On avait réussi à maintenir l'ordre pendant un moment. Assez pour que Cecil se présente sur la place publique pour leur énoncer les propositions pour s'assurer que la ville ne descende pas dans le chaos. Il y eut quelques échauffourées, des cris, de la colère, mais l'idée de pouvoir choisir son propre représentant dans un conseil dirigeant avait eu le mérite d'attiser l'intérêt de nombreux concitoyens de Vergen. Bien vite, les émeutes s'étaient dispersées, avec un simple rendez-vous. A partir du lendemain matin, ceux souhaitant siéger devraient se présenter sur la même place pour exposer leurs objectifs devant la cité dans son entier. Un représentant pour chaque race.
Pour les elfes, ils avaient déjà un nom : Ciaran.
Iorveth ne pouvait pas siéger au conseil. L'idée était à exclure d'office. Cela faisait déjà cent ans qu'il se battait contre les humains, il ne pouvait pas laisser tomber comme ça toute une vie. Il était fait pour la vie dans les bois et le combat. Sans compter qu'il était parti très vite après les faits pour aller chercher des renforts. Ciaran, quant à lui, était respecté des elfes, mais encore jeune. Il pouvait encore se ranger. Il était intelligent et savait de quoi les siens avaient besoin.
Shiva aussi avait été désignée, si on en croyait les rumeurs, mais elle s'était opposée à cette idée de siéger elle-même au conseil. Ses dons de prescience ne servaient pas à la politique. Et elle restait une fille de la mer. Dommage, au moins, ça aurait augmenté la présence féminine au conseil, parce que comme ça, il semblait bien que la voix de Saskia risquait d'être noyée dans la surcharge en testostérone du conseil.
Ace termina de tresser ses dreads avant de rejoindre Marco au lit. Le blond s'était assis dans les coussins pour écrire dans son carnet. En voyant son compagnon le rejoindre, le Phénix lui adressa un sourire et retourna à ce qu'il faisait. Le mutant se glissa sous les draps et s'allongea sur le ventre, les bras enroulés autour de son coussin, le regard perdu dans le vague.
- Iorveth a laissé la fiole de sang à Geralt, de ce que j'ai vu, yoi, dit le blond pour lancer la conversation et obtenir ce qui dérangeait son époux.
- Qui l'a apportée à cette salope de magicienne… Et tu veux savoir ce qu'elle faisait quand il a débarqué ? Elle avait décidé que pour mieux enseigner à la nana sous sa garde, elles devaient se foutre à poil et jouer avec une cravache ! Bordel ! Elle est censée localiser Merigold et s'assurer que Saskia ne crève pas, et au lieu de ça…
Avant qu'il ne puisse s'arracher les cheveux, Marco posa une main tranquille sur sa tête et lui caressa sa tignasse sombre.
- Calme chaton, calme.
Iro vint l'aider dans la tâche en s'allongeant littéralement en travers du dos de son père adoptif pour lui ronronner dans les oreilles. Avec un pauvre sourire, Ace leva une main pour caresser la tête soyeuse du félin qui lui léchouilla la joue en réponse.
- Eilhart a un problème, et c'est triste à dire, mais nous avons encore besoin d'elle, yoi. Mais je t'assure qu'une fois qu'on en aura fini avec ce siège, elle comprendra qu'elle a touché à la mauvaise personne quand elle t'a ramassé. Elle le paiera. Elle sera obligée de renverser son sort, yoi. Parce qu'il est clair que tu n'es pas une femme. Tu n'es pas en accord avec ce genre qu'on t'a imposé, et j'ai l'intention de faire mon possible pour te permettre de redevenir ce que tu es au fond et que ce tu es toujours. Même si pour ça, je dois coudre son rectum à sa bouche, je ferai tout ce qu'il faut et même plus pour t'aider.
- Merci Marco.
- Demain, j'irais toucher deux mots à cette femme pour lui rappeler qu'on a besoin de Merigold pour avoir la rose et finir de sauver Saskia. Sans compter qu'une autre magicienne dans cette guerre sera d'une grande aide, yoi. Je ne veux pas voir Shiva trop forcer et perdre le contrôle.
Un frisson secoua Ace.
- Moi non plus. Cependant, la pétasse a trouvé Merigold. Possiblement de l'autre côté du brouillard.
- Le traverser pour un mortel revient à un suicide douloureux, yoi.
- Eilhart a dit à Geralt qu'elle le guiderait au travers et le protègerait.
Voilà ce qui dérangeait Ace. Geralt était un ami. Et à côté, le D. n'avait aucune once de confiance dans la personne de Philippa Eilhart de Tretogor. Donc, pas moyen pour lui de les laisser tous les deux ensembles et seuls. Seulement, s'il s'y mettait, ça finirait obligatoirement dans le sang. La magicienne lui avait fait trop de mal. Il ne pourrait pas rester en sa compagnie sans essayer de la tuer.
- Demande-le, dit avec amusement Marco en fermant son carnet.
- Demander quoi ? s'intéressa le brun en se redressant.
- « Marco, chéri, est-ce que tu peux faire traverser à Geralt le champ de bataille à la place de Eilhart ? » et je te répondrai que c'est tout à fait faisable, yoi.
- Il faut toujours la magie pour le guider au travers la brume, pointa le mutant.
Son homme quitta le lit pour ranger son carnet et revint se coucher, ses lunettes de lecture sur sa table de chevet à proximité de la bougie dansante qui l'avait éclairé jusqu'à présent.
- Qui parle de traverser la brume ? Elle fait environ moins d'un demi-kilomètre de haut, je peux aisément prendre Geralt sur mon dos et lui faire traverser par le ciel la zone. Easy peasy lemon squeezy. J'irai lui toucher deux mots demain matin, yoi. Parce que maintenant, il est temps de dormir, monsieur Portgas.
Ace regarda son homme avant de l'embrasser tendrement un instant et de s'éloigner, conservant sa main sur la joue osseuse du zoan.
- Aishiteru.
- Quand tu me dis ça, je n'ai pas envie d'être sage, et tu le sais. J'ai envie de te montrer à quel point la réciproque est vraie dans ces moments-là.
- Un autre soir, peut-être ?
Un sourire un brin crispé apparut sur le visage du brun en suivant sa phrase. En réponse, il eut droit à un baiser sur le front avant que le blond n'y appuie le sien.
- Du moment que tu ne te forces pas et ne fais pas celui pour qui tout va bien quand tu tombes en morceaux, ça me va. Bonne nuit ?
Ace l'embrassa sur la joue, se pencha par-dessus lui pour atteindre la bougie, les menottes de kairoseki toujours à son poignet, avant d'éteindre la flamme entre deux doigts.
- Bonne nuit, mon amour, chuchota le noiraud dans l'obscurité.
Dernier baiser et le couple s'allongea pour la nuit.
Même s'ils avaient les yeux fermés, ils n'étaient pas encore endormis pour autant.
A une époque, ils se seraient assoupis l'un contre l'autre, si proches qu'on n'aurait pas pu passer une feuille de papier entre eux. Ace aurait eu son dos contre la poitrine de Marco, avant de se retourner dans la nuit et de finir à moitié allongé sur lui. Mais depuis cette nuit unique de luxure qui laissait un goût aigre-doux dans la gorge du couple, il y avait comme une ligne, une distance de sécurité entre les deux corps. Ils se faisaient face et malgré ses yeux clos, Marco devinait parfaitement que le brun attendait que l'autre s'endorme pour s'assoupir enfin. La peur était là. La méfiance. La seule chose qui les reliait l'un à l'autre étaient leurs deux mains jointes sur les coussins, permettant à un rayon de lune de faire briller les alliances respectives.
Marco avait imaginé leurs retrouvailles et les jours d'après de mille et une façons pendant ces décennies écoulées. Mais il n'avait pas pensé à l'idée qu'on ait fait du mal à son compagnon. Qu'on le brise et abuse de lui au point qu'il n'arrive plus à se détendre auprès de l'homme qui avait toujours été là quand il était en recherche de réconfort.
La route de la guérison serait longue, fastidieuse, mais il voulait y croire. Quitte à ce qu'il fasse des sacrifices stupides pour y parvenir. Pour être lui-même passé par-là à MariGeoise, il savait que l'ombre de ces évènements seraient toujours là, comme une fine cicatrice qui risque de se déchirer et laisser de nouveau couler le sang. Cependant, il serait là. Il resterait là. Il était médecin, il ferait de son mieux pour aider à la cicatrisation et permettre à son homme de reprendre sa vie. Il n'avait pas l'intention de le laisser tomber.
.
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L'expérience était assez sympathique. Et certainement moins stressante que devoir traverser ce champ de mort. Vu du ciel, par-dessus les plumes flamboyantes de l'oiseau, la brume était une mer grisâtre sous lui à cause du soleil couchant.
Ainsi, dans la pénombre, le duo Geralt et Marco atterrirent de l'autre côté du champ hanté. Le mutant sauta du dos de l'oiseau géant qui regarda l'herbe rase qui les séparait du camp de Kaedwen un peu plus bas.
- On a dû me voir, je ne suis pas discret, je m'en excuse, yoi, soupira Marco.
- Que vas-tu faire ? se renseigna Geralt.
- Essayez de les envoyer sur une fausse piste. Suivant comment tu arrives à t'introduire dans leur camp, j'y mettrai ou non la pagaille pour qu'on ne te remarque pas. Si je perçois la présence de Merigold, je te ferai signe, yoi.
- Et pour le retour ?
- Siffle le plus fort que tu peux et j'arriverai.
- C'est très romanesque.
- Et c'est un sorceleur qui me dit ça ? J'aurais tout vu, yoi.
Et sans un mot de plus, l'immense oiseau prit son envol pour s'élever de nouveau au-dessus des nuages et de la brume, pour partir dans un vol paresseux vers le camp. Geralt inspira profondément, puis se mit en route. Il marcha doucement, évitant la moindre herbe ou le plus petit gravillon. Tout pour ne pas se faire repérer. Il remontait le chemin quand il tomba sur un corps d'un soldat nilfgaardien. Ça, ce n'était pas prévu. Que faisait les Escadrons Noirs en Aedirn ?
Remarquant un morceau de parchemin dépassant du haut du plastron, Geralt tira délicatement dessus pour voir qu'il s'agissait d'ordres écrits en nilfgaardien. L'auteur était Shilard Fitz-Oesterlen. L'ambassadeur qu'il avait vu durant le siège avec Foltest.
Il fronça les sourcils en voyant le contenu. Les Nilfgaaridens savaient que Triss était par ici. Et ils la voulaient vivante. L'ambassadeur voulait qu'elle soit capturée et menée jusqu'à lui dans le plus grand secret.
Pourquoi ?
Qu'avez donc fait Triss pour que l'empire la veuille ?
Il rangea le parchemin dans sa sacoche à élixir et se releva pour reprendre sa route. Dans l'obscurité naissante de la nuit sans lune ni étoile, il y voyait pourtant comme en plein jour. Il descendit une pente, se rapprochant du camp de Henselt et remarqua un panneau d'affichage dans un coin. Il y avait divers papiers avec des avis de recherche passablement ressemblant épinglés dessus. On avait Saskia qui ressemblait plus à une grand-mère, lui-même qui avait l'air d'un monstre (il ne se serait pas reconnu si ça n'avait été la balafre sur son visage). On avait aussi une prime très éloignée d'Ace, hormis la masse de dreads noirs, et enfin Iorveth et Thatch. Cela ressemblait vraiment plus à des caricatures qu'à des portraits. En regardant de l'autre côté du tableau en bois, on avait la tête de Letho qui était placardée.
Il reprit donc sa descente vers le campement avant de remarquer un corps, sur le sol. Un mort. Un messager. Intéressant. Curieux, Geralt ouvrit la sacoche du défunt pour voir les messages qu'il avait sur lui et à qui ils auraient dû être envoyés. Tout ce qu'il trouva, c'était une statuette en argile blanche, noire et or, représentant un Nilfgaardien assis sur un siège en or. Ce devait être une représentation de l'ambassadeur, parce que dans les quelques souvenirs qui lui revenaient, Geralt était certain que Emhyr, même si grisonnant, avait une belle chevelure noire. Il rangea l'objet et se releva lentement en percevant des formes de vie en approche. S'il ne tira pas son arme, c'est parce qu'il reconnaissait la personne à leur tête. Et quelques instants plus tard, Vernon Roche se plantait devant lui, ses hommes surveillant les environs bien qu'une ou deux arbalètes pointent vers sa tête.
- Je le savais, grogna le Témérien. Quand on a vu le phénix passer au-dessus de la brume, j'ai dit à mes gars : « ça, c'est Geralt de Riv ou mon nom n'est pas Vernon Roche ».
Le regard du soldat se posa sur le corps à côté d'eux.
- Un ami ? se renseigna-t-il d'un ton bourru.
- Je viens de le découvrir comme ça, mort.
Roche s'accroupit et observa l'homme.
- Sacoche de messager mais vêtements d'un habitant de Vergen. Dommage pour lui, il avait pourtant réussi à traverser le brouillard.
Et il se releva.
- Pourquoi tu as domestiqué un phénix pour venir ici ?
- Je cherche Triss, elle a été localisée de ce côté du brouillard.
Roche haussa un sourcil.
- Tu cherches toujours ta magicienne ? Si elle était dans les environs, je le saurais.
- C'est Philippa Eilhart qui l'a localisée.
- Eh bien, on dirait que tu as rencontré toute la ménagerie. Même si tu nous as bien rendu service avec le cas de Loredo, je te rappelle que tu devais rester avec moi tant qu'on n'avait pas mis la main sur le Tueur de Roi. Au lieu de ça, t'as pris le large avec le vampire et ces foutus elfes !
- Oui, j'ai une dette et elle tient toujours. Cependant, j'ai déjà fait équipe par le passé avec Ace, et à nous deux, on est efficaces. Je ne suis pas un de tes hommes, Roche. Je ne t'ai pas trahi.
- Je n'ai pas parlé de trahison.
- Mais tu l'as pensé. Toi et tes hommes, contre le reste du monde. Ceux qui ne sont pas avec toi sont forcément contre toi. Mais tu veux que je te dise un truc révolutionnaire ? Quand tu traites Thatch de tous les noms, lui, il te considère comme un bon adversaire et t'apprécie même. Quant à Iorveth, je suis certain que dans d'autres circonstances, vous auriez pu être des amis.
- Ne dis pas de conneries.
- Je ne dis pas de conneries. Je dis les faits. Je veux toujours trouver ce Letho. J'ai juste un partenaire différent dans cette poursuite. Des alliés qui m'ont dit qu'on se reverrait et qu'on se retrouverait de nouveau dans le futur.
- De quoi tu parles ?
- Marco, l'homme qu'on considère comme le meilleur médecin du nord, qui s'est fait un nom à Sodden et Brenna…
- Le sympathisant de la Scoia'tael, et ?
- Sais-tu qui l'accompagne ?
- Thatch le vampire généralement, et une zerrikanienne.
- C'est une elfe noire. Et une voyante. Une prophétesse de talent. Elle a un message pour toi. Ce que tu cherches et ton dernier espoir sont tous les deux à Loc Muinne, cachés derrière la magie de la licorne.
L'air ahuri de Vernon valait le détour.
- Il n'empêche que je cherche toujours Triss et qu'elle doit être par ici. Si tu ne veux pas m'aider, très bien. Laisse-moi au moins passer, s'il te plaît.
Le soldat se prit le visage dans une main.
- Je sais même pas pourquoi je t'écoute ou je fais ça…
- Je ne peux pas répondre à cette question à ta place, lui dit d'un ton neutre Geralt.
- Bon… en admettant que Triss soit ici, vu que mes services m'ont fait parvenir que les Nilfgardiens la cherchent, elle ne peut être que dans le camp de l'ambassadeur.
L'agent des forces spéciales se retourna et pointa le camp de Kaedwen dans le lointain dont on discernait la palissade en bois et quelques tentes.
- Derrière, au-delà de la palissade. Près de la rive. On a le campement de Nilfgaard. Personne ne peut entrer. Tu as deux options. La première, c'est de te faufiler dans le camp principal, mais si j'étais toi, j'le ferais pas. Deuxième option, crois-le ou non, mais sous le lupanar ambulant qui suit l'armée, on a des caves qui débouchent à proximité de la rivière. Les nanas pensaient l'utiliser pour passer dans le camp discrètement et proposer leurs services aux nobles et soldats, sauf qu'on a des monstres qui ont élu domicile dedans. Après, si t'as eu ta dose de catins et de monstres, tu dois suivre le passage par l'est le long de la rivière. Cela te mènera vers la cantine. Le reste du chemin, tu devras le faire en étant discret.
- Merci Roche.
Geralt allait reprendre sa route quand l'humain le retint par le bras.
- Hey ! N'oublie pas que tu m'en dois une !
- Je n'oublie pas.
Roche hocha sombrement la tête avant de se détourner pour retourner à son camp avec ses hommes qui partirent avec un regard méfiant pour le mutant.
Puisqu'on lui avait donné un très bon conseil, autant en faire usage. En cas de découverte durant son infiltration, il se retrouverait avec tout le campement sur le crâne, avec des soldats prêts pour partir en guerre à tout moment. Les monstres, c'étaient plus facile à gérer.
Alors, il descendit.
Cyn était aux abords du campement des Stries Bleus, à bonne distance des barricades derrière lesquelles Henselt se cachait avec son armée. Elle remarqua Geralt, le salua de la tête et disparut dans une tente, certainement pour aller se coucher. Comprenant le message, le Loup Blanc continua sa route sans problème, dépassant des hommes de Vernon qui se racontaient des histoires du temps de la bataille de Brenna. Certainement des trucs qui étaient arrivés aux membres de la Misérables Infanterie de Mes Deux (1) . L'un racontait qu'un paysan avait réussi à échapper à l'enrôlement en se collant un œil de porc dans le fion et le montrer à l'officier venu le chercher. Un autre racontait qu'après la mort d'une troupe d'archers, un groupe de serfs enrôlés pour la guerre avait laissé tomber les piques pour se jeter sur les corps des archers afin d'en récupérer les armes et faire des ravages dans les Escadrons Noirs, parce que leur petit village était connu pour avoir le braconnage dans le sang… Ce genre de conneries.
Geralt enjamba un petit ruisseau et arriva au campement des catins. Un marchand itinérant et un soldat débattaient sur quoi faire pour montrer leur désaccord sur la présence des Escadrons Noirs. Cependant, ce qui l'intéressa, c'était la matrone du lupanar ambulant. Elle le repéra depuis l'entrée d'une tente alors qu'elle discutait avec ses filles. En le voyant, elle frappa dans ses mains avec excitation. C'étaient bien les seules qui étaient heureuses de voir un sorceleur. Un job sans risque de chopper une saleté ou de tomber enceinte, après tout.
- Voyez-vous ça ! Un grand, fort et viril sorceleur vient nous rendre visite ! Faîtes-vous belles, les filles !
Alors que les femmes retournaient dans les tentes en riant, la matrone vint à la rencontre de Geralt et lui prit le bras pour l'emmener vers l'intérieur.
- Eh bien, mon chou, que puis-je pour toi ?
- Discuter ? tenta le sorceleur.
- Nous ne sommes pas étrangères à l'art de la conversation, nous, les putains, mais ça te coûtera aussi cher qu'une partie de jambes en l'air.
Ils s'arrêtèrent sur le seuil et doucement, Geralt se dégagea du bras de la femme.
- On m'a dit que si je voulais entrer discrètement dans le campement, je devais venir ici.
La femme se raidit notablement et elle fronça les sourcils d'un air à la fois inquiet et colérique. Pendant un instant, elle resta là, à le regarder dans le blanc des yeux. Si longtemps que le mutant commençait à contempler l'usage d'Axii. Puis, elle lui dit ces mots :
- Cela vous coûtera plus cher que juste baiser.
Le mutant ne chercha pas à parlementer. Il fouilla dans sa sacoche, sortit sa bourse et la jeta à la femme. Celle-ci la soupesa, regard à l'intérieur, poussa le vice jusqu'à mordre une des pièces, avant de montrer satisfaction. Elle eut un geste de la tête pour indiquer à Geralt de la suivre et quitta la tente pour rejoindre une autre. Elle entra dedans et passa derrière un paravent qui cachait un lit de camp sur un tapis. Elle s'accroupit et replia celui-ci juste assez pour montrer une trappe.
- Ce passage mène jusqu'au rivage à proximité du campement. Mais on ne l'utilise pas. Il y a… quelque chose de mauvais dedans.
- Je devrais m'en sortir.
La question était de savoir si Marco pourrait le suivre sous terre. Finalement, le Loup Blanc se laissa tomber sous la tente. De toute façon, il remonterait à la surface plus loin, inutile de faire redescendre l'oiseau pour si peu.
Dessous, il trouva un couloir de pierre, comme une cache, un abri ou une prison de fortune, perdu au milieu de nulle part. Peut-être un site de transit discret si on prenait en compte la rive du Pontar à proximité. Geralt marcha dans les couloirs, passa des portes pour finir par arriver sur une prison. Où était donc ces galeries dont lui avait parlé Roche ? A ce stade, ça aurait été presque plus simple d'infiltrer le campement.
Un léger bruit lui fit passer une nouvelle porte du lieu désert. Nouvelle zone avec des cachots. Le bruit revint, clairement originaire d'une des cellules. Geralt s'en rapprocha et nota un trou dans le sol. Il y passa la tête, pour la remonter immédiatement avant que le truc qu'il venait de voir ne le remarque. Immense. Gros. Puant la charogne. Un bullvore.
Merveilleux.
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Geralt puait définitivement la charogne quand il ressortit des cavernes. Il détestait ces monstres. Il inspira profondément une bonne goulée d'air frais. Son maigre instant de paix s'envola avec le bruit d'une armure qui bouge et d'une arbalète qu'on brandit. Lentement, le mutant tourna la tête. Il aurait dû y faire attention, son Haki le lui avait dit pourtant. Un soldat se tenait à quelques mètres du campement Nilfgaardien. Armure noire avec un soleil doré sur le plastron. Yup. Nilfgaard.
- Evgyr Nordien. Où penses-tu aller comme ça ? demanda le soldat.
- Je vais voir l'ambassadeur, répondit le Loup Blanc en s'avançant vers lui.
- Avec tout cet acier sur le dos ?
- Je cherche une magicienne rousse. Vous l'auriez vue dans les environs ?
- J'ai l'impression que tu n'as pas compris ma subtile suggestion, Nordien. Laisse tes armes.
- Je ne cherche pas les ennuis, je cherche quelqu'un.
- Shilard Fitz-Oesterlen t'attend.
Ah ? Comment savait-il que Geralt venait ?
.
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Désarmé, les mains fermement maintenues dans son dos au moyen de cordes, on l'escorta jusqu'à la tente de l'homme grisonnant qu'il avait rencontré durant le siège en compagnie de Foltest. L'ambassadeur cessa de marmonner dans son coin et se tourna pour accueillir son visiteur.
- Geralt de Riv. Moi qui espérais ne plus vous revoir, salua l'homme dans la faible lueur des braseros de sa tente.
- Nous l'avons attrapé alors qu'il essayait de s'introduire discrètement dans le campement, Excellence. Nous l'avons neutralisé et désarmé, annonça un soldat.
- Ester garemnyth, dit l'ambassadeur avant de regarder le mage à ses côtés pendant un instant.
Celui fixait la sacoche de Geralt avec une attention dérangeante.
- Je me souviens vous avoir entendu dire à Foltest que vous souhaitiez retourner à la chasse aux monstres.
- Avec la mort de Foltest, je me retrouve accusé alors que je suis innocent. Je cherche le vrai tueur là où je pense le trouver.
- Je vois. Vous êtes donc une machine à tuer, mais la réputation d'assassin reste mauvaise pour le commerce.
- Le fait est que le tueur a enlevé Triss Merigold de Maribor, l'ancienne conseillère de Foltest.
- J'ai entendu parler de son arrivée à Vergen. J'espérais que nous puissions nous rencontrer, mais si elle a été enlevée… Je comprends donc pourquoi vous ne pouviez pas rester à vos monstres. Mais il doit y avoir d'autres raisons, n'est-ce pas ? Après tout, on dit que vous êtes avec les Scoia'tael, et surtout, Iorveth lui-même. Ni plus ni moins, que le second elfe le plus dangereux de ce pays en excluant les mages. Est-ce vrai ?
- Plus ou moins.
- Avez-vous entendu parler du massacre des Aen Seidhe au Gouffre de l'Hydre ?
- J'ai eu droit à une leçon d'histoire à ce sujet, très récemment. La Brigade Vrihedd composée exclusivement d'elfes fut condamnée dans son ensemble. Criminels de Guerre. Iorveth faisait partie du nombre avec Isengrim. Je sais tout ça.
Et il l'avait vu. Ça faisait partie des quelques souvenirs qui lui étaient revenus. C'était en début d'automne 1269. Il avait traversé avec Ablette, sa monture, le ravin. Il avait vu les squelettes des elfes dont on avait coupé la gorge pour les jeter au fond du gouffre, suite à la paix de Cintra. Une cinquantaine de corps, tous des officiers. A cette époque, il était toujours à la recherche de la Chasse Sauvage. Et il ignorait pourquoi ils étaient passés par ici. C'est deux mois après, qu'il était arrivé en Cintra, au village de Eaux-Froide, pour voir que la chasse avait enlevé un enfant cette fois. Un garçon de onze ans. Même ses parents ne se faisaient pas de faux espoir sur son sort.
Il se rappelait de la fatigue de ce voyage.
En début 1270, il avait traversé un haut col des montagnes Armush. Et il s'était retrouvé nez à nez avec une manticore impériale, l'une des plus vieilles et meurtrières créatures existantes. Avant, ce genre de rencontre faisait monter l'adrénaline dans son sang, mais à ce moment-là, ce n'était qu'un obstacle sur sa route. Sa viande et son sang lui furent au moins utiles pour survire à cet enfer de glace.
Au printemps, il avait traversé la Yaruga. Ablette avait peu apprécié la baignade dans le fleuve. Mais il était toujours sur les traces de la Chasse qui continuait sa course vers le sud. Depuis qu'il était sur ses talons, elle avait enlevé vingt-trois personnes, hommes et femmes confondus. Tous entre dix et vingt et un ans. Unique exception : Yennefer.
Il battit des paupières pour réaliser qu'il s'était perdu dans ses pensées et que l'ambassadeur continuait de parler :
- C'est amusant que les Scoia'tael pensent que l'Empereur les a trahis, alors que ce sont les souverains du Nord qui ont ordonné ce massacre… vous vous sentez bien ?
Il devait avoir réalisé que Geralt ne l'écoutait plus.
- Je me sens très bien, merci, répondit le mutant avec une touche de sarcasme.
- Je suis navré, mais je ne peux vous accorder plus de mon temps. C'est un long voyage jusqu'à Loc Muinne, le Conseil et le Conclave m'attendent. Et comme toujours, Triss Merigold arrive à point nommé.
Pardon ?
- De quoi parlez-vous ? demanda Geralt en fronçant les sourcils.
Répondant à un geste de la main de Shilard, le magicien s'approcha et ouvrit la sacoche du mutant qui se débattit de son mieux pour se faire immédiatement maîtriser par deux gardes.
- Que signifie tout ceci ? gronda le sorceleur.
- Laissez-moi vous présenter Vanhemar, mon mage personnel. Il a senti que Triss Merigold se rapprochait de notre campement, alors qu'elle aurait dû arriver par une route différente… et en une compagnie tout aussi différente.
Quand le mage recula avec l'étrange statuette dans sa main, Geralt eut un mauvais pressentiment. C'était impossible, n'est-ce pas ? Ce ne pouvait pas être de ça que le Nilfgardien parlait. Vanhemar donna l'objet à l'ambassadeur qui s'en saisit avec son unique main gantée. En deux coups secs contre la table à proximité, la porcelaine se brisa, dévoilant une autre statuette, couleur jade, irisée, sa surface pulsant d'une couche de magie si faible qu'elle ne faisait pas réagir le médaillon du mutant. Et même si l'objet tenait dans la paume de la main de l'ambassadeur, le Loup Blanc était certain qu'il s'agissait de Triss. Il reconnaissait les moindres traits. Comment diable avait-il fait pour ne pas la sentir ? La reconnaître ? Il avait le Haki pourtant ! Il arrivait à percevoir des nekkers dans leur tunnel avant qu'ils ne lui tendent une embuscade, comment se faisait-il qu'il n'avait rien senti venir avec Triss qu'il avait eu sur lui pendant presque deux heures !
- Avant que vous ne mourriez, sorceleur, auriez-vous la gentillesse de m'expliquer comment vous avez réussi à mettre la main sur cette figurine ? demanda calmement l'ambassadeur.
- Je l'ai trouvée sur le corps d'un voyageur qui avait tout juste réussi à traverser le brouillard, expliqua froidement Geralt.
- Et vous avez fini sa mission. Pour la gloire de l'Empereur. J'ignore si vous avez tué Tarvik ou si vous l'avez trouvé mort. Cela n'a aucune importance à présent. J'aurais préféré ne pas condamner à mort un homme que l'Empereur lui-même avait déjà pardonné par le passé. Malheureusement, je n'ai pas le choix.
Il le sentait. Geralt percevait la présence de Marco dans le ciel à proximité. C'était risqué, mais ils pourraient sauver Triss ainsi. Alors, il siffla, coupant l'ambassadeur dans les ordres qu'il donnait à son mage au sujet de Cynthia et Philippa.
Un des soldats donna une droite monumentale au mutant, mais c'était sans compter sur le Haki encore une fois. Dans un geste souple, le sorceleur se baissa, esquivant de peu l'attaque qui frappa l'autre garde qui le maintenait immobile, le sonnant.
Un carreau d'arbalète se ficha dans le crâne du mage, puis la tente s'effondra littéralement, percée par d'immenses ergots de rapace.
- Geralt ! Geralt !
C'était Roche. Que faisait-il ici ?
Au milieu de la confusion, le mutant trouva un objet coupant pour libérer ses mains puis rampa vers la présence du soldat témérien qui était en compagnie de Cyn qui tenait justement une arbalète. Vernon attrapa le bras du Loup Blanc quand il parvint à sortir de l'amas de tissu et le tira hors de là.
Déjà, la tente commençait à prendre feu à cause des braseros. Sur le tissu, Marco se tenait sous sa forme animale, maintenant quelqu'un immobile entre ses serres.
- Il nous a fait chier au Château La Valette et là, il nous aide ? grogna Roche alors qu'ils reculaient de la tente.
L'oiseau se contenta de pépier d'hilarité.
- Je crois qu'il se moque de toi, Vernon, pointa Cyn. On fait quoi ?
- Je vais chercher mes armes et on s'assure qu'aucun Nilfgaardien ne parvienne à quitter la tente et les flammes, grogna Geralt.
- Comme au bon vieux temps ! ricana Vernon avec un mauvais sourire. Ça fait des années que j'ai pas tué de Nilfgaardien !
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.
Marco s'était posé sur le rebord d'un brasero extérieur une fois la tente éteinte. C'était un miracle que les flammes ne se soient pas répandues ou n'aient pas attiré l'attention de l'armée Kaedwenienne.
- Merci pour vos interventions à point nommé, remercia Geralt qui fouillait ce qu'il restait de la tente.
Marco se contenta d'un vague salut avec son aile pour lui dire que ça avait été fait avec plaisir.
- Je savais que tu allais avoir des ennuis, pointa Roche.
- Et tu as un certain talent pour m'en tirer, admis le mutant.
- Je saurai te le rappeler. Tu cherches quoi ?
Geralt découpa un morceau de tissu qui avait survécu et parvint à trouver la dépouille calcinée de l'ambassadeur. Il ne fallut pas longtemps pour qu'il trouve la figurine magique qu'il éleva dans la lueur vacillante des brasiers du campement désormais mort.
Marco pencha la tête sur le côté avec interrogation et le sorceleur se rapprocha de lui pour qu'il puisse mieux voir.
- Un peu plus, et Shilard partait pour Loc Muinne avec Triss. On l'a retrouvée, mais on n'est pas plus avancé.
- Shilard qui essaye de kidnapper l'ancienne conseillère de Foltest ? Cette affaire ne sent pas bon, grogna Vernon en gardant ses distances avec l'oiseau. On dirait que Nilfgaard voulait être présent à la restauration du Conclave des Mages.
- C'est la magie qui l'a rendu ainsi ? se renseigna Cyn en observant elle aussi la statuette, moins méfiante que Roche envers le Phénix.
- La Compression transforme la cible en statuette de jade. Au retour à la normale, si c'est fait par un mage imprudent, les victimes risquent des dommages internes graves. Dans tous les cas, elles seront fatiguées, affamées, désorientées et déshydratées, yoi.
Les deux humains sursautèrent et Marco se retrouva avec une arbalète devant le bec.
- Inutile de gaspiller des munitions pour rien, je suis un phénix, ça ne me fera que de l'air, pointa le zoan avec lassitude.
- Depuis quand les monstres parlent ?! s'étrangla Vernon en se mettant en garde.
- Si je n'avais pas entendu pire que ça dans ma vie, j'aurais été offensé par le terme de monstre, yoi. Et vous savez, ce n'est pas parce qu'une créature n'est pas humaine qu'elle ne sait pas réfléchir. La preuve en est…
Il se transforma, restant toujours assis au bord du brasero, prenant son apparence humaine qui fit décrocher lentement la mâchoire des Stries Bleus.
- … que je suis considéré comme le meilleur médecin du Nord, yoi. Donc, nous disions que Triss est dans une mauvaise posture.
- Philippa acceptera de la sortir de son état, certainement, espéra Geralt.
- A toi de voir, mais je ne lui ferais pas confiance. Vois avec Shiva si elle n'a pas une méthode alternative, d'abord. Cependant, la priorité est Saskia, yoi. Elle pourra se remettre très vite sur pied, mais pour Triss, ce sera plus long.
- La leader de la résistance s'est faîte descendre ? devina Roche.
- Empoisonnée par une saloperie de substance magique, yoi.
- Si le camp d'Aedirn se détruit de l'intérieur, Henselt ne fera qu'une bouchée de Vergen.
Le sourire sur les lèvres de Marco fit plisser les yeux de Vernon.
- Nous devons retourner à Vergen, annonça Geralt. J'ai appris que le tueur avait été vu dans les gorges. Tu as du nouveau de ton côté, Roche ?
- Sheala a réussi à le localiser dans une cache, là-bas. Il avait deux autres sorceleurs avec lui. Dethmold y a envoyé ses hommes, mais ce Letho a réussi à fuir, apprit Vernon. Un a été pris vivant. Avant de mourir sous la torture, il a révélé que notre homme se rendait à Loc Muinne.
- Pile au moment où les mages y convient les souverains du Nord pour la résurrection du Conclave qui représentait tous les mages et magiciennes du continent, autrefois. Je ne crois pas aux coïncidences, yoi.
- Seront présents Radovid de Redania, Henselt de Kaedwen, surtout si on prend en compte que c'est en sa nation. Jan Natalis représentera certainement la Temeria si on ne retrouve pas d'ici là les héritiers de Foltest, annonça Cyn. Rien ne dit que les petits états comme Lyra, Kovir et Poviss seront présents. Ni que Fancesca Findabair fera son apparition.
- Et on aurait eu une délégation Nilfgaardienne sans cet incendie, nota Vernon en jetant un bref coup d'œil aux corps et à la tente brûlée. Pour moi, ça fait trop d'œufs dans le même panier.
- Nous verrons ça à Loc Muinne. Nous nous y reverrons, yoi.
- Pardon ? demanda Vernon qui ne comprenait pas la remarque de Marco.
Le blond se leva de son siège improvisé et sortit une lettre de sa ceinture.
- Shiva l'a prédit. Et je crois en ses prédictions. Elle m'a demandé de te remettre ceci, Vernon Roche. A voir si tu tiens assez à tes hommes pour faire confiance à une devineresse, yoi. Quand tu veux, Geralt.
Vernon prit la lettre avec hésitation alors que le Loup Blanc rangeait précieusement la figurine de jade au milieu de ses élixirs.
- Nous nous reverrons à Loc Muinne, Vernon, salua Geralt. Et merci encore. Je te revaudrai ça, je te le promets.
- Attendez un instant ! Pourquoi ?
Les deux hommes se tournèrent vers Cyn.
- Vous, là, le Phénix, c'est connu, vous êtes avec les Scoia'tael, alors, pourquoi nous faire ces recommandations ? On n'est que deux et vous êtes immortel, vous pourriez nous tuer et mettre fin aux forces spéciales Témériennes !
Marco se contenta de hausser les épaules.
- Il m'a fallu du temps, mais j'ai appris à avoir confiance en les visions de Shiva. C'est à elle qu'il faut poser la question. Pas à moi, yoi. Bonne soirée.
Il se retransforma et Geralt grimpa sur le dos de l'immense oiseau qui n'attendit pas plus pour prendre son envol vers Vergen.
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Ils étaient au niveau du village brûlé dans le petit matin quand ils repérèrent une tête brune avec une panthère noire qui remontait le sentier vers Vergen. Vu le rythme des pas, la tête brune en question était de très mauvaise humeur.
- On descend, avertit Marco.
Geralt s'accrocha de son mieux et le Phénix se dirigea vers le sol. Ace les sentit venir parce qu'il s'arrêta pour les regarder venir.
- De retour, maugréa le D. pour tout bonjour.
- Promenade matinale ? s'enquit l'autre mutant.
Il sauta à terre, permettant à Marco de reprendre sa forme humaine.
- J'étais à un foutu poil de cul ! Un stupide putain de poil de cul de cette salope ! Juste au bout de ma dague ! Et elle m'a envoyé de l'autre côté du putain de Pontar ! éclata le brun.
- Ah, se contenta de répondre l'autre mutant.
- Je sais que tu es rapide, mais en prenant en compte que tu es sous kairoseki et que tu as des problèmes d'endurance, je me demande bien comment tu as fait pour revenir aussi vite, yoi, interrogea Marco.
- Dans mon malheur, j'ai eu la chance de finir pas loin de Flotsam. Je suis allé trouver Anezka qui m'a reconnu. Sheala est partie en abandonnant son megascope et l'herboriste l'a récupéré. Avec ça, elle a réussi à me renvoyer dans le coin. J'en ai marre de marcher.
Avec un lourd soupir, Ace se laissa tomber sur le rebord d'un mur à moitié détruit. Il se frotta le visage avant de rejeter un dread par-dessus son épaule pour regarder le duo.
- Alors ? Des nouvelles de Triss ?
Avec précaution, Geralt sortit de sa sacoche la statuette de Triss, ce qui fit grimacer Ace.
- Sa vie est en jeu à elle aussi. Le pire est que tant qu'elle est comme ça, on ne peut pas aider Saskia, non plus, yoi. Il nous reste que cette fichue rose…
Ace ouvrit sa propre sacoche et en tira une rose qui commençait déjà à faner.
- Je me suis dit que faire un détour pour en prendre une ne pouvait pas faire de mal, se justifia le D. Au pire, je pouvais toujours l'offrir à mon chéri.
- Et ça aurait été avec plaisir, mais malheureusement, elle va devoir être utilisée pour sauver Saskia. Mais merci d'avoir pensé à moi, yoi.
Et le blond embrassa le brun sur le sommet du crâne.
- Tu veux que je voie avec Shiva si elle peut sortir Triss de son état ? proposa Ace.
Vu ce que Philippa s'était permise de faire à un Ace affaibli, Geralt ne voulait savoir ce que cette perverse ferait à Triss dans cet état. Alors, lentement, avec précaution, la figurine changea de main. Puis, la rose fit le chemin inverse.
- Je vais l'accompagner auprès de Philippa, elle soignera certainement juste en suivant Saskia, annonça Marco. Ace, si Shiva peut le faire, dis-lui de m'attendre. Rien ne dit l'état dans lequel sera Merigold une fois décompressée.
- Hai taisho ! salua le brun.
Il embrassa Marco sur la joue et reprit sa route vers Vergen. Geralt le regarda s'éloigner avant de retomber sur terre quand Iro miaula à ses pieds.
- Tu as raison Iro, Saskia a déjà assez attendu, yoi, répondit le Phénix.
- C'est tout de même pratique de pouvoir communiquer avec les animaux, nota le mutant en emboitant le pas du médecin.
- Oh oui. Ça m'a sauvé la vie plus d'une fois, surtout quand j'étais encore un gamin et que Thatch et moi étions deux orphelins cherchant à se faire oublier, yoi.
Et la conversation s'arrêta là. Ils remontèrent côte à côte les rues en pente de Vergen pour rejoindre Eilhart dans ses quartiers dans les hauteurs de la ville dans la montagne. Et ils l'entendirent avant même d'être chez elle. La magicienne hurlait comme une banshee.
Les deux hommes se regardèrent et accélérèrent le pas pour aller voir ce qu'il se passait. Ils trouvèrent la magicienne dans ses appartements littéralement retournés en tous sens. Elle avait l'écume aux lèvres tant elle était en colère.
- Quelle peste ! J'ai été stupide ! rageait-elle.
Marco s'arrêta sur le seuil et jeta un regard au dehors.
- Pas de neige en vue. Pas de cochons volants. Je dois avoir mal entendu alors, yoi.
- Moquez-vous donc de moi, messieurs ! Profitez donc de l'occasion ! ragea la magicienne en leur faisant face. Philippa Eilhart menée en bateau par une sale chienne de Nilfgaard ! Quand je mettrais ma main sur elle, je me ferai plaisir comme jamais ! Elle regrettera que sa mère n'ait pas avortée !
- Par chez moi, on appelle ça le karma, Eilhart. Profite, apprécie, savoure, sourit sardoniquement le médecin. Je connais quelqu'un qui va aimer cette histoire, je peux te l'assurer.
- Assez ! Dîtes-moi au moins que votre escapade a servi à quelque chose !
- Outre apprendre que Letho est en route pour Loc Muinne et que les nilfgaardiens doivent décommander… pas grand-chose, répondit Geralt. Mais on a ceci.
Il montra la rose à Philippa qui arrêta de ruminer pour s'approcher de la fleur qu'elle cueillit délicatement des doigts du mutant.
- Vous avez donc trouvé Triss ? demanda Philippa.
- C'est plus compliqué que ça, yoi, répondit vaguement Marco. Le fait est que nous avons une fleur qui se meurt, donc, si on doit sauver Saskia, c'est maintenant.
- Tous les ingrédients sont réunis pour la soigner.
- Alors, au travail, annonça froidement Philippa.
Elle remonta ses robes et se dirigea dans son bureau pour faire le nécessaire.
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Saskia était fiévreuse dans son lit quand ils allèrent la retrouver. Thatch veillait sur elle à cet instant, lui épongeant le front avec délicatesse. La magicienne s'avança vers le lit avec une fiole contenant un liquide bleu turquoise translucide. Elle en fit couler dans la gorge de la guerrière avant de la lui masser pour forcer la déglutition. La magicienne bannit la fiole avec sa magie et sortit une énorme seringue qui fit plisser des yeux Marco qui se tenait appuyé au pied du lit. La blonde n'eut pas la moindre réaction quand Philippa lui enfonça l'aiguille dans la poitrine, juste au niveau du cœur. Aucune goutte de sang ne coula non plus. Rapidement, le contenu de la seringue fut vidé intégralement dans l'abdomen avant d'être retiré et banni à son tour. Vint le tour de la rose. Un simple pétale fut déposé sur le front de Saskia avant que Philippa ne se redressa et commence ses tours de magie qui illuminèrent de blanc ses mains. Thatch jeta un regard à Marco qui secoua la tête. C'était un poison magique, il était loin de son domaine dans cette situation. Shiva aurait été plus à sa place ici que lui, cependant, elle devait voir si libérer Triss était dans ses capacités.
Philippa cessa ses sorts et prit un autre pétale de fleur qu'elle posa sur ses propres lèvres, l'y maintenant en aspirant doucement l'air. Elle se pencha vers la guerrière inconsciente et l'embrassa sur la bouche avec une passion déplacée dans le cas présent.
- Ca suffit Eilhart ! s'indigna le Phénix en se dressant. Dans son état, Saskia n'est pas apte à donner un quelconque consentement !
Philippa se redressa de nouveau et jeta un regard froid au Phénix qui marchait sur elle.
- Ce sont les soins qui veulent ça.
- C'est ça, et moi, je suis un poisson !
Un souffle venant du lit coupa la conversation. Saskia venait de souffler et faire s'envoler le pétale qui était resté sur sa bouche. Le blond repoussa la magicienne pour se pencher vers la jeune femme dans le lit qui se redressait péniblement.
- Quel est ton nom ? demanda doucement Marco en posant une main délicate dans le dos de sa patiente.
- … je… euh… Saesenthe… répondit vaguement la femme totalement déboussolée.
Geralt fronça les sourcils. Etrange réponse que voilà.
- Comment te fais-tu appeler ? répéta le Phénix.
Du coin de l'œil, le Loup Blanc nota le regard que le vampire lançait au Phénix. On pouvait lire que le Scoia'tael trouvait le blond stupide et tout ce qu'on voulait dans le même registre. De plus en plus intéressant.
- Saskia, finit par répondre la Vierge en s'asseyant au bord du lit. Que s'est-il passé, Marco ? Je… je me souviens du poison…
L'horreur se dessina sur les traits de la jeune femme qui se leva d'un bond. Sauf qu'après l'immobilité des derniers jours, ce n'était pas une bonne idée et elle se serait méchamment ramassée sans le soutien de Thatch.
- La bataille ?! Henselt et son armée ?! paniqua-t-elle.
- La brume est toujours là, donc, elle n'a pas encore eu lieu, rassura Philippa. Tu l'auras ta bataille, mais calme-toi. Je m'en vais annoncer à tout le monde ton retour parmi les vivants.
- Parfait, je vais pouvoir m'assurer qu'il n'y ait rien qui traîne et réparer ce qu'il faut, dit Marco en faisant un pas entre les deux femmes pour s'assurer que Philippa ne s'approche plus de la Vierge
- A qui dois-je ma vie ? s'enquit Saskia en se rasseyant sur son lit.
- Geralt, Marco et, même si ça me fait de la peine de l'admettre, à Eilhart aussi, répondit Thatch en grinçant des dents.
- Je vous en remercie. Dîtes-moi, Geralt de Riv, où en sommes-nous de la malédiction ?
- Il nous manque encore l'épée de Vandergrift, qui est un des éléments clefs dans le désenchantement.
- Vous auriez dû prendre cette arme, ce n'est qu'une épée comme une autre pour moi, un morceau de fer sans importance.
- Les hommes de Iorveth n'étaient pas de cet avis, glissa le roux avec une grimace.
Saskia repéra son armure sur une table proche avec, juste à côté, son épée. Elle tendit la main dans la direction de l'arme.
- Servez-vous.
- Merci. Je vais faire mon possible pour lever rapidement la malédiction.
Geralt traversa la pièce et récupéra l'arme.
- Pourquoi m'avez-vous aidée ? s'enquit la jeune femme.
Que lui répondre ? Dans un sens, il voulait voir où l'utopisme de Vergen pouvait aller. De l'autre…
- Je suis un sorceleur. Lever les malédictions, c'est mon passe-temps.
- C'est donc ça la fameuse neutralité ?
- Il y a de ça. Et aussi, je ne pense pas qu'une révolution puisse se finir en succès. Le temps m'a appris quelque chose de très important : aucun idéal ne vaut qu'on meure pour lui. A vous de me prouver le contraire.
- Comment tu fais pour t'entendre avec Ace reste un mystère qui me dépasse, yoi, soupira Marco.
- Peut-être qu'il a besoin de quelqu'un de terre à terre pour lui rappeler de ne pas tomber dans le vide de temps à autre.
Marco sembla considérer l'option, faisant rire Thatch. Saskia esquissa un sourire et salua de la tête Geralt.
- Merci encore et bonne chance avec cette malédiction, remercia Saskia
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Geralt sortait de l'auberge après un repos bien mérité, quand il tomba nez à nez avec Ace.
- Qu'est-ce que tu veux ? s'enquit le Loup Blanc.
Pour toute réponse, le Chat Noir décrocha de sa taille sa sacoche à élixir et la tendit à Geralt.
- Je sais pas trop ce qu'il va se passer pendant que tu lèves la malédiction. Et vu mon instabilité mentale, je serai pas capable de t'aider sans me retrouver en PLS dans un coin…
- PLS ?
- Peu importe. Prends ça. Si avoir des bombes et des élixirs en plus de déjà prêts peut te sauver les miches, alors, prends mon équipement. Je ne vais pas en avoir besoin avant un moment.
Le plus vieux observa son camarade, puis la sacoche, avant de hausser les épaules.
- Merci.
- J'ai du nouveau pour Triss aussi. Shiva peut la sortir de cet état. Ça prendra du temps afin qu'elle ne nous fasse pas une crise au passage, mais elle devrait pouvoir y arriver.
- C'est bon à savoir. Eh bien… je vais y aller.
- Bon courage.
Ace tendit une main à Geralt qui la prit pour échanger une virile accolade. Puis, ils se séparèrent et le Loup Blanc porta ses pieds hors de la ville dans le soleil de l'après-midi. Il marcha en silence, seul, avec ses glaives pour unique compagnie. Dans l'une de ses mains, l'épée que lui avait confiée Saskia. Dans l'autre, la bannière brune qui paraissait encore plus vieille et abîmée sous le soleil qu'elle ne l'avait paru dans la pénombre de la crypte.
Enfin, il arriva devant le brouillard, à quelques pas du petit groupe de Scoia'tael qui montait la garde.
- Soyez prêt à fuir. Je vais commencer le désenchantement, j'ignore comment les spectres vont réagir, avertit le mutant aux rebelles.
Les Ecureuils hochèrent la tête et Geralt entra dans le brouillard. Il marcha d'abord un moment à l'aveuglette, avant de voir enfin le champ de bataille éternel dans sa lumière jaunâtre. Un revenant en armure vint vers lui, et lui passa littéralement au travers.
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Il était derrière une palissade, avec ses camarades, prêt à défendre Aedirn. Il n'en pouvait plus d'attendre. Surtout sous cette chaleur étouffante de l'automne. Il aurait préféré être chez lui pour goûter les fruits succulents que devaient porter les arbres fruitiers.
Seulement, il ne ferait pas partie de ceux qui ramasseraient ces fruits. Aujourd'hui, son chef lui avait dit qu'il ferait tomber des têtes de leurs ennemis.
Ils étaient un petit groupe, là, sous un soleil de plomb, derrière une maigre palissade, à attendre le signal de l'assaut.
- On a assez attendu comme ça ! Allons abattre ces chiens de Kaedwenniens !
- Il faut attendre, ce n'est pas le bon moment.
- Parfois, j'oublie la raison pour laquelle on se bat.
- Les rois puissants ne voient pas d'autres options que de se déclarer la guerre.
- Pourquoi Demavend et Henselt ne règlent-ils pas ça en duel ? Mon beau-frère est de Kaedwen et c'est un chic type !
- Je suis allé à un de leurs marchés, une fois. Ils ont des marchandises de bonnes qualités qu'ils vendent à un prix bien moins cher que chez nous !
- Bordel ! Fermez-la ! Tous les Kaedweniens sont des bâtards ! Vous savez ce qu'ils feront à nos femmes si on perd cette bataille ? Vous avez oublié qu'ils sont venus pour piller, brûler et voler nos terres ? Vous allez la leur donner, c'est ça ?!
- Fils de chiennes ! A l'attaque !
- Non, il faut attendre le signal.
- On n'a pas de temps à perdre !
- Silence !
Le silence retomba dans les rangs. Les hommes piaffaient ou tremblaient. C'était à celui qui arriverait à survivre le plus longtemps. Un signal arriva. Enfin.
- Soldats ! Allumez vos flèches ! Vous savez où viser, alors, tirez.
Une nuée de flèches enflammées leur passa par-dessus la tête.
- Allez-y ! Capturez l'étendard de l'ennemi !
L'épée au poing, tous les soldats se jetèrent dans la mêler. Ils se reconnaissaient entre eux par les couleurs. Jaune pour Kaedwen, noir pour Aedirn. Les plus braves et les plus fous partaient en avant. Les plus frileux restaient en groupe.
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Geralt prit une profonde inspiration.
A ses pieds, les restent d'un draugr composé de fragments d'armures de soldats Kaedwenniens. Dans le tas, on pouvait trouver une coiffe en peau de castor.
Il avait, dans sa transe, réussi à détruire la manifestation des sentiments contenus à jamais dans l'étendard de la Bannière Brune.
Il regarda autour de lui. La brume n'était plus visible. Il ne se rappelait pas de comment il avait fini aussi loin dedans sans se faire tuer.
Pas le temps de réfléchir plus qu'un autre esprit sortit du néant et entra en lui.
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Il avait tout vu et à présent, il devait faire son rapport sur la situation critique auprès de son supérieur. Pour cela, il interpella un de ses hommes pour qu'il fasse passer le message :
- L'ennemi a mis la main sur le symbole de la Bannière Brune ! Rester ici revient à les inviter à nous tuer ! Tu dois rapporter tout ça au commandant. On a été pris dans une embuche et on ne survivra pas sans renfort !
- Je dois lui dire ?
- Non, Princesse Syphilis s'en chargera ! Bouge-toi, idiot, avant qu'ils nous tuent tous jusqu'au dernier !
- Je… je vais pas y arriver… c'est ma première bataille… j'ai tué un homme… tout ce sang sur mes mains…
- Arrête de chouiner et bouge-toi !
Alors, il se bougea. La peur au ventre, il fit face au chemin qu'il avait à parcourir et courut. Il courut aussi vite qu'il le pouvait ou qu'il aurait cru en être capable.
- Mettez-vous à couvert ! Ils tirent ! hurla quelqu'un dans les environs.
Sans réfléchir, il se recroquevilla derrière une palissade, les mains protégeant sa tête, priant tous les dieux existants pour qu'il survive à cette journée.
Après la volée de flèches enflammées, il se jeta vers une nouvelle barricade avant que la première ne prenne totalement feu. Courant d'abri en abri, il traversa le champ de bataille. Il devait trouver le commandant.
Enfin, il arriva devant la ligne d'archets.
- Cessez de tirer, c'est l'un des nôtres ! hurla leur chef.
Les arcs furent baissés.
Quand il expliqua la situation, on le laissa passer. Vandergrift devait savoir après tout.
Le démon de la guerre le reçut en silence à son poste de commande d'où il observait la bataille, entouré d'une nuée de corbeaux. Sabrina de Glevissig se tenait à côté de lui, froide et calculatrice.
- Mon seigneur ! Le leader de la Bannière Brune m'envoie ! Nous sommes tombés dans une embuscade ! Nous ne pouvons pas tenir !
- Je croyais pourtant que vos éclaireurs avaient ratissé minutieusement le champ de bataille, capitaine ! gronda le commandant avec une voix avec un étrange écho.
- Oui, mon seigneur ! Ils ont dû faire des trous pour se cacher sous le couvert de la nuit, puisque le matin venu, le champ de bataille était propre. C'est Dame Glevissig qui le surveillait durant la nuit avec sa magie.
- Dix coups de fouets à tous les éclaireurs et pendez-en un sur trois ! gronda le chef.
- Mon seigneur, nous avons besoin de renfort !
- Il n'y aura pas de renforts ! Vous devez tenir !
Vandergrift venait de condamner à mort la Bannière Brune dans son ensemble. Mais déjà, il était en train de s'occuper du cas de la magicienne.
- Quant à vous, Glevissig, nous réglerons ceci après la bataille. Le roi aura vent de votre incompétence !
- Ce sont les commandants qui gagnent ou perdent les batailles, pas les magiciennes, répliqua la femme qui n'avait pas l'intention de courber l'échine. Je vais faire un rapport, moi aussi, et…
- J'en ai fini avec vous, sorcière !
Le démon de la guerre se leva de son siège. Il était temps de gagner cette guerre. Avec son bouclier et son glaive, il se dirigea vers le gros du combat. Il allait leur montrer comment on se bat. Sabrina le regarda partir avec haine. Il en avait peut-être fini avec elle, mais la réciproque n'était pas vraie.
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Geralt reprit conscience d'où il était. Il se retourna et remarqua le spectre d'une femme avec un bâton de mage qui regardait le champ de bataille avant de se détourner. Il la suivit alors qu'elle s'enfonçait dans les herbes et les roches jusqu'à un endroit isolé du reste de la bataille. Le Loup Blanc vit l'esprit commencer des manipulations magiques qui faisaient virevolter des arabesques verdoyantes autour d'elle et de son bâton. Elle prononça quelques mots magiques, puis planta son outil magique dans le sol, pour ensuite, reculer de quelques pas. La magie forma des cercles éphémères et concentriques autour de la pierre au sommet du bâton, comme si l'air était de l'eau. Sabrina ne s'arrêta pas pour autant, elle continua ses invocations en manipulant en des gestes lents et lourds, comme difficile, la magie autour d'elle. Puis, quand elle baissa les bras, elle n'était plus seule. Des apparitions s'étaient réunies en cercles autour du bâton de mage. Dans le tas, on avait Sheala de Tancarville et Philippa Eilhart entre autres. Cette dernière demanda directement, sans bonjour ni merde, ce que voulait Sabrina.
- Ma position auprès de Henselt à la cour est menacée. De plus, si Vandergrift gagne cette bataille, rien ne pourra arrêter l'accaparation du Haut Aedirn par Kaedwen.
L'apparition de Philippa regarda les autres magiciennes avant de revenir à Sabrina :
- L'équilibre du pouvoir du Nord sera fragilisé dans ce cas-là. Que penses-tu faire ?
- Je vais invoquer le Feu de Melgar sur le champ de bataille. Cela devrait tuer Vandergrift et affaiblir les deux camps.
- L'usage d'une arme non conventionnelle ne sera pas reçue de très bonne manière, avertit une des magiciennes.
- J'en ai conscience.
- L'hégémonie de Henselt va à l'encontre des plans de la Loge, annonça Eilhart. Nous t'aiderons, mais souviens-toi qu'en cas d'échec, tu es seule.
Et froidement, Sabrina hocha la tête.
- Je suis prête.
Cela faisait beaucoup de choses nouvelles à savoir. Beaucoup de détails très intéressants sur les manipulations des magiciennes dans le dos de tout le monde. Et décidément, Philippa avait le don d'être au cœur de ces incidents.
Déjà, un autre esprit venait à lui.
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Un autre adversaire tombait sous sa lame. De rage, il hurla aux Kaedweinniens :
- Vous mourrez trop vite ! Vous tombez littéralement comme des mouches ! N'y a-t-il pas quelqu'un capable de s'opposer à Seltkirk de Guletta !
En réponse, on lui envoya un escadron.
Alors, le chevalier marcha. Il marcha pour son roi. Pour sa lignée. Pour sa nation. Il brisait les hommes sur son passage, les tuant sans une hésitation. Avant qu'il n'y arrive, la barricade qui lui barrait la route explosa.
C'était un signe du destin.
On voulait qu'il continue son avancée.
Alors, il se fit un plaisir d'aller toujours plus loin, faisant de longues ouvertures dans l'armée de la licorne noire.
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Geralt se força à reprendre conscience, expulsant l'esprit de Selkirk de sa chair. Mais le mort était toujours à ses côtés. Sauf que cette fois, il en le voyait plus en chair et en os, mais avec une armure abimée, la chair brûlée et putréfiée par endroit.
- Le Visiteur ! s'exclama le défunt en pointant de son épée quelque chose sur le champ de bataille. J'attends notre nouvelle rencontre depuis bien trop longtemps !
Le Visiteur était à présent haut comme un cyclope, composé de morceaux de métal et de bois provenant d'armures et de machines de guerres encore incandescentes. Son épée était aussi longue qu'un arbre était haut et son bouclier était parsemé d'éperons d'apparence dangereuse.
- Tu dois partir, annonça le sorceleur au revenant à ses côtés.
- Je ne vais pas tourner le dos à une opportunité de me battre encore une fois contre Vandergrift !
- Il te tuera.
- Seltkirk ne craint pas la mort !
- Et en mourant, tu condamnes tes hommes à te suivre dans la tombe. Et revivre chaque jour cette affreuse journée. Pour l'éternité. Pars ! C'est un combat pour un sorceleur, pas un chevalier !
Pendant un instant, Geralt crut que le revenant allait refuser, mais il finit par s'incliner.
- Je le fais seulement pour mes hommes.
Et le fantôme disparut dans les airs. Le mutant tira sa lame d'argent déjà enduite d'huile contre les spectres et passa à l'assaut. Il avait un simple soldat, certainement un capitaine, qui le séparait de Vandergrift lui-même. Un combat simple, qui se termina par le Visiteur en sa forme de démon de la guerre qui se planta droit devant le Loup Blanc. D'un revers de ce qui lui servait de main, il balaya l'esprit que Geralt venait de vaincre, l'insultant copieusement sur son échec.
- Qui es-tu ? demanda le mutant.
- Ahahahahaha ! Ton pire cauchemar !
Et le démon se mit en garde.
Ce combat ne serait pas de la tarte.
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Été 1270, dans la forêt d'Angren.
Aucun mortel, tout puissant soit-il, aucun morceau de métal ou tas de muscles ne peut parer l'attaque de la queue d'une gluasse.
Letho n'avait pas fait exception à cela, mais par miracle, il avait réussi à survivre.
Geralt l'avait aidé. Parce que les sorceleurs doivent s'entraider sur la Voie et Vesemir le leur avait bien montré en accueillant cette petite sorceleuse, aujourd'hui femme belle et forte, de l'Ecole du Chat malgré les différents qui opposaient les deux Ecoles.
Letho avait deux camarades avec lui. Deux de ses frères de l'École de la Vipère.
La Chasse continuait sa route vers le sud et Letho de Guletta savait où elle se rendait.
Il savait où la poursuite infernale se terminerait.
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Geralt se réveilla, le corps douloureux et la tête en compote. Il sentit une main sur son épaule, l'accompagnant dans son geste pour se redresser, plus qu'elle ne l'aidait. Il était sur un lit, ça, il l'avait bien compris. A l'aveuglette, il chercha le bord le plus proche et y jeta ses jambes.
Il cligna des yeux et regarda qui était avec lui.
Shiva.
Mais différente. Ses cheveux déjà longs lui arrivaient littéralement aux talons. Sa toison noire était devenue lisse et blanche, faisant ressortir d'étranges arabesques que formaient ses écailles sur sa peau. Même les plumes dorées qu'elle avait dans les cheveux avaient blanchi.
- J'ai loupé quelque chose ?
- Rien d'intéressant. Disons que je me repose en te surveillant, histoire d'éviter plus de problèmes pour la ville déjà bien éprouvée, répondit laconiquement l'elfe avec un geste de la main.
- Heureux de voir que je ne suis ni mort ni en pleine hallucination, grommela le mutant en se frottant le visage.
- J'ai une place de prévu sur le navire de Davy Jones, donc, il est certain qu'on ne se reverra pas de l'autre côté. Quant aux hallucinations, je me poserais de grosses questions si tu avais des visions de moi sous cette forme si particulière.
- Comment je suis arrivé ici ?
- Marco t'a suivi. Ace tient beaucoup à toi. Donc, pour faire plaisir à sa moitié, le Phénix t'a suivi dans le brouillard pour s'assurer que tu ne te ferais pas tuer stupidement.
Il rêvait ou elle trouvait la situation drôle ?
- Quant à là où nous sommes, ce sont nos quartiers. Tu es dans le lit de Thatch, il a accepté de te le céder. Triss se repose dans la chambre d'à côté, la mienne.
- Eh bien, je le remercierai quand je le verrai.
- C'est inutile. On a besoin de toi. On ne fait que payer par avance pour un gros service qu'on te demandera plus tard.
- Ah.
Il était tenté de lui demander de quoi il était question, mais il se doutait qu'il n'aurait pas de réponse.
- J'ai réussi ?
- Dans l'éclat.
- J'ai hâte que les villageois aux quatre coins d'Aedirn commencent à raconter mes exploits avec cette puissante malédiction.
- Cela nous changerait vraiment du répétitif Jette un sou au sorceleur que déblatère Jaskier depuis une petite dizaine d'années. Tu as appris du nouveau sur cette malédiction ?
- J'ai vu la dispute entre Sabrina et Vandergrift. Juste en suivant, elle est entrée en contact avec des membres de la Loge, dont Sheala de Tancarville et Philippa Eilhart.
Un sifflement de rage s'échappa des lèvres de l'elfe alors que sa langue de serpent dardait entre ses dents pour s'agiter avec colère. Cette vue restait un chouilla perturbante.
- C'est à la suite de ça qu'elle a décidé d'invoquer le Feu de Melgar sur le champ de bataille, afin que Henselt abandonne le combat. Puisque ce combat ne pouvait se poursuivre dans l'honneur, et que les hommes avaient peur du feu qui tombait du ciel, l'armée de Kaedwen s'est retirée. Par la suite, Sabrina a été condamnée par Henselt lui-même de brûler au bûcher. Je me demande si c'est pour ça que Philippa est dans le camp d'Aedirn. Pour la vengeance.
- Non, elle est trop égoïste pour ça. Trop calculatrice. Les autres ne sont que des pions ou des objets sexuels à ses yeux. Henselt la dérange, je pense plus. Et c'est triste, mais j'ai vu une des possibles issus de la guerre. Avec la mort de cet homme.
- Par qui ?
Shiva prit une position que le mutant reconnut comme celle que le groupe de pirate avait pendant qu'ils tenaient leur fusil. Elle mima l'action de tirer avant de laisser retomber ses bras sur sa longue queue de serpent couleur sable.
- Ace. C'est tout ? conclu l'elfe noire.
- Non. Le pouvoir des spectres et de la malédiction a ouvert ma mémoire.
- J'ai constaté qu'avec sa rencontre avec eux, en arrivant en ville, Thatch avait retrouvé des petits détails de son passé. L'autre jour, je l'ai vu pleurer devant un miroir en passant une main dans ses cheveux.
Le sourire moqueur disparut aussi vite qu'il était apparu.
- Donc, de quoi est-ce que tu t'es souvenu ?
- De Letho. De notre première rencontre. Je l'avais sauvé dans la forêt d'Angren. Lui et deux de ses camarades de la Vipère m'ont aidé dans ma poursuite de la Chasse Sauvage pour retrouver Yennefer qu'ils avaient enlevée. J'ignore encore si on a réussi à les rattraper. Ou si nous avons sauvé Yennefer.
Shiva hocha la tête.
- Comment se porte Triss ?
- J'ai réussi à la décompresser. Je l'ai plongée dans un coma artificiel grâce à quelques plantes. Je suis encore en train de me remettre de l'opération magique, d'où le fait que je ne risque pas de bouger avant un moment de cette maison. Marco l'a examinée attentivement et l'a soignée au maximum. Elle a maintenant besoin de repos. J'ai pu m'adresser à elle par la télépathie, pour lui expliquer ce qu'il s'était passé, donc, elle ne sera pas désorientée à son réveil. Encore quelques jours et elle sera apte à refaire de la magie.
- C'est bon à savoir. Et Saskia ?
- Elle est en pleine forme… mais quelque chose cloche. Aucun de nous n'arrive à mettre le doigt dessus. Pourtant, comme prévu, elle a pris les défenses de la ville en main et prépare tout le monde pour la bataille. Mais…je ne sais pas… J'ai eu des visions d'elle montrant qu'elle perdait la raison, mais je n'arrive pas à voir comment elle en est arrivée là. Dans ces moments-là, je déteste être l'avatar du patron des devins et avoir mes visions.
- Il y a des moments où je serais bien heureux de ne pas avoir mes mutations aussi.
- J'imagine bien. Mais l'un et l'autre sont difficilement comparables. Bel effort tout de même.
- J'aurais essayé.
Shiva le poussa doucement dans le dos. Elle n'usa pas de la force inhumaine qu'elle avait montré durant la réunion du premier jour.
- Zoltan et Yarpen s'occupent des troupes. La licorne vient à nos portes. Va les aider, ils en auront besoin.
AN : Poor Fucking Infantry version anglaise. Yup. J'ai rien inventé, le truc existe vraiment et a fait des merveilles durant l'infâme bataille de Brenna.
