Chapitre 12

La reine prit une profonde inspiration avant de plonger sa main au creux de sa poitrine, non sans esquisser une grimace de douleur. Elle en retira son cœur, qui irradiait une intense lumière rouge qui ne pouvait être que magique.

Regina, fascinée par son éclat semblable à celui d'un rubis, leva la main à hauteur de son visage pour mieux observer l'organe qui palpitait entre ses doigts. Elle y vit alors la noirceur qui le gangrenait depuis la sombre époque où elle avait été aux yeux de tous la Méchante Reine.

Les larmes se remirent à couler de plus belle sur son visage. Tandis qu'elle observait la noirceur qui était tapie tout au fond de son cœur, elle songea qu'elle n'aurait probablement jamais de fin heureuse. Et la méritait-elle seulement, après tout le mal qu'elle avait fait pendant tant d'années ?

- Regina ?

L'intéressée, surprise d'entendre son prénom, réprima un sursaut et se retourna pour savoir qui l'interpellait ainsi.

La dernière personne qu'elle aurait voulu voir à cet instant avançait vers elle d'un pas à la fois inquiet et déterminé.

Robin.

Celui-ci s'arrêta quand il fut à un mètre d'elle et les deux anciens amants se jaugèrent un moment du regard, silencieux.

- Ne fais pas ça Regina, lui dit alors le voleur avec une douceur dans la voix qui surprit la brune. Tu sais parfaitement que ce n'est pas la solution.

Robin se rapprocha un peu plus de celle qu'il aimait toujours, et après une brève hésitation, prit la main qui tenait le cœur palpitant dans la sienne.

- Remets donc ce cœur dans ta poitrine Regina. Si tu ne le fais pas pour toi-même, fais-le pour moi. S'il-te-plaît.

La reine, le visage baigné de larmes, se sentit plus misérable que jamais devant la tendresse de l'homme qu'elle avait trahi.

- Éloigner ta douleur ne la fera pas disparaître, poursuivit Robin. Et as-tu réellement envie de priver Henry de tout l'amour qu'il y a dans ce cœur ?

Regina sentit sa gorge se nouer à l'évocation de son fils. Il avait visé dans le mille. L'ultime argument de Robin acheva de la convaincre, et elle enfonça de nouveau son cœur à l'intérieur de sa poitrine. Une fois que l'organe eut retrouvé sa place habituelle, ses émotions furent plus intenses que jamais et elle éclata en sanglots, submergée par son chagrin.

Et quand Robin la prit tout à coup dans ses bras pour la serrer très fort contre lui, elle le laissa faire et pleura tout son soûl, la tête posée sur son épaule.

OoO

L'ancien voleur avait prétexté devoir rejoindre son fils Rolland pour une séance de tir à l'arc avec Petit-Jean. Cela était sûrement vrai mais Regina le soupçonnait surtout de vouloir s'éclipser au plus vite, et elle ne pouvait que le comprendre étant donné la situation entre elle et lui.

Dix minutes plus tard, elle se présenta donc seule à l'appartement des Charmant.

La reine se trouvait à présent assise à la table de leur cuisine, entourée de trois des membres de la famille Charmant; à savoir David et Blanche-Neige, et bien sûr, Henry.

- Où avez-vous conduit Emma ? demanda le prince à Regina tout en lui servant une tasse de thé. Et comment va-t-elle ? Je voudrais lui parler.

- Elle est... chez moi, répondit Regina tout en s'abstenant de préciser qu'elle avait installé la blonde dans son propre lit. Elle est retenue par la magie du sang le temps que je trouve un moyen de la libérer des ténèbres.

- Et tu crois qu'il y en a un ? questionna Henry, qui faisait tourner sa cuillère dans sa tasse de chocolat chaud à la cannelle, le regard empli d'espoir.

- Oui, je le crois Henry, déclara la reine en souriant à son fils assis juste à côté d'elle. Je pense même l'avoir déjà trouvé.

- De quoi s'agit-il ? demandèrent les trois autres d'une seule voix.

- Et bien, disons que le pirate manchot va pouvoir se rendre utile pour une fois...

- Un baiser d'amour véritable? comprit Blanche, un sourire se dessinant sur ses lèvres.

- Oui, c'est ça... Un baiser d'amour véritable, répéta Regina d'un air absent, juste avant de porter sa tasse de thé à ses lèvres.

Blanche l'observa avec attention, les sourcils froncés. La reine s'était montrée très évasive quand son mari et elle l'avaient interrogée concernant son altercation avec Emma, et Blanche avait deviné qu'elle leur cachait quelque chose, y compris à Henry, mais savait aussi que l'interroger ne mènerait à rien; Regina se fermerait comme une huître dans sa coquille.

« Vous les Charmant, vous n'avez jamais su voir plus loin que le bout de votre nez.»

Cette phrase n'arrêtait pas de se répéter encore et encore dans la tête de la princesse, telle un disque rayé. Voyant que Regina, devenue soudain silencieuse, gardait résolument les yeux baissés sur sa tasse de thé, elle repensa au Robin maussade qu'elle avait croisé en fin de matinée. La princesse était perplexe, elle réalisait que beaucoup de choses lui échappaient depuis que Emma avait laissé les ténèbres l'envahir pour sauver la vie de Regina.

Elle fut interrompue dans ses réflexions par les pleurs de Bébé Neal.

- Je pense que la couche a besoin d'être changée, dit-elle avant de se lever pour se diriger vers le berceau de son fils.

Regina, qui essayait de ne pas repenser à ce qui s'était passé avec Emma quelques heures plus tôt, et au fait que leur baiser ne l'avait pas sauvée des ténèbres, focalisa son attention sur les échanges soudain animés de Henry et de son grand-père. Charmant venait en effet de se lancer dans ce qui ressemblait fort à un débat sur les grands principes de la chevalerie, et Henry lui répondait en citant des passages de Star Wars.

La reine n'avait en effet aucune envie de fondre en larmes devant les deux autres, et encore moins d'avoir à leur expliquer ce qui la rendait aussi malheureuse, elle tamponna donc discrètement ses yeux à l'aide d'un mouchoir en papier et écouta son fils vanter à son grand-père les mérites du sabre laser, « nettement plus fun » selon lui qu'une épée classique.

La reine esquissa un sourire amusé . Henry ne pouvait décidément jamais s'empêcher de glisser deux ou trois références à Star Wars, quel que soit le sujet de la discussion.

Regina essayait de ne pas penser non plus au pirate, ni à son baiser qui sauverait Emma des ténèbres, alors que le sien avait lamentablement échoué. Elle termina sa tasse de thé en se disant qu'elle boirait bien quelque chose de plus fort pour ne plus penser à ses échecs et à sa frustration.

Mais une sensation aussi étrange que soudaine lui fit poser sa tasse brusquement, et elle ressentit tout à coup un besoin autrement plus urgent – et autrement plus inconvenant – que celui de boire de l'alcool...

Elle croisa ses jambes sous la table pour serrer davantage ses cuisses mais cela ne l'aida pas le moins du monde.

- Regina, tout va bien? s'enquit Blanche qui revenait s'asseoir en face d'elle avec bébé Neal dans les bras.

Celui-ci regardait la reine avec de grands yeux arrondis, semblant la mettre au défi de mentir à sa mère.

- Avez-vous... quelque chose contre la migraine? improvisa Regina, qui se sentait plus mal à l'aise que jamais.

- Oui, dans la salle de bain, répondit la princesse. Voulez-vous que j'aille vous chercher un médicament?

- Non, ne vous dérangez pas pour moi, répondit Regina, le souffle court, tandis qu'elle sentait des mains invisibles lui caresser les seins. Je vais y aller moi-même, ajouta-t-elle en se levant de sa chaise plus brusquement qu'elle l'aurait voulu.

- Maman, tout va bien? demanda Harry, qui observait sa mère avec inquiétude.

- Oui tout va bien, je crois que j'ai juste besoin de me rafraîchir un peu le visage.

Tandis qu'elle prononçait ces paroles, elle sentit les doigts invisibles qui se promenaient sur son corps titiller agréablement ses tétons et elle dut se mordre la lèvre inférieure pour ne pas laisser échapper un râle de plaisir.

Blanche lui indiqua la salle de bain et Regina, consciente du regard perplexe de la princesse braqué sur elle, s'y dirigea en essayant de faire abstraction de ses sensations physiques incongrues.

Une fois parvenue dans la salle de bain, elle s'y enferma à double tour, s'adossa à un mur les yeux fermés puis se laissa glisser doucement sur le sol. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait et les agréables sensations qu'elle éprouvait l'empêchaient de réfléchir posément. Les doigts invisibles continuaient de caresser les endroits les plus intimes de son anatomie, et Regina luttait pour ne pas basculer.

Nul doute qu'elle devait être sous l'emprise d'un sortilège très puissant, bien qu'elle n'aurait su dire lequel. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ne s'était jamais sentie aussi vulnérable ni aussi impuissante de toute sa vie. Son propre corps échappait à son contrôle et elle était totalement à la merci d'une force inconnue, invisible et redoutable.

Pourtant, elle aimait ce qu'elle ressentait, pire elle en redemandait...

Merlin, que lui arrivait-il?