Sa mort ne les sauvera pas.
J'ai observé sous toutes les coutures les livres de Harry Potter, je n'ai trouvé nul part Naviek, uniquement JK Rowling...
Cette fic parle d'amour entre hommes, alors si vous n'aimez pas, passez votre chemin.
Elle parlera aussi de mort et de violence, mais là, tout est de la faute à « Vous Savez Qui »...
Merci beaucoup pour vos reviews, sentir qu'il y en a des lecteurs qui aiment ma fic et qui attendent la suite est la meilleure des motivations. J'espère ne pas vous décevoir...
Chapitre 3: Profiter de ces instants.
Je ne sais pas trop si je suis éveillé ou encore endormi. Je sens la douce caresse du soleil sur ma peau blanche, mais mes pensées restent encore vagues et brumeuses.
Doucement, les sensations me reviennent : le contact d'un sol dur sous mon corps, une douceur étrange sous ma joue, une odeur de frais, légèrement fleurie. Une légère brise rafraîchit mon visage.
Une douleur éparse s'étend de mon cou jusqu'au sommet de ma tête.
Et cette brûlure qui m'étreint la poitrine.
Je reste allongé un moment, les yeux fermés, essayant de deviner ce qui s'est passé. Puis je soulève les paupières, les refermant bien vite sous la lueur douloureuse du soleil.
Petit à petit, je m'habitue à cette clarté. J'observe le ciel bleu, l'arbre majestueux qui abaisse ses branches au dessus de moi, le soleil jouant dans ses branches.
Je tourne la tête et je réalise que je suis couché dans l'herbe: d'où la dureté que j'ai ressenti, mêlée à la douceur des feuilles vertes sous ma joue. Je suis entouré de fleurs violettes au parfum délicat.
Je tâte doucement ma tête et grimace sous la douleur. Ma main en revient rouge.
J'ai analysé un peu toute la situation. Reste cette brûlure sur mon corps. Je baisse les yeux: une main est posée sur moi. C'est sa chaleur que je ressens à travers le tissu fin de ma chemise.
Mon regard monte le long du bras nu, à la peau mordorée et arrive au niveau d'un visage. Je cligne des yeux sous la puissance du soleil, ma vue est comme brouillée.
Mais j'aperçois des cheveux de jais, une peau bronzée, et ça me suffit.
Je le reconnais et tout me revient, la rencontre de cet été avec le Lord Noir, ma mission, le cours de potion, les secondes où grâce au regard de jade du survivant, j'ai voulu tout arrêter. Et cette chute vertigineuse, jusqu'à ma perte de connaissance.
J'examine le jeune homme endormi. Il dort sur le ventre, paisiblement, mais sa peau semble pâle. Lui aussi a du sang sur la tête. Il ne porte plus ses lunettes, elles ont dû être éjectées au moment de la déportation.
Mes yeux glissent sur son corps. Il a l'air blessé à plusieurs endroits.
Je m'approche doucement de lui et l'appelle d'une voix tendre, en caressant délicatement son front. Après quelques instants, son visage se crispe un peu, puis ses yeux papillotent. Il me regarde étrangement avant de se retourner en gémissant.
« Ne bouge pas Potter, tu es blessé. »
Il semble se calmer un peu à ma voix, mais son regard laisse transparaître sa douleur. Il me fixe de ses grands yeux verts, sublimés par l'absence de lunette. Des larmes brillent aux coins de ses paupières.
Comme moi quelques minutes auparavant, il observe l'environnement, les arbres, les fleurs, puis ses yeux reviennent se poser sur moi. Lorsqu'il me parle, sa voix est rauque et basse, cassée.
« Où est-on ?
- Je ne sais pas exactement. En tout cas, ça a l'air désert. »
Il garde ensuite le silence. Il semble réfléchir, examinant la situation. Seuls ses yeux bougent, comme s'il avait peur de solliciter son corps perclus. Je respecte son silence.
« Je ne me rappelle plus. Juste des bribes. Je connais ton visage, mais je n'arrive pas à me souvenir du contexte. C'est tout juste si je me rappelle de qui je suis.
- Harry, tu t'appelles Harry. Murmuré-je.
Il me regarde avec une moue amusée:
« Oui, Harry Potter, jeune sorcier de 16 ans. Je me souviens au moins de ça !
- Moi, c'est Draco Malfoy.
- Draco. »
Mon prénom dans sa bouche est comme un murmure. L'entendre m'appeler d'une voix si douce me fait frissonner.
« Draco, qu'est-ce qu'on fait ici ? Je veux dire, tous les deux, blessés, dans un endroit désert ? »
Je le regarde longuement avant de lui répondre.
« On était en cours de potion, il y a eu un accident et on s'est retrouvés ici. »
Il acquiesce doucement, puis referme lentement ses paupières.
Je profite de son sommeil pour explorer un peu les environs. Je déniche vite une petite rivière poissonneuse, bordée d'arbustes remplis de fruits. Le seigneur des ténèbres a bien choisi son endroit.
Je commence à laver ma plaie à la tête, puis cherche ma baguette pour faire apparaître un récipient pour Potter. C'est là que je remarque l'absence de ma cape.
Je retourne aussitôt auprès de Harry, pour m'apercevoir que lui non plus n'a plus la sienne.
Pas de cape, pas de baguette. Le Lord Noir n'a voulu nous laisser aucune chance.
J'ai dû chercher au moins une demi-heure avant de trouver un morceau de bois creux pouvant servir à transporter l'eau.
Je déchire ma chemise et soigne doucement les blessures de Potter. Il gémit dans son sommeil.
Il semble avoir une jambe sérieusement blessée et un poignet cassé. Mais le plus inquiétant est sa blessure à la tête. Et sa perte de mémoire.
Ma main se pose sur sa joue que je caresse doucement. Elle est tellement douce.
Sans même le remarquer, je m'assoupis doucement à ses côtés.
Lorsque je me réveille, le soleil est déjà assez bas sur l'horizon. Mes yeux se tournent vers Harry qui me fixe de ses prunelles smaragdines.
« Comment tu vas ?
- Assez bien, compte tenu de la situation. »
Le ton de sa voix me frappe. Elle est glaciale, et toujours extrêmement rauque, ce qui renforce mon impression de malaise.
Ses yeux me quittent, observant les alentours. Je n'ose pas lui parler.
Finalement, c'est lui qui revient vers moi. Sa voix me transperce comme une lame tranchante.
« Pourquoi ? »
Devant mon silence, ses yeux s'assombrissent.
« Pourquoi Malfoy ? Pourquoi as tu trafiqué la potion ? Pourquoi m'as-tu emmené là ? Pour...quoi ? »
Sa voix s'est cassée sur la fin, ne laissant passer qu'un souffle.
Je ne peux pas lui répondre. Que lui dirais-je ? Alors je me contente de baisser les yeux.
Quand il reprend, son murmure est presque doux.
« Pourquoi as-tu hésité ? »
Surpris, je relève vivement les yeux, plongeant dans l'étendue de son regard. Incapable de réfléchir, je lui dis la première chose qui me vient.
« Je croyais que tu ne te rappelais plus.
- Tout m'est revenu à mon réveil. Par bribes. Mais tu ne m'as pas répondu. Pourquoi as tu fait ça ? Qu'est-ce que ça t'apporte ? »
Le silence devient pesant. Je ne veux pas lui dire, mais lui veut savoir. Il ne lâchera pas. Je prends une grande inspiration, mais il me devance, brisant encore une fois le silence.
« C'est Voldemort, n'est-ce pas ? C'est lui qui te l'a demandé ? »
Entendre son nom me fait violemment frissonner. Mon absence de réponse vaut tous les « oui » du monde. Harry soupire doucement.
« Qu'est ce que ça lui apporte ? Il va venir ici ? Il voulait m'isoler de Dumbledore pour m'attaquer seul ?
- Il ne viendra pas ici.
- Alors pourquoi ? Je n'y comprends rien ! »
Sa voix est redevenue agressive.
« Mais explique toi au moins Malfoy ! Explique moi ! »
Mes mots ne sortent pas. Je le regarde douloureusement, impuissant face à sa colère. Il essaie alors de se relever pour s'approcher, mais la douleur le fait retomber sur le sol. Je me précipite vers lui.
Mauvais calcul.
Je me retrouve face à deux yeux brillants qui me supplient.
« Je t'en prie Draco, j'ai besoin de savoir. »
Mon prénom prononcé par sa voix éraillée arrête un instant les battements de mon coeur.
Je fonds.
Je me noie dans ses yeux.
Je lui réponds.
« C'était... C'était une mission. Je devais t'emmener ici.
- Mais pourquoi ?
- Pour... Pour... Pour t'éloigner de Poudlard. »
Je ne supporte plus son regard qui me transperce. C'est les yeux baissés que je continue. Ma voix n'est plus qu'un murmure.
« Il veut attaquer Poudlard. Il a voulu t'éloigner. Pour s'occuper de toi plus tard.
- Mais il n'a aucune chance ! Dumbledore est là, il protège Poudlard !
- Le Seigneur Noir n'a plus peur de lui. »
Je relève doucement mes yeux vers lui.
« Tu es le seul qui a de la valeur à ses yeux. Toi éloigné de Poudlard, il ne craint plus personne là-bas. Ensuite, il s'attaquera d'autant plus facilement à toi que tu n'auras plus de soutien. »
Il me fixe longtemps de ses yeux brillants.
« Il va les tuer ?
- Qu'en sais-je... »
Il détourne la tête. Pas assez vite, j'ai vu les larmes dans ses yeux.
Quand il se retourne vers moi, son regard s'est fait assuré.
« Je vais aller les aider.
- On n'a plus de baguette. ... Et on est sur une île. »
Ses yeux se troublent. Il cherche du regard un indice pouvant me contredire, il tâte ses poches, puis se résigne. La douleur et la peine pèsent sur ses épaules. Il secoue violemment la tête, refusant de laisser couler ses larmes, refusant d'avouer la souffrance qui le vrille à chaque mouvement.
Et repose sa question.
« Pourquoi as-tu hésité ? »
Et pour la première fois de ma vie, j'ouvre mon coeur, je lui raconte ma vie, l'impression d'être dans un carcan dont je ne peux me défaire, l'impression de devoir suivre ma famille, l'envie de tout abandonner et ce corps qui ne m'obéit pas. Et ces derniers instants où la douceur de son regard m'a donné la force de me battre contre ce moi-même qui réagit comme une marionnette obéissante. Trop tard malheureusement.
Harry m'a écouté sans rien dire, me soutenant de son regard bienveillant. Alors que le silence s'installe, il touche ma joue dans une caresse furtive avant de détourner les yeux. Je ne sais plus quoi faire. Alors j'attends. Longtemps. L'observant s'allonger doucement, observant sa respiration se faire plus longue et régulière.
À ce moment là seulement, ma main vient à son tour s'approcher de sa joue brune et profiter de la douceur de sa peau. Mes lèvres prennent la place de mes doigts, embrassant doucement la courbe de son visage, puis je me laisse à mon tour gagner par le sommeil.
Je me réveille une nouvelle fois après Potter. Il est adossé à un arbre et regarde devant lui, les yeux vides. Le soleil joue dans ses cheveux, les rendant encore plus brillants. Comme s'il avait deviné mon réveil, il se tourne vers moi, m'examinant en silence. Ce regard fixe me trouble. Je ressens la nudité de mon torse. Ses yeux me brûlent. Il ne s'en rend même pas compte.
Mon naïf Harry.
Il s'est détourné de moi. Je ne sais pas comment réagir. Il n'a rien dit depuis ma confession d'hier. M'a-t-il cru ? A-t-il été touché ?
Pour échapper au sentiment de malaise qui m'étreint, je décide d'aller me baigner à la rivière. À mon retour une bonne heure après, Harry est en train de batailler avec un morceau de ma chemise et quelques bouts de bois; il essaie de se faire une attelle.
Je culpabilise un peu: au lieu de le soigner, j'ai préféré traînasser dans l'eau.
Je m'approche doucement.
« Tu as besoin d'aide ? »
Il me fixe quelques instants puis hoche la tête. Sans parole supplémentaire, je lui immobilise la main et soigne ses blessures. Il a beau retenir ses grimaces, je vois bien qu'il souffre.
Courageux griffondor.
Une fois fini, je n'ai pas la force de m'éloigner. Il m'attire comme le miel attire les abeilles.
Je m'assois à ses côtés.
J'attends.
« Combien de temps cela va-t-il durer ? »
Entendre sa voix me soulage. Elle est toujours aussi rauque, comme blessée. Elle disparaît par moment pour revenir encore plus éraillée.
« Une semaine. Après, on est sensé revenir au château.
- Une semaine... Que va-t-on retrouver là-bas ? »
Il se tourne vers moi et me regarde longtemps.
« Je ne te comprends pas Malfoy. Si seulement tu faisais ça par conviction, je pourrais accepter, te haïr. Mais là... Tu souffres, tu détestes ce que tu fais, et pourtant, tu continues. Tu sais pourtant que si tu avais voulu, Dumbledore t'aurait protégé de ta famille.
- Je le sais. Je suis méprisable, Harry. Je suis lâche. Un couard. Si seulement je pouvais avoir ne serait-ce que le dixième de ton courage. »
Un léger sourire vient fleurir sur ses lèvres.
« C'est étrange de t'entendre m'appeler Harry. Attention, notre confinement dans l'île va te dénaturer ! »
Sa voix est pleine de sourires. Mais je baisse les yeux, gêné. Je l'ai tellement appelé par son prénom lorsque j'étais seul, savourant la douceur de ce simple mot roulant dans ma gorge. Espérant le jour où je murmurerai son prénom en caressant ses cheveux.
Profiter de ces instants.
Je relève les yeux vers lui et lui rends un timide sourire. Le sien s'élargit. Une trêve est conclue.
Les jours passent. Je me confie un peu plus à lui.
Lui m'écoute. Il ne dit pas grand chose. Je n'ose pas l'interroger sur sa vie. Je n'en ai pas le droit.
Petit à petit, il me sourit. Sourires taquin, doux, tendre, ou ironique, chacun d'entre eux a sa propre saveur.
Et je lui rends.
Moi, Draco Malfoy au masque glacial, je lui souris d'un air sincère. Je lui dédie les sourires que je n'ai jamais donnés mise à part à ma mère.
Je bois chacun de ses sourires, je me délecte de chacune de ses paroles, je grave dans ma mémoire ses traits fins, l'éclat de ses yeux, le pli de ses cheveux volant au vent.
Qui aurait pu croire ça de moi ? Même Harry ne se doute pas un seul instant de toutes les émotions qui me traversent lorsqu'il me regarde, la tête penchée, un doux sourire aux lèvres.
Nous profitons tous les deux de ces instants.
Je profite de ces moments de paix et de bonheur, seul avec lui, son attention tournée exclusivement vers moi.
Lui profite de ces instants de répits entre nous. Il ne veut sûrement pas rajouter à sa peine et son désarroi un conflit avec moi. Il ne comprend pas mon changement d'attitude vis à vis de lui. Il met peut-être ça sur le compte de ma culpabilité.
Je l'aperçois quelquefois qui m'observe à la dérobée, un air hésitant sur le visage, comme s'il essayait de me jauger. Dans ces cas là, j'aimerais tellement savoir ce qu'il pense.
Ses blessures se referment doucement, mais il se tient difficilement sur sa jambe droite et son poignet le fait beaucoup souffrir. Il ne m'en dit rien, mais je vois son visage crispé lorsqu'il bouge son bras.
Les jours passent tellement vite. Qu'est ce qu'une semaine lorsque l'on sait que c'est la seule de sa vie qui nous marquera, quand on sait qu'après, la haine reprendra sa place entre nous.
Et voici le dernier jour.
Harry est encore réveillé avant moi.
Par moment, je me demande comment il arrive à tenir en dormant si peu. Je crois qu'il a peur de faire des cauchemars. Il s'est réveillé une fois en sueur, ses gémissements m'avaient réveillé. Il était hagard, perdu. Ses yeux reflétaient une douleur immense.
Je l'avais doucement pris dans mes bras et il s'y était agrippé comme un enfant, les sanglots secouant son corps fiévreux.
Je me suis senti coupable d'aimer son corps contre le mien, d'aimer ces cauchemars qui m'avaient permis de le serrer contre moi.
Instant si bref mais tellement jouissif.
Je le regarde discrètement à travers mes paupières mi-closes. Son visage est crispé. Lui aussi craint le retour à Poudlard, mais pas pour les mêmes raisons que moi.
Comme tous les matins, ses yeux se tournent vers moi, comme s'il sentait mon regard posé sur lui. Puis il se détourne à nouveau et le silence s'installe, un silence pesant, lourd.
Je me redresse et m'adosse au grand chêne. Ses yeux reviennent se poser sur moi, pleins de doutes et de détresse. Sa voix, toujours aussi rauque, n'est plus qu'un murmure lorsqu'il s'adresse à moi.
« J'ai peur Draco. »
Que répondre à ça ? J'ai tellement envie de le serrer, de le bercer, mais je n'ose pas. Je ne l'ai plus approché depuis son cauchemar.
Alors je fais ce que je sais faire le mieux : baisser les yeux.
Il pousse un long soupir et se détourne.
Non, Harry, ne me laisse pas, ne t'éloigne pas. Je souffre aussi, mais je ne sais pas le dire. J'ai besoin de toi Harry. Je veux profiter de cette dernière journée. Avec toi.
Je dois faire un effort, je dois trouver l'once de courage qui s'est perdue en moi pour le retenir un peu.
« Harry... »
Ma voix me ferait presque peur. Faible, à peine audible, elle s'est faite supplique.
Ses yeux émeraudes se posent sur moi, interrogatifs. Je ne sais pas ce qu'il a vu sur mon visage, mais son regard se fait plus doux.
« Toi aussi tu as peur Draco.
- Je suis désolé Harry, tellement désolé. Tout ce qui t'arrive est ma faute. Tout ce que tu vas trouver là-bas, tout ce que tu vas vivre, toute cette souffrance. Tout est de ma faute. »
Sa main s'approche de ma joue et la caresse doucement.
« Toi aussi tu souffres Draco. Tu crois que j'aurais fait quoi à ta place ? J'avais le beau rôle, j'étais le survivant qui se devait de se battre contre Voldemort, mon destin était tracé. Je n'avais pas de choix à faire. Alors que toi, tu devais te battre contre des générations de Malfoy embrigadés dans les forces du mal.
- Je n'ai même pas essayé Harry ! Et toi, tu pouvais fuir, abandonner ces responsabilités, être un sorcier normal, mais tu t'es battu dès ton arrivé à Poudlard contre le Lord Noir. Ne minimise pas ton courage Harry. C'est ta force. »
Il me regarde en silence, ses beaux yeux voilés. Il a mal pour moi. Moi qui ai passé toutes ces dernières années à le faire souffrir, à chercher les mots qui blessent.
Tu devrais me rejeter Harry. Me laisser souffrir à mon tour. Me mépriser, toi qui ne sais pas haïr, sauf peut-être le Seigneur des Ténèbres. Au lieu de ça, tu partages ma peine, tu souffres avec moi. Si tu pouvais échanger ta place contre la mienne, je crois que tu le ferais.
Mon griffondor, mon ange, tu n'as pas ta place dans ce monde.
La journée se passe lentement. Mais aussi tellement vite. Le silence l'a meublée presque entièrement. L'angoisse monte lentement alors que le ciel devient violine, un rappel de la potion qui nous a emmené là.
Je me tourne brutalement vers Harry, cherchant quelque réconfort dans ses grands yeux.
Il se rapproche de moi et me prend doucement dans ses bras, me murmurant des paroles de réconfort. Je crois qu'il cherche aussi à se rassurer lui-même.
Je profite de ses bras autour de moi, de son parfum musqué, de la douceur de ses cheveux sur ma joue.
Et je me lance. Je m'écarte un peu de lui et lui caresse tendrement la joue. Un air surpris éclaire ses yeux verts. Il ne comprend pas. Il ne veut pas comprendre. Il se recule pourtant légèrement, un peu anxieux. Ma main est restée posée sur sa peau douce.
Ma voix n'est plus qu'un bruissement.
« Je t'aime Harry. Je t'aime plus que tout. »
Il garde ses distances, évalue ma sincérité. Prépare sa réponse. D'un doigt sur ses lèvres, je le fais taire.
« Chut, ne dis rien. Je n'attends pas de réponse. Je voudrais... Je voudrais... Juste un baiser. Un seul. Comme un geste d'adieu. Comme un pardon. »
Ses yeux se sont écarquillés. Il me regarde comme si j'étais fou. Et balbutie des excuses emmêlées, des explications confuses, finit par se taire en baissant les yeux.
Je murmure son nom. Il pose à nouveau son regard lumineux vers moi. Mon visage est baigné de larmes. Les larmes que lui seul peut faire couler.
« Je t'en prie Harry, j'ai besoin de la pureté de tes lèvres juste une fois sur moi; pour laver un peu mes péchés, pour supporter la suite... »
Nos yeux restent un instant soudés, le désespoir des yeux aciers contre l'incertitude des yeux de jade. C'est moi qui baisse les miens. Mes barrières se sont toutes effondrées. Mon coeur et mon âme se sont fragmentés en mille morceaux épars.
« Pardon Harry. Pardon. Je n'ai pas le droit de te demander ça. Pardonne moi. Je suis stupide. Un pleutre stupide. »
Des doigts fins soulèvent mon menton, me forçant à rencontrer le regard malachite1. Ses yeux sont remplis de larmes qui les font étinceler. Il me regarde d'un air tellement doux qu'à cet instant, je me serais damné pour le sauver.
Sa main vient se poser sur la courbe de mon visage. Sa tête s'approche doucement de la mienne.
Ma respiration se bloque. Je sens mon sang palpiter contre mes tempes. J'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes pieds, m'obligeant à fermer les yeux.
Délicatement, il pose ses lèvres fraîches sur les miennes, douces comme du velours. Mon esprit se vide, mon corps perd le contrôle. Je ne ressens plus que la chaleur de sa main et la caresse de ses lèvres. Je reçois ce qu'il me donne sans chercher à en prendre plus.
Déjà il s'éloigne de moi. Je respire longuement avant d'ouvrir les yeux.
Ce moment sera à jamais gravé en moi, marqué profondément dans mon coeur. Vil serpent touché par la grâce d'un ange.
Le paysage autour de nous se brouille. Je m'accroche aux émeraudes, je resserre mes mains autour des bras brunis. Je me sens attiré dans un gouffre. Un hurlement inaudible résonne dans ma tête.
C'est la fin. Je sens déjà les fils se tendre sur mes membres de poupée.
1Pierre verte parfois veinée de blanc employée en bijouterie et en ébénisterie pour des placages ou des plateaux de meubles
