Chapitre IV
Un ancien ami
Lorsque la diligence s'arrêta enfin, Harry, Ron, Hermione et Míriel débarquèrent et se dirigèrent vers les portes du château. Ils se dépêchèrent de se mettre à l'abri avant d'être trempés. Dans le hall, Míriel se fit apostropher par le professeur Mcgonagall.
« Miss Delombre, suivez-moi dans mon bureau, je vous prie. »
Surprise, Míriel lui obéit et s'en alla sans même jeter un regard aux trois Gryffondors. Elles arrivèrent au bureau du professeur de métamorphose et y entrèrent.
« Miss Delombre, comme vous n'avez pas effectué votre cinquième année à Poudlard, vous n'avez pas encore choisi les matières que vous vouliez étudier cette année. Vous n'auriez pas une idée de métier que vous aimeriez faire ? »
« Auror », répondit la jeune fille sans la moindre hésitation.
« Vous êtes sûre ? Vous allez devoir travailler très fort pour y parvenir. Il faut avoir de très bons résultats au ASPIC et après le collège, vous avez encore plusieurs années d'étude à faire. Ils ne prennent que les meilleurs. »
« Avant de parler, avez-vous regardé mes résultats aux BUSE ? » demanda Míriel, un sourire aux lèvres.
Intriguée, Mcgonagall fouilla dans ses papiers, cherchant le dossier de la jeune fille. Quand elle l'eut enfin trouvé, elle le survola rapidement, l'air de plus en plus étonnée.
« C'est vrai qu'avec des notes pareilles…vous devriez réussir. Il vous faudra donc choisir comme option : les sortilèges, la métamorphose, la défense contre les forces du mal ainsi que les potions. »
« Très bien. Si c'est tout ce que vous aviez à me dire, je crois que je vais m'en aller », dit Míriel en se levant.
Et elle sortit du bureau. Elle eut ensuite un peu de difficultés à retrouver son chemin jusqu'à la grande salle. Cela faisait tout de même quelques années qu'elle n'était pas passée par là. Arrivée devant les portes, elle hésita un instant avant d'entrer. Elles étaient fermées mais on pouvait tout de même entendre la voix fluette du professeur Flitwick qui lisait la liste des élèves de première année afin qu'ils soient répartis entre les différentes maisons. Elle entrouvrit la porte discrètement et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Tous les élèves observaient attentivement la cérémonie de répartition et personne ne l'avait encore remarquée. Elle essaya de se faufiler subtilement jusqu'à la table des Gryffondors mais malheureusement, un élève la remarqua et bientôt toutes les personnes présentes dans la salle l'avaient aperçue. Mal à l'aise, elle s'assit sur la première chaise qu'elle atteignit, à l'extrémité de la table. Quelques instants passèrent dans un silence total avant que le professeur Flitwick ne reprenne la lecture de la liste des première année en annonçant « Mcdowell, Ewan ». L'attention des élèves se détourna de Míriel pour se reporter sur le petit garçon qui venait de mettre le choixpeau magique sur sa tête. « Serdaigle ! » annonça celui-ci après quelques instants de réflexion.
La fin de la cérémonie arriva bientôt et dès que « Williams, Andrew » eut été envoyé à Poufsouffle, Flitwick emporta le choixpeau hors de la salle. Le professeur Dumbledore se leva.
« Je n'ai que deux mots à vous dire : Bon appétit. »
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Les tables se couvrirent aussitôt des habituels ragoûts à la sauce onctueuse, plats de légumes cuits et cruches de jus de citrouille. Harry et Ron se jetèrent avidement sur la nourriture et en emplirent leur assiette à rebord.
« Pou'a esche 'e de'omb'e 'iens pa man'er a'ec 'ous ? » demanda Ron, la bouche pleine de pommes de terre.
« Quoi ? » s'exclama Harry.
« J'ai dit : Pourquoi est-ce que Delombre vient pas manger avec nous ? » répliqua le rouquin après avoir avalé.
« Ah, c'est vrai. Pourquoi est-ce qu'elle reste tout seule au bout de la table ? » questionna Hermione.
« Je ne crois pas qu'elle avait envie de supporter davantage notre présence », répondit sombrement Harry.
« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? »
« Je veux dire qu'elle ne nous affectionne pas particulièrement et si j'étais elle, je serais sûrement resté manger dans mon coin. »
« Elle m'avait pourtant l'air sympathique dans le train », dit Hermione.
« Ça c'est après que vous soyez arrivés. Avant, elle était tout sauf sympathique. »
Harry leur révéla alors ce que Míriel avait dit avant leur venue. Tout à propos du « rouquin énervé » et « du vieux débris ». Aussi de l'étonnement plus ou moins sarcastique de la jeune fille lorsqu'elle avait appris que « Saint Potter » n'était pas préfet. Il leur parla aussi du mépris qu'il pouvait distinguer dans la voix de la jeune fille à chaque fois qu'elle lui avait parlé. Il leur raconta l'allusion qu'elle avait faite à propos de ses amis de Durmstrang et la façon dont elle avait réagi lorsqu'il lui avait dit qu'il avait d'abord cru qu'elle irait à Serpentard.
Ron et Hermione écoutèrent tout ce que Harry leur exposa jusqu'au bout, sans l'interrompre. Ils étaient bien trop étonnés par la complexité de la personnalité de la jeune fille. Aussi bien pouvait-elle se montrer joyeuse et sympathique ou bien, au contraire, être froide, renfermée et hautaine.
Lorsque Harry eut terminé, Ron et Hermione étaient bouche bée par l'attitude dont Míriel avait fait preuve et des propos qu'elle avait tenus.
« Elle trouve que je ne suis qu'un rouquin énervé ?! », fut tout ce que Ron trouva à dire.
À cela, Harry et Hermione échangèrent un sourire.
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Lorsque enfin toute trace de nourriture disparut des assiettes, le professeur Dumbledore se leva pour son habituel discours de bienvenue.
« À présent que nous sommes tous occupés à digérer un autre de nos somptueux festins, je vous demande de m'accorder quelques instants d'attention afin que je puisse vous donner les traditionnelles recommandations de début d'année », déclara le directeur. « Les nouveaux doivent savoir que la forêt située dans le parc est interdite d'accès. M. Rusard, le concierge, m'a aussi demandé de vous rappeler, pour la cinq cent trente-deuxième fois selon lui, que l'usage de la magie n'est pas autorisé dans les couloirs entre les heures de cours et que beaucoup d'autres choses sont également interdites, dont la liste complète est désormais affichée sur la porte de son bureau. »
Après une courte pause, Dumbledore reprit.
« Nous accueillons cette année une ancienne élève qui avait fait sa première année avec nous et qui nous revient après quelques années d'étude à l'institut Durmstrang. Les élèves de 7e année se souviendront peut-être d'elle. Je vous demanderais de souhaiter la bienvenue à Míriel Delombre », dit le directeur en désignant la jeune fille qui était assise à l'extrémité de la table des Gryffondors.
Tous les élèves se tournèrent encore une fois vers Míriel. Celle-ci ne leur prêta pas la moindre attention, se contentant de jurer mentalement contre Dumbledore.
« Et il faut bien sûr qu'il précise que je reviens de Durmstrang. Merci, merci vraiment ! Ainsi, cela donne une raison de plus à tout le monde dans cette école de me détester. Non mais, il se prend pour qui le vieux débris ? »
« Je n'ai pas terminé », dit le directeur pour faire taire le bourdonnement que sa dernière annonce avait produit dans la grande salle. « J'aimerais encore attirer votre attention sur un point avant que vous ne partiez. Comme certains d'entre vous l'ont peut-être remarqué, il n'y a aucun nouvel enseignant parmi nous ce soir. Je devais pourtant trouver un nouveau professeur de défense contre les forces du mal pendant l'été, mais mes efforts ont été à peu près vains. Je n'ai réussi à en dénicher un que ce matin et j'attends toujours sa réponse. Je vous promets que je vous tiendrai au courant dans les prochains jours et que je ferai tout mon possible pour vous avoir un professeur au plus tôt. Je voudrais aussi préciser que les essais pour la constitution des équipes de Quidditch de chacune des quatre maisons se tiendront le 12 septembre prochain. Je demanderais maintenant aux préfets de bien vouloir conduire les élèves de leur maison respective jusqu'à leur salle commune. »
Tous les élèves se levèrent d'un coup et se dirigèrent vers les portes de la grande salle. Ici et là, on entendait les préfets qui essayaient de regrouper les 1ère année : « Les nouveaux de Serdaigle, suivez-moi…Les Gryffondors, par ici… » Míriel, comme tous les autres, se dirigea vers le hall en essayant de se remémorer le chemin autrefois si connu qui menait à la salle commune des lions.
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Christian Hawkins était un élève de septième année à Gryffondor. Grand, svelte, des cheveux bruns aux mèches rebelles et des yeux gris pâle. Les filles craquaient pour lui et il ne s'en plaignait pas. D'ordinaire, il avait son troupeau d'admiratrices qui le suivaient et il n'avait besoin de faire que quelques pas pour se trouver une compagne ; mais aujourd'hui, c'était différent. Aujourd'hui, c'était lui qui courait après une fille, et non le contraire. Mais cette fois-ci, il n'était pas question de « sortir » avec qui que ce soit, car c'était après Míriel Delombre qu'il courait.
« Après toutes ces années…je commençais déjà à l'oublier », songeait-il en arpentant les couloirs du deuxième étage.
Lorsque Dumbledore avait prononcé le nom de la jeune fille, tous ses souvenirs de première année lui étaient revenus en tête. La petite fille frêle et intimidable qui était à Gryffondor même si tout le monde l'aurait mise à Serpentard. Celle qui recevait une beuglante furieuse de sa mère presque un matin sur deux. Celle qui était toujours seule puisque personne ne voulait être son ami. Sauf lui, car il l'était devenu, son ami. Il avait appris à la connaître, appris à voir ses bon côtés. Mais à la fin de l'année, elle était partie et n'avait plus donné aucun signe de vie. Elle n'était pas revenue en septembre suivant ni à celui d'après. Personne n'avait jamais su exactement pourquoi. Christian n'avait plus reçu de ses nouvelles et il avait fini par l'oublier peu à peu. Mais maintenant, elle était de retour et cette fois-ci encore, aucun élève n'en savait la raison. La seule chose qui était certaine, c'était que toutes ces années, elle les avait passées dans une école de magie noire.
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Míriel essayait tant bien que mal de trouver son chemin parmi le dédale d'escaliers et de couloirs qui conduisaient à la salle commune des Gryffondors. Après avoir tourné quelques fois en rond dans le labyrinthe de « raccourcis » du 3e étage et d'avoir dû modifier aussi son itinéraire à cause des escaliers qui changeaient sans cesse de place, Míriel se retrouva enfin devant le portrait de la grosse dame. Après avoir fouillé dans sa mémoire à la recherche du mot de passe, la jeune fille se souvint enfin :
« Mandragore », dit-elle finalement au tableau.
La grosse dame la regarda d'un air ébahi.
« Vous êtes en retard de quelques années, Miss. C'était le mot de passe il y a six ans de cela. »
Míriel prit alors conscience d'une chose à laquelle elle n'avait pas pensé : Ils changeaient de mot de passe à chaque année. N'étant restée que le temps de sa première année, elle n'était pas au courant de ce détail.
« Mais qu'est-ce que c'est que cette absurdité ! Ils ne faisaient pas cela à Durmstrang pourtant », pensa-t-elle.
Mais alors, comment ferait-elle pour entrer ?
« Míriel ? » fit une voix dans son dos.
Elle se retourna et aperçut un jeune homme d'environ dix-sept ans. Son visage lui rappelait étrangement quelqu'un. Elle le reconnut soudain, après quelques instants de silence.
« Christian ? C'est bien toi ? »
« Bien sûr. Je suis et je serai toujours le seul, le vrai, l'unique Christian Hawkins. Content que tu m'aies reconnu après six ans, Míriel. »
« J'ai eu plus de chance qu'autre chose. Tu as tellement changé depuis le temps. »
« On embellit toujours avec les années, que veux-tu !… »
« Bon, est-ce que vous me le donnez ce mot de passe, oui ou non ? » s'exclama la grosse dame dans son tableau.
« Oui, désolée », dit Christian. « C'est Solaris. C'est un préfet qui me l'a dit », apprit-il à Míriel.
Ils entrèrent dans la salle commune des Gryffondors. Comme d'habitude, elle était animée par les conversations des élèves. Un feu brûlait dans l'âtre et la presque totalité des fauteuils étaient déjà occupés. Christian et Míriel se dirigèrent vers un coin plus sombre de la pièce pour pouvoir discuter en paix.
« Alors, Míel… »
« Ne m'appelle pas comme ça, c'est atroce comme surnom. »
« Tu veux que je dise « Delombre » comme tous les autres font alors ? »
« Après mûre réflexion, appelle moi Míel », répliqua-t-elle vivement.
« Alors Míel, qu'est-ce qui t'a décidée à remettre les pieds ici ? » demanda le jeune homme. « Ta mère je suppose. »
« Non, ma mère n'est plus en état de décider quoi que ce soit maintenant », répondit Míriel sombrement.
« Comment ça ? Elle est malade ? »
« Assassinée », répondit la jeune fille en un souffle.
« Oh…je suis désolé. Quand est-ce que cela s'est passé ? »
« Il y a un an…pendant les vacances d'été. »
« Et où est tu allée après ? » demanda Christian, se souvenant qu'elle ne vivait qu'avec sa mère auparavant.
« Chez mon père. »
« Ton père !? Mais tu ne m'avais pas dit qu'il était à Azkaban ? »
« Il a été euh…relâché. »
« Ah oui ? C'est drôle, je n'en ai pas entendu parler. Donc c'est ton père qui t'a réinscrite à Poudlard ? »
« Non », dit Míriel qui se rembrunit encore plus en pensant à son père.
« Ne me dis pas qu'il a été assassiné lui aussi », dit le jeune homme sur un ton de plaisanterie.
Elle se contenta de lui lancer un regard noir avant de détourner la tête. Christian, comprenant alors son erreur, essaya de se raviser.
« Désolé, je ne savais pas », dit-il en allant s'asseoir à côté d'elle.
La jeune fille leva sur lui des yeux infiniment tristes. Elle avait pratiquement oublié son désespoir des dernières semaines pendant les jours précédents. Elle avait eu d'autres motifs de préoccupation. Mais maintenant, tout lui revenait en une vague d'émotions.
Christian la serra dans ses bras pour la réconforter. Elle se réfugia dans son étreinte comme elle avait l'habitude de le faire en première année. Elle réalisait peu à peu combien elle s'était ennuyée de tout cela. Comment avoir un véritable ami à qui on pouvait se confier lui était indispensable. Combien Christian lui avait manqué, terriblement manqué.
Ils restèrent un moment dans les bras l'un de l'autre avant que le jeune homme ne la décolle de lui.
« Ça va aller ? » demanda-t-il doucement.
Elle hocha lentement la tête.
« Que dirais-tu d'une partie d'échec ? » dit-il pour changer de sujet. « J'espère que tu es aussi bonne qu'avant parce que moi si.
« Gare à toi, je suis encore meilleure qu'avant », répondit-elle du ton un peu plus enjoué.
Ils installèrent l'échiquier et la partie commença. Rapidement, Míriel prit le dessus.
« Et moi qui croyais que j'étais encore un adversaire de taille », dit Christian en regardant, incrédule, le nombre impressionnant de pièces que la jeune fille lui avait déjà mangées.
« À Durmstrang, je regrettais toujours nos parties parce que je n'avais plus d'adversaire à ma taille, mais maintenant, je regrette les parties que je faisais avec Viktor. Il était un peu moins pitoyable que toi. »
« Je ne suis pas pitoyable, c'est toi qui es trop bonne. Et je parie que je serais capable de le battre ton Viktor. »
« Ça par contre, ça m'étonnerait », répondit-elle en mangeant la tour du jeune homme à l'aide de son fou.
« C'est pas juste. Toi, tu as pu t'améliorer en jouant contre les russes, les champions du monde ! Tandis que moi j'ai dû me contenter de la piètre performance anglaise. »
« Tu dis ça, mais en fait, je ne les ai pas trouvés si bons que ça pour des champions d'échec. »
« C'est ça que je disais, tu es trop bonne », répliqua le jeune homme, moitié riant, moitié exaspéré.
Le temps passa, la partie avança et Christian n'arrêtait pas de perdre des pièces. Il ne lui en restait plus que cinq quand Míriel bailla pour la ènième fois déjà.
« Je crois que je ferais bien d'aller me coucher », dit-elle.
« Hey, mais attends ! La partie n'est pas encore finie. »
« Si », répliqua la jeune fille en déplaçant sa reine. « Échec et mat, Christian. »
Le jeune homme regarda l'échiquier, abasourdi.
« Je ne l'avais pas vue venir celle-là », lâcha-t-il en un murmure. « On en fait une autre. Je veux ma revanche. »
« Une autre fois alors. Là, il faut vraiment que j'aille me coucher. »
« Mais il n'est pas si tard ! Il est juste dix heures. »
« Peut-être, mais n'empêche que je suis fatiguée. Je n'ai dormi que l'équivalent de trois heures depuis hier, alors je suis plus qu'exténuée. »
« Ah, d'accord. Alors bonne nuit, Míel. »
« Bonne nuit, Christian. »
La jeune fille se leva et partit en direction des dortoirs, mais elle s'arrêta après quelques pas et se retourna.
« Tu ne peux pas savoir combien tout ça m'avait manqué. »
