Chapitre 11
David, qui essayait d'endormir son fils en le berçant doucement dans ses bras, guettait en même temps le retour de sa femme, de plus en plus inquiet. Il faisait les cent pas dans le petit appartement qui était celui de Mary-Margaret du temps de la malédiction et qu'elle partageait désormais avec son mari, leur fils, leur fille et leur petit-fils. Ils commençaient d'ailleurs à y être un peu à l'étroit tous les cinq…
Le prince baissa les yeux pour la énième fois vers la fenêtre la plus proche, parcourant du regard la rue en contrebas. Toujours aucun signe de Blanche…
Elle lui avait dit de ne pas l'appeler mais son instinct lui disait qu'il devait le faire. Mais lorsqu'il s'aperçut que Neal avait fini par s'endormir, il se dirigea vers le berceau du bébé.
Quelques secondes plus tard, Blanche apparaissait brusquement dans un volute de fumée violette, à quelques mètres seulement de son mari qui ne la vit pas se matérialiser au beau milieu du séjour.
La princesse, qui était toujours à genoux et le visage baigné de larmes, fut soulagée de voir que son époux lui tournait le dos. Elle en profita pour essuyer rapidement ses yeux et ses joues du dos de la main et essaya tant bien que mal de se donner une contenance tandis qu'elle se relevait.
Au même moment, le prince – qui n'avait pas encore remarqué la présence de son épouse – déposait délicatement son fils dans le joli berceau de bois que Gepetto avait fabriqué.
On ne pouvait rêver meilleur cadeau de naissance pour un bébé, songea Blanche, émue, tout en admirant une fois de plus les finitions parfaites du berceau, le croissant de lune délicatement taillé dans le bois à la tête du lit, ainsi que les minuscules étoiles autour de l'astre qui étaient tout aussi finement découpées.
Un sourire attendri s'était dessiné sur le visage de la princesse, à son insu. Mais il s'effaça subitement lorsqu'elle songea au premier cadeau de Gepetto, celui qu'il avait fabriqué à l'intention de Emma.
L'armoire magique qui avait séparé Blanche de sa fille pendant vingt-huit ans était sûrement le pire cadeau de naissance qu'on pouvait offrir à un parent, après le Sort Noir bien entendu…
Blanche-Neige ne put alors que repenser à toutes les méchancetés – ou plutôt vérités – que sa fille lui avait crachées au visage quelques minutes plus tôt.
Bien sûr, Emma avait toutes les raisons du monde de la détester, et elle ne pouvait lui en vouloir pour ça. Mais son cœur de maman avait été profondément blessé par les dures paroles de la Ténébreuse.
La princesse focalisa de nouveau son attention sur son époux, essayant de penser le moins possible à sa confrontation avec Emma. Mais les larmes se mirent à couler de plus belle tandis qu'elle regardait son mari se pencher sur le berceau pour caresser une des petites mains du nourrisson endormi, songeant avec un énorme nœud dans l'estomac que leur fille avait été privée de l'affection de ses parents durant toute son enfance.
Aucun câlin, aucune tendresse, aucun soutien pendant toutes ses jeunes années, et maintenant il était trop tard.
David, qui sembla tout à coup entendre les hurlements silencieux de sa femme, son désespoir muet mais assourdissant, se releva et se retourna lentement.
Il fut effrayé de la voir ainsi, les yeux rougis par les larmes, le regard éteint et le visage défait. La princesse était brisée.
- Blanche… laissa-t-il échapper avant de se précipiter vers son épouse.
Sans ajouter un mot, il la prit aussitôt dans ses bras et Blanche ne put s'empêcher d'éclater de nouveau en sanglots tout en serrant très fort celui qu'elle aimait.
OoO
Emma ouvrit les yeux, se demandant un bref instant, déboussolée, où elle se trouvait et pourquoi.
Les derniers événements lui revinrent alors en mémoire et la blonde sentit le rouge lui monter aux joues. Et elle rougit encore davantage quand elle réalisa où elle se trouvait…
Elle était dans la chambre de Madame le Maire. Pire encore, elle était dans son lit.
Comme si elle avait reçu une décharge électrique dans le dos, Emma se redressa brusquement dans le lit. A la fois confuse et stupéfaite, elle regarda tout autour d'elle. Elle vit alors qu'elle se trouvait dans un grand lit de deux places, confortablement installée entre de magnifiques draps en satin vert émeraude.
- Qu'est-ce que… commença Emma en s'apercevant qu'elle avait été délestée de sa combinaison de cuir noire et qu'elle portait à la place une nuisette en soie argentée.
Son chignon avait également été défait, et ses cheveux blonds tombaient librement sur ses épaules.
Emma sortit du lit précipitamment et essaya de ne pas imaginer les mains de Regina sur ses cheveux, défaisant son chignon, ses mains douces se promenant sur son corps tandis qu'elles le déshabillaient.
Mais le mal était fait…
La blonde secoua la tête. Elle se sentait incapable de croiser de nouveau le regard de Regina, pas après ce qu'il s'était passé dans les bois… Elle devait donc quitter les lieux au plus vite, avant le retour de la reine.
Mais au moment où ses doigts touchèrent la poignée de la porte, une barrière magique se matérialisa devant elle.
La magie du sang, devina Emma, qui pesta intérieurement.
Tandis qu'elle réfléchissait à un moyen de contrer la magie du sang, la Ténébreuse jeta un rapide regard circulaire.
Elle aperçut alors son ensemble de cuir posé avec soin sur une chaise, ainsi que des sous-vêtements propres de couleur noire, assortis à sa tenue.
Une fois de plus, Emma se sentit rougir.
Le souvenir des lèvres de Regina sur les siennes, de leur baiser passionné, vint alors la tourmenter. Elle revit le regard rempli de désir de la brune, les larmes dans ses yeux d'obsidienne. Elle sentit de nouveau la caresse de ses doigts fins sur ses bras, et ne put s'empêcher d'imaginer les doigts de Regina caressant d'autres parties de son corps…
Emma sentit les battements de son cœur s'accélérer, et une chaleur presque douloureuse envahir son bas-ventre malgré elle. Elle ferma les yeux un instant et déglutit.
La Ténébreuse, après avoir pris une profonde inspiration, rouvrit alors les yeux et se dirigea vers la porte de la salle de bains.
Elle ne pouvait pas réfléchir posément ni avoir les idées claires, certainement pas dans son état actuel. Une douche froide s'imposait…
OoO
Un peu plus tôt...
Revenue des bois avec une Emma très affaiblie, la reine était plus déterminée que jamais à trouver un moyen de sauver la Ténébreuse de la noirceur qui s'était emparée d'elle.
Elles s'étaient matérialisées dans la chambre de Regina et, avec une infinie douceur, cette dernière avait déposé dans son propre lit la jeune femme qui semblait dormir paisiblement.
Essayant de rester neutre et concentrée tandis qu'elle observait Mademoiselle Swan, la reine réalisa soudain que l'ensemble de cuir noir moulant de la Ténébreuse - bien que diablement sexy - n'était pas le vêtement le plus approprié pour une sieste…
D'un claquement de doigts, Regina fit alors disparaître la combinaison de cuir noire du corps de la blonde, instantanément remplacée par une de ses propres nuisettes, de couleur argent.
La brune esquissa un sourire satisfait.
Elle avait vu juste, Emma Swan avait à peu près les mêmes mensurations qu'elle. Et la nuisette argentée - qui serait bientôt sa préférée à n'en pas douter - lui allait à la perfection.
Puis la reine entreprit de détacher le chignon serré de la blonde, le plus délicatement possible. Enfin, après avoir pris soin d'arranger ses cheveux sur l'oreiller de manière à ce qu'ils ne la gênent pas, Regina remonta la couverture jusqu'aux épaules de Emma.
Là, elle serait bien.
Observant la jeune femme étendue au milieu de son grand lit dans la plus parfaite immobilité, la reine ne put s'empêcher de sourire, légèrement amusée; elle avait l'impression de contempler une nouvelle version de la Belle au Bois Dormant, bien plus magnifique que l'originale.
Et ce fut à cet instant précis que la solution lui apparut tout à coup comme une évidence.
Un baiser d'amour sincère.
L'amour était la forme de magie la plus puissante au monde, et Regina était persuadée qu'une fois encore le véritable amour pourrait triompher des ténèbres.
Mais tandis qu'elle déposait sur une chaise l'ensemble de cuir de Emma, plaçant juste à côté - pour quand elle se réveillerait - des sous-vêtements neufs de couleur sombre qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion de porter, la reine songea avec amertume que malgré le baiser passionné que Mademoiselle Swan et elle avaient échangé, la dague avait continué d'exercer son emprise maléfique sur la jeune femme...
Elle devait se rendre à l'évidence: elle n'était pas le véritable amour de Emma Swan. Elle ne pourrait pas lui rendre la pareille en la sauvant à son tour des ténèbres, comme la blonde l'avait fait pour elle.
Elle avait pourtant bien ressenti l'attirance de Emma à son égard. Mais cette attirance devait être le fait des ténèbres, elle ne voyait pas d'autre explication...
Les larmes se mirent alors à couler sur ses joues silencieusement tandis qu'elle contemplait de nouveau la Ténébreuse endormie.
Regina se sentait anéantie.
Les derniers événements avaient laissé une empreinte profonde et indélébile en elle, aussi bien dans son corps toujours consumé par un feu qui semblait ne jamais pouvoir s'éteindre, que dans son cœur qui semblait avoir été marqué au fer rouge par l'Amour en personne.
Mais elle savait que tout ce qui s'était passé avec Mademoiselle Swan n'était qu'une simple illusion, un mirage qu'elle se devait d'oublier pour son propre bien.
Crochet était celui dont Emma était éprise. Seul ce maudit pirate prétentieux pourrait sauver celle qu'elle aimait.
Regina soupira.
Après un dernier regard triste pour Emma, elle sortit de sa chambre, qu'elle verrouilla d'abord manuellement puis magiquement. Grâce à la magie du sang, personne ne pourrait entrer dans sa chambre ou en sortir tant que Regina elle-même n'aurait pas levé le bouclier magique.
La mine sombre, la reine quitta alors son manoir et arpenta les rues de Storybrooke en direction de l'appartement de Mary-Margaret.
Alors qu'elle approchait de sa destination, Regina regarda l'heure sur sa montre, et voyant qu'il était un peu plus de dix-sept heures, elle saisit son téléphone portable dans la poche de sa veste et, la vision un peu brouillée par ses larmes, composa tant bien que mal le numéro de Henry, qui venait probablement de sortir de son dernier cours de la journée.
- Allô Maman ? entendit-elle dans le combiné du téléphone.
La reine s'éclaircit la voix avant de répondre. Elle ne voulait pas que son fils comprenne qu'elle pleurait.
- Henry, peux-tu s'il-te-plaît me retrouver dans cinq minutes chez tes grands-parents ? J'ai à vous parler… Oui c'est à propos de ta mère… Non, ne t'inquiète pas, Emma va bien… Oui, à tout à l'heure mon chéri.
Juste après avoir raccroché, Regina s'isola dans une petite impasse déserte pour pleurer tout son soûl.
Elle était toujours déterminée à sauver celle qui passait son temps à sauver les autres, à sauver celle qui l'avait sauvée tant de fois.
Mais elle n'avait plus la force de souffrir encore. Toutes les fois où elle avait aimé, son cœur avait saigné.
Aussi décida-t-elle de l'arracher de sa poitrine une bonne fois pour toutes.
