Petit premier chapitre, les autres sont plus longs c'est promis !

Bonne lecture !


Lan Zhan connait par cœur son service d'Urgence. À son arrivée à la tête du service il y a deux ans, il avait pris le temps de faire le tour des lieux dans les moindres recoins. Il avait dressé une liste des points positifs, des améliorations à apporter et des points négatifs à reprendre de zéro. Le travail de sa prédécesseure avait été conséquent, mais il y avait encore tellement à faire. Lan Zhan avait fait des demandes de changements, bataillé pour obtenir les subventions nécessaires, convaincu le conseil d'administration et obtenu gain de cause. Depuis quelques semaines, le service des Urgences-Traumatologie fonctionnait au meilleur de ses capacités, dans un environnement optimisé et moderne pour accueillir au mieux les patients et leurs proches qui arrivaient paniqués, angoissés, perdus. Il avait fait en sorte que les rideaux qui séparaient les box de consultations soient remplacés par des murs qui garantissaient plus d'intimité et de confidentialité, les 8 salles de traumatologie qui accueillaient les cas les plus graves avaient été entièrement repensées et remises à neuves, le mobilier vieillissant avait également été remplacés avec des meubles modernes et sobres, même la salle de pause usée par le temps avait aussi eu le droit à un coup de neuf. Les travaux avaient pris plusieurs mois mais les équipes appréciaient leur nouvel environnement de travail, allégeant quelque peu le stress engendré par les heures passées dans un centre de traumatologie de niveau 1.

En effet, cette certification est venue accompagnée le nouveau service d'Urgence, la Direction argumentant que l'hôpital était à la pointe de la technologie, avec des professionnels réputés et spécialisés. On retrouvait ainsi différents services fonctionnant aux meilleurs de leurs capacités comme la médecine d'urgence, la chirurgie traumatologique, les soins intensifs, la neurochirurgie, l'anesthésiologie, la radiologie, sans compter le réputé service de pédiatrie et la grande variété d'équipement chirurgicaux et de diagnostiques disponibles entre les murs de l'établissement. Il n'était donc pas rare de voir des personnes en état critique à la suite de blessures traumatiques majeures telles que des chutes, des accidents impliquants des véhicules ou des blessures par balles franchir les portes les portes automatiques. Les urgences vitales côtoient donc les cas plus « légers » : entorse, fracture, calcul rénal, grippe, plaie, malaise, etc. Tous ceci sous la responsabilité du Dr Lan Wangji, Lan Zhan, pour les plus proches, chef du service de Chirurgie Traumatologique. Pour simplifier, il passe le plus clair de son temps aux Urgences, veillant d'un œil sur les internes, répondant aux questions du personnel infirmier, se rendant disponible pour traiter n'importe quel patient poussant la porte du service, s'y déplaçant en autonomie ou amener par les secours, dans les box, les salles de trauma ou les salles d'opération.

Le Dr Lan était très apprécié de son équipe et respecté par ses pairs. L'homme au milieu de sa trentaine était un chirurgien réputé, efficace, droit et juste. À son arrivée, si certains craignaient qu'il s'effondre sous la pression de la position de Chef, il a vite prouvé, malgré lui, aux mauvaises langues qu'il était digne de ce qu'on racontait de lui. Chaque patient, chaque cas, chaque famille avait son importance et méritait une prise en charge de qualité.

Le personnel infirmier avait été le premier à se méfier du changement de Chef. Les chirurgiens n'étant spécialement réputés pour leur sympathie et leur considération pour le « petit personnel », ils avaient été surpris par le Dr Lan, qui avait appris à les connaitre. Ils sont aujourd'hui les premiers à le défendre quand ils entendent de mauvais commentaires sur leur Chef, même s'ils savent que l'homme ne prêtait pas attention aux commérages. Il n'écoutait pas ce que les gens pensaient de lui ou des autres. Ce qui l'importait était ses patients, son équipe au meilleur sa forme et son service. Son arrivée est également accompagnée de nombreux regards insistants, de chuchotements sur son passage, de salles d'observations plus remplies qu'à la normale lors de ses interventions. Il le voyait, il le sentait. Il était décrit comme grand, se tenant toujours avec une posture parfaite, droite, un corps délicatement musclé, des yeux marrons profonds avec une touche d'or, de longs cheveux bruns et épais attachés en queue de cheval haute descendant sous ses omoplates. Il n'avait qu'un mot à dire pour mettre à ses pieds les trois quarts du personnel féminins de l'hôpital et un quart du personnel masculin, sans aucun doute.

Mais il n'était pas réellement intéressé par le fait de plaire. Il estimait que son corps attirait l'œil, son physique. Mais rare est le personnel le connaissant vraiment pour qui il était, et non seulement quelques anecdotes sur sa vie. Il était difficile de rentrer dans son cercle proche, plaçant lui-même une barrière très importante comme frontière entre les informations qui pouvaient être partagées au travail et avec qui, ou non. Ainsi, une seule personne avait vraiment plus intégré la vie de Lan Zhan. Si elle feignait l'indifférence quand on lui en faisait la remarque, au fond, elle chérissait plus que tout le lien étroit qui s'était créé avec celui qu'elle se plaisait à appeler son ami.

Lan Zhan se rendait aux Urgences après l'annonce sur son biper de l'arrivée de plusieurs traumas graves. Il était de garde aujourd'hui. Il se trouvait entre les murs de l'hôpital depuis 8h ce matin, il était actuellement 19h et sa garde de nuit avait commencé il y a 30 minutes. Il sortait d'une opération simple qu'il avait pu confier en partie à l'un de ses résidents. Il aimait enseigner et avait parfaitement trouvé sa place dans cet hôpital universitaire. Lorsqu'il a franchi les portes du service, c'était déjà l'effervescence. Il fut briefé par l'un des internes.

— Un camion a percuté une voiture à une intersection. Il y a eu un suraccident. Au total 6 voitures sont impliquées, 10 adultes et 3 enfants arrivent avec les secours. Blessés légers et pronostiques engagés pour 2 adultes et l'un des enfants.

— Bien. Bipper la pédiatrie. Le Dr Wei est de garde, le résident de son service va l'aider. Vous, vous restez avec moi et le Dr Kelley sur les adultes, elle aura également un résident. Soyez efficace, nous n'avons pas de temps à perdre.

Puis il parla à l'ensemble du personnel d'une voix ferme, qui ne laissait pas de place à la négociation.

— Les internes prennent en charge les blessés plus légers. Si vous avez besoin, des résidents sont là pour vous seconder. N'hésitez pas à demander des consultations, validez les demandes avec les résidents ou le personnel infirmier si vous avez des doutes. Je prends en charge les adultes critiques avec le Dr Kelley dans les salles de trauma 1 et 3. Si on appelle votre nom, vous ne posez pas de question et vous venez. Le Dr Wei va prendre en charge l'urgence vitale avec l'enfant en priorité en trauma 5. D'autres chirurgiens de différentes spécialités sont aussi de garde et d'astreinte alors appelez-les au moindre doute. Ne vous précipitez pas et gardez votre calme. Il va y avoir beaucoup de blessés et vous allez probablement gérer plusieurs personnes à la fois. N'oubliez pas, chaque patient est important.

Pendant qu'il parlait, il s'est habillé et un interne a noué le nœud de sa blouse. Il n'entend pas la personne arriver derrière lui, déjà tout habillée.

— Je suis chef de mon service et je ne suis pas certain de pouvoir faire de telles déclarations. Ce n'est vraiment pas juste Lan Zhan.

— Tu le peux, tu l'as déjà fait, répond Lan Zhan, maintenant face à son interlocuteur.

— Mensonge. Tu es vénéré ici, tu peux raconter n'importe quoi que les gens t'écoutent et font tout pour te plaire.

— Dis l'un des chirurgiens pédiatriques les plus réputés du pays.

— Lan Zhan ! Ne change pas de sujet.

— Wei Ying, un jour il faudra que tu acceptes qui tu es.

Ils se sont rendus à l'extérieur, dans la cour où arrivaient les ambulances, rejoint par quelques résidents et internes. Wei Ying prit alors le temps de glisser quelques mots à la foule d'apprentis médecins.

— N'oubliez pas, commença-t-il, les cas graves avec les enfants sont difficiles, parce que se sont de petites choses fragiles. Quand les proches arriveront, si vous ne savez pas quoi dire pour les aider, les rassurer ou les informer, ne dites rien. Ils ne se souviendront pas de leurs propres noms tant que leur enfant ne sera pas installé sain et sauf dans une chambre, alors ils n'ont pas besoin de médecins hésitants autour d'eux. Je ne veux pas à avoir à rattraper vos conneries, pas aujourd'hui.

Un long silence suivit sa déclaration, ponctué de quelques hochements de tête. Il entendit la voix basse de Lan Zhan lui glisser une réponse.

— Tu vois, tu sais le faire.

Il n'eut pas le temps de protester, plusieurs ambulances franchissaient déjà l'entrée de la cour, sirènes hurlantes. Lan Zhan s'avança de quelques pas, prêt à diriger les résidents et à se pousser si ce n'était pas une des urgences vitales. Le Dr Kelley le rejoignit rapidement, suivi par sa résidente. Les 3 premières ambulances concernaient des traumas légers, la quatrième transportait l'un des adultes au pronostique engagé, une femme. Elle fut prise en charge par l'équipe du Dr Kelley et amenée en trauma 1. L'ambulance suivante transportait le deuxième adulte en état critique. Quand l'ambulance s'ouvrit, une odeur de sang familière envahi l'espace de Lan Zhan. L'homme en était recouvert. Désincarcéré de sa voiture par les secours, il est le conducteur de la voiture qui s'est encastré dans le camion quelques secondes après la première collision. Lan Zhan ne réfléchit pas et se positionna immédiatement pour réceptionner le brancard et l'amener à l'intérieur. Il ne vit que du coin de l'œil deux autres ambulances arrivées et Wei Ying s'y précipiter.