semblerait bien qu'on ait une piste à suivre.

Geralt se laissa aller un peu en arrière en se tenant à la table.

- Si tu veux qu'on reprenne de zéro, vas-y plus doucement et donne-moi de quoi manger.

- C'est toi qui as voulu jouer les durs. Mais maintenant que tu le dis…

Roche se tourna vers la porte.

- Cyn !

Quelques secondes après, la blonde entra dans la pièce en refermant la porte derrière elle.

- Apporte-nous de quoi boire et manger.

Sans la moindre hésitation, elle tourna les talons et ressortit.

- Dommage qu'on y ait pas penser plutôt, commenta le mutant.

- C'est de ta propre faute, Geralt. Ton destin est entre tes propres mains.

Cyn revint avec un plateau contenant deux chopes, une carafe d'alcool d'après l'odeur, du pain et du saucisson.

- Merci.

Sans jamais dire un mot, la blonde repartit et referma derrière elle. Roche servit les deux verres et Geralt prit un morceau de pain avec la charcuterie pour apaiser au moins un peu la faim qui le tenaillait. Il attrapa ensuite sa chopine et l'avala cul sec.

Bon sang ce qu'il avait soif.

Heureusement qu'être un sorceleur signifiait avoir l'habitude de la vie dure.

Il reposa en soupirant son verre, s'essuya la bouche de la main et recommença à manger.

- Jamais entendu parler de femmes dans les forces spéciales, commenta le blandin.

- Aussi courant que les femmes dans tous les corps de métier qu'on donne aux hommes. Comme les sorceleurs. Pourtant, vous avez le Chat Noir.

Geralt haussa les épaules.

- J'ignore totalement les critères de sélection de l'école du Chat. On est tous indépendants les uns des autres. En tout cas, on n'en a jamais eu chez les Loups.

Roche hocha la tête et répondit tout de même à l'interrogation de son prisonnier concernant Cyn :

- Cyn est l'un de mes meilleurs agents.

- Et comment tu as fini par la recruter ?

- Je l'ai sortie des griffes des Ecureuils. Elle avait juste seize ans quand ils ont incendié son village et massacré tout le monde. Le commandant de l'unité l'a trouvée à son goût et l'a épargnée.

Pas besoin d'en dire plus, le monde dans lequel ils vivaient était ainsi fait.

Comme s'il se souvenait de quelque chose, Roche reposa sa choppe et se leva, s'approcha d'un crochet mural et récupéra quelque chose dans la sacoche qui y était accrochée avant de revenir à la table.

- Une dernière chose. Ceci est un rapport au sujet d'un certain Geralt de Riv.

- Et sur la mort de Foltest ? présuma le susnommé.

- Non. Plutôt au sujet de la mort de Geralt.

Vernon se rassit en remarquant l'intérêt immédiat du mutant.

- Le rapport raconte des événements d'il y a cinq ans.

Il l'ouvrit et voulut le tendre au mutant, mais celui-ci avait l'air étrangement absent.

.


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Rivia.

Population : 1234 habitants.

Dont 253 non-humains.

Septembre 1258, une émeute se déclare, un massacre s'ensuit.

Geralt revoyait les elfes et les nains massacrés, décapités et poignardés en pleine rue, le sang et les boyaux ruisselant sur le sol entre les maisons.

Seul, il avait eu le courage, ou est-ce que c'était la stupidité, de sortir pour affronter la foule en colère, avec son glaive d'acier, regardant les têtes coupées montées sur des piques que les émeutiers brandissaient dans leur tournée macabre. Avant qu'il ne saute dans la rue et ne cherche à disperser la foule en semant à son tour la mort sur son passage.

Durant l'émeute, 76 non-humains trouvèrent la mort.

Dont Geralt de Riv en personne.

Il avait été embroché par un garçon, encore un adolescent, qui était armé d'une fourche. Il avait hésité à le tuer à cause de son âge et c'était ce qui lui avait coûté sa propre vie.

Il s'était effondré et une magicienne était arrivée pour essayer de le sauver. Une brune de petite taille aux yeux mauves, dotée d'une beauté telle qu'elle ne pouvait pas être réelle.

Yennefer.

Elle était morte à son tour en essayant de lui sauver la vie.

Dans ses derniers instants, il revoyait vaguement une jeune fille entrant tout juste dans l'adolescence. Elle avait des cheveux blancs, comme la cendre.

Et c'était elle qui s'était occupée de sa dépouille et de celle de Yennefer.

Puis le noir.

Il se rappelait à présent…

.


.

- … le lieu où ils ont été enterrés reste inconnu à ce jour, conclut Roche qui s'était décidé à faire la lecture du rapport. Le vingt et un septembre, tout Rivia parti en flammes sous les actes de la sorceleuse Anabela D. Portgas. Elle enferma tout le monde chez soi avant de brûler la ville, n'épargnant que les enfants et les non-humains. Enfants qu'elle conduisit ensuite à l'orphelinat du patelin d'à côté avant de disparaître dans la nature jusqu'aux évènements de l'an dernier.

Et Roche referma le rapport.

- Est-ce que tu as une explication ? demanda le Commandant.

- Je… je viens juste de revoir ma propre mort.

Même en étant l'homme le plus lisse du monde, il ne pouvait cacher le choc que cela lui faisait.

- Et le reste ? As-tu retrouvé toute ta mémoire ?

- C'est tout, je me souviens juste de la fin et de quelques flashs séparés de ce qu'était le début de ma vie.

- Je vois. Finis de manger, nous avons fait le tour et tu auras besoin de force.

Geralt ne se le fit pas dire deux fois. Il mangea goulûment, ne laissant pas la moindre miette sur la table, reprit une nouvelle rasade d'alcool et s'essuya de nouveau la bouche. Roche frappa dans ses mains en appelant Cyn qui arriva toujours aussi vite.

- L'interrogatoire est fini. Menotte le prisonnier.

Elle décrocha les menottes de sa ceinture et contourna la table pour les remettre aux poignets de Geralt qui se laissa faire. Roche leva une main en disant qu'il allait prendre la clef et la jeune femme la lui donna en partant, refermant encore une fois la porte grinçante. Vernon se leva et se pencha par-dessus la table.

- Je vais remonter la rivière à l'aube. Les gardes vont venir te chercher dans cinq minutes. Tu es assez grand pour savoir quoi faire.

Et il déposa la clef des menottes sur la table, avant de se lever et de quitter la pièce. Geralt n'hésita pas une seconde. Il se leva, tourna le dos à la table et chercha un instant à la clef du bout des doigts avant de finir par l'attraper et de se rasseoir.

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Il était de retour dans les donjons, à écouter la conversation des mêmes abrutis de gardes, pendant que discrètement, il faisait usage de la clef que lui avait donnée Roche pour libérer une de ses mains.

- Hier encore, c'était presque un héros, raconta l'un des gardes. Il était adulé de tous.

- Je l'ai vu de mes yeux tuer vingt gars d'un battement de cil, donc, je suis pas très surpris, renchérit le second soldat.

- Et tu l'as vu quand il courait sur les remparts. Je peux même pas dire que j'ai vu ses lames tellement elles bougeaient vite !

- Et j'ai bien cru que ces bêtes allaient le réduire en morceaux quand elles sont sorties des nuages !

- Peu importe. C'est pas parce qu'on repousse que ça ne se fera pas. Il sera pendu demain.

Et avec un rire, les dés recommencèrent à rouler sur la table.

Geralt releva doucement les yeux en entendant un clic venant de sa menotte.

Parfait.

Furtivement, il libéra sa main pour mettre la clef dans l'autre, avant de remettre son poignet dans le fer. Juste à temps, les soldats lui jetèrent un regard mais ne virent rien hors de la normale. Cela laissa le temps à Geralt de libérer sa seconde main.

Ceci fait, il fallait savoir quoi faire pour sortir de la cellule.

Alors, il appela les gardes qui lui accordèrent à peine un regard.

- Qu'est-ce que t'as à gueuler ? Fais ça encore une fois et j'te fais taire ! gronda l'un des gardes.

- Ce sont des mots bien braves quand tu es de l'autre côté des barreaux.

- Ah ouais ! Eh bien on va voir ça !

L'autre garde se leva et ouvrit la porte. Justement celui dont il avait brisé la main gauche avec le Haki. Il secoua sa main droite en se rapprochant du mutant, mais celui-ci fut plus rapide. Il se laissa tomber hors de ses fers, lui empoigna le bras d'une main pour faire descendre son coude sur le visage de l'autre bras, avant de l'éjecter contre un mur avec un coup de pied.

Le second garde voulut aider son collègue mais il fut éjecté contre le mur de la cellule avec un Aard bien envoyé, le sonnant sur le coup. Le mutant ne s'attarda pas. Il les fouilla pour récupérer tout ce qu'ils avaient d'intéressant sur eux, ce qui s'avérait être juste une petite matraque cloutée. Pas ce qu'il y avait de mieux, mais c'était déjà ça.

Il était temps de sortir des donjons.

Il se glissa dans les couloirs, ignorant les prisonniers et éteignant les torches avec un signe sur son passage afin de ne pas se faire repérer. Pour les gardes, il faisait ce qu'il fallait pour les assommer par derrière et ne pas se faire voir. C'est dans ce genre de situation que le talent unique d'Ace aurait été utile.

En passant dans les couloirs, il finit par se figer en entendant des cris et des bruits de coups. Il regarda le mur à sa gauche. Cela reprit.

Une salle de torture.

Mais pourquoi diable la voix lui était-elle familière ?

Lentement, il s'avança en longeant le mur et finit par trouver une pierre absente lui permettant de voir à l'intérieur.

C'était Aryan La Valette qui était en tête à tête avec le bourreau. A proximité, un scribe était penché sur un pupitre, écrivant très certainement le déroulé de l'interrogatoire.

Geralt reprit son chemin et finit par trouver une ouverture un peu plus grande tout en haut du mur. Agilement, il se hissa à ce niveau. Il tomberait droit sur la salle d'interrogatoire.

- Alors ? Vas-tu signer ? demandait le bourreau à Aryan.

- JAMAIS ! répliquait le jeune homme.

Nouveau coup de fouet sur le torse dont la chemise de lin était déjà déchirée, sale et gorgée du sang de ses nombreuses blessures.

- « Anaïs et Bussy sont mes enfants » ! Une signature et tu pourras t'en aller ! insista le bourreau en prenant un tison chauffé dans une cheminée à proximité.

Et avec la barre de métal, il se mit à frapper dans les jambes du jeune baron qui retenait de son mieux ses cris de douleur.

- JAMAIS ! refusa Aryan.

Aussi silencieusement que possible (ce qui était facile au vu de son habillement sommaire et du peu d'équipement qu'il avait), Geralt se laissa tomber dans la pièce, se glissant dans les ombres des instruments et des cages jusqu'au scribe.

Le bruit que fit la nuque de l'homme quand le mutant lui retourna la tête interrompit le travail du bourreau.

- T'es en avance, toi, je devais pas te voir avant demain ! commenta l'homme en allant chercher une arme.

- Je pouvais pas me permettre d'attendre, j'ai un important rendez-vous, lui répondit Geralt.

Il brandit sa main devant lui et une langue de feu jaillit de sa paume, frappant le bourreau qui poussa des hurlements en cherchant à éteindre les flammes. Le temps qu'il passa à vouloir chasser le feu offrit de quoi traverser la distance au sorceleur qui lui abattit la matraque cloutée dans la figure, le tuant sur le coup.

Rapidement, le mutant alla délivrer le jeune baron qui s'effondra comme une masse par terre, tenant tout juste assis, la respiration sifflante, les yeux noircis par les coups, arborant coupures et ecchymoses sur tout le reste de sa personne.

- Je m'attendais à rencontrer la mort avant vous, sorceleur, commenta le jeune noble.

- J'ai hésité à laisser passer devant la Faucheuse, mais je me suis dit que vous seriez plus heureux de me voir moi, plutôt qu'elle.

Les joues du jeune homme tiquèrent, mais ce fut tout.

- Pourquoi êtes-vous là ?

- Eh bien, j'avais un rendez-vous, moi aussi, avec le bourreau. Pour être pendu.

- Pourquoi ?

Normal qu'il se pose la question. Pour lui, Geralt était dans le groupe des vainqueurs, aucune raison qu'il soit condamné à la pendaison.

- On m'accuse d'avoir tué Foltest, dit froidement le sorceleur en se mettant à fouiller les environs pour du meilleur matériel.

Recherche sans résultat, même s'il tomba sur le faux aveu de Aryan concernant le fait qu'il aurait engendré avec sa mère son frère et sa sœur. Cela restait une manœuvre intelligente. Avec ça, les deux enfants n'avaient plus aucune légitimité sur le trône de la Temeria. Le mutant détruisit le papier et finit par revenir vers le jeune homme.

- Dommage, j'aurais voulu le tuer de mes propres mains, marmonnait-il depuis son siège à terre. Mais dîtes-moi, vous savez quoi que ce soit sur ma mère ? Est-ce que Foltest lui a fait du mal ?

Geralt réfléchit un instant, puis se rappela d'un commentaire de Roche devant la herse du monastère. Au sujet de la Baronne. Qu'est-ce qu'il avait dit, déjà ? Ah oui « sa beauté est intacte ». En d'autres termes, elle avait été mise à l'écart mais on ne lui avait rien fait.

- Foltest a demandé aux Stries Bleues de la protéger comme un trésor inestimable, rassura le Loup Blanc en espérant ne pas se tromper. Peu après, lui-même mourrait.

Cela semblait déjà être un poids en moins pour le jeune homme qui voulait confirmer au moins un point :

- Mais vous ne l'avez pas tué.

- Non, Aryan, je ne l'ai pas tué, répéta Geralt.

- Vous savez qui l'a fait ?

- Non, mais j'ai l'intention de le découvrir.

Le brun hocha la tête, semblant réfléchir, avant de se remettre à parler :

- Nous devrions partir. Notre meilleure solution est l'huilerie. Par contre…

Il essaya de se remettre debout pour se faire rattraper juste à temps par Geralt qui l'empêcha de tomber.

- Merci.

- Passez un bras autour de mon cou, je vais vous aider.

Aryan s'appuya volontiers sur la carrure solide du sorceleur qui ne tiqua même pas quand le jeune baron effleura les blessures fraîches des coups de fouet. Lentement, soutenant le jeune homme, le Loup Blanc se dirigea vers la porte avant de se figer en percevant deux soldats venir, d'abord par son Haki, puis par son ouïe. Avant que le jeune nobliau ne puisse lui demander pourquoi il s'était arrêté, une voix retentit de l'autre côté de la lourde porte.

- He ! Le Bourreau ! T'en as fini ?! On est ici pour récupérer le corps !

Les deux hommes échangèrent un regard. Aryan paniquait en silence, là où Geralt était toujours aussi calme.

- Merde, jura tout bas ce dernier.

- Le Bourreau est tellement dans sa victime qu'il ne nous entend même pas, commenta le second soldat.

Geralt pouvait presque voir une main qui se rapprochait du système de verrouillage de la porte.

- Criez. Comme s'il continuait de vous interroger, ordonna le blandin.

Aryan obtempéra :

- AAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! JAMAIS JE NE SIGNERAI !

Le mutant retint une grimace. Un cri pareil, juste à son oreille et avec ses sens, ce n'était pas agréable. Résultat, les soldats s'éloignèrent avec des commentaires désagréables et injurieux au sujet d'Aryan. Ils avaient échappé au pire.

Geralt attendit de ne plus les sentir ou les entendre avant de recommencer à quitter la salle avec Aryan en montant quelques marches.

- Dîtes… le Chat Noir, vous la connaissez bien, non, de ce qu'on raconte, lança le jeune homme.

- Assez, oui, confirma Geralt.

Pourquoi Aryan lui parlait donc d'Ace dans une telle situation ?

- Vous pouvez lui transmettre un message pour moi ?

- Lequel ?

Sentant la présence de patrouille dans les environs, Geralt s'arrêta dans l'angle d'un mur avec Aryan et l'aida à s'asseoir.

- Demandez-lui si sa promesse tient toujours. Si c'est le cas, il est temps qu'elle l'honore. Elle comprendra.

Le jeune baron se laissa aller contre le mur en fermant les yeux, laissant la pierre froide et humide engourdir ses blessures.

- Je vais attendre ici que la voie soit libre.

Sentant qu'il n'aurait pas d'autres explications, Geralt reprit sa route.

.


.

Après avoir joué au chat et à la souris en se glissant dans le dos de nombreux soldats pour les assommer avant qu'ils ne le repèrent ou sonnent l'alarme, il retourna auprès d'Aryan pour le mener jusqu'à destination. Il passa de nouveau un bras du jeune homme par-dessus ses épaules et l'embarqua avec lui de nouveau dans les couloirs, guidé par les indications du jeune homme.

D'abord en haut d'un escalier.

Puis la seconde porte sur la gauche.

Des barriques entières entassées là, certaines suintant d'huile.

Aryan avait apparemment retrouvé quelques-unes de ses forces, assez pour boiter vers un mur en se tenant le ventre. Il appuya sur une pierre qui réagit en ouvrant la portion du mur juste à côté, dévoilant un passage secret.

Forcément, venant d'un château de noble, rien de surprenant de trouver ce genre de chose. Le jeune s'écarta, comme pour laisser Geralt passer. Comprenant que le jeune baron n'avait pas l'intention de fuir, le mutant insista.

- Venez avec moi, il n'y a plus rien que vous puissiez faire ici.

- Justement. J'ai plus à faire aujourd'hui ici que nulle part ailleurs, répondit avec détermination Aryan.

- Seul ?

- Je n'ai besoin de personne pour ce que je compte faire.

- C'est votre décision finale ?

- Adieu, sorceleur.

Il se détourna et boita jusqu'à une des torches qu'il décrocha.

- Ah, et transmettez pour moi une dernière chose au Chat Noir, je vous prie.

Geralt allait s'enfoncer dans le passage secret pour regarder une dernière fois le jeune homme.

- Dîtes-lui…. Dîtes-lui que j'étais honnête. Que je pensais vraiment ce que je lui ai dit.

- Je transmettrai.

Et le Loup Blanc s'enfonça dans le passage secret.

Ce fut à la moitié du parcours que l'explosion lui dit ce que Aryan avait prévu. Le château trembla sur ses fondations pendant un moment, alors que Geralt continuait de courir sans se retourner. Il ondula dans les étroits couloirs sombres, juste éclairés par des rayons de lune qui passaient au travers des meurtrières, avant de déboucher sur une porte. Il sortit pour réaliser qu'il était au pied d'une tour, donnant sur le port et donc la rivière Pontar.

Juste au moment où le bleu qu'il avait rencontré dans le camp passait par là dans une ronde.

- Halte ! Attendez, c'est vous sorceleur ? s'étonna le blanc bec. On dit que vous avez tué le roi !

Se préparant à une éventuelle bagarre, Geralt nia les faits.

- Je ne l'ai pas fait et j'ai l'intention de le prouver.

Au loin, on entendait une cloche alertant toute la baronnie de l'incendie en cours.

- Je suis enclin à vous croire, annonça le chevalier.

- Heureux de l'apprendre, ça aurait été triste que je doive te tuer maintenant. Est-ce que les autres ont survécu à l'assaut ?

- Aye. Ils boivent comme des trous depuis deux jours, maintenant.

Deux jours ? Bon sang, il avait vraiment perdu la notion du temps.

- Je vous en dois une, lui dit le Chevalier.

- Je ne pense pas, lui assura Geralt.

- On s'est retrouvés dans une impasse durant l'assaut. Vous savez ce que c'est, quand des chevaliers en armure se retrouvent coincés dans un endroit étroit ? Nulle part où aller. Derrière on pousse, mais devant on est coincé, alors qu'on nous jette des hallebardes depuis les hauteurs. Si je n'avais pas porté mon armure, j'aurais fini en bouillie. J'ai dû recevoir au moins une dizaine de coups sur mon heaume. J'ai les oreilles qui sifflent encore et je vomis encore de temps à autre. Mais je vis et je respire.

- Pas de quoi s'inquiéter, ça passera. Dis-moi, tu étais de la patrouille qui est tombé sur les Scoia'tael, non ?

- Aye.

- J'ai cru comprendre que c'était un commando assez vicieux. Tu as vu quelque chose qui sort de l'ordinaire ? Un symbole ? Un emblème ?

- Ils portaient des masques faits avec des morceaux des uniformes des Forces Spéciales, et ils arrêtaient pas de crier un truc comme Iorveth, ou quelque chose comme ça.

- Mhmh… et le dragon ? Il venait d'où ?

Le chevalier eut un geste disant qu'il ne savait rien.

- Aucune idée, mais il nous a sauvé la vie. Les elfes ont arrêté de nous tirer dessus quand ils l'ont vu. Je ne peux vous en dire plus parce que j'ai fui comme si j'avais le diable à mes trousses.

- Merci pour les informations en tout cas, mais je dois y aller à présent.

Geralt allait contourner le chevalier quand celui-ci l'arrêta.

- Il y a des gardes en faction à proximité, vous ne pouvez pas les dépasser sans vous faire repérer.

- Peux-tu faire distraction ?

Le chevalier n'avait pas l'air emballé, mais accepta.

- Je vais essayer, mais ne comptez pas sur moi si ça se finit en bagarre. En fait, on serait ennemis dans ce genre de situation.

- Espérons que non.

Le chevalier hocha la tête et laissa Geralt dans les ombres pour aller à la rencontre de la patrouille qui surveillait le port. Il hurla quelque chose au sujet de l'évasion du Tueur de Roi et comme quoi ils devaient partir à sa poursuite, avant d'entraîner la patrouille dans le mauvais sens, libérant le passage au mutant. Celui-ci arriva donc sur un ponton vide, à l'exception de Triss qui lui fit un signe de la main dans la pénombre. Elle tourna ensuite les talons et se mit à courir jusqu'à une barge à proximité où se tenait Vernon et son groupe, prêts à lever les amarres. Et en guise de salutation, Roche l'engueula :

- Putain, t'avais pas besoin de foutre le feu à tout le château ! Tu veux faire concurrence à l'Incendiaire de Rivia ? Tu devais te faufiler discrètement et éviter tout bain de sang !

- Tu m'as donné les clefs pour mes menottes, pas une cape d'invisibilité, lui rappela Geralt avec froideur.

Il se tourna enfin vers la magicienne silencieuse pour savoir si elle allait bien.

La femme soupira et lui résuma sa situation.

- Pas vraiment. Je ne suis plus conseillère royale. J'ai perdu mon poste et ma maison à Wyzima. On m'a rebaptisée la Maîtresse du Sorceleur… la Catin du Tueur de Roi.

Même si elle avait signé pour un poste de premier plan en entrant dans la cour de Foltest, Triss restait son amie et il se devait de la consoler :

- Les gens diront toujours ce qu'ils veulent…

- Je sais, mais…

- … ne t'en fais pas, on lavera nos noms et ils changeront d'avis dès qu'on aura trouvé le tueur. Roche y veillera, n'est-ce pas, l'espion ?

En disant ça, il se tourna vers Vernon qui donnait des ordres à Cyn de son côté. L'homme se tourna vaguement vers eux pour lui répondre :

- Je ne suis pas un espion, mais je ferai ce qu'il faut.

- Vous serez intéressé de savoir que je suis tombé sur le bourreau en tête à tête avec Aryan La Valette. On voulait lui faire avouer une relation incestueuse avec sa mère, afin de lui attribuer la paternité des enfants de Foltest.

- Ces fils de chiens, cracha Triss avec un rictus.

Pour qu'elle insulte les responsables, elle devait être particulièrement remontée, parce que ce n'était certainement pas dans ses habitudes.

- De toute façon, c'était le dernier client du bourreau.

Roche resta réaliste sur la situation de Téméria :

- Un interrègne est une période de chaos par définition. Ce sont des rats comme le Baron Kimbolt et le Comte Maravel qui dirigent Téméria, ou du moins, aspirent à le faire. Mais personne, outre ce bon vieux Natalis, ne peut ramener l'ordre.

- Mais Jan Natalis est très loin, pointa Triss. Et il n'est pas de noble naissance, et même s'il est le héros de la bataille de Brenna, la couronne est juste hors de sa portée. Le Baron Kimbolt, par contre…

- La politique est secondaire dans l'immédiat, coupa Geralt. Roche, du nouveau sur le Tueur de Roi ?

- Eh bien, il y a une semaine, un de mes informateurs à Flotsam a vu Iorveth en compagnie d'un homme immense, massif et chauve, assez semblable à celui que tu m'as décrit.

- Il y a une semaine ? Avant l'attaque, donc. Cela m'a l'air d'une piste froide.

- On doit bien commencer quelque part après tout. Flotsam est un comptoir à quelques jours en amont de la rivière, dans la forêt marécageuse du côté Aedirnien du Pontar. Le territoire de Iorveth.

- Eh bien en route pour Flotsam.

Vernon hocha la tête et retourna à sa discussion avec Cyn. Triss s'avança, lui touchant doucement le bras pour attirer son attention, lui mettant sous le nez sa solide veste. Apparemment, on lui avait récupéré ses affaires. Ou alors, elle venait de les faire apparaître. C'était déjà très sympa de la part de ses tortionnaires de ne pas lui avoir pris son médaillon.

- Merci. J'ai pris quelques mauvais coups, tu peux jeter un œil à mes blessures ?

La rousse passa dans son dos et retint une grimace en voyant l'état des blessures.

- Je peux faire ça.

- Passons sous le pont, demanda le mutant. Ah, et j'ai besoin que tu me dises tout au sujet de Yennefer. Dans les détails.

La mention de l'autre magicienne fit sursauter Triss qui recula d'un pas. Geralt la prit doucement par le bras, la regardant les yeux dans les yeux.

- Je dois tout entendre. Même les choses que tu ne veux pas me dire, même celles qui font mal. Tout.

Alors, pendant que sur le pont, les Stries Bleues prenaient le large, dans le navire, Triss soigna d'abord les blessures de son amant, avant de le laisser se rééquiper. Bientôt, le château en flamme de La Valette n'était plus qu'une tour de lumière dans la nuit.

L'honneur était une chose curieuse.

L'honneur avait fait prendre les armes à Aryan contre les forces inégalables de la puissante Téméria.

Devant la défaite, l'honneur avait demandé à Aryan de courber l'échine et de sauver ses hommes.

Pourtant, ce même honneur l'empêcha de sauver sa propre vie dans cet incendie.

Triss s'assit sur une caisse, imitée par Geralt, et elle lui raconte ce qu'il avait oublié.

Cirilla ou Ciri. L'Enfant Surprise. Son Enfant Surprise, que le Destin avait lié à lui quand il avait voulu se moquer de cette soi-disant force de l'univers. Elle lui parla aussi de sa relation amoureuse toxique avec la magicienne Yennefer de Vengerberg. L'histoire du Dernier Vœu.

L'histoire d'une vie dont on lui avait volé le souvenir.