Cynthia passait un réveillon de Noël, très éprouvant, entre les membres de sa famille qui voulaient tous savoir pourquoi James n'était pas présent à la fête, et sa mère qui était froide comme un glaçon ; avec elle du moins. Au pire moment de la soirée - après que sa tante lui ait demandée quand elle et James se fianceraient et que Lilian avait brusquement annoncée à tous ceux présents que c'était terminé entre Cynthia et James – la jeune femme n'eut qu'une seule envie : courir s'enfermer dans sa chambre. Mais elle résista. David remarquant son désarroi mit la main sur la sienne et sa sœur sursauta.

« Ça va aller ? » murmura t'il.

Cynthia hocha la tête.

« Ils auraient intérêt à se mêler de ce qui les regarde » laissa t'il échapper.

Cyn lui sourit reconnaissante. En voilà un qui avait plus de bon sens, que la plupart des gens réunis dans cette pièce, ce soir…

« Tu es le premier membre de la famille à qui je vais présenter John, ça c'est sûr » lança t'elle.

« Ton nouveau petit ami s'appelle John ? »

« Non. John c'est un autre de mes prétendants. »

Devant le regard éberlué de son frère, elle pouffa de rire et lança :

« Mais non voyons ! »

David sourit.

« C'est plus normal comme ça. Je sais que tu as du succès, mais quand même… »

La jeune femme rougit.

« Je n'ai pas de succès avec les garçons, je… »

Elle s'interrompit brutalement, sentant le regard de sa mère qui était assise plus loin, se poser sur elle. David le vit aussi et il baissa le ton.

« Et ton John, il va plaire à maman ? » demanda t'il.

« Non » fit Cynthia catégorique.

Elle et son frère échangèrent un regard et éclatèrent de rire. Le champagne y était sans doute pour beaucoup. Ils riaient un peu trop bruyamment au goût de leur mère, qui leur jeta un regard sévère.

« Qu'elle aille au diable » pensa Cynthia.

Non, elle n'aimerait pas du tout John, elle le détesterait même. Mais quelle importance ? Décidément, le champagne avait bien des effets positifs…

Le lendemain après-midi, Cynthia ne tenait plus en place. Elle était nerveuse à propos de la soirée chez Paul. Et si les amis de John ne l'aimaient pas ? Elle avait peur de se sentir un peu de trop et espérait fortement que John n'était pas le genre de garçon à se détourner complètement de sa copine lorsqu'il était avec ses potes.

Elle essaya de penser à autre chose et pour se changer les idées, elle ouvrit un bouquin de John Fante. Elle était concentrée dans sa lecture, lorsque Phyllis apparut devant elle. Justin lui avait ouvert.

« Salut ».

Cynthia eut un sursaut de surprise et en laissa presque tomber son livre.

« Phyl ! Tu m'as fait peur ! »

« Serait-ce que tu as quelque chose à te reprocher ? » demanda son amie d'un ton moqueur.

Cynthia fut rassurée de voir que le froid qui s'était produit hier entre elles était maintenant disparu.

« Il se trouve que oui. »

« Hum… John encore ? »

« Pourquoi encore ? »

« Eh bien, parce qu'il t'a mis dans des situations assez complexes depuis l'autre soir. »

« Non, correction, je me suis mise moi-même dans des situations complexes » corrigea sèchement Cynthia.

« Peu importe. Alors les derniers développements ? » voulut savoir Phyllis curieuse.

« Il m'a invitée à une fête chez Paul ce soir. »

« Paul ? » demanda Phyl.

« Un des gars de son groupe. Il est plus jeune que nous. »

« Et moi qui croyait qu'il était toujours aux basques de Stuart Sutcliffe. »

« John est très indépendant, alors je ne vois pas comment il pourrait toujours être aux basques de Stu. Ils sont très amis c'est tout. »

« Il est comment Stu » ? lâcha innocemment Phyllis.

« Pas mal. Il est sympa. Je ne le connais pas encore beaucoup, mais on s'entend plutôt bien. »

« Fais gaffe. J'ai entendue dire que John était très jaloux. »

Cynthia lui décocha un regard sombre.

« Je t'ai seulement dit que je trouvais Stu sympa. »

« Peut-être bien que John lui l'interprèterait autrement » avoua Phyllis.

Cynthia soupira et d'un geste agacé, elle plaça une mèche de cheveux, derrière son oreille.

« Bon sang Phyl, John n'est pas si terrible que ça. Tu ne le connais pas encore beaucoup, tu ne peux pas savoir. »

« Dans ce cas-là toi non plus » lança Phyl sans réfléchir.

Voyant le regard de Cynthia, elle le regretta aussitôt.

« Je n'ai pas besoin de le connaître depuis que je suis aux couches pour savoir que je l'aime ! » protesta violemment Cynthia.

Phyllis rougit.

« Excuse-moi. »

Son amie ne répondit pas et Phyl tenta de briser le silence oppressant.

« On doit arrêter de se prendre la tête à propos de John. Depuis quelques jours, on se chamaillent tout le temps. »

« Phyl, je n'y suis pour rien. Je fais ma part ok ? À toi de faire la tienne et d'arrêter de critiquer John. »

« Je ne veux juste pas qu'il te fasse du mal » avoua Phyllis.

« Ça n'arrivera pas. »

« Comment tu peux en être sûre ? »

« Oh bordel, je sais bien qu'on ne peut pas jurer qu'une relation amoureuse se déroulera sans heurts, mais merde, je sais – ne me demanda pas pourquoi, mais j'en ai la certitude, que John ne me fera pas du mal volontairement. »

Phyllis en doutait fort, mais elle se força à dire :

« D'accord. Je te crois. »

Lorsqu'elle alla rejoindre les garçons à l'appart de Stu, quelques heures plus tard, Cynthia était un peu anxieuse. Elle était plutôt réservée et appréhendait un peu de rencontrer les amis de John qu'elle ne connaissait pas encore. Mais elle tentait de se rassurer en se disant que tout s'était bien passé avec Paul et George.

Lorsqu'elle entra dans l'appart, John et Stu levèrent aussitôt les yeux vers elle.

« Salut ! » lança John en venant la retrouver.

Elle manqua buter contre la table qui se trouvait au milieu de la pièce. Elle n'était pas là avant.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? » demanda t'elle.

« Un cadeau de Noël de ma mère » l'informa Stu. « Ça faisait des mois qu'elle me répétait qu'il me fallait absolument une table et que ce n'était pas très sain de bouffer par terre » poursuivit-il sarcastique.

Cynthia pouffa de rire et fut arrêté par John qui l'embrassa tendrement un long moment. Trop long au goût de Stu, qui commença à se sentir de trop.

« Vous pourriez pas arrêter ça deux secondes ? » fit-il agacé.

« Arrêter quoi ? » demanda John en cessant d'embrasser Cynthia.

« Ça ! » répondit simplement Stu.

« Je crois que ça l'embête qu'on s'embrassent devant lui » traduit Cyn à John.

« Je n'ai pas dit ça… » essaya de se justifier Stu.

« Désolée, si ça te mets mal à l'aise » s'excusa Cynthia. « On ne recommencera plus » continua t'elle.

« Quoi ? » rétorqua vivement John.

Cynthia lui sourit.

« Pas de scène s'il te plaît. On est chez Stu après tout. »

« Et peut-être bientôt chez moi aussi » dit-il en échangeant un sourire avec son meilleur ami.

« Comment ça ? » voulut savoir Cynthia.

« Je vais peut-être venir habiter ici » lui annonça John.

« Vraiment ? »

John hocha vigoureusement la tête.

Cynthia fit rapidement le tour de la pièce des yeux.

« Pas mal, mais un peu petit non ? »

« On se tassera » répondit John.

« Tu as dit que tu viendrais peut-être habiter ici ? » lança tout à coup Stu.

« Euh, ouais » dit John se demandant où il voulait en venir.

« J'ai obtenu un peut-être de John Lennon ? » s'écria le garçon feignant l'incrédulité.

« Tu as obtenu un peut-être de John Lennon » répéta ce dernier amusé.

« C'est si rare que ça ? » demanda Cynthia en se tournant vers Stu.

« Oui malheureusement. Tu l'apprendras bien assez vite. »

« Pas avec elle » s'en mêla John. « Elle a beaucoup plus de charme que toi » se moqua t'il à son ami. »

« Je discuterai pas. »

Cynthia rougit.

« Qui est-ce qu'il va y avoir chez Paul ? » posa t'elle pour changer de sujet.

« Tout le monde » répondit évasivement John.

« Mais encore ? »

« Paul et George évidemment, plus Ivan et Pete que tu connais déjà… et voyons voir Geoff et une amie de Paul. »

« Et le plus important, nous ! » renchérit Stu.

« Je croyais que t'étais le roi de la modestie » le taquina Cynthia.

« On a tous des petits secrets. »

« Vous êtes prêts à partir ? » demanda John coupant court à leurs moqueries.

Cynthia et Stu approuvèrent. Cynthia se sentait moins nerveuse que tout à l'heure. Après tout, même si elle ne s'entendait pas bien avec les autres amis de John, au moins elle s'entendait très bien avec le plus important de tous pour John ; Stu.